Jazz live
Publié le 22 Août 2013

La Bretagne à l’heure de Malguénac

Le jazz à Malguénac, c’est ce soir, dans quelques heures, mais le soleil breton me donne l’humeur vagabonde. Alors jazzfans, si vous n’aimez pas vagabonder, sautez quelques paragraphes.

 

Vagabondage et dérapage

Après avoir taillé ma haie, ciré mes souliers pour faire honneur ce soir au festival Arts des villes et Arts des champs (à l’Ouest de Pontivy), je me suis servi un petit verre de lambig et j’ai ouvert Ouest France (édition Pontivy) non sans avoir glissé dans ma platine “Teir”, l’album que viennent de signer Annie Ebrel, Marthe Vassallo et Nolùen Le Buhé (ne pas confondre avec une autre Nolwen qui est la honte de la musique bretonne) chez L’Oz Productions. Un mélange de monodies bretonnes dont elles se sont fait une spécialité depuis des lustres, mélodies à veiller, à pleurer ou à danser (les fameux répons du kan ha diskan) et d’une réflexion sur le travail à trois voix qui puise dans de multiples traditions du monde que ces trois femmes ont à l’oreille et qu’elles ont su faire leurs sans jamais trahir leurs racines qu’elles ont profondément enfouies dans le terroir bretonne. C’est d’une folle gaîté (ne serait-ce que par la gaîté de ce travail en commun qui transpire tout au long du disque) et grave, d’une légèreté qui garantit la profondeur de leurs chants de tout risque kitsch, avec de prodigieux dérapage polyphoniques, lorsque que l’homophonie se disperse soudain à trois voix dans des canons très libres, sur des textes distincts ou en des ponctuations d’imitations animalières dont la tradition bretonne à le secret.

 

Vagabondage et ricanage

Le jazzfan ricane. Il devrait se souvenir que Riccardo Del Fra, illustre compagnon de Chet Baker, ne ricana pas du tout lorsqu’il se vit confronté à cette tradition par le guitariste Jacques Pellen en un orchestre, Celtique Procession, où il fit la connaissance d’Annie Ebrel. Annie et Riccardo firent un bout de chemin ensemble, signant un disque en duo et un projet scénique à la tête d’un dispositif orchestral plus important. Lors d’un cours sur le thème “Jazz et musiques du monde” donné à de jeunes diplômés de la classe de jazz du CNSM (dont Riccardo Del Fra est le directeur), je leur fis écouter ce duo de Riccardo auquel il n’avait jamais prêté l’oreille et quelques autres mélanges du même ordre, dont une étonnante collision provoquée par le groupe breton Hamon-Martin (le joueur de bombarde Erwan Hamon et l’accordéoniste diatonique Jannick Martin) entre un air traditionnel breton et une composition de Dave Holland (“Les Métamorphoses” Coop Breizh) et je les sentis quelque peu ébranlés par ces musiques.

 

Vagabondage et éclairage

“Bénissons à jamais le café, la goutte après”, chantent nos chanteuses. Mon verre de lambig (une bouteille de cet alcool de cidre qui m’a été offerte l’an dernier par Annie Ebrel… ça sent la corruption de journaliste) touche à sa fin et il serait déraisonnable de m’en resservir un verre, mais avant de poursuivre ma lecture de Ouest France, je dois préciser au lecteur assidu de Jazzmag que ma chronique du disque de Zoot Sims / Bucky Pizzarelli dans notre numéro 651 comportait une coquille (Piazzrelli) et, à l’avant-dernière ligne, une private joke adressée à mes amis bretons. Éclairons le lecteur : Reor ar vouloñjerezh veut dire « Le cul de la boulangère. »

 

