Jazz live
Publié le 6 Août 2014

Jazz in Marciac. La pesanteur et la grâce

Tous les sportifs le savent : il n’est pas rare qu’une équipe donnée gagnante sur le papier perde le match sur le terrain. Autrement dit, pour reprendre la formule d’Alfred Lorzybski, inventeur de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire ». La soirée du 5 s’est chargée d’en apporter la démonstration.

 

Nichlas Payton « Sketches of Miles and Gil »

Nicholas Payton (tp, claviers, voc), Vicente Archer (b), Bill Stewart (dm) avec l’Ensemble instrumental de Gascogne dirigé par Bob Belden


Ahmad Jamal (p), Reginald Veal (b), Herlin Riley (dm), Manolo Badrenas (perc).


Chapiteau, 5 août.

 

J’en attendais, pour ma part, beaucoup, et sans doute n’étais-je pas le seul. Nicholas Payton m’avait séduit il y a quelques semaines, en Suisse, à Ascona, dans un programme où, associé à cinq autres trompettistes, il rendit un superbe hommage à Louis Armstrong. Un musicien en plaine maturité, doté d’un son bien à lui et d’une technique lui permettant les prises de risque les plus aventureuses. C’est dire que son interprétation des pièces de Miles me mettait par avance l’eau à la bouche. Espoir partagé,même si le chapireau ne connaît pas encore l’affluence des grands oirs (il se remplira par la suite, pour faire une ovation à Ahmad Jamal).

 

Pour en revenir à Payton, da,s quelle galère s’est-il (l’a-t-on) embarqué ? Revisiter le répertoire n’a, en soi, rien de rédhibitoire. Un Wynton Marsalis s’y emploie avec constance, depuis des lustres, et, ma foi, le résultat est presque toujours à la hauteur, qu’il s’approprie Monk ou Jelly Roll. C’est qu’il y ajoute sa touche personnelle. Son Wolverine Blues, son Milenberg Joys cessent d’être des compositions du pianiste néo-orléanais pour leui appartenir en propre. De même que Crepuscule With Nelly se diapre de teintes mardsalisiennes. Il est vrai qu’il dispose, avec le Linciln, de la Rolls Royce des big bands. Et que ses divers combos comptent parmi les meilleurs du moment.

 

Voilà ce que n’a pas réussi à réaliser Nicholas Payton. Imposer sa marque aux esquisses espagnoles de Miles et de Gil Evans. Non qu’il ait, en quelques semaines, perdu les qualités énumérés plus haut. On retrouve, fugitivement, le soliste fulgurant. Mais il jou aussi des claviers, déroulant d’interminables phrases. Il se hasarde même à chanter, et When I Fall In Love, la charmante bluette de Victor Young, se mue guimauve indigeste. Mais il y a pire, à savoir un grand orchestre d’une lourdeur pachydermique. Le Conxierto de Aranjez ne résiste pas à ce rouleau compresseur pour lequel le swing est manifestement une langue étrangère..Si la Saeta résiste mieux, c’est que son passage straight est bien exécuté. Ce sera le seul du concert. Mais enfin, surtout si on a dans l’oreille l’original, comment se contenter d’une aussi piètre copie ? Bien entendu, la qualité es musiciens de l’Ensemble Instrumental de Gascogne n’est nullement en cause. Ils participent seulement à une aventure pour laquelle ils ne sont pas faits et on se gardera de leur jeter la pierre.

 

Quant, la grosse machine congédiée, le trompettiste se retrouve en trio avec Vicente Archer et Bill Stewart, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. Un Stablemates calamiteux met vite fin à ces illusions.. Peut-être parce que Bill Syewart, gagné par la pesanteur ambiante, est loin de sa meilleure forme. Déception sur toute la ligne.

