Jazz live
Publié le 11 Oct 2013

Jazzèbre à Perpignan : voyages et séjours

 

Il régnait après le dernier concert (Joachim Kühn trio) une ambiance chaleureuse dans les loges. La photo de Kühn aux côtés d’Eve Risser (qui avait attendu 22.30 pour pouvoir écouter son aîné) en témoigne, à sa façon, ci-après. Et il a fallu longtemps pour décider tout le monde à rentrer à la maison. Entre voyages dans des styles très opposés, et séjour somptueux dans l’univers du pianiste d’Ibiza, des entrechocs, des chocs, et bien des occasions de se réjouir de la vitalité du jazz, aujourd’hui.

 

IMG 5065

 

                        Joachim Kühn et Eve Risser

 

 

Eve Risser solo : Eve Risser (p préparé)

 

Trio « Saiyuki » : Nguyên Lê (g), Mieko Miyasaki (koto, voc), Prabhu Edouard (tablas, perc, voc)

 

Joachim Kühn Trio : Joachim Kühn (p), Sébastien Boisseau (b), Christian Lillinger (dm)

 

 

Eve Risser vous invite à un voyage mais ne vous contraint à rien. A vous de faire la moitié du travail. Elle joue d’un piano préparé, avec une palette d’effets – qu’on nommerait mieux « registrations » comme on le dit de l’orgue – très développée. Après le concert, nous sommes nombreux à nous jeter sur le piano ouvert pour comprendre. On ne saura pas grand chose, et après tout peu importe la cuisine interne. Pourtant on aimerait comprendre. Elle dit, avant le concert, que le voyage auquel nous sommes conviés serait plutôt orienté au nord. On veut bien. Mais aussi bien en Afrique (utilisation des cordes en percussions étouffées), ou dans les vallées pyrénéennes (cloches des troupeaux), ou dans les nombreux gouffres des mêmes vallées (sons graves répétés, prolongés). Il y a des effets d’ailettes (comme chez Paolo Angeli), des sons de corde jouée à l’archet qui se prolongent et s’interrompent quand elle semble le vouloir, il y a bien sûr des mailloches, des baguettes, des balles de ping-pong, et des tas d’autres choses très maîtrisées. C’est donc un voyage ouvert, un voyage libre, et au long du concert une lente évolution vers des dimensions plus narratives, des esquisses de rythmes, de phrases. On aime ça, cette invitation, cette liberté, ces sourires. Et puis, disons-le puisque nous sommes en « live », on peut ne pas fermer les yeux et jouir du rapport physique qu’Eve entretient avec son piano, plonger, caresser, frapper, toucher, toutes choses qui induisent un éros léger mais sensible. Très beau.

 

Le trio « Saiyuki » c’est un autre voyage, un voyage organisé. Vous partez en sachant d’avance que vous allez visiter le Taj Mahal, la baie d’Along et le mont Fuji. Et vous y êtes : la surprise, c’est qu’il n’y a aucune surprise, les images et les sons surviennent exactement comme vous vous y attendez. On dira donc que c’est codé. Bien sûr tout y est, rien ne manque : les sons du koto (qui se joue avec délicatesse mais sonne souvent comme une harpe), les rebondissements des tablas, avec leur opposition de sécheresse et de résonance, et même la guitare de Nguyên Lê qui fait astucieusement le lien avec l’occident. Une berceuse du Vietnam, une thème indien autour de de la rencontre (Sangam), et un incroyable chant érotique « japonais » qui mime l’orgasme d’une façon presque insupportable. Etrange produit musical, à la fois peaufiné, et un peu racoleur quand même. 

 

