Jeff Goldblum, Matteo Mancuso et Kiefer au Montreal Jazz Festival

Montréal accueille du 26 juin au 5 juillet des dizaines d’artistes, entre talents à découvrir et légendes vivantes. Découvrez chaque jour les Live Reports de l’envoyé spécial de Jazz Magazine.
Le temps aura passé vite depuis que le monde a découvert la passion pour le piano et le jazz que l’acteur star de La Mouche de David Cronenberg et de Jurassic Park de Steven Spielberg entretien depuis ses jeunes années, mais qu’il assume depuis son premier album en 2019 comme une véritable vie parallèle.
En ouverture de son concert entouré du Mildred Snitzer Orchestra qui l’accompagne depuis qu’il s’est lancé, on retrouvait un Tyreek McDole galvanisé par l’ampleur toute différente de la Salle Wilfried Pelletier et son groupe n’est pas en reste.
A peine le groupe de Tyreek McDole a t-il terminé que l’équipe technique s’affaire pour changer de plateau. Mais Jeff Goldblum fait irruption sur scène au beau milieu de l’entracte et se lance dans un one man show burlesque avec tout le talent qu’il possède pour ça : ça commence avec une histoire de pupitre de piano volé, puis il évoque de mystérieuses pastilles miraculeuses pour la gorge en forme de losange, adresse des félicitations au public pour le Canada Day, interroge la foule sur la véritable recette de la poutine avant de faire lui faire chanter l’hymne national. Tout ça avant d’entendre une note de musique, et encore je ne vous raconte pas tout. Mais où sommes-nous ?!
Le meilleur changement de plateau de l’histoire du festival se termine quand le concert commence et on retrouve les qualités de ce groupe où l’acteur, autant participant que spectateur tant il semble s’amuser du jeu de son propre groupe, ne se met jamais, en dépit d’un jeu de scène légèrement extravagant, trop en avant par rapport à ses formidables musiciens. De The Grease Patrol de Plas Johnson à Let’s Face The Music And Dance d’Irving Berlin chanté par Khaila Johnson, le groupe déroule comme à la parade, pour le plus grand bonheur de la salle.
Changement d’univers : il n’aura pas suffit d’un concert pour prendre toute la mesure du talent du jeune guitariste transalpin Matteo Mancuso, qui a conquis deux fois de suite le public du Parterre Rogers avec son trio. On apprécie d’autant mieux le prodige de la six-cordes qu’il n’est pas seul dans une pièce comme on a pu souvent l’entendre à ses débuts, sur YouTube.

Si on se régale de son jeu époustouflant qui jette un pont entre un Pat Martino et un Alan Holdsworth, son bassiste Riccardo Oliva et son batteur Gianluca Pellerito sont tout aussi redoutables que lui et parviennent presque parfois à lui voler la vedette, tandis que les trois hommes font preuve d’une écoute de chaque instant qui témoigne d’une véritable amitié. A découvrir absolument !
Mais le festival avait encore bien des choses à offrir et le concert très attendu du claviériste américain Kiefer, en trio au Gesù, fut un autre sommet. Pianiste accompli, élève du célèbre bassiste de studio Abraham Laboriel et producteur, le Californien a su au fil de 3 albums et 2 EP se façonner un style accrocheur, un hip-hop instrumental (ascendant lo-fi) cotonneux, onirique et ensoleillé avec des chorus de piano à la Mulgrew Miller et des substitutions d’accord façon George Russell.

Ce soir, c’était tout pour le groove et le chill, entouré qu’il était de deux fins limiers, le batteur Diego Ramirez et du bassiste Carrtoons, pour un répertoire mêlant originaux et reprises bien senties (Love Is Stronger Than Pride de Sade, Fall In Love de J Dilla ou Everybody Loves The Sunshine de Roy Ayers). Une parenthèse hors du temps par un artiste qu’on espère voir plus souvent en France ces prochaines années. Yazid Kouloughli