 

Enfin Ahmad Jamal vint. Avec lui, l’allégresse, la légèreté. Le swing. Sa manière, qui reste unique. Il dirige du geste et du regard ses musiciens, attribue à tel ou tel un solo, accorde des plages de liberté – mais une liberté surveillée – dont profitent avec un bonheur manifeste un Herlin Riley tout sourire et qui reste l’un des batteurs les plus captivants de l’heure, un Manolo Badrenas capricant, expert dans l’art de pimenter chacun des morceaux, de lui donner sa coloration propre, un Reginald Veal au tempo d’une sûreté à toute épreuve, soliste virtuose, lui aussi. Au piano, Jamal privilégie les ruptures de rythme dont il a le secret. Il pratique l’ellipse et la litote, suggère une mélodie en laissant à ses partenaires le soin de la développer (The Gipsy).

 

Ainsi transforme-t-il les standards, un matériau qu’il ne dédaigne pas, à l’inverse des jeunes génies autoproclamés. Il les remodèle à son gré, selon une fantaisie qui conserve toutes les apparences de la spontanéité mais repose, en réalité, sur une science éprouvée de l’architecture sonore. Un modèle d’équilibre entre rigueur et primesaut, une maîtrise des dynamiques. Tout ce qui fait que cette soirée est, malgré tout, à marquer d’une pierre blanche.

 

Jacques Aboucaya

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Tous les sportifs le savent : il n’est pas rare qu’une équipe donnée gagnante sur le papier perde le match sur le terrain. Autrement dit, pour reprendre la formule d’Alfred Lorzybski, inventeur de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire ». La soirée du 5 s’est chargée d’en apporter la démonstration.

 

Nichlas Payton « Sketches of Miles and Gil »

Nicholas Payton (tp, claviers, voc), Vicente Archer (b), Bill Stewart (dm) avec l’Ensemble instrumental de Gascogne dirigé par Bob Belden


Ahmad Jamal (p), Reginald Veal (b), Herlin Riley (dm), Manolo Badrenas (perc).


Chapiteau, 5 août.

 

J’en attendais, pour ma part, beaucoup, et sans doute n’étais-je pas le seul. Nicholas Payton m’avait séduit il y a quelques semaines, en Suisse, à Ascona, dans un programme où, associé à cinq autres trompettistes, il rendit un superbe hommage à Louis Armstrong. Un musicien en plaine maturité, doté d’un son bien à lui et d’une technique lui permettant les prises de risque les plus aventureuses. C’est dire que son interprétation des pièces de Miles me mettait par avance l’eau à la bouche. Espoir partagé,même si le chapireau ne connaît pas encore l’affluence des grands oirs (il se remplira par la suite, pour faire une ovation à Ahmad Jamal).

 

Pour en revenir à Payton, da,s quelle galère s’est-il (l’a-t-on) embarqué ? Revisiter le répertoire n’a, en soi, rien de rédhibitoire. Un Wynton Marsalis s’y emploie avec constance, depuis des lustres, et, ma foi, le résultat est presque toujours à la hauteur, qu’il s’approprie Monk ou Jelly Roll. C’est qu’il y ajoute sa touche personnelle. Son Wolverine Blues, son Milenberg Joys cessent d’être des compositions du pianiste néo-orléanais pour leui appartenir en propre. De même que Crepuscule With Nelly se diapre de teintes mardsalisiennes. Il est vrai qu’il dispose, avec le Linciln, de la Rolls Royce des big bands. Et que ses divers combos comptent parmi les meilleurs du moment.

 

Voilà ce que n’a pas réussi à réaliser Nicholas Payton. Imposer sa marque aux esquisses espagnoles de Miles et de Gil Evans. Non qu’il ait, en quelques semaines, perdu les qualités énumérés plus haut. On retrouve, fugitivement, le soliste fulgurant. Mais il jou aussi des claviers, déroulant d’interminables phrases. Il se hasarde même à chanter, et When I Fall In Love, la charmante bluette de Victor Young, se mue guimauve indigeste. Mais il y a pire, à savoir un grand orchestre d’une lourdeur pachydermique. Le Conxierto de Aranjez ne résiste pas à ce rouleau compresseur pour lequel le swing est manifestement une langue étrangère..Si la Saeta résiste mieux, c’est que son passage straight est bien exécuté. Ce sera le seul du concert. Mais enfin, surtout si on a dans l’oreille l’original, comment se contenter d’une aussi piètre copie ? Bien entendu, la qualité es musiciens de l’Ensemble Instrumental de Gascogne n’est nullement en cause. Ils participent seulement à une aventure pour laquelle ils ne sont pas faits et on se gardera de leur jeter la pierre.