Joachim Kühn en trio (ce trio là), c’est moins un voyage qu’un séjour. Un séjour dans les territoires d’un pianiste que nous connaissions déjà quand nous n’étions que lecteur de « Jazz Magazine », vers la fin des années 60. Joachim semble avoir toujours été là, et toujours déjà au premier plan. Marc Sarrazy (qui prépare un ouvrage de référence sur la vie et l’oeuvre de Kühn) ne s’y trompe pas, il a repéré un thème qui figurait sur l’un des albums de l’été 69, un des célèbres et rarissimes « Byg ». « C’était à l’époque Gaby Love » lui dit Joachim, « mais c’est devenu aujourd’hui « Free Life » !!!« . Allusion à ce qui fait que la vie vous change en même temps que vous changez de vie… Ce trio jouera des pièces de Kühn, d’Ornette Coleman, et on aura droit à un superbe solo de saxophone alto. Mais évidemment, l’attraction première, c’est ce batteur que nous ne connaissions pas : Christian Lillinger. Un phénomène, une façon d’égaliser les niveaux sonores entre toms et cymbales unique, une vélocité jamais vue, à inscrire dans la lignée des batteurs modernes, entre Jim Black et Ari Hoenig pour prendre des extrêmes et souligner l’aptitude à la coloration qui se combine à la rigueur rythmique. Un jeu ouvert, d’une invention permanente qui frise parfois l’excès. Et une ovation générale pour finir. Sébastien Boisseau se régale, et nous régale aussi de quelques déboulés rugissants. Ce trio est l’un des plus excitants de Joachim Kühn, toutes époques confondues, et certainement le meilleur aujourd’hui.

 

Encore trois concerts aujourd’hui : d’abord le très beau duo entre Clément Janinet (violon) et Benjamin Flament (vibraphone) à 18.30, puis « Mediums » (Courtois, Erdmann, Fincker), et le quartet de John Abercrombie. Avec quand même Joe Baron, Marc Copland et Drew Gress

 

Philippe Méziat

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Il régnait après le dernier concert (Joachim Kühn trio) une ambiance chaleureuse dans les loges. La photo de Kühn aux côtés d’Eve Risser (qui avait attendu 22.30 pour pouvoir écouter son aîné) en témoigne, à sa façon, ci-après. Et il a fallu longtemps pour décider tout le monde à rentrer à la maison. Entre voyages dans des styles très opposés, et séjour somptueux dans l’univers du pianiste d’Ibiza, des entrechocs, des chocs, et bien des occasions de se réjouir de la vitalité du jazz, aujourd’hui.

 

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                        Joachim Kühn et Eve Risser

 

 

Eve Risser solo : Eve Risser (p préparé)

 

Trio « Saiyuki » : Nguyên Lê (g), Mieko Miyasaki (koto, voc), Prabhu Edouard (tablas, perc, voc)

 

Joachim Kühn Trio : Joachim Kühn (p), Sébastien Boisseau (b), Christian Lillinger (dm)

 

 

Eve Risser vous invite à un voyage mais ne vous contraint à rien. A vous de faire la moitié du travail. Elle joue d’un piano préparé, avec une palette d’effets – qu’on nommerait mieux « registrations » comme on le dit de l’orgue – très développée. Après le concert, nous sommes nombreux à nous jeter sur le piano ouvert pour comprendre. On ne saura pas grand chose, et après tout peu importe la cuisine interne. Pourtant on aimerait comprendre. Elle dit, avant le concert, que le voyage auquel nous sommes conviés serait plutôt orienté au nord. On veut bien. Mais aussi bien en Afrique (utilisation des cordes en percussions étouffées), ou dans les vallées pyrénéennes (cloches des troupeaux), ou dans les nombreux gouffres des mêmes vallées (sons graves répétés, prolongés). Il y a des effets d’ailettes (comme chez Paolo Angeli), des sons de corde jouée à l’archet qui se prolongent et s’interrompent quand elle semble le vouloir, il y a bien sûr des mailloches, des baguettes, des balles de ping-pong, et des tas d’autres choses très maîtrisées. C’est donc un voyage ouvert, un voyage libre, et au long du concert une lente évolution vers des dimensions plus narratives, des esquisses de rythmes, de phrases. On aime ça, cette invitation, cette liberté, ces sourires. Et puis, disons-le puisque nous sommes en « live », on peut ne pas fermer les yeux et jouir du rapport physique qu’Eve entretient avec son piano, plonger, caresser, frapper, toucher, toutes choses qui induisent un éros léger mais sensible. Très beau.

 

Le trio « Saiyuki » c’est un autre voyage, un voyage organisé. Vous partez en sachant d’avance que vous allez visiter le Taj Mahal, la baie d’Along et le mont Fuji. Et vous y êtes : la surprise, c’est qu’il n’y a aucune surprise, les images et les sons surviennent exactement comme vous vous y attendez. On dira donc que c’est codé. Bien sûr tout y est, rien ne manque : les sons du koto (qui se joue avec délicatesse mais sonne souvent comme une harpe), les rebondissements des tablas, avec leur opposition de sécheresse et de résonance, et même la guitare de Nguyên Lê qui fait astucieusement le lien avec l’occident. Une berceuse du Vietnam, une thème indien autour de de la rencontre (Sangam), et un incroyable chant érotique « japonais » qui mime l’orgasme d’une façon presque insupportable. Etrange produit musical, à la fois peaufiné, et un peu racoleur quand même. 

