Jazzdor 40 — Dominik Wania & Christophe Monniot Duo + Léa Ciechelski, Tomasz Dabrowski, Kamila Drabek & Samuel Ber Quartet
Initiée en partenariat par les festivals Jazzdor et International Jazz Platform, cette soirée proposant divers types de collaboration entre musiciens et musiciennes français et polonais a tout à la fois mis en évidence la richesse d’une scène européenne contemporaine de plus en plus diversifiée et rappelé qu’en matière de jazz et de musique improvisée la rencontre pouvait parfois ne pas se faire…
CIECHELSKI, DABROWSKI, DRABEK, BER
Léa Ciechelski Saxophones | Tomasz Dabrowski trompette | Kamila Drabek contrebasse | Samuel Ber batterie
On ne s’étendra pas outre-mesure sur la prestation du quartet composé de Léa Ciechelski au saxophone, Tomasz Dabrowski à la trompette, Kamila Drabek à la contrebasse et Samuel Ber à la batterie, tant la musique ce soir-là n’a tout simplement pas pris. Inscrivant son discours dans une esthétique très référencée relevant d’une sorte de néo-free se souvenant à la fois du jazz d’avant-garde afro-américain des années 60/70 et de ses déclinaisons européennes, la formation n’est jamais parvenue à donner vie à des formes datées qui auraient eu besoin à la fois de plus d’engagement et de plus d’interplay pour trouver leur “actualité” et sortir du piège du maniérisme. Si chacun de son côté a pu globalement tirer ça et là son épingle du jeu (Léa Ciechelski avec son phrasé sinueux sortant des conceptions virilistes de l’instrument et Tomasz Dabrowski, à la fois lyrique et tout en contrôle de ses effets, sont incontestablement d’excellents musiciens), le projet n’a jamais paru investi collectivement, déroulant sans incarnation ses schémas stéréotypés et générant au final un profond ennui. A oublier… pour passer très vite à autre chos
DOMINIK WANIA & CHRISTOPHE MONNIOT
Dominik Wania piano | Christophe Monniot saxophones alto & sopranino
Dès les premières mesures à l’inverse, la rencontre entre le pianiste polonais Dominik Wania (grand régulateur des humeurs du quartet de Maciej Obara,) et le saxophoniste français Christophe Monniot s’est cristallisée et élevée à un degré de connexion intellectuelle et émotionnelle proprement stupéfiant — les deux musiciens touchant spontanément à des cimes d’expressivité spontanée et de profondeur poétique pour ne jamais plus les quitter du concert. Avec cette façon si personnelle d’allier une sonorité somptueuse empreinte d’un lyrisme intense à un phrasé à la légèreté fantasque toujours inattendue, Monniot a su comme à son habitude éviter tout pathos pour plonger au plus intime des sentiments, trouvant dans le touché lumineux et le phrasé à la fois délié et subtilement déconstructiviste du pianiste le support harmonique et rythmique idéal à ses digressions aussi pulsionnelles que savamment contrôlées. Alternant compositions originales et reprises de standards atypiques (de l’hymne traditionnel protestant à L’hymne à l’amour de Piaf !), les deux improvisateurs, au sommet de leur art et dans une totale empathie, ont non seulement su croiser leurs expériences et leurs références pour s’inventer des territoires communs à explorer, mais surtout saisir collectivement l’“humeur du moment” pour en donner une incarnation vivante, ludique et profondément émouvante. Un duo exceptionnel, aussi libre que lyrique, dont on aimerait avoir l’occasion de suivre l’évolution dans les années à venir si d’autres programmateurs et/ou producteurs avaient la bonne idée de l’aider à se développer.
Stéphane Ollivier