 

Quant, la grosse machine congédiée, le trompettiste se retrouve en trio avec Vicente Archer et Bill Stewart, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. Un Stablemates calamiteux met vite fin à ces illusions.. Peut-être parce que Bill Syewart, gagné par la pesanteur ambiante, est loin de sa meilleure forme. Déception sur toute la ligne.

 

Enfin Ahmad Jamal vint. Avec lui, l’allégresse, la légèreté. Le swing. Sa manière, qui reste unique. Il dirige du geste et du regard ses musiciens, attribue à tel ou tel un solo, accorde des plages de liberté – mais une liberté surveillée – dont profitent avec un bonheur manifeste un Herlin Riley tout sourire et qui reste l’un des batteurs les plus captivants de l’heure, un Manolo Badrenas capricant, expert dans l’art de pimenter chacun des morceaux, de lui donner sa coloration propre, un Reginald Veal au tempo d’une sûreté à toute épreuve, soliste virtuose, lui aussi. Au piano, Jamal privilégie les ruptures de rythme dont il a le secret. Il pratique l’ellipse et la litote, suggère une mélodie en laissant à ses partenaires le soin de la développer (The Gipsy).

 

Ainsi transforme-t-il les standards, un matériau qu’il ne dédaigne pas, à l’inverse des jeunes génies autoproclamés. Il les remodèle à son gré, selon une fantaisie qui conserve toutes les apparences de la spontanéité mais repose, en réalité, sur une science éprouvée de l’architecture sonore. Un modèle d’équilibre entre rigueur et primesaut, une maîtrise des dynamiques. Tout ce qui fait que cette soirée est, malgré tout, à marquer d’une pierre blanche.

 

Jacques Aboucaya

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Tous les sportifs le savent : il n’est pas rare qu’une équipe donnée gagnante sur le papier perde le match sur le terrain. Autrement dit, pour reprendre la formule d’Alfred Lorzybski, inventeur de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire ». La soirée du 5 s’est chargée d’en apporter la démonstration.

 

Nichlas Payton « Sketches of Miles and Gil »

Nicholas Payton (tp, claviers, voc), Vicente Archer (b), Bill Stewart (dm) avec l’Ensemble instrumental de Gascogne dirigé par Bob Belden


Ahmad Jamal (p), Reginald Veal (b), Herlin Riley (dm), Manolo Badrenas (perc).


Chapiteau, 5 août.

 

J’en attendais, pour ma part, beaucoup, et sans doute n’étais-je pas le seul. Nicholas Payton m’avait séduit il y a quelques semaines, en Suisse, à Ascona, dans un programme où, associé à cinq autres trompettistes, il rendit un superbe hommage à Louis Armstrong. Un musicien en plaine maturité, doté d’un son bien à lui et d’une technique lui permettant les prises de risque les plus aventureuses. C’est dire que son interprétation des pièces de Miles me mettait par avance l’eau à la bouche. Espoir partagé,même si le chapireau ne connaît pas encore l’affluence des grands oirs (il se remplira par la suite, pour faire une ovation à Ahmad Jamal).

 

Pour en revenir à Payton, da,s quelle galère s’est-il (l’a-t-on) embarqué ? Revisiter le répertoire n’a, en soi, rien de rédhibitoire. Un Wynton Marsalis s’y emploie avec constance, depuis des lustres, et, ma foi, le résultat est presque toujours à la hauteur, qu’il s’approprie Monk ou Jelly Roll. C’est qu’il y ajoute sa touche personnelle. Son Wolverine Blues, son Milenberg Joys cessent d’être des compositions du pianiste néo-orléanais pour leui appartenir en propre. De même que Crepuscule With Nelly se diapre de teintes mardsalisiennes. Il est vrai qu’il dispose, avec le Linciln, de la Rolls Royce des big bands. Et que ses divers combos comptent parmi les meilleurs du moment.