 

Joachim Kühn en trio (ce trio là), c’est moins un voyage qu’un séjour. Un séjour dans les territoires d’un pianiste que nous connaissions déjà quand nous n’étions que lecteur de « Jazz Magazine », vers la fin des années 60. Joachim semble avoir toujours été là, et toujours déjà au premier plan. Marc Sarrazy (qui prépare un ouvrage de référence sur la vie et l’oeuvre de Kühn) ne s’y trompe pas, il a repéré un thème qui figurait sur l’un des albums de l’été 69, un des célèbres et rarissimes « Byg ». « C’était à l’époque Gaby Love » lui dit Joachim, « mais c’est devenu aujourd’hui « Free Life » !!!« . Allusion à ce qui fait que la vie vous change en même temps que vous changez de vie… Ce trio jouera des pièces de Kühn, d’Ornette Coleman, et on aura droit à un superbe solo de saxophone alto. Mais évidemment, l’attraction première, c’est ce batteur que nous ne connaissions pas : Christian Lillinger. Un phénomène, une façon d’égaliser les niveaux sonores entre toms et cymbales unique, une vélocité jamais vue, à inscrire dans la lignée des batteurs modernes, entre Jim Black et Ari Hoenig pour prendre des extrêmes et souligner l’aptitude à la coloration qui se combine à la rigueur rythmique. Un jeu ouvert, d’une invention permanente qui frise parfois l’excès. Et une ovation générale pour finir. Sébastien Boisseau se régale, et nous régale aussi de quelques déboulés rugissants. Ce trio est l’un des plus excitants de Joachim Kühn, toutes époques confondues, et certainement le meilleur aujourd’hui.

 

Encore trois concerts aujourd’hui : d’abord le très beau duo entre Clément Janinet (violon) et Benjamin Flament (vibraphone) à 18.30, puis « Mediums » (Courtois, Erdmann, Fincker), et le quartet de John Abercrombie. Avec quand même Joe Baron, Marc Copland et Drew Gress

 

Philippe Méziat

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Il régnait après le dernier concert (Joachim Kühn trio) une ambiance chaleureuse dans les loges. La photo de Kühn aux côtés d’Eve Risser (qui avait attendu 22.30 pour pouvoir écouter son aîné) en témoigne, à sa façon, ci-après. Et il a fallu longtemps pour décider tout le monde à rentrer à la maison. Entre voyages dans des styles très opposés, et séjour somptueux dans l’univers du pianiste d’Ibiza, des entrechocs, des chocs, et bien des occasions de se réjouir de la vitalité du jazz, aujourd’hui.

 

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                        Joachim Kühn et Eve Risser

 

 

Eve Risser solo : Eve Risser (p préparé)

 

Trio « Saiyuki » : Nguyên Lê (g), Mieko Miyasaki (koto, voc), Prabhu Edouard (tablas, perc, voc)

 

Joachim Kühn Trio : Joachim Kühn (p), Sébastien Boisseau (b), Christian Lillinger (dm)

 

 

Eve Risser vous invite à un voyage mais ne vous contraint à rien. A vous de faire la moitié du travail. Elle joue d’un piano préparé, avec une palette d’effets – qu’on nommerait mieux « registrations » comme on le dit de l’orgue – très développée. Après le concert, nous sommes nombreux à nous jeter sur le piano ouvert pour comprendre. On ne saura pas grand chose, et après tout peu importe la cuisine interne. Pourtant on aimerait comprendre. Elle dit, avant le concert, que le voyage auquel nous sommes conviés serait plutôt orienté au nord. On veut bien. Mais aussi bien en Afrique (utilisation des cordes en percussions étouffées), ou dans les vallées pyrénéennes (cloches des troupeaux), ou dans les nombreux gouffres des mêmes vallées (sons graves répétés, prolongés). Il y a des effets d’ailettes (comme chez Paolo Angeli), des sons de corde jouée à l’archet qui se prolongent et s’interrompent quand elle semble le vouloir, il y a bien sûr des mailloches, des baguettes, des balles de ping-pong, et des tas d’autres choses très maîtrisées. C’est donc un voyage ouvert, un voyage libre, et au long du concert une lente évolution vers des dimensions plus narratives, des esquisses de rythmes, de phrases. On aime ça, cette invitation, cette liberté, ces sourires. Et puis, disons-le puisque nous sommes en « live », on peut ne pas fermer les yeux et jouir du rapport physique qu’Eve entretient avec son piano, plonger, caresser, frapper, toucher, toutes choses qui induisent un éros léger mais sensible. Très beau.

