Jazz live
Publié le 29 Juin 2013

Las Hermanas Caronni, André Villéger & Co au Respire Jazz Festival

 

André Villéger au Respire Jazz Festival

 

Hier 28 juin, débutait le festival Respire Jazz que programme chaque année le guitariste Pierre Perchaud au pied de l’abbatiale Saint-Gilles d’AIgnes-et-Puypéroux. Au programme : André Villéger, Fred Loiseau et André Charlier suivis de Las Hermanas Caronni.

 

Respire Jazz Festival, Aignes-Puypéroux (16), le 29 juin. 

 

Fred Loiseau (guitare) invite André Villéger (sax ténor), André Charlier (batterie).

 

Las Hermanas Caronni : Gianna Caronni (clarinette, clarinette basse, voix), Laura Caronni (violoncelle, voix).


Jam session: Geoffroy Gardey de Soos (trompette), Illyes Férgera (saxes ténor, soprano), Eric Allard-Jacquin (accordéon), Pascal Ségala, Pierre Perchaud, Mathis Pascaud (guitare), François Lapeyssonnie (basse électrique), Arthur Alard (batterie).

 

Respire Jazz. Tout un programme après des mois à trier des lentilles pendant que pleurait derrière les carreaux la grisaille parisienne. Quitter Paris, fermer le bureau, le numéro de juillet livré dans les kiosques, celui d’août bien avancé (encore une petite semaine de travail et c’est dans la boîte), enfin partir, enfin retourner à la musique vivante. Tandis que Jacques Aboucaya nous envoie ses derniers blogs du festival d’Ascona, que Fred Goaty rejoint à Jazz à Vienne Marcus Miller avec lequel il va animer une histoire de la basse avant que le bassiste ne rejoigne le Théâtre antique pour son concert de ce soir 29 juin, tandis que d’autres encore de nos collaborateurs se préparent à raconter leur été des festivals sur ces pages, l’arrivée à Respire Jazz constitue une double récompense.

 

Rappelons que cet “eco-festival”, qui se tient au pied de l’abbatiale Saint-Gilles, à Aignes-et-Puypéroux, est l’œuvre du guitariste Pierre Perchaud et de ses parents et que, notre collaborateur Philippe Vincent, qui leur fit découvrir le jazz alors qu’il était le plus important distributeur de jazz indépendant et le fondateur du Ida Records (Barney Wilen, Louis Sclavis, Enrico Pieranunzi…), en est en quelque sorte le parrain.

 

Comme l’an dernier, je retrouve les rangées de balle de foin qui servent de sièges autour de la scène où s’installent André Villéger, Frédéric Loiseau et André Charlier. C’est Loiseau, l’initiateur de cette rencontre inédite, presqu’impromptue, qui donne le ton, celui d’une musique de chambre, que respectera tout du long André Charlier, hyperactif mais tout en finesse, qu’il joue baguettes ou balais. Mais pour l’heure, il écoute, laisse la musique advenir sous les harmoniques que Loiseau promène sur son manche d’où s’élève comme des effluves d’Alone Together, que l’on hume d’abord, cherchant d’où ça vient, d’où on connaît ça, sans être encore sûr que c’est ça que l’on ne reconnaît pas encore tout à fait, puis dont le titre vous vient sur la langue sans pouvoir sortir et qui vient sur le bec d’André Villéger par petites bribes subtone histoire de mouiller l’anche, humecter les tampons, chauffer le tube. Le son viendra progressivement, s’épanouira au fil des morceaux, le beurre de Rollins qui prend le dessus dans les jeux rythmiques avec Charlier sur Evidence, la crème de Dexter Gordon (influence majeure chez Villéger) auquel il rendra hommage le temps d’une valse (avec Pierre Perchaud en invité), la confiture de lait de Stan Getz dont, avec l’âge, Villéger semble se rapprocher, ce que met tout particulièrement en évidence le splendide arrangement des Feuilles mortes balayées, entassées, envolées, retournées, ramassée et brûlant comme feux follets sur un léger rythme de bossa réinventée par Frédéric Loiseau qui est décidemment le metteur en scène de ce concert. Il nous disait en aparté dans l’après-midi, combien il aimait accompagner les chanteurs et l’on comprend mieux ce qu’il veut dire en l’écoutant mettre en valeur ce merveilleux crooner qu’est le ténor de Villéger. À n’en point douter, André Charlier partage avec Loiseau ce goût de l’accompagnement, un mot qui convient guère ici d’ailleurs, tant la discrétion qu’ils revendiquent est attentive, active, innovante et constamment pertinente.