Ce soir Malguénac : Ouest-France et les bénévoles

J’en viens donc au Ouest-France de ce 22 août où s’étale sur un tiers de page un article intitulé Malguénac, Avant le festival de jazz, les bénévoles préparent le terrain. On y découvre Christian et Romain, les décorateurs, Cécile que j’ai souvent croisée dans l’enceinte du festival sans savoir qu’elle était la fondatrice (elle doit avoir un nom cette co-fondatrice de l’association Polycultures, mais c’est le sort du bénévole que d’être souvent réduit à un prénom), Francis le bâtisseur (c’est lui qui dresse les tonnelles) ainsi qu’un encadré sur l’exposition d’art populaire de cette édition qui a pour thème le papier. J’en connais d’autres, de mon village ou des environs qui ont été bénévoles à plusieurs reprises, qui le sont cette année pour la première fois ou qui le seront. J’ai fait cet été l’éloge des bénévoles, en m’excusant auprès des lecteurs, de l’éloge répétée, rituelle, redondante, avec ces relents de corruption qui traînent dans le sillage du journaliste choyé lors de son séjour dans les festivals. J’ai souvent vanté la qualité de la décoration qui transfigure, à Malguénac, le gymnase en salle de concert et ses coulisses, avec une imagination qui donne à sourire, j’ai vanté cette armée de bénévoles jusque dans ses activités de peluche qui nous vaut d’accompagner la traditionnelle saucisse de vraies frites (lorsqu’on n’opte pas pour la galette-saucisse)…  Mais je suis troublé par cette page de Ouest France qui, le jour du festival, ne dit rien du programme. Il faut croire qu’il a déjà été abondamment annoncé dans les éditions de la semaine. On apprend toutefois qu’il nous en coûtera 15€ la soirée (tarif réduit : 13€, moins de 18 ans et sans emploi) et 33 € le pass de trois jours. Raisonnable !

 

Malguénac: demandez le programme

Le programme ? Je ne l’ai hélas pas sous la main au moment de rédiger ce blog que, faute de communication internet, j’irai mettre en ligne chez un voisin, mais vous le trouverez sur http://malguenacfestival.free.fr/ Je sais juste que j’y serai ce soir à 20h30 pour le quartette des frères Moutin avec Rick Margitza et Pierre de Bethmann, mais que j’y entendrai aussi un Tribute to Coltrane (un exercice récurrent de ce festival qui aurait pu dresser dans l’une chapelles des alentours un autel à Saint John) par Aymeric Descharrières, Mickaël Sevrain, Sébastien Bacquias et Philippe Gleizes. Demain 23, je ne manquerai pas pour tout l’or du monde le quartette d’Hélène Labarrière (avec François Corneloup), le trio bretonnant [zõn] (chant, accordéon diatonique, violon) dont j’ai dit le plus grand bien dans notre numéro 648, notamment pour le violoniste Grégoire Hennebelle passé par la classe de jazz de Saint-Brieuc et déjà remarqué au sein du Grand Orchestre Armorigène et de Nautilis, et enfin, en fin de soirée, le fameux trio belge Aka Moon. Le 24, je n’ai pas le détail de la soirée en tête, mais je sais que j’y serai pour réentendre le Badume’s Band et ses accents éthiopiens (on retrouvera à leurs côtés la chanteuse Selamnesh Zemene que l’on aura déjà entendue le 22) et le quintette du saxophoniste Jean-Rémy Guéd
on, du percussioniste Dédé Saint-Prix et du guitariste Christian Laviso.


Revagabondage

Le crève-cœur dans cette affaire, c’est que chaque année Arts des villes et Arts des champs se tient à la même date que le Festival de danse fisel de Rostrenen (quelques dizaines de kilomètres au Nord et six pages plus loin dans Ouest France) qui accueille cette année le Taraf de Haïdouk et René Lacaille. Mais il faut surtout voir la foule de ce festival danser fisel. Il y a là quelque chose d’une extraordinaire sauvagerie qui confine au sacré. Sous l’article sur Malguénac, un autre article attire mon attention : Guern, les jeudis de Quelven associent concerts et nature. C’est que l’église de Quelven attire un orgue auquel l’organiste Léon Berben rend les honneurs autant que son emploi du temps le lui permet. Quelven, j’y passerai tout à l’heure, quelques kilomètres avant d’atteindre Malguénac. Quel dommage que le même soir, à quelques kilomètres de distance, on soit obligé de choisir entre Léon Berben et les frères Moutin. Je rêve de voir un jour Andy Emler présenter ses duos pour orgue et saxophone, trompette ou section rythmique à Quelven en partenariat avec le festival de Malguénac. “Pause”, le projet pour orgue d’Andy Emler, est probablement l’une des plus choses que j’ai entendues ces dernières années et c’est un grand dommage de voir comme ce disque n’a pas trouvé son public. Peut-être tout simplement parce que son public, il le trouvera live, dans les églises, au son de l’orgue. Encore faudrait-il trouvé la clé qui donne accès à ce circuit très fermé des orgues d’église.


