L’Âge d’or de Guillaume Roy

Au Triton, en ce mois de juillet, on ose. Ce soir, Noëmi Waysfeld osera reprendre le répertoire de Barbara avec Guillaume de Chassy (piano) et Leïla Soldevila (contrebasse). Hier soir, on projetait L’Âge d’or de Buñuel sur une musique originale à cordes imaginée par Guillaume Roy avec ses amis Régis Huby et Claude Tchamitchian.
L’Âge d’or, réalisé par Luis Buñuel en 1930 sur un scénario imaginé avec Salvador Dali. Film à scandale, où l’on shoote du pied dans un violon, profane un ostensoir, jette un évêque par la fenêtre, suce en extase le gros orteil d’une statue et où la figure du Christ émerge d’une nuit d’orgie : protestations, émeutes, jusqu’à la censure levée en 1981 sous Mitterand. À en découvrir le caractère décousu (sauf à un voir d’abord le seul film franchement “surréaliste”) on pourrait croire qu’il s’agit de l’ébauche d’Un chien andalou, court métrage muet plus ramassé et en cela plus saisissant (21 minutes contre les 63 minutes de L’Âge d’or). Certains y voient en tout cas le manifeste du cinéma libéré de tout “ce qu’il n’est pas”, affranchi des conventions du récit romanesque ou théâtral, l’image filmée réalisant le véritable potentiel surréaliste de l’art cinématographique, art du montage et du trucage de l’image animée. Soit encore un film à l’aube du cinéma parlant, avec une seule et même voix, celle de Paul Éluard étrangement déclamée et ponctuant une bande-musicale empruntée à la tradition germanique de Mozart à Wagner, plus Debussy et un paso doble.
Le violoniste alto Guillaume Roy a pu supprimer ces musiques tout en préservant la voix, à l’exception d’un discours d’inauguration dont les images se suffisent à elles-mêmes. Sur une partition précisément ouverte, il a invité ses amis Régis Huby (violon) et Claude Tchamitchian (contrebasse) à interpréter/improviser ses partitions, un art que Huby et Roy pratiquent depuis un quart de siècle au sein du Quatuor Ixi. Nous n’en détaillerons pas le résultat tant il est fugace et fondu au flux continu de l’image, partant de l’étrange ballet de scorpions qui invite, comme en guise de générique, les trois archets à une polymétrie épileptique de sons filés. Mais on est une fois de plus transporté par cette “république des cordes” qu’ils ont fait grandir au fil des ans et à laquelle ils ont fait adhérer d’autres archets, hier Claude Tchamitchian qui les suivra ce dimanche à 12h30 à Chavagny-sur-Guye avec ce “concert cinématographique” à la Grange Clément dans le cadre du festival d’Aujourd’hui à demain dans le Clunisois. Franck Bergerot
NB : le Triton fermera ses portes pour l’été, ce jeudi 10 juillet avec la soirée “Impr[o]triton, Concert des Compagnons” invitant les musiciens dont le Triton accompagne le travail tout au long de l’année à pratiquer l’impromptu. Avec Médéric Collignon (cornet, voix), Carmela Delgado (bandonéon), Gabrile Gosse (guitare), Régis Huby (violon), Pierre Marcault et Lou Renaud-Bailly (percussions), Jean-Philippe Morel (contrebasse), Stéphane Payen (saxophone).