 

Deuxième partie : voici enfin le concert dont nous avions été privé l’an passé par les aléas de l’existence, Laura Caronni nous ayant tout de même accordé en solo un avant-goût du récital de Las Hermanas Caronni. Les voici donc enfin, les deux sœur Caronni, Laura et Gianna dans la continuité de cet esprit “de chambre” défini en première partie, mais sur un autre registre esthétique, très en marge du jazz, avec une clarinette qui n’évoque le jazz que par quelques growls, quelques notes bleues, quelques élans rythmiques, quelques envols méodiques, que ne renierait pas un Sclavis mais avec un sens tout différent de l’initiative improvisée. Ici la musique est “de chambre” dans tous les sens du terme, par son format, son intimisme, sa sonorité, mais aussi par sa part d’écriture d’où l’improvisation a sa place mais de manière plus momentanée, cadrée, sur le terrain de la variation. Les deux sœurs n’en imposent pas moins un impressionnant silence parmi l’auditoire absolument captivé par le voyage qu’elles nous proposent. Nous voici en Argentine, une Argentine très éloignée des images “d’Épinal” du tango (si si, l’image que l’on peut avoir du tango à Epina ou, d’ailleurs à Paris-Bobo). Non qu’elles boudent le genre, mais le revisitant de fond en comble à leur manière unique, elles nous font voir d’autres recoins de l’Argentine, celle du Nord dont elles sont originaires, ses chants, ses rythmes, ses mythes et ses bruits quotidiens, à la lueur de leur culture classique et de leurs voyages vers le Brésil, l’Europe, l’Afrique, croisant leurs instruments (quelques boucles, discrètes et rares sur le violoncelle pour permettre à l’archet de danser sur un ostinato de pizz) avec leurs voix, Laura en soliste, Gianna en appoint harmonisé. C’est tout à la fois un concert et une veillée de contes menés avec un feeling poignant et un humour délicieux, servis par une sonorisation idéale et que l’on quitte à regret.

 

Par bonheur, la soirée n’est pas terminée et on se retrouve à la buvette pour décompresser avant de se retrouver seul avec ses rêves, au son de la jam session conduite par les élèves du Centre de musique Didier Lockwood où enseigne Pierre Perchaud. Je retrouve, le batteur Arthur Allard qui peut désormais aspirer à jouer des coudes dans les clubs parisiens, et ses comparses de l’an passé, le guitariste Mathis Pascaud qui, originaire d’Angoulême, vient presque en voisin, et le trompettiste Geoffroy Gardey de Soos, de retour parmi les bénévoles du festival. Un peu distrait comme on peut l’être after hours, je vais, je viens, et reviens alors que le trompettiste passe le relai de l’anatole à un guitariste qui n’est autre que notre collaborateur Pascal Ségala (lui aussi bénévole du fetival). Il prend la parole avec une autorité, une maîtrise du manche et du phrasé qui stimulent aussitôt la réplique de Pascaud, par petites touches bien placées à l’arrière-plan, puis par une série de chorus d’une légèreté de toucher qui fait un contraste idéal avec la poigne de Ségala. Un producteur n’aurait pas imaginé meilleur casting pour un disque à deux guitares. Mais déjà le thème d’Oleo sonne une sorte de pause. Qui va jouer ? Qu’est-ce qu’on joue ? L’accordéoniste Eric Allard-Jacquin entraîne Pascaud en une série de chorus sur la valse… Était-ce Flambée Montalbanaise ? Indifférence ? Passion ?
À l’heure de rédiger ces lignes, la mémoire me fait défaut. Alors que je me retirais faire ma prière du soir dans ma chambrette de nonne de l’ancien couvent, j’entendais au loin la jam session tirer sa dernière fusée avec Cantaloupe Island.

Franck Bergerot.

 

 

Aujourd’hui, 29 juin, au programme du Respire du jazz Festival :

 

15h30 : conférence sur Miles Davis par ma pomme

 

17h : l’Éric Allard Quartet qui animait le bœuf de la veille en première partie de Drôle d’Oiseaux (Laurent Vichard, clarinette basse, Didier Frébœuf, piano électrique ; Guillaume Souriau, contrebasse ; Maxime Legrand, batterie)

 

21h : la chanteuse Charlotte Vassy dont nous disions le plus grand bien dans un récent numéro de Jazzmag, avec le pianiste Julien Lalier, en première partie du quintette de la batteuse Anne Paeo (Emile Parisien, sax ; Pierre Perchaud, guitare ; Leonardo Montana, piano ; Stéphane Kerecki, contrebasse).