 

Voilà ce que n’a pas réussi à réaliser Nicholas Payton. Imposer sa marque aux esquisses espagnoles de Miles et de Gil Evans. Non qu’il ait, en quelques semaines, perdu les qualités énumérés plus haut. On retrouve, fugitivement, le soliste fulgurant. Mais il jou aussi des claviers, déroulant d’interminables phrases. Il se hasarde même à chanter, et When I Fall In Love, la charmante bluette de Victor Young, se mue guimauve indigeste. Mais il y a pire, à savoir un grand orchestre d’une lourdeur pachydermique. Le Conxierto de Aranjez ne résiste pas à ce rouleau compresseur pour lequel le swing est manifestement une langue étrangère..Si la Saeta résiste mieux, c’est que son passage straight est bien exécuté. Ce sera le seul du concert. Mais enfin, surtout si on a dans l’oreille l’original, comment se contenter d’une aussi piètre copie ? Bien entendu, la qualité es musiciens de l’Ensemble Instrumental de Gascogne n’est nullement en cause. Ils participent seulement à une aventure pour laquelle ils ne sont pas faits et on se gardera de leur jeter la pierre.

 

Quant, la grosse machine congédiée, le trompettiste se retrouve en trio avec Vicente Archer et Bill Stewart, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. Un Stablemates calamiteux met vite fin à ces illusions.. Peut-être parce que Bill Syewart, gagné par la pesanteur ambiante, est loin de sa meilleure forme. Déception sur toute la ligne.

 

Enfin Ahmad Jamal vint. Avec lui, l’allégresse, la légèreté. Le swing. Sa manière, qui reste unique. Il dirige du geste et du regard ses musiciens, attribue à tel ou tel un solo, accorde des plages de liberté – mais une liberté surveillée – dont profitent avec un bonheur manifeste un Herlin Riley tout sourire et qui reste l’un des batteurs les plus captivants de l’heure, un Manolo Badrenas capricant, expert dans l’art de pimenter chacun des morceaux, de lui donner sa coloration propre, un Reginald Veal au tempo d’une sûreté à toute épreuve, soliste virtuose, lui aussi. Au piano, Jamal privilégie les ruptures de rythme dont il a le secret. Il pratique l’ellipse et la litote, suggère une mélodie en laissant à ses partenaires le soin de la développer (The Gipsy).

 

Ainsi transforme-t-il les standards, un matériau qu’il ne dédaigne pas, à l’inverse des jeunes génies autoproclamés. Il les remodèle à son gré, selon une fantaisie qui conserve toutes les apparences de la spontanéité mais repose, en réalité, sur une science éprouvée de l’architecture sonore. Un modèle d’équilibre entre rigueur et primesaut, une maîtrise des dynamiques. Tout ce qui fait que cette soirée est, malgré tout, à marquer d’une pierre blanche.

 

Jacques Aboucaya

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Tous les sportifs le savent : il n’est pas rare qu’une équipe donnée gagnante sur le papier perde le match sur le terrain. Autrement dit, pour reprendre la formule d’Alfred Lorzybski, inventeur de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire ». La soirée du 5 s’est chargée d’en apporter la démonstration.

 

Nichlas Payton « Sketches of Miles and Gil »

Nicholas Payton (tp, claviers, voc), Vicente Archer (b), Bill Stewart (dm) avec l’Ensemble instrumental de Gascogne dirigé par Bob Belden


Ahmad Jamal (p), Reginald Veal (b), Herlin Riley (dm), Manolo Badrenas (perc).


Chapiteau, 5 août.

