Jazz live
Publié le 16 Juil 2012

Jazz Miniatures à Larmor-Plage

Du 11 au 13 juillet, l’association Hop’n Jazz, sise à Larmor-Plage en pays de Lorient, organisait son cinquième Jazz Miniature. Jazzmag y était pour un final sous la forme de deux duos, celui de la chanteuse Violaine Schwartz et de la contrebassiste Hélène Labarrière autour de la chanson réaliste du début du siècle et celui du pianiste Stéphan Oliva et du vidéaste Philippe Truffault autour du film noir.

 

Jazz Miniature, Salle des fêtes de Larmor-Plage (56), le 13 juillet 2012.

À la dérive : Violaine Schwartz (chant), Hélène Labarrière (contrebasse).

Film noir : Stéphan Oliva (piano), Philippe Truffault (images).

 

Au programme de cette soirée, deux spectacles marchant sur les marges du jazz qui de plus en plus se cherche dans des effets d’intertextualité et d’interdisciplinarité. C’est ainsi que Violaine Schwartz et Hélène Labarrière se sont connues aux frontières du théâtre, au voisinage des travaux de Dominique Pifarély, où leur complicité s’est cristallisée sur un programme de reprises de chansons réalistes du début du siècle, programme particulièrement centré sur la misère féminine telle qu’elle a été chantée par Fréhel, Damia, Yvette Guilbert ou Marianne Oswald. Le disque était doublement passé inaperçu. Dans nos pages d’abord, sous la forme d’une “Kronikexpress” de ma plume, passablement embarrassée, sur un projet appartenant au domaine de la chanson et trouvant peu sa place dans une revue qui peine à accueillir la totalité de la production la concernant directement. D’autre part, la promotion du disque fut entravée par un grave problème de santé qui, à l’automne dernier, empêcha Violaine Schwartz de redonner ce programme sur scène, jusqu’à ce concert de Larmor Plage.

Programme ne nous concernant pas directement mais sur lequel la présence d’Hélène Labarrière attire notre attention, voire notre sympathie, d’autant plus qu’elle outrepasse là le simple rôle d’accompagnatrice. Il faut bien dire par ailleurs que, si l’on repart volontiers du concert en ayant acheté le disque du duo, ce programme est à découvrir sur scène où il prend toute sa dimension de par la disponibilité qu’on lui accorde le temps d’un concert et surtout par la présence de Violaine Schwartz : présence de comédienne tant par l’attitude corporelle et mimique que par le placement de la voix qui se passe de micro. Violaine Schwartz est d’abord une diseuse, dans la grande tradition des chanteuses réalistes dont elle interprète le répertoire. Ces chansons, elle sait en accentuer le poids dramatique juste ce qu’il faut et y en prendre sa part de distance et d’humour en perspective avec celle qu’on prenait au cabaret ou au music hall. Du coup, la vraie lecture dramatique des textes se ferait presque plus du côté de la contrebasse d’Hélène Labarrière qui contrebalance cette légèreté salvatrice de l’interprétation par un commentaire menaçant et bravache. Point de walking bass ou de oum-pa oum-pa, mais des ostinatos noueux, des lignes anguleuses, des figures abstraites et des grondements qui relativisent ce rôle de diseuse que je soulignais plus haut. Car comme chanteuse et musicienne, Violaine Schwartz a fort à faire pour donner une réplique sans faille aux propositions d’Hélène Labarrière et la place qu’occupe dans cette collaboration l’expérience du jazz de la contrebassiste explique la chronique dans ces pages au-delà du phénomène de sympathie ou de simple ouverture d’esprit.