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André Villéger au Respire Jazz Festival

 

Hier 28 juin, débutait le festival Respire Jazz que programme chaque année le guitariste Pierre Perchaud au pied de l’abbatiale Saint-Gilles d’AIgnes-et-Puypéroux. Au programme : André Villéger, Fred Loiseau et André Charlier suivis de Las Hermanas Caronni.

 

Respire Jazz Festival, Aignes-Puypéroux (16), le 29 juin. 

 

Fred Loiseau (guitare) invite André Villéger (sax ténor), André Charlier (batterie).

 

Las Hermanas Caronni : Gianna Caronni (clarinette, clarinette basse, voix), Laura Caronni (violoncelle, voix).


Jam session: Geoffroy Gardey de Soos (trompette), Illyes Férgera (saxes ténor, soprano), Eric Allard-Jacquin (accordéon), Pascal Ségala, Pierre Perchaud, Mathis Pascaud (guitare), François Lapeyssonnie (basse électrique), Arthur Alard (batterie).

 

Respire Jazz. Tout un programme après des mois à trier des lentilles pendant que pleurait derrière les carreaux la grisaille parisienne. Quitter Paris, fermer le bureau, le numéro de juillet livré dans les kiosques, celui d’août bien avancé (encore une petite semaine de travail et c’est dans la boîte), enfin partir, enfin retourner à la musique vivante. Tandis que Jacques Aboucaya nous envoie ses derniers blogs du festival d’Ascona, que Fred Goaty rejoint à Jazz à Vienne Marcus Miller avec lequel il va animer une histoire de la basse avant que le bassiste ne rejoigne le Théâtre antique pour son concert de ce soir 29 juin, tandis que d’autres encore de nos collaborateurs se préparent à raconter leur été des festivals sur ces pages, l’arrivée à Respire Jazz constitue une double récompense.

 

Rappelons que cet “eco-festival”, qui se tient au pied de l’abbatiale Saint-Gilles, à Aignes-et-Puypéroux, est l’œuvre du guitariste Pierre Perchaud et de ses parents et que, notre collaborateur Philippe Vincent, qui leur fit découvrir le jazz alors qu’il était le plus important distributeur de jazz indépendant et le fondateur du Ida Records (Barney Wilen, Louis Sclavis, Enrico Pieranunzi…), en est en quelque sorte le parrain.

 

Comme l’an dernier, je retrouve les rangées de balle de foin qui servent de sièges autour de la scène où s’installent André Villéger, Frédéric Loiseau et André Charlier. C’est Loiseau, l’initiateur de cette rencontre inédite, presqu’impromptue, qui donne le ton, celui d’une musique de chambre, que respectera tout du long André Charlier, hyperactif mais tout en finesse, qu’il joue baguettes ou balais. Mais pour l’heure, il écoute, laisse la musique advenir sous les harmoniques que Loiseau promène sur son manche d’où s’élève comme des effluves d’Alone Together, que l’on hume d’abord, cherchant d’où ça vient, d’où on connaît ça, sans être encore sûr que c’est ça que l’on ne reconnaît pas encore tout à fait, puis dont le titre vous vient sur la langue sans pouvoir sortir et qui vient sur le bec d’André Villéger par petites bribes subtone histoire de mouiller l’anche, humecter les tampons, chauffer le tube. Le son viendra progressivement, s’épanouira au fil des morceaux, le beurre de Rollins qui prend le dessus dans les jeux rythmiques avec Charlier sur Evidence, la crème de Dexter Gordon (influence majeure chez Villéger) auquel il rendra hommage le temps d’une valse (avec Pierre Perchaud en invité), la confiture de lait de Stan Getz dont, avec l’âge, Villéger semble se rapprocher, ce que met tout particulièrement en évidence le splendide arrangement des Feuilles mortes balayées, entassées, envolées, retournées, ramassée et brûlant comme feux follets sur un léger rythme de bossa réinventée par Frédéric Loiseau qui est décidemment le metteur en scène de ce concert. Il nous disait en aparté dans l’après-midi, combien il aimait accompagner les chanteurs et l’on comprend mieux ce qu’il veut dire en l’écoutant mettre en valeur ce merveilleux crooner qu’est le ténor de Villéger. À n’en point douter, André Charlier partage avec Loiseau ce goût de l’accompagnement, un mot qui convient guère ici d’ailleurs, tant la discrétion qu’ils revendiquent est attentive, active, innovante et constamment pertinente.

