Jazz live
Publié le 9 Juil 2012

Jazz à Vienne, un festival du tonnerre !

La pluie à traversé l’hexagone.A Vienne les gouttes ont décidé de ne pas tirer le rideau et d’occuper les gradins. Le Théâtre Antique se décore alors de millier de tâches multicolores Soit autant de ponchos et capuchons siglés JAV jaunes bleus ou rouges qui s’imbibent simultanément d’averses de notes et de gouttes drues. De temps en temps le tonnerre s’invite aussi au concert. Cette année d’élections la pluie décidément ne fait ni claquettes ni dans la dentelle. Elle tombe comme comme misère humide sur le pauvre monde du public viennois toujours stoïque malgré tout, et fidèle au delà du raisonnable sur les gradins de pierres antiques…

 

 Jazz à Vienne, 5 et 6 juillet, Pat Metheny Unity Band, Tigran Hamasyan trio, Eddy Louiss/Richard Galliano quartet, Aldo Romano/Enrico Rava Inner Smile, Bigre, Lars Danielson quartet, Guillaume Perret Electric Epic

 

Voilà bien un orchestre qui fonctionne à plein régime. Dans l’exposition comme l’enchaînement des thèmes, l’intensité soutenue du discours musical, le choix et l’utilisation des solistes. À ce niveau Pat Metheny à trouvè un véritable alter ego en la personne de Chris Potter, soliste inspiré et sachant varier les registres du ténor à la clarinette basse en passant par la flute. Et comme il sied à tout bon concert le sommet d’intensité coïncide avec le solo…de batterie. On en a connu des tas d’exercices de style de ce type, là comme ailleurs, question qualité du plein (rarement) jusqu’au grand vide (souvent) camoufleur d’idées. Au prèsent la démonstration signée Antonio Sanchez se vit comme un sommet: degré d’invention maximal, diversité, cohérence dans l’utilisation des tambours comme dans la recherche des timbres et autres alliages sonores sans cesse enrichis. En comparaison les deux séquences où le guitariste choisit d’utiliser ses « machines » numériques (instruments divers déclenchés par les cordes de sa guitare et pilotés par ordinateur) s’avèrent un peu factices. Réponse du public à un plaisir collectif (ou individuel au besoin, témoin cette conclusion de Metheny sur un thème tout de sensibilité exécuté en solo à la guitare accoustique avec cordes nylon svp) de jouer: l’orchestre reviendra pour trois rappels successifs inscrits dans une nuit définitivement humidissime.

Connaissez-vous Bigre ? Cette question souvent entendue dans le backstage viennois, les spectateurs du Théâtre Antique ne se la posent plus désormais. Le jeune big band rhônalpin à réussi son examen de passage sur l’immense scène: une production très carrée, bien en place avec pour bonus une intéressante recherche de nuances dans les couleurs sonores affichées. Ce même soir Tigran Hamasyan choisit de jouer lui sur une matière compacte. Son trio répond au défi de l’immense enceinte viennoise par la puissance façon power trio : gros volume sonore de la paire rythmique, relances explosives incessantes, montées en tension qui se succèdent. Lorsque vient le moment d’apaisement à l’occasion d’une séquence vocale quasi polyphonique (chant traditionnel du folklore arménien entonné à capella puis pris en échos, réverbéré, boosté en boucles) lancée en solo dans la dimension du lieu, l’effet répétitif lui fait perdre alors de l’intérêt, de sa force. On peut préférer le toucher du pianiste arménien, la finesse, les trop rares moments d’échange purement émotionnels.

 Quel plaisir fout de même « quand le jazz est, quand le jazz est là » pour paraphraser Nougaro. Sur scène Enrico Rava se régalé à le jouer au premier sens du terme. Ça se voit comme une trompette au milieu de la figure, ça s’entend aussi, bien évidement. Un bonheur de l’instant n’ayons pas peur des mots, qui corrobore ses dires façon déclaration d’amour : »J’aime le jazz tout simplement. J’adore Amstrong aussi comme trompettiste très moderne à mon sens. Et puis j’ai par exemple chez moi tous les disques des sessions JATP, live ou studio sans exception » Bien jouer c »est aussi être bien entouré. À ce titre -à l’instar de leur remarquable travail auprès de Jacques Schwartz-Bart– la paire Trotignon Bramerie « elle assure » comme dit le slogan d’une pub radio à répétition multiple. Pianiste accompli, sur de son savoir faire, Baptiste T se montre à son avantage dans toutes les situations: au soutien mélodique, en accompagnement rythmique, dans le développement solo. Thomas Bramerie fait (très) bien le boulot dans le même registre. Et dans un tel contexte on l’imagine aisément, Aldo Romano est au plus juste dans la sonorité et la qualité du rythme.