 

Le monde du jazz a plus d’atomes naturellement crochus avec le film noir américain qu’avec la chanson réaliste française et je perdrai probablement quelques galons de jazz critic en révélant que je suis finalement plus familier du répertoire réaliste du duo Schwartz/Labarrière que des fragments musicaux et filmés dont était fait le spectacle “Film noir” de Stéphan Oliva et Philippe Truffault. On pourrait en tirer des conclusions quant au manque d’intérêt que j’y trouvai. J’étais néanmoins de sortie avec un groupe d’amis pour partie plus informés des choses du cinématrographe que je ne le suis, voire d’authentiques cinéphiles et gens de métier (de tous les métiers d’ailleurs, un réalisateur, une monteuse, un plasticien, une travailleuse sociale, un jardinier, une joueuse de bombarde, un architecte, une secrétaire de mairie en milieu rurale), certains se surprenant à fredonner les airs des B.O. dont la succession servait de trame à la prestation d’Oliva, mais qui sortirent au moins aussi désappointés que moi. Les raisons de ce désappointement firent débat. Faisait unanimité la longueur. Ce qui suppose d’autres causes, la première étant peut-être l’absence de pause dans ce flux continu d’images et de son (le flux d’images ayant même provoqué une durable fatigue oculaire chez la monteuse) au cours duquel Stéphan Oliva et Philippe Truffault improvisent, dans une relative interaction (ce sont eux qui me le précisèrent avant le concert), l’un sur les musiques de films (La Soif du mal, La Nuit du chasseur, Le Coup de l’escalier, etc.) dont l’autre tirait des séquences extraites auxquelles il fait subir des traitements d’ordre visuel (floutage, grossissement, jeu sur les contrastes…) ou narratif (boucles, superpositions, ralentis, arrêts sur image…). À l’exception d’une longue séquence tirée de Vertigo d’où résulta, à mon sens (mon avis ne faisait pas l’unanimité, loin s’en faut), une progression dramatique extrêmement émouvante et dont le spectacle aurait pu se suffire, j’ai eu de la peine à découvrir une architecture, ni même un semblant de cohérence, tant dans ces relectures cinématographiques et musicales que dans l’interaction de l’une à l’autre réduite à des effets communs d’accélération-décélération et de tension-détente assez convenus et si récurrents qu’ils pouvaient expliquer à eux seuls cette impression de longueur.

 

PS: Stéphan Oliva a réagi à mon article en me transmettant trois compte rendus consultables sur le blog de Nato, sur le blogdechoc et dans les archives de jazzmaganie.com qui relativiseront le point de vue ci-dessus.

Franck Bergerot

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Du 11 au 13 juillet, l’association Hop’n Jazz, sise à Larmor-Plage en pays de Lorient, organisait son cinquième Jazz Miniature. Jazzmag y était pour un final sous la forme de deux duos, celui de la chanteuse Violaine Schwartz et de la contrebassiste Hélène Labarrière autour de la chanson réaliste du début du siècle et celui du pianiste Stéphan Oliva et du vidéaste Philippe Truffault autour du film noir.

 

Jazz Miniature, Salle des fêtes de Larmor-Plage (56), le 13 juillet 2012.

À la dérive : Violaine Schwartz (chant), Hélène Labarrière (contrebasse).

Film noir : Stéphan Oliva (piano), Philippe Truffault (images).

 

Au programme de cette soirée, deux spectacles marchant sur les marges du jazz qui de plus en plus se cherche dans des effets d’intertextualité et d’interdisciplinarité. C’est ainsi que Violaine Schwartz et Hélène Labarrière se sont connues aux frontières du théâtre, au voisinage des travaux de Dominique Pifarély, où leur complicité s’est cristallisée sur un programme de reprises de chansons réalistes du début du siècle, programme particulièrement centré sur la misère féminine telle qu’elle a été chantée par Fréhel, Damia, Yvette Guilbert ou Marianne Oswald. Le disque était doublement passé inaperçu. Dans nos pages d’abord, sous la forme d’une “Kronikexpress” de ma plume, passablement embarrassée, sur un projet appartenant au domaine de la chanson et trouvant peu sa place dans une revue qui peine à accueillir la totalité de la production la concernant directement. D’autre part, la promotion du disque fut entravée par un grave problème de santé qui, à l’automne dernier, empêcha Violaine Schwartz de redonner ce programme sur scène, jusqu’à ce concert de Larmor Plage.