 

Deuxième partie : voici enfin le concert dont nous avions été privé l’an passé par les aléas de l’existence, Laura Caronni nous ayant tout de même accordé en solo un avant-goût du récital de Las Hermanas Caronni. Les voici donc enfin, les deux sœur Caronni, Laura et Gianna dans la continuité de cet esprit “de chambre” défini en première partie, mais sur un autre registre esthétique, très en marge du jazz, avec une clarinette qui n’évoque le jazz que par quelques growls, quelques notes bleues, quelques élans rythmiques, quelques envols méodiques, que ne renierait pas un Sclavis mais avec un sens tout différent de l’initiative improvisée. Ici la musique est “de chambre” dans tous les sens du terme, par son format, son intimisme, sa sonorité, mais aussi par sa part d’écriture d’où l’improvisation a sa place mais de manière plus momentanée, cadrée, sur le terrain de la variation. Les deux sœurs n’en imposent pas moins un impressionnant silence parmi l’auditoire absolument captivé par le voyage qu’elles nous proposent. Nous voici en Argentine, une Argentine très éloignée des images “d’Épinal” du tango (si si, l’image que l’on peut avoir du tango à Epina ou, d’ailleurs à Paris-Bobo). Non qu’elles boudent le genre, mais le revisitant de fond en comble à leur manière unique, elles nous font voir d’autres recoins de l’Argentine, celle du Nord dont elles sont originaires, ses chants, ses rythmes, ses mythes et ses bruits quotidiens, à la lueur de leur culture classique et de leurs voyages vers le Brésil, l’Europe, l’Afrique, croisant leurs instruments (quelques boucles, discrètes et rares sur le violoncelle pour permettre à l’archet de danser sur un ostinato de pizz) avec leurs voix, Laura en soliste, Gianna en appoint harmonisé. C’est tout à la fois un concert et une veillée de contes menés avec un feeling poignant et un humour délicieux, servis par une sonorisation idéale et que l’on quitte à regret.

 

Par bonheur, la soirée n’est pas terminée et on se retrouve à la buvette pour décompresser avant de se retrouver seul avec ses rêves, au son de la jam session conduite par les élèves du Centre de musique Didier Lockwood où enseigne Pierre Perchaud. Je retrouve, le batteur Arthur Allard qui peut désormais aspirer à jouer des coudes dans les clubs parisiens, et ses comparses de l’an passé, le guitariste Mathis Pascaud qui, originaire d’Angoulême, vient presque en voisin, et le trompettiste Geoffroy Gardey de Soos, de retour parmi les bénévoles du festival. Un peu distrait comme on peut l’être after hours, je vais, je viens, et reviens alors que le trompettiste passe le relai de l’anatole à un guitariste qui n’est autre que notre collaborateur Pascal Ségala (lui aussi bénévole du fetival). Il prend la parole avec une autorité, une maîtrise du manche et du phrasé qui stimulent aussitôt la réplique de Pascaud, par petites touches bien placées à l’arrière-plan, puis par une série de chorus d’une légèreté de toucher qui fait un contraste idéal avec la poigne de Ségala. Un producteur n’aurait pas imaginé meilleur casting pour un disque à deux guitares. Mais déjà le thème d’Oleo sonne une sorte de pause. Qui va jouer ? Qu’est-ce qu’on joue ? L’accordéoniste Eric Allard-Jacquin entraîne Pascaud en une série de chorus sur la valse… Était-ce Flambée Montalbanaise ? Indifférence ? Passion ?
À l’heure de rédiger ces lignes, la mémoire me fait défaut. Alors que je me retirais faire ma prière du soir dans ma chambrette de nonne de l’ancien couvent, j’entendais au loin la jam session tirer sa dernière fusée avec Cantaloupe Island.

Franck Bergerot.

 

 

Aujourd’hui, 29 juin, au programme du Respire du jazz Festival :

 

15h30 : conférence sur Miles Davis par ma pomme

 

17h : l’Éric Allard Quartet qui animait le bœuf de la veille en première partie de Drôle d’Oiseaux (Laurent Vichard, clarinette basse, Didier Frébœuf, piano électrique ; Guillaume Souriau, contrebasse ; Maxime Legrand, batterie)

 

21h : la chanteuse Charlotte Vassy dont nous disions le plus grand bien dans un récent numéro de Jazzmag, avec le pianiste Julien Lalier, en première partie du quintette de la batteuse Anne Paeo (Emile Parisien, sax ; Pierre Perchaud, guitare ; Leonardo Montana, piano ; Stéphane Kerecki, contrebasse).