 

Le trio « Saiyuki » c’est un autre voyage, un voyage organisé. Vous partez en sachant d’avance que vous allez visiter le Taj Mahal, la baie d’Along et le mont Fuji. Et vous y êtes : la surprise, c’est qu’il n’y a aucune surprise, les images et les sons surviennent exactement comme vous vous y attendez. On dira donc que c’est codé. Bien sûr tout y est, rien ne manque : les sons du koto (qui se joue avec délicatesse mais sonne souvent comme une harpe), les rebondissements des tablas, avec leur opposition de sécheresse et de résonance, et même la guitare de Nguyên Lê qui fait astucieusement le lien avec l’occident. Une berceuse du Vietnam, une thème indien autour de de la rencontre (Sangam), et un incroyable chant érotique « japonais » qui mime l’orgasme d’une façon presque insupportable. Etrange produit musical, à la fois peaufiné, et un peu racoleur quand même. 

 

Joachim Kühn en trio (ce trio là), c’est moins un voyage qu’un séjour. Un séjour dans les territoires d’un pianiste que nous connaissions déjà quand nous n’étions que lecteur de « Jazz Magazine », vers la fin des années 60. Joachim semble avoir toujours été là, et toujours déjà au premier plan. Marc Sarrazy (qui prépare un ouvrage de référence sur la vie et l’oeuvre de Kühn) ne s’y trompe pas, il a repéré un thème qui figurait sur l’un des albums de l’été 69, un des célèbres et rarissimes « Byg ». « C’était à l’époque Gaby Love » lui dit Joachim, « mais c’est devenu aujourd’hui « Free Life » !!!« . Allusion à ce qui fait que la vie vous change en même temps que vous changez de vie… Ce trio jouera des pièces de Kühn, d’Ornette Coleman, et on aura droit à un superbe solo de saxophone alto. Mais évidemment, l’attraction première, c’est ce batteur que nous ne connaissions pas : Christian Lillinger. Un phénomène, une façon d’égaliser les niveaux sonores entre toms et cymbales unique, une vélocité jamais vue, à inscrire dans la lignée des batteurs modernes, entre Jim Black et Ari Hoenig pour prendre des extrêmes et souligner l’aptitude à la coloration qui se combine à la rigueur rythmique. Un jeu ouvert, d’une invention permanente qui frise parfois l’excès. Et une ovation générale pour finir. Sébastien Boisseau se régale, et nous régale aussi de quelques déboulés rugissants. Ce trio est l’un des plus excitants de Joachim Kühn, toutes époques confondues, et certainement le meilleur aujourd’hui.

 

Encore trois concerts aujourd’hui : d’abord le très beau duo entre Clément Janinet (violon) et Benjamin Flament (vibraphone) à 18.30, puis « Mediums » (Courtois, Erdmann, Fincker), et le quartet de John Abercrombie. Avec quand même Joe Baron, Marc Copland et Drew Gress

 

Philippe Méziat

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Il régnait après le dernier concert (Joachim Kühn trio) une ambiance chaleureuse dans les loges. La photo de Kühn aux côtés d’Eve Risser (qui avait attendu 22.30 pour pouvoir écouter son aîné) en témoigne, à sa façon, ci-après. Et il a fallu longtemps pour décider tout le monde à rentrer à la maison. Entre voyages dans des styles très opposés, et séjour somptueux dans l’univers du pianiste d’Ibiza, des entrechocs, des chocs, et bien des occasions de se réjouir de la vitalité du jazz, aujourd’hui.

