Jazz sur le Vif : Sylvain Beuf Quartet & Trio Christian McBride/Benny Green/Gregory Hutchinson
Pour le troisième concert de la saison ‘Jazz sur le Vif’ programée par Arnaud Merlin, les 30 ans de carrière du saxophoniste Sylvain Beuf, puis un hommage à Ray Brown, disparu en 2002, par trois de ses amis : Christian McBride, Benny Green & Gregory Hutchinson

SYLVAIN BEUF ‘Long Distance Quartet’
Sylvain Beuf (saxophones ténor & soprano), Pierre-Alain Goualch (piano), Philippe Aerts (contrebasse), Jean-Luc Landsweert (batterie)
Paris, Maison de la Radio, studio 104, 8 novembre 2025, 19h

Un saxophoniste parisien, adoubé par la jazz depuis trente ans, et multi-primé, qui a choisi des partenaires issus des frontières du Nord : le pianiste Pierre-Alain Goualch, Toulonnais de naissance établi de longtemps en Lorraine, actif partout en France et à l’international ; le contrebassiste belge, devenu parisien, Philippe Aerts ; et le batteur lillois Jean-Luc Landsweert, qui fut membre d’ l’Orchestre National de Jazz, et qui est toujours très actif sur scène, au Nord et ailleurs, tout en enseignant au conservatoire de Dunkerque. Le groupe va jouer majoritairement des compositions originales issues du disque ‘Long Distance’, publié l’an dernier (le batteur était pour le disque Gautier Garrigue) ; mais cela commence, sur tempo vif, avec une nouvelle composition, intitulée Le Sablier. Puisc’est une valse, toujours au sax ténor, avant Mr. Coleman, au soprano cette fois, dédié à un saxophoniste qui n’est ni George, ni Steve, mais Ornette : thème segmenté comme il se doit, en allusion aux structures chères à Ornette Coleman, avec une improvisation très enflammée. Viennent ensuite une ballade qui connaîtra un développement torride, puis un titre inspiré par le Brésil. Sylvain Beuf a dédié ce concert à Gérard Badini, disparu deux semaine plus tôt à l’âge de 94 ans. Sylvain avait joué dans le grand orchestre de Gérard (orchestre que j’avais eu le plaisir d’accueillir deux fois dans les concerts ‘Jazz sur le Vif’ à l’époque où j’en avais la charge). Jérôme, le fils de Gérard, saxophoniste et producteur à France Musique, est dans la salle. Pour rendre hommage à ce saxophoniste et chef d’orchestre, qui était friand de Debussy et Ravel, le quartette joue La pavane pour une infante défunte , avant de conclure par une composition dédiée par Sylvain Beuf à sa femme, présente dans la salle : Love Song For V. Très beau concert, chaleureusement applaudi par le très nombreux public du studio 104. Vérification sur pièce à la réécoute de France Musique, car c’était en direct dans l’émission ‘Jazz Club’ de Nathalie Piolé

CHRISTIAN McBRIDE / BENNY GREEN / GREGORY HUTCHINSON ‘Remembering Ray Brown’
Christian McBride (contrebasse), Benny Green (piano), Gregory Hutchinson (batterie)
Paris, Maison de la Radio, studio 104, 8 novembre 2025, 20h30
Un hommage rendu par trois musiciens qui ont été les partenaires de Ray Brown dans des groupes (pour Chris McBride c’était une réunion de trois contrebassistes, avec John Clayton, dans l’album ‘Super Bass’). Ensemble ils célèbrent le jazz dans son identité foncière : des standards qu’aimait Ray Brown, mais aussi des thèmes à lui dédiés, ou composés par lui. Le trio joue sur les contraste de manière appuyée, très ludique : on passe du pianississimo à l’explosion sonore : ce n’est pas du show, c’est de la musique riche de références et de joie légère. Ça commence par une version, pleine de mises en suspens, du célèbre Jada, que Ray Brown avait enregistré avec Oscar Peterson et Dizzy Gillespie, puis c’est Tanga, de Gillespie, que Benny Green avait enregistré avec Ray Brown. Vient une version plus que lente, façon ascenseur expressif autant que ludique, du fameux Lil’ Darlin’ de Neal Hefti, immortalisé par Count Basie. Nous aurons aussi Gumbo Hump, de Ray Brown, plusieurs fois enregistré par le Maître, et une composition de Kenny Burrell, Bass Face. Ce sera ensuite un thème de Ray Brown intitulé FSR (For Sonny Rollins), et un standard affectionné par Ray Brown : That’s All, joué avec intensité et recueillement. Et enfin pour conclure Captain Bill, dédié par Ray Brown à Count Basie, dont il aimait la casquette de yachtman… Tous les trois se sont amusés comme des fous, et ils nous ont touchés. Ovation du public, conquis, et le chroniqueur a partagé cet enthousiasme, comblé qu’il était par ce jazz à l’ancienne toujours prompt à émouvoir au présent. Ovation verticale évidemment, et en rappel Nancy, un thème que Ray Brown avait notamment enregistré avec Milt Jackson. Belle conclusion d’un très bon concert. On retrouvera cette seconde partie sur France Musique le samedi 27 décembre, à 19h, dans l’émission Jazz Club
Xavier Prévost (texte & photos)