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André Villéger au Respire Jazz Festival

 

Hier 28 juin, débutait le festival Respire Jazz que programme chaque année le guitariste Pierre Perchaud au pied de l’abbatiale Saint-Gilles d’AIgnes-et-Puypéroux. Au programme : André Villéger, Fred Loiseau et André Charlier suivis de Las Hermanas Caronni.

 

Respire Jazz Festival, Aignes-Puypéroux (16), le 29 juin. 

 

Fred Loiseau (guitare) invite André Villéger (sax ténor), André Charlier (batterie).

 

Las Hermanas Caronni : Gianna Caronni (clarinette, clarinette basse, voix), Laura Caronni (violoncelle, voix).


Jam session: Geoffroy Gardey de Soos (trompette), Illyes Férgera (saxes ténor, soprano), Eric Allard-Jacquin (accordéon), Pascal Ségala, Pierre Perchaud, Mathis Pascaud (guitare), François Lapeyssonnie (basse électrique), Arthur Alard (batterie).

 

Respire Jazz. Tout un programme après des mois à trier des lentilles pendant que pleurait derrière les carreaux la grisaille parisienne. Quitter Paris, fermer le bureau, le numéro de juillet livré dans les kiosques, celui d’août bien avancé (encore une petite semaine de travail et c’est dans la boîte), enfin partir, enfin retourner à la musique vivante. Tandis que Jacques Aboucaya nous envoie ses derniers blogs du festival d’Ascona, que Fred Goaty rejoint à Jazz à Vienne Marcus Miller avec lequel il va animer une histoire de la basse avant que le bassiste ne rejoigne le Théâtre antique pour son concert de ce soir 29 juin, tandis que d’autres encore de nos collaborateurs se préparent à raconter leur été des festivals sur ces pages, l’arrivée à Respire Jazz constitue une double récompense.

 

Rappelons que cet “eco-festival”, qui se tient au pied de l’abbatiale Saint-Gilles, à Aignes-et-Puypéroux, est l’œuvre du guitariste Pierre Perchaud et de ses parents et que, notre collaborateur Philippe Vincent, qui leur fit découvrir le jazz alors qu’il était le plus important distributeur de jazz indépendant et le fondateur du Ida Records (Barney Wilen, Louis Sclavis, Enrico Pieranunzi…), en est en quelque sorte le parrain.

 

Comme l’an dernier, je retrouve les rangées de balle de foin qui servent de sièges autour de la scène où s’installent André Villéger, Frédéric Loiseau et André Charlier. C’est Loiseau, l’initiateur de cette rencontre inédite, presqu’impromptue, qui donne le ton, celui d’une musique de chambre, que respectera tout du long André Charlier, hyperactif mais tout en finesse, qu’il joue baguettes ou balais. Mais pour l’heure, il écoute, laisse la musique advenir sous les harmoniques que Loiseau promène sur son manche d’où s’élève comme des effluves d’Alone Together, que l’on hume d’abord, cherchant d’où ça vient, d’où on connaît ça, sans être encore sûr que c’est ça que l’on ne reconnaît pas encore tout à fait, puis dont le titre vous vient sur la langue sans pouvoir sortir et qui vient sur le bec d’André Villéger par petites bribes subtone histoire de mouiller l’anche, humecter les tampons, chauffer le tube. Le son viendra progressivement, s’épanouira au fil des morceaux, le beurre de Rollins qui prend le dessus dans les jeux rythmiques avec Charlier sur Evidence, la crème de Dexter Gordon (influence majeure chez Villéger) auquel il rendra hommage le temps d’une valse (avec Pierre Perchaud en invité), la confiture de lait de Stan Getz dont, avec l’âge, Villéger semble se rapprocher, ce que met tout particulièrement en évidence le splendide arrangement des Feuilles mortes balayées, entassées, envolées, retournées, ramassée et brûlant comme feux follets sur un léger rythme de bossa réinventée par Frédéric Loiseau qui est décidemment le metteur en scène de ce concert. Il nous disait en aparté dans l’après-midi, combien il aimait accompagner les chanteurs et l’on comprend mieux ce qu’il veut dire en l’écoutant mettre en valeur ce merveilleux crooner qu’est le ténor de Villéger. À n’en point douter, André Charlier partage avec Loiseau ce goût de l’accompagnement, un mot qui convient guère ici d’ailleurs, tant la discrétion qu’ils revendiquent est attentive, active, innovante et constamment pertinente.