Il est autour de minuit. La pluie et le vent conjugués trempent l’amphithéâtre romain d’une toge de pluie épaisse. Quelque peu replié par sécurité en fond de scène Eddy Louiss plus capitaine Nemo que nature trône derrière son orgue Hammond au beau milieu de son orchestre. Ses mélodies on croirait les avoirs toutes et toujours entendues, de Nougaro à Tauroque sa dernière œuvre. Pour couvrir les impacts des gouttes d’orage il lance autant de souffles que nécessaires, aussitôt récupérés à la volée dans les soufflets de l’accordéon de Galliano. Duo de mélodistes complices, faiseurs de notes complémentaires et avisés on les jurerait en recherche d’hymnes souples et carrés à la fois, comme autant de chansons simples ou d’air de tangos à danser sur place. Restent en arrière plan quelques traits de violoncelles qui peinent à imposer leur présence.

Réfugié au Théâtre,  Tigran H a changé de décor et retrouve par là même le plaisir de  mélodies dépouillées. Alors, par le savoir faire conjugué de Lars Danielsson (basse) et  John Paricelli (guitare très électrique et fort à propos dans cette nuit d’éclairs) sa virtuosité rythmique retrouve du naturel, donc du plaisir à partager. Au final d’une nuit très arrosée d’eau plate décidément en ce pays de merveilleuses cuvées de Côte du Rhône on aura le goût de trinquer tout de même à la santé insolente du jazz haute tension du bien nommé Electric Epic de Guillaume Perret. Jonction jazz et rock solidement soudés dans un arc électrique apte à allumer le public rajeuni du Jazz Mix.

Ainsi plongé dans la lumière artificielle, Jazz à Vienne peut attendre le soleil pour la suite…

 

Robert Latxague 

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La pluie à traversé l’hexagone.A Vienne les gouttes ont décidé de ne pas tirer le rideau et d’occuper les gradins. Le Théâtre Antique se décore alors de millier de tâches multicolores Soit autant de ponchos et capuchons siglés JAV jaunes bleus ou rouges qui s’imbibent simultanément d’averses de notes et de gouttes drues. De temps en temps le tonnerre s’invite aussi au concert. Cette année d’élections la pluie décidément ne fait ni claquettes ni dans la dentelle. Elle tombe comme comme misère humide sur le pauvre monde du public viennois toujours stoïque malgré tout, et fidèle au delà du raisonnable sur les gradins de pierres antiques…

 

 Jazz à Vienne, 5 et 6 juillet, Pat Metheny Unity Band, Tigran Hamasyan trio, Eddy Louiss/Richard Galliano quartet, Aldo Romano/Enrico Rava Inner Smile, Bigre, Lars Danielson quartet, Guillaume Perret Electric Epic

 

Voilà bien un orchestre qui fonctionne à plein régime. Dans l’exposition comme l’enchaînement des thèmes, l’intensité soutenue du discours musical, le choix et l’utilisation des solistes. À ce niveau Pat Metheny à trouvè un véritable alter ego en la personne de Chris Potter, soliste inspiré et sachant varier les registres du ténor à la clarinette basse en passant par la flute. Et comme il sied à tout bon concert le sommet d’intensité coïncide avec le solo…de batterie. On en a connu des tas d’exercices de style de ce type, là comme ailleurs, question qualité du plein (rarement) jusqu’au grand vide (souvent) camoufleur d’idées. Au prèsent la démonstration signée Antonio Sanchez se vit comme un sommet: degré d’invention maximal, diversité, cohérence dans l’utilisation des tambours comme dans la recherche des timbres et autres alliages sonores sans cesse enrichis. En comparaison les deux séquences où le guitariste choisit d’utiliser ses « machines » numériques (instruments divers déclenchés par les cordes de sa guitare et pilotés par ordinateur) s’avèrent un peu factices. Réponse du public à un plaisir collectif (ou individuel au besoin, témoin cette conclusion de Metheny sur un thème tout de sensibilité exécuté en solo à la guitare accoustique avec cordes nylon svp) de jouer: l’orchestre reviendra pour trois rappels successifs inscrits dans une nuit définitivement humidissime.