 

J’en attendais, pour ma part, beaucoup, et sans doute n’étais-je pas le seul. Nicholas Payton m’avait séduit il y a quelques semaines, en Suisse, à Ascona, dans un programme où, associé à cinq autres trompettistes, il rendit un superbe hommage à Louis Armstrong. Un musicien en plaine maturité, doté d’un son bien à lui et d’une technique lui permettant les prises de risque les plus aventureuses. C’est dire que son interprétation des pièces de Miles me mettait par avance l’eau à la bouche. Espoir partagé,même si le chapireau ne connaît pas encore l’affluence des grands oirs (il se remplira par la suite, pour faire une ovation à Ahmad Jamal).

 

Pour en revenir à Payton, da,s quelle galère s’est-il (l’a-t-on) embarqué ? Revisiter le répertoire n’a, en soi, rien de rédhibitoire. Un Wynton Marsalis s’y emploie avec constance, depuis des lustres, et, ma foi, le résultat est presque toujours à la hauteur, qu’il s’approprie Monk ou Jelly Roll. C’est qu’il y ajoute sa touche personnelle. Son Wolverine Blues, son Milenberg Joys cessent d’être des compositions du pianiste néo-orléanais pour leui appartenir en propre. De même que Crepuscule With Nelly se diapre de teintes mardsalisiennes. Il est vrai qu’il dispose, avec le Linciln, de la Rolls Royce des big bands. Et que ses divers combos comptent parmi les meilleurs du moment.

 

Voilà ce que n’a pas réussi à réaliser Nicholas Payton. Imposer sa marque aux esquisses espagnoles de Miles et de Gil Evans. Non qu’il ait, en quelques semaines, perdu les qualités énumérés plus haut. On retrouve, fugitivement, le soliste fulgurant. Mais il jou aussi des claviers, déroulant d’interminables phrases. Il se hasarde même à chanter, et When I Fall In Love, la charmante bluette de Victor Young, se mue guimauve indigeste. Mais il y a pire, à savoir un grand orchestre d’une lourdeur pachydermique. Le Conxierto de Aranjez ne résiste pas à ce rouleau compresseur pour lequel le swing est manifestement une langue étrangère..Si la Saeta résiste mieux, c’est que son passage straight est bien exécuté. Ce sera le seul du concert. Mais enfin, surtout si on a dans l’oreille l’original, comment se contenter d’une aussi piètre copie ? Bien entendu, la qualité es musiciens de l’Ensemble Instrumental de Gascogne n’est nullement en cause. Ils participent seulement à une aventure pour laquelle ils ne sont pas faits et on se gardera de leur jeter la pierre.

 

Quant, la grosse machine congédiée, le trompettiste se retrouve en trio avec Vicente Archer et Bill Stewart, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. Un Stablemates calamiteux met vite fin à ces illusions.. Peut-être parce que Bill Syewart, gagné par la pesanteur ambiante, est loin de sa meilleure forme. Déception sur toute la ligne.

 

Enfin Ahmad Jamal vint. Avec lui, l’allégresse, la légèreté. Le swing. Sa manière, qui reste unique. Il dirige du geste et du regard ses musiciens, attribue à tel ou tel un solo, accorde des plages de liberté – mais une liberté surveillée – dont profitent avec un bonheur manifeste un Herlin Riley tout sourire et qui reste l’un des batteurs les plus captivants de l’heure, un Manolo Badrenas capricant, expert dans l’art de pimenter chacun des morceaux, de lui donner sa coloration propre, un Reginald Veal au tempo d’une sûreté à toute épreuve, soliste virtuose, lui aussi. Au piano, Jamal privilégie les ruptures de rythme dont il a le secret. Il pratique l’ellipse et la litote, suggère une mélodie en laissant à ses partenaires le soin de la développer (The Gipsy).

 

Ainsi transforme-t-il les standards, un matériau qu’il ne dédaigne pas, à l’inverse des jeunes génies autoproclamés. Il les remodèle à son gré, selon une fantaisie qui conserve toutes les apparences de la spontanéité mais repose, en réalité, sur une science éprouvée de l’architecture sonore. Un modèle d’équilibre entre rigueur et primesaut, une maîtrise des dynamiques. Tout ce qui fait que cette soirée est, malgré tout, à marquer d’une pierre blanche.

 

Jacques Aboucaya