 

Deuxième partie : voici enfin le concert dont nous avions été privé l’an passé par les aléas de l’existence, Laura Caronni nous ayant tout de même accordé en solo un avant-goût du récital de Las Hermanas Caronni. Les voici donc enfin, les deux sœur Caronni, Laura et Gianna dans la continuité de cet esprit “de chambre” défini en première partie, mais sur un autre registre esthétique, très en marge du jazz, avec une clarinette qui n’évoque le jazz que par quelques growls, quelques notes bleues, quelques élans rythmiques, quelques envols méodiques, que ne renierait pas un Sclavis mais avec un sens tout différent de l’initiative improvisée. Ici la musique est “de chambre” dans tous les sens du terme, par son format, son intimisme, sa sonorité, mais aussi par sa part d’écriture d’où l’improvisation a sa place mais de manière plus momentanée, cadrée, sur le terrain de la variation. Les deux sœurs n’en imposent pas moins un impressionnant silence parmi l’auditoire absolument captivé par le voyage qu’elles nous proposent. Nous voici en Argentine, une Argentine très éloignée des images “d’Épinal” du tango (si si, l’image que l’on peut avoir du tango à Epina ou, d’ailleurs à Paris-Bobo). Non qu’elles boudent le genre, mais le revisitant de fond en comble à leur manière unique, elles nous font voir d’autres recoins de l’Argentine, celle du Nord dont elles sont originaires, ses chants, ses rythmes, ses mythes et ses bruits quotidiens, à la lueur de leur culture classique et de leurs voyages vers le Brésil, l’Europe, l’Afrique, croisant leurs instruments (quelques boucles, discrètes et rares sur le violoncelle pour permettre à l’archet de danser sur un ostinato de pizz) avec leurs voix, Laura en soliste, Gianna en appoint harmonisé. C’est tout à la fois un concert et une veillée de contes menés avec un feeling poignant et un humour délicieux, servis par une sonorisation idéale et que l’on quitte à regret.

 

Par bonheur, la soirée n’est pas terminée et on se retrouve à la buvette pour décompresser avant de se retrouver seul avec ses rêves, au son de la jam session conduite par les élèves du Centre de musique Didier Lockwood où enseigne Pierre Perchaud. Je retrouve, le batteur Arthur Allard qui peut désormais aspirer à jouer des coudes dans les clubs parisiens, et ses comparses de l’an passé, le guitariste Mathis Pascaud qui, originaire d’Angoulême, vient presque en voisin, et le trompettiste Geoffroy Gardey de Soos, de retour parmi les bénévoles du festival. Un peu distrait comme on peut l’être after hours, je vais, je viens, et reviens alors que le trompettiste passe le relai de l’anatole à un guitariste qui n’est autre que notre collaborateur Pascal Ségala (lui aussi bénévole du fetival). Il prend la parole avec une autorité, une maîtrise du manche et du phrasé qui stimulent aussitôt la réplique de Pascaud, par petites touches bien placées à l’arrière-plan, puis par une série de chorus d’une légèreté de toucher qui fait un contraste idéal avec la poigne de Ségala. Un producteur n’aurait pas imaginé meilleur casting pour un disque à deux guitares. Mais déjà le thème d’Oleo sonne une sorte de pause. Qui va jouer ? Qu’est-ce qu’on joue ? L’accordéoniste Eric Allard-Jacquin entraîne Pascaud en une série de chorus sur la valse… Était-ce Flambée Montalbanaise ? Indifférence ? Passion ?
À l’heure de rédiger ces lignes, la mémoire me fait défaut. Alors que je me retirais faire ma prière du soir dans ma chambrette de nonne de l’ancien couvent, j’entendais au loin la jam session tirer sa dernière fusée avec Cantaloupe Island.

Franck Bergerot.

 

 

Aujourd’hui, 29 juin, au programme du Respire du jazz Festival :

 

15h30 : conférence sur Miles Davis par ma pomme

 

17h : l’Éric Allard Quartet qui animait le bœuf de la veille en première partie de Drôle d’Oiseaux (Laurent Vichard, clarinette basse, Didier Frébœuf, piano électrique ; Guillaume Souriau, contrebasse ; Maxime Legrand, batterie)

 

21h : la chanteuse Charlotte Vassy dont nous disions le plus grand bien dans un récent numéro de Jazzmag, avec le pianiste Julien Lalier, en première partie du quintette de la batteuse Anne Paeo (Emile Parisien, sax ; Pierre Perchaud, guitare ; Leonardo Montana, piano ; Stéphane Kerecki, contrebasse).