Franck Bergerot

 

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Le jazz à Malguénac, c’est ce soir, dans quelques heures, mais le soleil breton me donne l’humeur vagabonde. Alors jazzfans, si vous n’aimez pas vagabonder, sautez quelques paragraphes.

 

Vagabondage et dérapage

Après avoir taillé ma haie, ciré mes souliers pour faire honneur ce soir au festival Arts des villes et Arts des champs (à l’Ouest de Pontivy), je me suis servi un petit verre de lambig et j’ai ouvert Ouest France (édition Pontivy) non sans avoir glissé dans ma platine “Teir”, l’album que viennent de signer Annie Ebrel, Marthe Vassallo et Nolùen Le Buhé (ne pas confondre avec une autre Nolwen qui est la honte de la musique bretonne) chez L’Oz Productions. Un mélange de monodies bretonnes dont elles se sont fait une spécialité depuis des lustres, mélodies à veiller, à pleurer ou à danser (les fameux répons du kan ha diskan) et d’une réflexion sur le travail à trois voix qui puise dans de multiples traditions du monde que ces trois femmes ont à l’oreille et qu’elles ont su faire leurs sans jamais trahir leurs racines qu’elles ont profondément enfouies dans le terroir bretonne. C’est d’une folle gaîté (ne serait-ce que par la gaîté de ce travail en commun qui transpire tout au long du disque) et grave, d’une légèreté qui garantit la profondeur de leurs chants de tout risque kitsch, avec de prodigieux dérapage polyphoniques, lorsque que l’homophonie se disperse soudain à trois voix dans des canons très libres, sur des textes distincts ou en des ponctuations d’imitations animalières dont la tradition bretonne à le secret.

 

Vagabondage et ricanage

Le jazzfan ricane. Il devrait se souvenir que Riccardo Del Fra, illustre compagnon de Chet Baker, ne ricana pas du tout lorsqu’il se vit confronté à cette tradition par le guitariste Jacques Pellen en un orchestre, Celtique Procession, où il fit la connaissance d’Annie Ebrel. Annie et Riccardo firent un bout de chemin ensemble, signant un disque en duo et un projet scénique à la tête d’un dispositif orchestral plus important. Lors d’un cours sur le thème “Jazz et musiques du monde” donné à de jeunes diplômés de la classe de jazz du CNSM (dont Riccardo Del Fra est le directeur), je leur fis écouter ce duo de Riccardo auquel il n’avait jamais prêté l’oreille et quelques autres mélanges du même ordre, dont une étonnante collision provoquée par le groupe breton Hamon-Martin (le joueur de bombarde Erwan Hamon et l’accordéoniste diatonique Jannick Martin) entre un air traditionnel breton et une composition de Dave Holland (“Les Métamorphoses” Coop Breizh) et je les sentis quelque peu ébranlés par ces musiques.

 

Vagabondage et éclairage

“Bénissons à jamais le café, la goutte après”, chantent nos chanteuses. Mon verre de lambig (une bouteille de cet alcool de cidre qui m’a été offerte l’an dernier par Annie Ebrel… ça sent la corruption de journaliste) touche à sa fin et il serait déraisonnable de m’en resservir un verre, mais avant de poursuivre ma lecture de Ouest France, je dois préciser au lecteur assidu de Jazzmag que ma chronique du disque de Zoot Sims / Bucky Pizzarelli dans notre numéro 651 comportait une coquille (Piazzrelli) et, à l’avant-dernière ligne, une private joke adressée à mes amis bretons. Éclairons le lecteur : Reor ar vouloñjerezh veut dire « Le cul de la boulangère. »

 