Connaissez-vous Bigre ? Cette question souvent entendue dans le backstage viennois, les spectateurs du Théâtre Antique ne se la posent plus désormais. Le jeune big band rhônalpin à réussi son examen de passage sur l’immense scène: une production très carrée, bien en place avec pour bonus une intéressante recherche de nuances dans les couleurs sonores affichées. Ce même soir Tigran Hamasyan choisit de jouer lui sur une matière compacte. Son trio répond au défi de l’immense enceinte viennoise par la puissance façon power trio : gros volume sonore de la paire rythmique, relances explosives incessantes, montées en tension qui se succèdent. Lorsque vient le moment d’apaisement à l’occasion d’une séquence vocale quasi polyphonique (chant traditionnel du folklore arménien entonné à capella puis pris en échos, réverbéré, boosté en boucles) lancée en solo dans la dimension du lieu, l’effet répétitif lui fait perdre alors de l’intérêt, de sa force. On peut préférer le toucher du pianiste arménien, la finesse, les trop rares moments d’échange purement émotionnels.

 Quel plaisir fout de même « quand le jazz est, quand le jazz est là » pour paraphraser Nougaro. Sur scène Enrico Rava se régalé à le jouer au premier sens du terme. Ça se voit comme une trompette au milieu de la figure, ça s’entend aussi, bien évidement. Un bonheur de l’instant n’ayons pas peur des mots, qui corrobore ses dires façon déclaration d’amour : »J’aime le jazz tout simplement. J’adore Amstrong aussi comme trompettiste très moderne à mon sens. Et puis j’ai par exemple chez moi tous les disques des sessions JATP, live ou studio sans exception » Bien jouer c »est aussi être bien entouré. À ce titre -à l’instar de leur remarquable travail auprès de Jacques Schwartz-Bart– la paire Trotignon Bramerie « elle assure » comme dit le slogan d’une pub radio à répétition multiple. Pianiste accompli, sur de son savoir faire, Baptiste T se montre à son avantage dans toutes les situations: au soutien mélodique, en accompagnement rythmique, dans le développement solo. Thomas Bramerie fait (très) bien le boulot dans le même registre. Et dans un tel contexte on l’imagine aisément, Aldo Romano est au plus juste dans la sonorité et la qualité du rythme.

Il est autour de minuit. La pluie et le vent conjugués trempent l’amphithéâtre romain d’une toge de pluie épaisse. Quelque peu replié par sécurité en fond de scène Eddy Louiss plus capitaine Nemo que nature trône derrière son orgue Hammond au beau milieu de son orchestre. Ses mélodies on croirait les avoirs toutes et toujours entendues, de Nougaro à Tauroque sa dernière œuvre. Pour couvrir les impacts des gouttes d’orage il lance autant de souffles que nécessaires, aussitôt récupérés à la volée dans les soufflets de l’accordéon de Galliano. Duo de mélodistes complices, faiseurs de notes complémentaires et avisés on les jurerait en recherche d’hymnes souples et carrés à la fois, comme autant de chansons simples ou d’air de tangos à danser sur place. Restent en arrière plan quelques traits de violoncelles qui peinent à imposer leur présence.

Réfugié au Théâtre,  Tigran H a changé de décor et retrouve par là même le plaisir de  mélodies dépouillées. Alors, par le savoir faire conjugué de Lars Danielsson (basse) et  John Paricelli (guitare très électrique et fort à propos dans cette nuit d’éclairs) sa virtuosité rythmique retrouve du naturel, donc du plaisir à partager. Au final d’une nuit très arrosée d’eau plate décidément en ce pays de merveilleuses cuvées de Côte du Rhône on aura le goût de trinquer tout de même à la santé insolente du jazz haute tension du bien nommé Electric Epic de Guillaume Perret. Jonction jazz et rock solidement soudés dans un arc électrique apte à allumer le public rajeuni du Jazz Mix.

