Jazz live
Publié le 18 Nov 2023

Jazzdor 38 – Le quintet “Fire and Water” de Myra Melford

Pour inaugurer la mini tournée européenne qui accompagne la sortie sur le label français Rogue Art de son nouveau disque “Hear the Light Singing”, le quintet Fire and Water de la pianiste Myra Melford a gratifié le public de connaisseurs du festival Jazzdor d’un concert proprement envoutant.

Si cet orchestre imaginé par la pianiste américaine Myra Melford  a emprunté son nom à une série de dessins du peintre américain Cy Twonbly intitulée “Gaeta Set (For the Love of Fire and Water)” en cherchant à l’origine à offrir une traduction musicale à l’expressivité gestuelle du recueil, cet alliage métaphorique entre le feu et l’eau s’avère de fait la meilleure façon d’appréhender et de décrire cette musique éminemment paradoxale, jouant avec une grande subtilité entre le discontinu et le flux, l’éruptif et le lié. Composé toujours autour du piano-lave de Melford de quelques-unes des musiciennes-improvisatrices les plus créatives de la scène jazz expérimentale actuelle (Mary Halvorson à la guitare, Ingrid Laubrock aux saxophones ténor et soprano, Tomaka Reid au violoncelle et Lesley Mok à la batterie, en lieu et place de Susie Ibarra, initialement prévue), cet orchestre à géométrie variable  redistribue son effectif au gré des morceaux en petits modules évolutifs couvrant toutes les combinatoires instrumentales possibles et compose avec un mélange de délicatesse formelle et de puissance lyrique constamment stimulant une série de miniatures extrêmement raffinées. Jouant constamment de la tension entre la discontinuité d’une série de modules et dispositifs formels extrêmement précis et un geste compositionnel plus vaste les mettant en relation et donnant à l’ensemble sa cohérence, Myra Melford a indéniablement trouvé avec ce quintet “d’eau et de feu” le prolongement orchestral idéal à son “piano-lave” tout en flux de matières éruptives. On ne peut, dans le même mouvement, que se féliciter qu’un festival comme Jazzdor continue grâce à la perspicacité et la sensibilité de son directeur et programmateur Philippe Ochem d’accueillir et de promouvoir des projets de cette ambition et regretter que cette date soit l’unique qu’ait trouvé en France le quintet de Myra Melford à l’occasion de cette tournée européenne.

Stéphane Ollivier