Ce soir Malguénac : Ouest-France et les bénévoles

J’en viens donc au Ouest-France de ce 22 août où s’étale sur un tiers de page un article intitulé Malguénac, Avant le festival de jazz, les bénévoles préparent le terrain. On y découvre Christian et Romain, les décorateurs, Cécile que j’ai souvent croisée dans l’enceinte du festival sans savoir qu’elle était la fondatrice (elle doit avoir un nom cette co-fondatrice de l’association Polycultures, mais c’est le sort du bénévole que d’être souvent réduit à un prénom), Francis le bâtisseur (c’est lui qui dresse les tonnelles) ainsi qu’un encadré sur l’exposition d’art populaire de cette édition qui a pour thème le papier. J’en connais d’autres, de mon village ou des environs qui ont été bénévoles à plusieurs reprises, qui le sont cette année pour la première fois ou qui le seront. J’ai fait cet été l’éloge des bénévoles, en m’excusant auprès des lecteurs, de l’éloge répétée, rituelle, redondante, avec ces relents de corruption qui traînent dans le sillage du journaliste choyé lors de son séjour dans les festivals. J’ai souvent vanté la qualité de la décoration qui transfigure, à Malguénac, le gymnase en salle de concert et ses coulisses, avec une imagination qui donne à sourire, j’ai vanté cette armée de bénévoles jusque dans ses activités de peluche qui nous vaut d’accompagner la traditionnelle saucisse de vraies frites (lorsqu’on n’opte pas pour la galette-saucisse)…  Mais je suis troublé par cette page de Ouest France qui, le jour du festival, ne dit rien du programme. Il faut croire qu’il a déjà été abondamment annoncé dans les éditions de la semaine. On apprend toutefois qu’il nous en coûtera 15€ la soirée (tarif réduit : 13€, moins de 18 ans et sans emploi) et 33 € le pass de trois jours. Raisonnable !

 

Malguénac: demandez le programme

Le programme ? Je ne l’ai hélas pas sous la main au moment de rédiger ce blog que, faute de communication internet, j’irai mettre en ligne chez un voisin, mais vous le trouverez sur http://malguenacfestival.free.fr/ Je sais juste que j’y serai ce soir à 20h30 pour le quartette des frères Moutin avec Rick Margitza et Pierre de Bethmann, mais que j’y entendrai aussi un Tribute to Coltrane (un exercice récurrent de ce festival qui aurait pu dresser dans l’une chapelles des alentours un autel à Saint John) par Aymeric Descharrières, Mickaël Sevrain, Sébastien Bacquias et Philippe Gleizes. Demain 23, je ne manquerai pas pour tout l’or du monde le quartette d’Hélène Labarrière (avec François Corneloup), le trio bretonnant [zõn] (chant, accordéon diatonique, violon) dont j’ai dit le plus grand bien dans notre numéro 648, notamment pour le violoniste Grégoire Hennebelle passé par la classe de jazz de Saint-Brieuc et déjà remarqué au sein du Grand Orchestre Armorigène et de Nautilis, et enfin, en fin de soirée, le fameux trio belge Aka Moon. Le 24, je n’ai pas le détail de la soirée en tête, mais je sais que j’y serai pour réentendre le Badume’s Band et ses accents éthiopiens (on retrouvera à leurs côtés la chanteuse Selamnesh Zemene que l’on aura déjà entendue le 22) et le quintette du saxophoniste Jean-Rémy Guéd
on, du percussioniste Dédé Saint-Prix et du guitariste Christian Laviso.


Revagabondage

Le crève-cœur dans cette affaire, c’est que chaque année Arts des villes et Arts des champs se tient à la même date que le Festival de danse fisel de Rostrenen (quelques dizaines de kilomètres au Nord et six pages plus loin dans Ouest France) qui accueille cette année le Taraf de Haïdouk et René Lacaille. Mais il faut surtout voir la foule de ce festival danser fisel. Il y a là quelque chose d’une extraordinaire sauvagerie qui confine au sacré. Sous l’article sur Malguénac, un autre article attire mon attention : Guern, les jeudis de Quelven associent concerts et nature. C’est que l’église de Quelven attire un orgue auquel l’organiste Léon Berben rend les honneurs autant que son emploi du temps le lui permet. Quelven, j’y passerai tout à l’heure, quelques kilomètres avant d’atteindre Malguénac. Quel dommage que le même soir, à quelques kilomètres de distance, on soit obligé de choisir entre Léon Berben et les frères Moutin. Je rêve de voir un jour Andy Emler présenter ses duos pour orgue et saxophone, trompette ou section rythmique à Quelven en partenariat avec le festival de Malguénac. “Pause”, le projet pour orgue d’Andy Emler, est probablement l’une des plus choses que j’ai entendues ces dernières années et c’est un grand dommage de voir comme ce disque n’a pas trouvé son public. Peut-être tout simplement parce que son public, il le trouvera live, dans les églises, au son de l’orgue. Encore faudrait-il trouvé la clé qui donne accès à ce circuit très fermé des orgues d’église.