Programme ne nous concernant pas directement mais sur lequel la présence d’Hélène Labarrière attire notre attention, voire notre sympathie, d’autant plus qu’elle outrepasse là le simple rôle d’accompagnatrice. Il faut bien dire par ailleurs que, si l’on repart volontiers du concert en ayant acheté le disque du duo, ce programme est à découvrir sur scène où il prend toute sa dimension de par la disponibilité qu’on lui accorde le temps d’un concert et surtout par la présence de Violaine Schwartz : présence de comédienne tant par l’attitude corporelle et mimique que par le placement de la voix qui se passe de micro. Violaine Schwartz est d’abord une diseuse, dans la grande tradition des chanteuses réalistes dont elle interprète le répertoire. Ces chansons, elle sait en accentuer le poids dramatique juste ce qu’il faut et y en prendre sa part de distance et d’humour en perspective avec celle qu’on prenait au cabaret ou au music hall. Du coup, la vraie lecture dramatique des textes se ferait presque plus du côté de la contrebasse d’Hélène Labarrière qui contrebalance cette légèreté salvatrice de l’interprétation par un commentaire menaçant et bravache. Point de walking bass ou de oum-pa oum-pa, mais des ostinatos noueux, des lignes anguleuses, des figures abstraites et des grondements qui relativisent ce rôle de diseuse que je soulignais plus haut. Car comme chanteuse et musicienne, Violaine Schwartz a fort à faire pour donner une réplique sans faille aux propositions d’Hélène Labarrière et la place qu’occupe dans cette collaboration l’expérience du jazz de la contrebassiste explique la chronique dans ces pages au-delà du phénomène de sympathie ou de simple ouverture d’esprit.

 

Le monde du jazz a plus d’atomes naturellement crochus avec le film noir américain qu’avec la chanson réaliste française et je perdrai probablement quelques galons de jazz critic en révélant que je suis finalement plus familier du répertoire réaliste du duo Schwartz/Labarrière que des fragments musicaux et filmés dont était fait le spectacle “Film noir” de Stéphan Oliva et Philippe Truffault. On pourrait en tirer des conclusions quant au manque d’intérêt que j’y trouvai. J’étais néanmoins de sortie avec un groupe d’amis pour partie plus informés des choses du cinématrographe que je ne le suis, voire d’authentiques cinéphiles et gens de métier (de tous les métiers d’ailleurs, un réalisateur, une monteuse, un plasticien, une travailleuse sociale, un jardinier, une joueuse de bombarde, un architecte, une secrétaire de mairie en milieu rurale), certains se surprenant à fredonner les airs des B.O. dont la succession servait de trame à la prestation d’Oliva, mais qui sortirent au moins aussi désappointés que moi. Les raisons de ce désappointement firent débat. Faisait unanimité la longueur. Ce qui suppose d’autres causes, la première étant peut-être l’absence de pause dans ce flux continu d’images et de son (le flux d’images ayant même provoqué une durable fatigue oculaire chez la monteuse) au cours duquel Stéphan Oliva et Philippe Truffault improvisent, dans une relative interaction (ce sont eux qui me le précisèrent avant le concert), l’un sur les musiques de films (La Soif du mal, La Nuit du chasseur, Le Coup de l’escalier, etc.) dont l’autre tirait des séquences extraites auxquelles il fait subir des traitements d’ordre visuel (floutage, grossissement, jeu sur les contrastes…) ou narratif (boucles, superpositions, ralentis, arrêts sur image…). À l’exception d’une longue séquence tirée de Vertigo d’où résulta, à mon sens (mon avis ne faisait pas l’unanimité, loin s’en faut), une progression dramatique extrêmement émouvante et dont le spectacle aurait pu se suffire, j’ai eu de la peine à découvrir une architecture, ni même un semblant de cohérence, tant dans ces relectures cinématographiques et musicales que dans l’interaction de l’une à l’autre réduite à des effets communs d’accélération-décélération et de tension-détente assez convenus et si récurrents qu’ils pouvaient expliquer à eux seuls cette impression de longueur.

 

PS: Stéphan Oliva a réagi à mon article en me transmettant trois compte rendus consultables sur le blog de Nato, sur le blogdechoc et dans les archives de jazzmaganie.com qui relativiseront le point de vue ci-dessus.