 

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                        Joachim Kühn et Eve Risser

 

 

Eve Risser solo : Eve Risser (p préparé)

 

Trio « Saiyuki » : Nguyên Lê (g), Mieko Miyasaki (koto, voc), Prabhu Edouard (tablas, perc, voc)

 

Joachim Kühn Trio : Joachim Kühn (p), Sébastien Boisseau (b), Christian Lillinger (dm)

 

 

Eve Risser vous invite à un voyage mais ne vous contraint à rien. A vous de faire la moitié du travail. Elle joue d’un piano préparé, avec une palette d’effets – qu’on nommerait mieux « registrations » comme on le dit de l’orgue – très développée. Après le concert, nous sommes nombreux à nous jeter sur le piano ouvert pour comprendre. On ne saura pas grand chose, et après tout peu importe la cuisine interne. Pourtant on aimerait comprendre. Elle dit, avant le concert, que le voyage auquel nous sommes conviés serait plutôt orienté au nord. On veut bien. Mais aussi bien en Afrique (utilisation des cordes en percussions étouffées), ou dans les vallées pyrénéennes (cloches des troupeaux), ou dans les nombreux gouffres des mêmes vallées (sons graves répétés, prolongés). Il y a des effets d’ailettes (comme chez Paolo Angeli), des sons de corde jouée à l’archet qui se prolongent et s’interrompent quand elle semble le vouloir, il y a bien sûr des mailloches, des baguettes, des balles de ping-pong, et des tas d’autres choses très maîtrisées. C’est donc un voyage ouvert, un voyage libre, et au long du concert une lente évolution vers des dimensions plus narratives, des esquisses de rythmes, de phrases. On aime ça, cette invitation, cette liberté, ces sourires. Et puis, disons-le puisque nous sommes en « live », on peut ne pas fermer les yeux et jouir du rapport physique qu’Eve entretient avec son piano, plonger, caresser, frapper, toucher, toutes choses qui induisent un éros léger mais sensible. Très beau.

 

Le trio « Saiyuki » c’est un autre voyage, un voyage organisé. Vous partez en sachant d’avance que vous allez visiter le Taj Mahal, la baie d’Along et le mont Fuji. Et vous y êtes : la surprise, c’est qu’il n’y a aucune surprise, les images et les sons surviennent exactement comme vous vous y attendez. On dira donc que c’est codé. Bien sûr tout y est, rien ne manque : les sons du koto (qui se joue avec délicatesse mais sonne souvent comme une harpe), les rebondissements des tablas, avec leur opposition de sécheresse et de résonance, et même la guitare de Nguyên Lê qui fait astucieusement le lien avec l’occident. Une berceuse du Vietnam, une thème indien autour de de la rencontre (Sangam), et un incroyable chant érotique « japonais » qui mime l’orgasme d’une façon presque insupportable. Etrange produit musical, à la fois peaufiné, et un peu racoleur quand même. 

 

Joachim Kühn en trio (ce trio là), c’est moins un voyage qu’un séjour. Un séjour dans les territoires d’un pianiste que nous connaissions déjà quand nous n’étions que lecteur de « Jazz Magazine », vers la fin des années 60. Joachim semble avoir toujours été là, et toujours déjà au premier plan. Marc Sarrazy (qui prépare un ouvrage de référence sur la vie et l’oeuvre de Kühn) ne s’y trompe pas, il a repéré un thème qui figurait sur l’un des albums de l’été 69, un des célèbres et rarissimes « Byg ». « C’était à l’époque Gaby Love » lui dit Joachim, « mais c’est devenu aujourd’hui « Free Life » !!!« . Allusion à ce qui fait que la vie vous change en même temps que vous changez de vie… Ce trio jouera des pièces de Kühn, d’Ornette Coleman, et on aura droit à un superbe solo de saxophone alto. Mais évidemment, l’attraction première, c’est ce batteur que nous ne connaissions pas : Christian Lillinger. Un phénomène, une façon d’égaliser les niveaux sonores entre toms et cymbales unique, une vélocité jamais vue, à inscrire dans la lignée des batteurs modernes, entre Jim Black et Ari Hoenig pour prendre des extrêmes et souligner l’aptitude à la coloration qui se combine à la rigueur rythmique. Un jeu ouvert, d’une invention permanente qui frise parfois l’excès. Et une ovation générale pour finir. Sébastien Boisseau se régale, et nous régale aussi de quelques déboulés rugissants. Ce trio est l’un des plus excitants de Joachim Kühn, toutes époques confondues, et certainement le meilleur aujourd’hui.

 

Encore trois concerts aujourd’hui : d’abord le très beau duo entre Clément Janinet (violon) et Benjamin Flament (vibraphone) à 18.30, puis « Mediums » (Courtois, Erdmann, Fincker), et le quartet de John Abercrombie. Avec quand même Joe Baron, Marc Copland et Drew Gress

 

Philippe Méziat