Franck Bergerot

 

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Le jazz à Malguénac, c’est ce soir, dans quelques heures, mais le soleil breton me donne l’humeur vagabonde. Alors jazzfans, si vous n’aimez pas vagabonder, sautez quelques paragraphes.

 

Vagabondage et dérapage

Après avoir taillé ma haie, ciré mes souliers pour faire honneur ce soir au festival Arts des villes et Arts des champs (à l’Ouest de Pontivy), je me suis servi un petit verre de lambig et j’ai ouvert Ouest France (édition Pontivy) non sans avoir glissé dans ma platine “Teir”, l’album que viennent de signer Annie Ebrel, Marthe Vassallo et Nolùen Le Buhé (ne pas confondre avec une autre Nolwen qui est la honte de la musique bretonne) chez L’Oz Productions. Un mélange de monodies bretonnes dont elles se sont fait une spécialité depuis des lustres, mélodies à veiller, à pleurer ou à danser (les fameux répons du kan ha diskan) et d’une réflexion sur le travail à trois voix qui puise dans de multiples traditions du monde que ces trois femmes ont à l’oreille et qu’elles ont su faire leurs sans jamais trahir leurs racines qu’elles ont profondément enfouies dans le terroir bretonne. C’est d’une folle gaîté (ne serait-ce que par la gaîté de ce travail en commun qui transpire tout au long du disque) et grave, d’une légèreté qui garantit la profondeur de leurs chants de tout risque kitsch, avec de prodigieux dérapage polyphoniques, lorsque que l’homophonie se disperse soudain à trois voix dans des canons très libres, sur des textes distincts ou en des ponctuations d’imitations animalières dont la tradition bretonne à le secret.

 

Vagabondage et ricanage

Le jazzfan ricane. Il devrait se souvenir que Riccardo Del Fra, illustre compagnon de Chet Baker, ne ricana pas du tout lorsqu’il se vit confronté à cette tradition par le guitariste Jacques Pellen en un orchestre, Celtique Procession, où il fit la connaissance d’Annie Ebrel. Annie et Riccardo firent un bout de chemin ensemble, signant un disque en duo et un projet scénique à la tête d’un dispositif orchestral plus important. Lors d’un cours sur le thème “Jazz et musiques du monde” donné à de jeunes diplômés de la classe de jazz du CNSM (dont Riccardo Del Fra est le directeur), je leur fis écouter ce duo de Riccardo auquel il n’avait jamais prêté l’oreille et quelques autres mélanges du même ordre, dont une étonnante collision provoquée par le groupe breton Hamon-Martin (le joueur de bombarde Erwan Hamon et l’accordéoniste diatonique Jannick Martin) entre un air traditionnel breton et une composition de Dave Holland (“Les Métamorphoses” Coop Breizh) et je les sentis quelque peu ébranlés par ces musiques.

 

Vagabondage et éclairage

“Bénissons à jamais le café, la goutte après”, chantent nos chanteuses. Mon verre de lambig (une bouteille de cet alcool de cidre qui m’a été offerte l’an dernier par Annie Ebrel… ça sent la corruption de journaliste) touche à sa fin et il serait déraisonnable de m’en resservir un verre, mais avant de poursuivre ma lecture de Ouest France, je dois préciser au lecteur assidu de Jazzmag que ma chronique du disque de Zoot Sims / Bucky Pizzarelli dans notre numéro 651 comportait une coquille (Piazzrelli) et, à l’avant-dernière ligne, une private joke adressée à mes amis bretons. Éclairons le lecteur : Reor ar vouloñjerezh veut dire « Le cul de la boulangère. »

 