Franck Bergerot

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Du 11 au 13 juillet, l’association Hop’n Jazz, sise à Larmor-Plage en pays de Lorient, organisait son cinquième Jazz Miniature. Jazzmag y était pour un final sous la forme de deux duos, celui de la chanteuse Violaine Schwartz et de la contrebassiste Hélène Labarrière autour de la chanson réaliste du début du siècle et celui du pianiste Stéphan Oliva et du vidéaste Philippe Truffault autour du film noir.

 

Jazz Miniature, Salle des fêtes de Larmor-Plage (56), le 13 juillet 2012.

À la dérive : Violaine Schwartz (chant), Hélène Labarrière (contrebasse).

Film noir : Stéphan Oliva (piano), Philippe Truffault (images).

 

Au programme de cette soirée, deux spectacles marchant sur les marges du jazz qui de plus en plus se cherche dans des effets d’intertextualité et d’interdisciplinarité. C’est ainsi que Violaine Schwartz et Hélène Labarrière se sont connues aux frontières du théâtre, au voisinage des travaux de Dominique Pifarély, où leur complicité s’est cristallisée sur un programme de reprises de chansons réalistes du début du siècle, programme particulièrement centré sur la misère féminine telle qu’elle a été chantée par Fréhel, Damia, Yvette Guilbert ou Marianne Oswald. Le disque était doublement passé inaperçu. Dans nos pages d’abord, sous la forme d’une “Kronikexpress” de ma plume, passablement embarrassée, sur un projet appartenant au domaine de la chanson et trouvant peu sa place dans une revue qui peine à accueillir la totalité de la production la concernant directement. D’autre part, la promotion du disque fut entravée par un grave problème de santé qui, à l’automne dernier, empêcha Violaine Schwartz de redonner ce programme sur scène, jusqu’à ce concert de Larmor Plage.

Programme ne nous concernant pas directement mais sur lequel la présence d’Hélène Labarrière attire notre attention, voire notre sympathie, d’autant plus qu’elle outrepasse là le simple rôle d’accompagnatrice. Il faut bien dire par ailleurs que, si l’on repart volontiers du concert en ayant acheté le disque du duo, ce programme est à découvrir sur scène où il prend toute sa dimension de par la disponibilité qu’on lui accorde le temps d’un concert et surtout par la présence de Violaine Schwartz : présence de comédienne tant par l’attitude corporelle et mimique que par le placement de la voix qui se passe de micro. Violaine Schwartz est d’abord une diseuse, dans la grande tradition des chanteuses réalistes dont elle interprète le répertoire. Ces chansons, elle sait en accentuer le poids dramatique juste ce qu’il faut et y en prendre sa part de distance et d’humour en perspective avec celle qu’on prenait au cabaret ou au music hall. Du coup, la vraie lecture dramatique des textes se ferait presque plus du côté de la contrebasse d’Hélène Labarrière qui contrebalance cette légèreté salvatrice de l’interprétation par un commentaire menaçant et bravache. Point de walking bass ou de oum-pa oum-pa, mais des ostinatos noueux, des lignes anguleuses, des figures abstraites et des grondements qui relativisent ce rôle de diseuse que je soulignais plus haut. Car comme chanteuse et musicienne, Violaine Schwartz a fort à faire pour donner une réplique sans faille aux propositions d’Hélène Labarrière et la place qu’occupe dans cette collaboration l’expérience du jazz de la contrebassiste explique la chronique dans ces pages au-delà du phénomène de sympathie ou de simple ouverture d’esprit.