Ainsi plongé dans la lumière artificielle, Jazz à Vienne peut attendre le soleil pour la suite…

 

Robert Latxague 

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La pluie à traversé l’hexagone.A Vienne les gouttes ont décidé de ne pas tirer le rideau et d’occuper les gradins. Le Théâtre Antique se décore alors de millier de tâches multicolores Soit autant de ponchos et capuchons siglés JAV jaunes bleus ou rouges qui s’imbibent simultanément d’averses de notes et de gouttes drues. De temps en temps le tonnerre s’invite aussi au concert. Cette année d’élections la pluie décidément ne fait ni claquettes ni dans la dentelle. Elle tombe comme comme misère humide sur le pauvre monde du public viennois toujours stoïque malgré tout, et fidèle au delà du raisonnable sur les gradins de pierres antiques…

 

 Jazz à Vienne, 5 et 6 juillet, Pat Metheny Unity Band, Tigran Hamasyan trio, Eddy Louiss/Richard Galliano quartet, Aldo Romano/Enrico Rava Inner Smile, Bigre, Lars Danielson quartet, Guillaume Perret Electric Epic

 

Voilà bien un orchestre qui fonctionne à plein régime. Dans l’exposition comme l’enchaînement des thèmes, l’intensité soutenue du discours musical, le choix et l’utilisation des solistes. À ce niveau Pat Metheny à trouvè un véritable alter ego en la personne de Chris Potter, soliste inspiré et sachant varier les registres du ténor à la clarinette basse en passant par la flute. Et comme il sied à tout bon concert le sommet d’intensité coïncide avec le solo…de batterie. On en a connu des tas d’exercices de style de ce type, là comme ailleurs, question qualité du plein (rarement) jusqu’au grand vide (souvent) camoufleur d’idées. Au prèsent la démonstration signée Antonio Sanchez se vit comme un sommet: degré d’invention maximal, diversité, cohérence dans l’utilisation des tambours comme dans la recherche des timbres et autres alliages sonores sans cesse enrichis. En comparaison les deux séquences où le guitariste choisit d’utiliser ses « machines » numériques (instruments divers déclenchés par les cordes de sa guitare et pilotés par ordinateur) s’avèrent un peu factices. Réponse du public à un plaisir collectif (ou individuel au besoin, témoin cette conclusion de Metheny sur un thème tout de sensibilité exécuté en solo à la guitare accoustique avec cordes nylon svp) de jouer: l’orchestre reviendra pour trois rappels successifs inscrits dans une nuit définitivement humidissime.

Connaissez-vous Bigre ? Cette question souvent entendue dans le backstage viennois, les spectateurs du Théâtre Antique ne se la posent plus désormais. Le jeune big band rhônalpin à réussi son examen de passage sur l’immense scène: une production très carrée, bien en place avec pour bonus une intéressante recherche de nuances dans les couleurs sonores affichées. Ce même soir Tigran Hamasyan choisit de jouer lui sur une matière compacte. Son trio répond au défi de l’immense enceinte viennoise par la puissance façon power trio : gros volume sonore de la paire rythmique, relances explosives incessantes, montées en tension qui se succèdent. Lorsque vient le moment d’apaisement à l’occasion d’une séquence vocale quasi polyphonique (chant traditionnel du folklore arménien entonné à capella puis pris en échos, réverbéré, boosté en boucles) lancée en solo dans la dimension du lieu, l’effet répétitif lui fait perdre alors de l’intérêt, de sa force. On peut préférer le toucher du pianiste arménien, la finesse, les trop rares moments d’échange purement émotionnels.

 Quel plaisir fout de même « quand le jazz est, quand le jazz est là » pour paraphraser Nougaro. Sur scène Enrico Rava se régalé à le jouer au premier sens du terme. Ça se voit comme une trompette au milieu de la figure, ça s’entend aussi, bien évidement. Un bonheur de l’instant n’ayons pas peur des mots, qui corrobore ses dires façon déclaration d’amour : »J’aime le jazz tout simplement. J’adore Amstrong aussi comme trompettiste très moderne à mon sens. Et puis j’ai par exemple chez moi tous les disques des sessions JATP, live ou studio sans exception » Bien jouer c »est aussi être bien entouré. À ce titre -à l’instar de leur remarquable travail auprès de Jacques Schwartz-Bart– la paire Trotignon Bramerie « elle assure » comme dit le slogan d’une pub radio à répétition multiple. Pianiste accompli, sur de son savoir faire, Baptiste T se montre à son avantage dans toutes les situations: au soutien mélodique, en accompagnement rythmique, dans le développement solo. Thomas Bramerie fait (très) bien le boulot dans le même registre. Et dans un tel contexte on l’imagine aisément, Aldo Romano est au plus juste dans la sonorité et la qualité du rythme.