Ce soir Malguénac : Ouest-France et les bénévoles

J’en viens donc au Ouest-France de ce 22 août où s’étale sur un tiers de page un article intitulé Malguénac, Avant le festival de jazz, les bénévoles préparent le terrain. On y découvre Christian et Romain, les décorateurs, Cécile que j’ai souvent croisée dans l’enceinte du festival sans savoir qu’elle était la fondatrice (elle doit avoir un nom cette co-fondatrice de l’association Polycultures, mais c’est le sort du bénévole que d’être souvent réduit à un prénom), Francis le bâtisseur (c’est lui qui dresse les tonnelles) ainsi qu’un encadré sur l’exposition d’art populaire de cette édition qui a pour thème le papier. J’en connais d’autres, de mon village ou des environs qui ont été bénévoles à plusieurs reprises, qui le sont cette année pour la première fois ou qui le seront. J’ai fait cet été l’éloge des bénévoles, en m’excusant auprès des lecteurs, de l’éloge répétée, rituelle, redondante, avec ces relents de corruption qui traînent dans le sillage du journaliste choyé lors de son séjour dans les festivals. J’ai souvent vanté la qualité de la décoration qui transfigure, à Malguénac, le gymnase en salle de concert et ses coulisses, avec une imagination qui donne à sourire, j’ai vanté cette armée de bénévoles jusque dans ses activités de peluche qui nous vaut d’accompagner la traditionnelle saucisse de vraies frites (lorsqu’on n’opte pas pour la galette-saucisse)…  Mais je suis troublé par cette page de Ouest France qui, le jour du festival, ne dit rien du programme. Il faut croire qu’il a déjà été abondamment annoncé dans les éditions de la semaine. On apprend toutefois qu’il nous en coûtera 15€ la soirée (tarif réduit : 13€, moins de 18 ans et sans emploi) et 33 € le pass de trois jours. Raisonnable !

 

Malguénac: demandez le programme

Le programme ? Je ne l’ai hélas pas sous la main au moment de rédiger ce blog que, faute de communication internet, j’irai mettre en ligne chez un voisin, mais vous le trouverez sur http://malguenacfestival.free.fr/ Je sais juste que j’y serai ce soir à 20h30 pour le quartette des frères Moutin avec Rick Margitza et Pierre de Bethmann, mais que j’y entendrai aussi un Tribute to Coltrane (un exercice récurrent de ce festival qui aurait pu dresser dans l’une chapelles des alentours un autel à Saint John) par Aymeric Descharrières, Mickaël Sevrain, Sébastien Bacquias et Philippe Gleizes. Demain 23, je ne manquerai pas pour tout l’or du monde le quartette d’Hélène Labarrière (avec François Corneloup), le trio bretonnant [zõn] (chant, accordéon diatonique, violon) dont j’ai dit le plus grand bien dans notre numéro 648, notamment pour le violoniste Grégoire Hennebelle passé par la classe de jazz de Saint-Brieuc et déjà remarqué au sein du Grand Orchestre Armorigène et de Nautilis, et enfin, en fin de soirée, le fameux trio belge Aka Moon. Le 24, je n’ai pas le détail de la soirée en tête, mais je sais que j’y serai pour réentendre le Badume’s Band et ses accents éthiopiens (on retrouvera à leurs côtés la chanteuse Selamnesh Zemene que l’on aura déjà entendue le 22) et le quintette du saxophoniste Jean-Rémy Guéd
on, du percussioniste Dédé Saint-Prix et du guitariste Christian Laviso.


Revagabondage

Le crève-cœur dans cette affaire, c’est que chaque année Arts des villes et Arts des champs se tient à la même date que le Festival de danse fisel de Rostrenen (quelques dizaines de kilomètres au Nord et six pages plus loin dans Ouest France) qui accueille cette année le Taraf de Haïdouk et René Lacaille. Mais il faut surtout voir la foule de ce festival danser fisel. Il y a là quelque chose d’une extraordinaire sauvagerie qui confine au sacré. Sous l’article sur Malguénac, un autre article attire mon attention : Guern, les jeudis de Quelven associent concerts et nature. C’est que l’église de Quelven attire un orgue auquel l’organiste Léon Berben rend les honneurs autant que son emploi du temps le lui permet. Quelven, j’y passerai tout à l’heure, quelques kilomètres avant d’atteindre Malguénac. Quel dommage que le même soir, à quelques kilomètres de distance, on soit obligé de choisir entre Léon Berben et les frères Moutin. Je rêve de voir un jour Andy Emler présenter ses duos pour orgue et saxophone, trompette ou section rythmique à Quelven en partenariat avec le festival de Malguénac. “Pause”, le projet pour orgue d’Andy Emler, est probablement l’une des plus choses que j’ai entendues ces dernières années et c’est un grand dommage de voir comme ce disque n’a pas trouvé son public. Peut-être tout simplement parce que son public, il le trouvera live, dans les églises, au son de l’orgue. Encore faudrait-il trouvé la clé qui donne accès à ce circuit très fermé des orgues d’église.