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André Villéger au Respire Jazz Festival

 

Hier 28 juin, débutait le festival Respire Jazz que programme chaque année le guitariste Pierre Perchaud au pied de l’abbatiale Saint-Gilles d’AIgnes-et-Puypéroux. Au programme : André Villéger, Fred Loiseau et André Charlier suivis de Las Hermanas Caronni.

 

Respire Jazz Festival, Aignes-Puypéroux (16), le 29 juin. 

 

Fred Loiseau (guitare) invite André Villéger (sax ténor), André Charlier (batterie).

 

Las Hermanas Caronni : Gianna Caronni (clarinette, clarinette basse, voix), Laura Caronni (violoncelle, voix).


Jam session: Geoffroy Gardey de Soos (trompette), Illyes Férgera (saxes ténor, soprano), Eric Allard-Jacquin (accordéon), Pascal Ségala, Pierre Perchaud, Mathis Pascaud (guitare), François Lapeyssonnie (basse électrique), Arthur Alard (batterie).

 

Respire Jazz. Tout un programme après des mois à trier des lentilles pendant que pleurait derrière les carreaux la grisaille parisienne. Quitter Paris, fermer le bureau, le numéro de juillet livré dans les kiosques, celui d’août bien avancé (encore une petite semaine de travail et c’est dans la boîte), enfin partir, enfin retourner à la musique vivante. Tandis que Jacques Aboucaya nous envoie ses derniers blogs du festival d’Ascona, que Fred Goaty rejoint à Jazz à Vienne Marcus Miller avec lequel il va animer une histoire de la basse avant que le bassiste ne rejoigne le Théâtre antique pour son concert de ce soir 29 juin, tandis que d’autres encore de nos collaborateurs se préparent à raconter leur été des festivals sur ces pages, l’arrivée à Respire Jazz constitue une double récompense.

 

Rappelons que cet “eco-festival”, qui se tient au pied de l’abbatiale Saint-Gilles, à Aignes-et-Puypéroux, est l’œuvre du guitariste Pierre Perchaud et de ses parents et que, notre collaborateur Philippe Vincent, qui leur fit découvrir le jazz alors qu’il était le plus important distributeur de jazz indépendant et le fondateur du Ida Records (Barney Wilen, Louis Sclavis, Enrico Pieranunzi…), en est en quelque sorte le parrain.

 

Comme l’an dernier, je retrouve les rangées de balle de foin qui servent de sièges autour de la scène où s’installent André Villéger, Frédéric Loiseau et André Charlier. C’est Loiseau, l’initiateur de cette rencontre inédite, presqu’impromptue, qui donne le ton, celui d’une musique de chambre, que respectera tout du long André Charlier, hyperactif mais tout en finesse, qu’il joue baguettes ou balais. Mais pour l’heure, il écoute, laisse la musique advenir sous les harmoniques que Loiseau promène sur son manche d’où s’élève comme des effluves d’Alone Together, que l’on hume d’abord, cherchant d’où ça vient, d’où on connaît ça, sans être encore sûr que c’est ça que l’on ne reconnaît pas encore tout à fait, puis dont le titre vous vient sur la langue sans pouvoir sortir et qui vient sur le bec d’André Villéger par petites bribes subtone histoire de mouiller l’anche, humecter les tampons, chauffer le tube. Le son viendra progressivement, s’épanouira au fil des morceaux, le beurre de Rollins qui prend le dessus dans les jeux rythmiques avec Charlier sur Evidence, la crème de Dexter Gordon (influence majeure chez Villéger) auquel il rendra hommage le temps d’une valse (avec Pierre Perchaud en invité), la confiture de lait de Stan Getz dont, avec l’âge, Villéger semble se rapprocher, ce que met tout particulièrement en évidence le splendide arrangement des Feuilles mortes balayées, entassées, envolées, retournées, ramassée et brûlant comme feux follets sur un léger rythme de bossa réinventée par Frédéric Loiseau qui est décidemment le metteur en scène de ce concert. Il nous disait en aparté dans l’après-midi, combien il aimait accompagner les chanteurs et l’on comprend mieux ce qu’il veut dire en l’écoutant mettre en valeur ce merveilleux crooner qu’est le ténor de Villéger. À n’en point douter, André Charlier partage avec Loiseau ce goût de l’accompagnement, un mot qui convient guère ici d’ailleurs, tant la discrétion qu’ils revendiquent est attentive, active, innovante et constamment pertinente.