Il est autour de minuit. La pluie et le vent conjugués trempent l’amphithéâtre romain d’une toge de pluie épaisse. Quelque peu replié par sécurité en fond de scène Eddy Louiss plus capitaine Nemo que nature trône derrière son orgue Hammond au beau milieu de son orchestre. Ses mélodies on croirait les avoirs toutes et toujours entendues, de Nougaro à Tauroque sa dernière œuvre. Pour couvrir les impacts des gouttes d’orage il lance autant de souffles que nécessaires, aussitôt récupérés à la volée dans les soufflets de l’accordéon de Galliano. Duo de mélodistes complices, faiseurs de notes complémentaires et avisés on les jurerait en recherche d’hymnes souples et carrés à la fois, comme autant de chansons simples ou d’air de tangos à danser sur place. Restent en arrière plan quelques traits de violoncelles qui peinent à imposer leur présence.

Réfugié au Théâtre,  Tigran H a changé de décor et retrouve par là même le plaisir de  mélodies dépouillées. Alors, par le savoir faire conjugué de Lars Danielsson (basse) et  John Paricelli (guitare très électrique et fort à propos dans cette nuit d’éclairs) sa virtuosité rythmique retrouve du naturel, donc du plaisir à partager. Au final d’une nuit très arrosée d’eau plate décidément en ce pays de merveilleuses cuvées de Côte du Rhône on aura le goût de trinquer tout de même à la santé insolente du jazz haute tension du bien nommé Electric Epic de Guillaume Perret. Jonction jazz et rock solidement soudés dans un arc électrique apte à allumer le public rajeuni du Jazz Mix.

Ainsi plongé dans la lumière artificielle, Jazz à Vienne peut attendre le soleil pour la suite…

 

Robert Latxague 

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La pluie à traversé l’hexagone.A Vienne les gouttes ont décidé de ne pas tirer le rideau et d’occuper les gradins. Le Théâtre Antique se décore alors de millier de tâches multicolores Soit autant de ponchos et capuchons siglés JAV jaunes bleus ou rouges qui s’imbibent simultanément d’averses de notes et de gouttes drues. De temps en temps le tonnerre s’invite aussi au concert. Cette année d’élections la pluie décidément ne fait ni claquettes ni dans la dentelle. Elle tombe comme comme misère humide sur le pauvre monde du public viennois toujours stoïque malgré tout, et fidèle au delà du raisonnable sur les gradins de pierres antiques…

 

 Jazz à Vienne, 5 et 6 juillet, Pat Metheny Unity Band, Tigran Hamasyan trio, Eddy Louiss/Richard Galliano quartet, Aldo Romano/Enrico Rava Inner Smile, Bigre, Lars Danielson quartet, Guillaume Perret Electric Epic

 

Voilà bien un orchestre qui fonctionne à plein régime. Dans l’exposition comme l’enchaînement des thèmes, l’intensité soutenue du discours musical, le choix et l’utilisation des solistes. À ce niveau Pat Metheny à trouvè un véritable alter ego en la personne de Chris Potter, soliste inspiré et sachant varier les registres du ténor à la clarinette basse en passant par la flute. Et comme il sied à tout bon concert le sommet d’intensité coïncide avec le solo…de batterie. On en a connu des tas d’exercices de style de ce type, là comme ailleurs, question qualité du plein (rarement) jusqu’au grand vide (souvent) camoufleur d’idées. Au prèsent la démonstration signée Antonio Sanchez se vit comme un sommet: degré d’invention maximal, diversité, cohérence dans l’utilisation des tambours comme dans la recherche des timbres et autres alliages sonores sans cesse enrichis. En comparaison les deux séquences où le guitariste choisit d’utiliser ses « machines » numériques (instruments divers déclenchés par les cordes de sa guitare et pilotés par ordinateur) s’avèrent un peu factices. Réponse du public à un plaisir collectif (ou individuel au besoin, témoin cette conclusion de Metheny sur un thème tout de sensibilité exécuté en solo à la guitare accoustique avec cordes nylon svp) de jouer: l’orchestre reviendra pour trois rappels successifs inscrits dans une nuit définitivement humidissime.