Franck Bergerot

 

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Le jazz à Malguénac, c’est ce soir, dans quelques heures, mais le soleil breton me donne l’humeur vagabonde. Alors jazzfans, si vous n’aimez pas vagabonder, sautez quelques paragraphes.

 

Vagabondage et dérapage

Après avoir taillé ma haie, ciré mes souliers pour faire honneur ce soir au festival Arts des villes et Arts des champs (à l’Ouest de Pontivy), je me suis servi un petit verre de lambig et j’ai ouvert Ouest France (édition Pontivy) non sans avoir glissé dans ma platine “Teir”, l’album que viennent de signer Annie Ebrel, Marthe Vassallo et Nolùen Le Buhé (ne pas confondre avec une autre Nolwen qui est la honte de la musique bretonne) chez L’Oz Productions. Un mélange de monodies bretonnes dont elles se sont fait une spécialité depuis des lustres, mélodies à veiller, à pleurer ou à danser (les fameux répons du kan ha diskan) et d’une réflexion sur le travail à trois voix qui puise dans de multiples traditions du monde que ces trois femmes ont à l’oreille et qu’elles ont su faire leurs sans jamais trahir leurs racines qu’elles ont profondément enfouies dans le terroir bretonne. C’est d’une folle gaîté (ne serait-ce que par la gaîté de ce travail en commun qui transpire tout au long du disque) et grave, d’une légèreté qui garantit la profondeur de leurs chants de tout risque kitsch, avec de prodigieux dérapage polyphoniques, lorsque que l’homophonie se disperse soudain à trois voix dans des canons très libres, sur des textes distincts ou en des ponctuations d’imitations animalières dont la tradition bretonne à le secret.

 

Vagabondage et ricanage

Le jazzfan ricane. Il devrait se souvenir que Riccardo Del Fra, illustre compagnon de Chet Baker, ne ricana pas du tout lorsqu’il se vit confronté à cette tradition par le guitariste Jacques Pellen en un orchestre, Celtique Procession, où il fit la connaissance d’Annie Ebrel. Annie et Riccardo firent un bout de chemin ensemble, signant un disque en duo et un projet scénique à la tête d’un dispositif orchestral plus important. Lors d’un cours sur le thème “Jazz et musiques du monde” donné à de jeunes diplômés de la classe de jazz du CNSM (dont Riccardo Del Fra est le directeur), je leur fis écouter ce duo de Riccardo auquel il n’avait jamais prêté l’oreille et quelques autres mélanges du même ordre, dont une étonnante collision provoquée par le groupe breton Hamon-Martin (le joueur de bombarde Erwan Hamon et l’accordéoniste diatonique Jannick Martin) entre un air traditionnel breton et une composition de Dave Holland (“Les Métamorphoses” Coop Breizh) et je les sentis quelque peu ébranlés par ces musiques.

 

Vagabondage et éclairage

“Bénissons à jamais le café, la goutte après”, chantent nos chanteuses. Mon verre de lambig (une bouteille de cet alcool de cidre qui m’a été offerte l’an dernier par Annie Ebrel… ça sent la corruption de journaliste) touche à sa fin et il serait déraisonnable de m’en resservir un verre, mais avant de poursuivre ma lecture de Ouest France, je dois préciser au lecteur assidu de Jazzmag que ma chronique du disque de Zoot Sims / Bucky Pizzarelli dans notre numéro 651 comportait une coquille (Piazzrelli) et, à l’avant-dernière ligne, une private joke adressée à mes amis bretons. Éclairons le lecteur : Reor ar vouloñjerezh veut dire « Le cul de la boulangère. »

 