 

Deuxième partie : voici enfin le concert dont nous avions été privé l’an passé par les aléas de l’existence, Laura Caronni nous ayant tout de même accordé en solo un avant-goût du récital de Las Hermanas Caronni. Les voici donc enfin, les deux sœur Caronni, Laura et Gianna dans la continuité de cet esprit “de chambre” défini en première partie, mais sur un autre registre esthétique, très en marge du jazz, avec une clarinette qui n’évoque le jazz que par quelques growls, quelques notes bleues, quelques élans rythmiques, quelques envols méodiques, que ne renierait pas un Sclavis mais avec un sens tout différent de l’initiative improvisée. Ici la musique est “de chambre” dans tous les sens du terme, par son format, son intimisme, sa sonorité, mais aussi par sa part d’écriture d’où l’improvisation a sa place mais de manière plus momentanée, cadrée, sur le terrain de la variation. Les deux sœurs n’en imposent pas moins un impressionnant silence parmi l’auditoire absolument captivé par le voyage qu’elles nous proposent. Nous voici en Argentine, une Argentine très éloignée des images “d’Épinal” du tango (si si, l’image que l’on peut avoir du tango à Epina ou, d’ailleurs à Paris-Bobo). Non qu’elles boudent le genre, mais le revisitant de fond en comble à leur manière unique, elles nous font voir d’autres recoins de l’Argentine, celle du Nord dont elles sont originaires, ses chants, ses rythmes, ses mythes et ses bruits quotidiens, à la lueur de leur culture classique et de leurs voyages vers le Brésil, l’Europe, l’Afrique, croisant leurs instruments (quelques boucles, discrètes et rares sur le violoncelle pour permettre à l’archet de danser sur un ostinato de pizz) avec leurs voix, Laura en soliste, Gianna en appoint harmonisé. C’est tout à la fois un concert et une veillée de contes menés avec un feeling poignant et un humour délicieux, servis par une sonorisation idéale et que l’on quitte à regret.

 

Par bonheur, la soirée n’est pas terminée et on se retrouve à la buvette pour décompresser avant de se retrouver seul avec ses rêves, au son de la jam session conduite par les élèves du Centre de musique Didier Lockwood où enseigne Pierre Perchaud. Je retrouve, le batteur Arthur Allard qui peut désormais aspirer à jouer des coudes dans les clubs parisiens, et ses comparses de l’an passé, le guitariste Mathis Pascaud qui, originaire d’Angoulême, vient presque en voisin, et le trompettiste Geoffroy Gardey de Soos, de retour parmi les bénévoles du festival. Un peu distrait comme on peut l’être after hours, je vais, je viens, et reviens alors que le trompettiste passe le relai de l’anatole à un guitariste qui n’est autre que notre collaborateur Pascal Ségala (lui aussi bénévole du fetival). Il prend la parole avec une autorité, une maîtrise du manche et du phrasé qui stimulent aussitôt la réplique de Pascaud, par petites touches bien placées à l’arrière-plan, puis par une série de chorus d’une légèreté de toucher qui fait un contraste idéal avec la poigne de Ségala. Un producteur n’aurait pas imaginé meilleur casting pour un disque à deux guitares. Mais déjà le thème d’Oleo sonne une sorte de pause. Qui va jouer ? Qu’est-ce qu’on joue ? L’accordéoniste Eric Allard-Jacquin entraîne Pascaud en une série de chorus sur la valse… Était-ce Flambée Montalbanaise ? Indifférence ? Passion ?
À l’heure de rédiger ces lignes, la mémoire me fait défaut. Alors que je me retirais faire ma prière du soir dans ma chambrette de nonne de l’ancien couvent, j’entendais au loin la jam session tirer sa dernière fusée avec Cantaloupe Island.

Franck Bergerot.

 

 

Aujourd’hui, 29 juin, au programme du Respire du jazz Festival :

 

15h30 : conférence sur Miles Davis par ma pomme

 

17h : l’Éric Allard Quartet qui animait le bœuf de la veille en première partie de Drôle d’Oiseaux (Laurent Vichard, clarinette basse, Didier Frébœuf, piano électrique ; Guillaume Souriau, contrebasse ; Maxime Legrand, batterie)

 

21h : la chanteuse Charlotte Vassy dont nous disions le plus grand bien dans un récent numéro de Jazzmag, avec le pianiste Julien Lalier, en première partie du quintette de la batteuse Anne Paeo (Emile Parisien, sax ; Pierre Perchaud, guitare ; Leonardo Montana, piano ; Stéphane Kerecki, contrebasse).