Journée d’étude : les archives du jazz en France
Une journée d’étude devait initialement se tenir le 7 février dernier et fut annulée en raison d’une grande journée d’action et de grève contre la réforme du régime des retraites qui en compromettait la tenue. Elle s’est donc déroulée le vendredi 23 juin, entre 9h et 19h, sur le site Richelieu de la BNF, lieu d’implantation historique de la Bibliothèque Nationale de France. Regroupant des musicologues, universitaires, mais aussi chercheurs et collectionneurs indépendants, et des témoins, de France ou d’ailleurs. Cette quatrième journée d’étude sur l’actualité de la recherche sur le jazz en France était intitulée «Les archives du jazz en France : matière et mémoire». Clin d’œil à Bergson ou contre-pied matérialiste ? Qui sait….
de gauche à droite Jérôme Fronty, Mathias Auclair, Anne Legrand & Martin Guerpin
Après une introduction de Laurent Cugny (Sorbonne Université) et Martin Guerpin (Université de Paris-Saclay), deux universitaires également musiciens, la politique d’acquisition des collections de jazz par la BNF fut présenté par Mathias Auclair, directeur du département de la musique. Puis Jérome Fronty, du même département, coorganisateur de cette journée, présenta les modalités d’accès à ces ressources, et exposa quelques cas d’acquisitions, récentes ou en cours, qu’il s’agisse des archives de musiciens (Hubert Rostaing, et dernièrement Jean-Louis Chautemps), d’un homme de radio et de télévision (André Francis), ou d’un collectionneur (Léon Diercks).
Ensuite Anne Legrand (département de la conservation) nous entretint du traitement du fonds Charles Delaunay, dont le processus remonte à 1979, et se concrétisa en 1988 à la mort de ce grand acteur du jazz des années depuis les années 30.
Vint ensuite une table ronde où Pierre Fargeton (Université Jean Monnet de Saint Étienne) nous parla de ses recherches dans les archives d’André Hodeir (au domicile du compositeur et de sa veuve), et de l’auteur-chroniqueur Hugues Panassié (à la médiathèque de Villefranche-de-Rouergue). En tant que chercheur résidant en région, il a mis en évidence la lourdeur du système de consultation de la BNF qui oblige ces chercheurs (enseignants ou jeunes doctorants) à séjourner plusieurs jours à Paris pour consulter quelques documents. Difficultés qu’il n’a pas rencontrées dans des fonds privés ou décentralisés. Dan Vernhettes, collectionneur, chercheur indépendant et créateur de l’association Jazz’édit ( https://www.jazzedit.org/ ) nous fit part de sa grande expérience des recherches aux USA (notamment dans les institutions et autres ressources en Louisiane). Dans cette même table ronde votre serviteur (ancien producteur de radio, toujours chroniqueur et auteur multimédia) parla brièvement, en qualité de témoin (car il lui succéda durant 17 ans comme responsable du Bureau du Jazz), des archives d’André Francis à Radio France.
En début d’après-midi Hugo Rodriguez (Bibliothèque Royale de Belgique et Musées des instruments de Buxelles) évoqua son travail sur le fonds légué par la veuve de Toots Thielemans (consultable sur https://opac.kbr.be/music.aspx ) et des manifestations organisées en 2022 pour le centenaire de l’harmoniciste-guitariste-siffleur et compositeur. Puis intervinrent en visioconférence Wolfram Knauer (Jazzinstitut, Darmstadt https://www.jazzinstitut.de ) et John Hasse (Smithsonian Jazz, Washington D.C. https://americanhistory.si.edu/smithsonian-jazz ).
De leurs deux interventions ressort l’intérêt de diffuser les informations et le savoir, et de stimuler les recherches.
Vers 17h Martin Guerpin et Laurent Cugny évoquèrent un travail commun sur une anthologie des écrits francophones sur le jazz, travail en cours ( https://pressemusicale.emf.oicrm.org/editions-en-ligne/jazz-presse-francophone/ ) et qui débouchera en 2024 sur un livre publié chez Vrin.
Laurent Cugny a également rappelé l’initiative de Bibliojazz, catalogue numérique de références (https://bibliojazz-collegium-musicae.huma-num.fr/s/bibliojazz/page/accueil)
Puis fut évoquée la question de l’utilisation des fonds d’archives dans la pédagogie, par Jacques Schneck et Stéphane Audard (ADEJ , association des enseignants de jazz), Juliette Delobel (Médiathèque de la Ville de Paris, Éric Barret (Conservatoire Charles Munch).
Et la journée se termina par une table ronde qui accueillait des collectionneurs et chercheurs indépendants : Philippe Baudoin (musicien, auteur, collectionneur et précieuse personne ressource pour bien des chercheurs, auteurs, musiciens….) ; Alexandre Litwak Centre Européen des Musiques de Jazz (https://www.cemjazz.org/); et François Lacharme (ancien président de l’Académie du Jazz), lequel évoqua le fonds d’archives de Francis Paudras.
De cette copieuse journée d’étude (et de réflexion) il ressort qu’il est précieux de sauvegarder les archives, et de les mettre à la disposition des divers publics : chercheurs universitaires, étudiants, doctorants, mais aussi musiciens, mélomanes, professionnels de médias…. bref de toute personne qui s’intéresse au sujet et cherche à en approfondir la connaissance. Si certains chercheurs déplorent parfois la difficulté d’accès aux sources, lesdites sources regrettent que les demandes, notamment des étudiants, et d’autres usagers, ne soient pas toujours assez nombreuses malgré l’intérêt des fonds. Ce qui pourrait décourager les institutions de consacrer de gros moyens, financiers et humains, à l’acquisition et à la conservation de ces fonds : chercheurs et amateurs de tous les horizons, tirez parti de ces ressources !
Xavier Prévost