Ce soir Malguénac : Ouest-France et les bénévoles

J’en viens donc au Ouest-France de ce 22 août où s’étale sur un tiers de page un article intitulé Malguénac, Avant le festival de jazz, les bénévoles préparent le terrain. On y découvre Christian et Romain, les décorateurs, Cécile que j’ai souvent croisée dans l’enceinte du festival sans savoir qu’elle était la fondatrice (elle doit avoir un nom cette co-fondatrice de l’association Polycultures, mais c’est le sort du bénévole que d’être souvent réduit à un prénom), Francis le bâtisseur (c’est lui qui dresse les tonnelles) ainsi qu’un encadré sur l’exposition d’art populaire de cette édition qui a pour thème le papier. J’en connais d’autres, de mon village ou des environs qui ont été bénévoles à plusieurs reprises, qui le sont cette année pour la première fois ou qui le seront. J’ai fait cet été l’éloge des bénévoles, en m’excusant auprès des lecteurs, de l’éloge répétée, rituelle, redondante, avec ces relents de corruption qui traînent dans le sillage du journaliste choyé lors de son séjour dans les festivals. J’ai souvent vanté la qualité de la décoration qui transfigure, à Malguénac, le gymnase en salle de concert et ses coulisses, avec une imagination qui donne à sourire, j’ai vanté cette armée de bénévoles jusque dans ses activités de peluche qui nous vaut d’accompagner la traditionnelle saucisse de vraies frites (lorsqu’on n’opte pas pour la galette-saucisse)…  Mais je suis troublé par cette page de Ouest France qui, le jour du festival, ne dit rien du programme. Il faut croire qu’il a déjà été abondamment annoncé dans les éditions de la semaine. On apprend toutefois qu’il nous en coûtera 15€ la soirée (tarif réduit : 13€, moins de 18 ans et sans emploi) et 33 € le pass de trois jours. Raisonnable !

 

Malguénac: demandez le programme

Le programme ? Je ne l’ai hélas pas sous la main au moment de rédiger ce blog que, faute de communication internet, j’irai mettre en ligne chez un voisin, mais vous le trouverez sur http://malguenacfestival.free.fr/ Je sais juste que j’y serai ce soir à 20h30 pour le quartette des frères Moutin avec Rick Margitza et Pierre de Bethmann, mais que j’y entendrai aussi un Tribute to Coltrane (un exercice récurrent de ce festival qui aurait pu dresser dans l’une chapelles des alentours un autel à Saint John) par Aymeric Descharrières, Mickaël Sevrain, Sébastien Bacquias et Philippe Gleizes. Demain 23, je ne manquerai pas pour tout l’or du monde le quartette d’Hélène Labarrière (avec François Corneloup), le trio bretonnant [zõn] (chant, accordéon diatonique, violon) dont j’ai dit le plus grand bien dans notre numéro 648, notamment pour le violoniste Grégoire Hennebelle passé par la classe de jazz de Saint-Brieuc et déjà remarqué au sein du Grand Orchestre Armorigène et de Nautilis, et enfin, en fin de soirée, le fameux trio belge Aka Moon. Le 24, je n’ai pas le détail de la soirée en tête, mais je sais que j’y serai pour réentendre le Badume’s Band et ses accents éthiopiens (on retrouvera à leurs côtés la chanteuse Selamnesh Zemene que l’on aura déjà entendue le 22) et le quintette du saxophoniste Jean-Rémy Guéd
on, du percussioniste Dédé Saint-Prix et du guitariste Christian Laviso.


Revagabondage

Le crève-cœur dans cette affaire, c’est que chaque année Arts des villes et Arts des champs se tient à la même date que le Festival de danse fisel de Rostrenen (quelques dizaines de kilomètres au Nord et six pages plus loin dans Ouest France) qui accueille cette année le Taraf de Haïdouk et René Lacaille. Mais il faut surtout voir la foule de ce festival danser fisel. Il y a là quelque chose d’une extraordinaire sauvagerie qui confine au sacré. Sous l’article sur Malguénac, un autre article attire mon attention : Guern, les jeudis de Quelven associent concerts et nature. C’est que l’église de Quelven attire un orgue auquel l’organiste Léon Berben rend les honneurs autant que son emploi du temps le lui permet. Quelven, j’y passerai tout à l’heure, quelques kilomètres avant d’atteindre Malguénac. Quel dommage que le même soir, à quelques kilomètres de distance, on soit obligé de choisir entre Léon Berben et les frères Moutin. Je rêve de voir un jour Andy Emler présenter ses duos pour orgue et saxophone, trompette ou section rythmique à Quelven en partenariat avec le festival de Malguénac. “Pause”, le projet pour orgue d’Andy Emler, est probablement l’une des plus choses que j’ai entendues ces dernières années et c’est un grand dommage de voir comme ce disque n’a pas trouvé son public. Peut-être tout simplement parce que son public, il le trouvera live, dans les églises, au son de l’orgue. Encore faudrait-il trouvé la clé qui donne accès à ce circuit très fermé des orgues d’église.


Franck Bergerot