 

Le monde du jazz a plus d’atomes naturellement crochus avec le film noir américain qu’avec la chanson réaliste française et je perdrai probablement quelques galons de jazz critic en révélant que je suis finalement plus familier du répertoire réaliste du duo Schwartz/Labarrière que des fragments musicaux et filmés dont était fait le spectacle “Film noir” de Stéphan Oliva et Philippe Truffault. On pourrait en tirer des conclusions quant au manque d’intérêt que j’y trouvai. J’étais néanmoins de sortie avec un groupe d’amis pour partie plus informés des choses du cinématrographe que je ne le suis, voire d’authentiques cinéphiles et gens de métier (de tous les métiers d’ailleurs, un réalisateur, une monteuse, un plasticien, une travailleuse sociale, un jardinier, une joueuse de bombarde, un architecte, une secrétaire de mairie en milieu rurale), certains se surprenant à fredonner les airs des B.O. dont la succession servait de trame à la prestation d’Oliva, mais qui sortirent au moins aussi désappointés que moi. Les raisons de ce désappointement firent débat. Faisait unanimité la longueur. Ce qui suppose d’autres causes, la première étant peut-être l’absence de pause dans ce flux continu d’images et de son (le flux d’images ayant même provoqué une durable fatigue oculaire chez la monteuse) au cours duquel Stéphan Oliva et Philippe Truffault improvisent, dans une relative interaction (ce sont eux qui me le précisèrent avant le concert), l’un sur les musiques de films (La Soif du mal, La Nuit du chasseur, Le Coup de l’escalier, etc.) dont l’autre tirait des séquences extraites auxquelles il fait subir des traitements d’ordre visuel (floutage, grossissement, jeu sur les contrastes…) ou narratif (boucles, superpositions, ralentis, arrêts sur image…). À l’exception d’une longue séquence tirée de Vertigo d’où résulta, à mon sens (mon avis ne faisait pas l’unanimité, loin s’en faut), une progression dramatique extrêmement émouvante et dont le spectacle aurait pu se suffire, j’ai eu de la peine à découvrir une architecture, ni même un semblant de cohérence, tant dans ces relectures cinématographiques et musicales que dans l’interaction de l’une à l’autre réduite à des effets communs d’accélération-décélération et de tension-détente assez convenus et si récurrents qu’ils pouvaient expliquer à eux seuls cette impression de longueur.

 

PS: Stéphan Oliva a réagi à mon article en me transmettant trois compte rendus consultables sur le blog de Nato, sur le blogdechoc et dans les archives de jazzmaganie.com qui relativiseront le point de vue ci-dessus.

Franck Bergerot

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Du 11 au 13 juillet, l’association Hop’n Jazz, sise à Larmor-Plage en pays de Lorient, organisait son cinquième Jazz Miniature. Jazzmag y était pour un final sous la forme de deux duos, celui de la chanteuse Violaine Schwartz et de la contrebassiste Hélène Labarrière autour de la chanson réaliste du début du siècle et celui du pianiste Stéphan Oliva et du vidéaste Philippe Truffault autour du film noir.

 

Jazz Miniature, Salle des fêtes de Larmor-Plage (56), le 13 juillet 2012.

À la dérive : Violaine Schwartz (chant), Hélène Labarrière (contrebasse).

Film noir : Stéphan Oliva (piano), Philippe Truffault (images).

 

Au programme de cette soirée, deux spectacles marchant sur les marges du jazz qui de plus en plus se cherche dans des effets d’intertextualité et d’interdisciplinarité. C’est ainsi que Violaine Schwartz et Hélène Labarrière se sont connues aux frontières du théâtre, au voisinage des travaux de Dominique Pifarély, où leur complicité s’est cristallisée sur un programme de reprises de chansons réalistes du début du siècle, programme particulièrement centré sur la misère féminine telle qu’elle a été chantée par Fréhel, Damia, Yvette Guilbert ou Marianne Oswald. Le disque était doublement passé inaperçu. Dans nos pages d’abord, sous la forme d’une “Kronikexpress” de ma plume, passablement embarrassée, sur un projet appartenant au domaine de la chanson et trouvant peu sa place dans une revue qui peine à accueillir la totalité de la production la concernant directement. D’autre part, la promotion du disque fut entravée par un grave problème de santé qui, à l’automne dernier, empêcha Violaine Schwartz de redonner ce programme sur scène, jusqu’à ce concert de Larmor Plage.