Connaissez-vous Bigre ? Cette question souvent entendue dans le backstage viennois, les spectateurs du Théâtre Antique ne se la posent plus désormais. Le jeune big band rhônalpin à réussi son examen de passage sur l’immense scène: une production très carrée, bien en place avec pour bonus une intéressante recherche de nuances dans les couleurs sonores affichées. Ce même soir Tigran Hamasyan choisit de jouer lui sur une matière compacte. Son trio répond au défi de l’immense enceinte viennoise par la puissance façon power trio : gros volume sonore de la paire rythmique, relances explosives incessantes, montées en tension qui se succèdent. Lorsque vient le moment d’apaisement à l’occasion d’une séquence vocale quasi polyphonique (chant traditionnel du folklore arménien entonné à capella puis pris en échos, réverbéré, boosté en boucles) lancée en solo dans la dimension du lieu, l’effet répétitif lui fait perdre alors de l’intérêt, de sa force. On peut préférer le toucher du pianiste arménien, la finesse, les trop rares moments d’échange purement émotionnels.

 Quel plaisir fout de même « quand le jazz est, quand le jazz est là » pour paraphraser Nougaro. Sur scène Enrico Rava se régalé à le jouer au premier sens du terme. Ça se voit comme une trompette au milieu de la figure, ça s’entend aussi, bien évidement. Un bonheur de l’instant n’ayons pas peur des mots, qui corrobore ses dires façon déclaration d’amour : »J’aime le jazz tout simplement. J’adore Amstrong aussi comme trompettiste très moderne à mon sens. Et puis j’ai par exemple chez moi tous les disques des sessions JATP, live ou studio sans exception » Bien jouer c »est aussi être bien entouré. À ce titre -à l’instar de leur remarquable travail auprès de Jacques Schwartz-Bart– la paire Trotignon Bramerie « elle assure » comme dit le slogan d’une pub radio à répétition multiple. Pianiste accompli, sur de son savoir faire, Baptiste T se montre à son avantage dans toutes les situations: au soutien mélodique, en accompagnement rythmique, dans le développement solo. Thomas Bramerie fait (très) bien le boulot dans le même registre. Et dans un tel contexte on l’imagine aisément, Aldo Romano est au plus juste dans la sonorité et la qualité du rythme.

Il est autour de minuit. La pluie et le vent conjugués trempent l’amphithéâtre romain d’une toge de pluie épaisse. Quelque peu replié par sécurité en fond de scène Eddy Louiss plus capitaine Nemo que nature trône derrière son orgue Hammond au beau milieu de son orchestre. Ses mélodies on croirait les avoirs toutes et toujours entendues, de Nougaro à Tauroque sa dernière œuvre. Pour couvrir les impacts des gouttes d’orage il lance autant de souffles que nécessaires, aussitôt récupérés à la volée dans les soufflets de l’accordéon de Galliano. Duo de mélodistes complices, faiseurs de notes complémentaires et avisés on les jurerait en recherche d’hymnes souples et carrés à la fois, comme autant de chansons simples ou d’air de tangos à danser sur place. Restent en arrière plan quelques traits de violoncelles qui peinent à imposer leur présence.

Réfugié au Théâtre,  Tigran H a changé de décor et retrouve par là même le plaisir de  mélodies dépouillées. Alors, par le savoir faire conjugué de Lars Danielsson (basse) et  John Paricelli (guitare très électrique et fort à propos dans cette nuit d’éclairs) sa virtuosité rythmique retrouve du naturel, donc du plaisir à partager. Au final d’une nuit très arrosée d’eau plate décidément en ce pays de merveilleuses cuvées de Côte du Rhône on aura le goût de trinquer tout de même à la santé insolente du jazz haute tension du bien nommé Electric Epic de Guillaume Perret. Jonction jazz et rock solidement soudés dans un arc électrique apte à allumer le public rajeuni du Jazz Mix.

Ainsi plongé dans la lumière artificielle, Jazz à Vienne peut attendre le soleil pour la suite…

 

Robert Latxague