Programme ne nous concernant pas directement mais sur lequel la présence d’Hélène Labarrière attire notre attention, voire notre sympathie, d’autant plus qu’elle outrepasse là le simple rôle d’accompagnatrice. Il faut bien dire par ailleurs que, si l’on repart volontiers du concert en ayant acheté le disque du duo, ce programme est à découvrir sur scène où il prend toute sa dimension de par la disponibilité qu’on lui accorde le temps d’un concert et surtout par la présence de Violaine Schwartz : présence de comédienne tant par l’attitude corporelle et mimique que par le placement de la voix qui se passe de micro. Violaine Schwartz est d’abord une diseuse, dans la grande tradition des chanteuses réalistes dont elle interprète le répertoire. Ces chansons, elle sait en accentuer le poids dramatique juste ce qu’il faut et y en prendre sa part de distance et d’humour en perspective avec celle qu’on prenait au cabaret ou au music hall. Du coup, la vraie lecture dramatique des textes se ferait presque plus du côté de la contrebasse d’Hélène Labarrière qui contrebalance cette légèreté salvatrice de l’interprétation par un commentaire menaçant et bravache. Point de walking bass ou de oum-pa oum-pa, mais des ostinatos noueux, des lignes anguleuses, des figures abstraites et des grondements qui relativisent ce rôle de diseuse que je soulignais plus haut. Car comme chanteuse et musicienne, Violaine Schwartz a fort à faire pour donner une réplique sans faille aux propositions d’Hélène Labarrière et la place qu’occupe dans cette collaboration l’expérience du jazz de la contrebassiste explique la chronique dans ces pages au-delà du phénomène de sympathie ou de simple ouverture d’esprit.

 

Le monde du jazz a plus d’atomes naturellement crochus avec le film noir américain qu’avec la chanson réaliste française et je perdrai probablement quelques galons de jazz critic en révélant que je suis finalement plus familier du répertoire réaliste du duo Schwartz/Labarrière que des fragments musicaux et filmés dont était fait le spectacle “Film noir” de Stéphan Oliva et Philippe Truffault. On pourrait en tirer des conclusions quant au manque d’intérêt que j’y trouvai. J’étais néanmoins de sortie avec un groupe d’amis pour partie plus informés des choses du cinématrographe que je ne le suis, voire d’authentiques cinéphiles et gens de métier (de tous les métiers d’ailleurs, un réalisateur, une monteuse, un plasticien, une travailleuse sociale, un jardinier, une joueuse de bombarde, un architecte, une secrétaire de mairie en milieu rurale), certains se surprenant à fredonner les airs des B.O. dont la succession servait de trame à la prestation d’Oliva, mais qui sortirent au moins aussi désappointés que moi. Les raisons de ce désappointement firent débat. Faisait unanimité la longueur. Ce qui suppose d’autres causes, la première étant peut-être l’absence de pause dans ce flux continu d’images et de son (le flux d’images ayant même provoqué une durable fatigue oculaire chez la monteuse) au cours duquel Stéphan Oliva et Philippe Truffault improvisent, dans une relative interaction (ce sont eux qui me le précisèrent avant le concert), l’un sur les musiques de films (La Soif du mal, La Nuit du chasseur, Le Coup de l’escalier, etc.) dont l’autre tirait des séquences extraites auxquelles il fait subir des traitements d’ordre visuel (floutage, grossissement, jeu sur les contrastes…) ou narratif (boucles, superpositions, ralentis, arrêts sur image…). À l’exception d’une longue séquence tirée de Vertigo d’où résulta, à mon sens (mon avis ne faisait pas l’unanimité, loin s’en faut), une progression dramatique extrêmement émouvante et dont le spectacle aurait pu se suffire, j’ai eu de la peine à découvrir une architecture, ni même un semblant de cohérence, tant dans ces relectures cinématographiques et musicales que dans l’interaction de l’une à l’autre réduite à des effets communs d’accélération-décélération et de tension-détente assez convenus et si récurrents qu’ils pouvaient expliquer à eux seuls cette impression de longueur.

 

PS: Stéphan Oliva a réagi à mon article en me transmettant trois compte rendus consultables sur le blog de Nato, sur le blogdechoc et dans les archives de jazzmaganie.com qui relativiseront le point de vue ci-dessus.

Franck Bergerot