Jazz live
Publié le 3 Août 2015

Laura Perrudin et le sens du détail

Si, de l’ombre du grand tilleul surplombant le jardin de Limur, à la voute des Carmes, en passant par les terrasses des cafés de Vannes, le Musée des Beaux Arts, le parc de Kerizac et les quais du port, il y eut probablement du prestige et de l’intime, du festif et du solennel, de l’académique et du hors norme, les deux seuls concerts que j’ai entendus de Jazz à Vannes où je suis passé le nez en l’air en tenue de congé payé, m’incitent à placer cette édition sous le signe de la précision et du sens du détail qu’eurent en commun la mise en œuvre de la musique de Marc Ducret par Journal Intime dont je rendais compte le 30 juillet dernier et le concert de Laura Perrudin en clôture du festival au Domaine de Kerguéhennec.

Domaine de Kerghéhennec, Bignan (56), le 2 août 2015.
Laura Perrudin (harpe, chant, électronique).

C’est donc au Domaine Kerguéhennec que se termine cette édition de Jazz à Vannes inaugurée par Vincent Ségal au Château de Suscinio. Il faut rouler en direction de Locminé pour atteindre l’entrée du grand parc de Kerguéhennec où, ce dimanche 2 août, tous les parkings sont saturés. Un public goguenard, curieux, éclairé, dilettante, passionné, incrédule, interloqué, narquois, puis conquis ou trop préoccupé, pour se laisser convaincre, par les enfants qui courent parmi les essences rares et les installations d’artistes de ce vaste jardin forestier, puis escaladent le grand escalier du château, prêts à plonger le doigt dans les épaisseurs de graisse de machine* qui fournit le noir profond des peintures murales de David Tremlett (noir lumineux où je vois un écho aux œuvres de Soulage qui les précédèrent dans la même salle). Habilité, sous la responsabilité de son directeur Olivier Delavallade, à accueillir le jeune public dans ce lieu dévoué à la rencontre de la création contemporaine et de son public de tous âges, à travers expositions, visites guidées, conférences et ateliers, le domaine est dépassé par son succès et par un soleil qui invite au débonnaire en ce jour de convergence des arts musicaux et plastiques. À la décontraction de la foule correspond la tension du personnel d’accueil qui frémit de voir tout un chacun approcher d’autres doigts non moins coupables pour éprouver la solidité des constructions de Paul Wallach qui, occupant les écuries, reposent sur le seul miracle d’équilibres savamment obtenus. Les mains bien enfoncées dans les poches, sous l’œil sévère des gentils gardiens et gardiennes, nous serions tentés de souffler, très doucement, mais avec une insistance qui ferait tout voler en éclat. Car la fragilité gracieuse de ces insolites mikados entre ces murs grossièrement chaulés sont d’un charme qui ne demande qu’à être éprouvé. Seul, dans un coin de l’écurie, une haute silhouette s’isole en contemplation, celle de Vincent Mahey qui touche avec les yeux, intensément ou peut-être simplement hébété par la fatigue, et ce qu’il entrevoit peut-être à travers ces défis à la pesanteur, c’est la tâche accomplie de cette deuxième édition placée sous sa direction artistique de Jazz à Vannes, qui s’achève aujourd’hui.

En face des écuries, il faut dépasser la queue à la buvette dévalisée depuis le début de l’après-midi, pour voir l’exposition permanente (et constamment enrichie) de Tal Coat, l’enfant du pays (du pays breton tout du moins) adoubé par Gertrude Stein  dont il trace un portrait hiératique , avant de saisir cet énigmatique à tire d’aile.

Et nous voici à notre tour à l’étage du château dont l’exposition Murs a invité les artistes à s’emparer des murs, et semble prolonger avec des couleurs plus vives ou des motifs plus savants ou plus fantasques, le revêtement de la montée d’escalier qui fait mon admiration à chaque visite. Tout au bout, Michel Duport faire chavirer les rectilignes trop convenues d’un boudoir gris où on l’a confiné.

Mais, redescendons vite à l’arrière du château où le public commence à s’assembler pour entendre le second récital de la soirée de la harpiste-chanteuse Laura Perrudin. Car il me suffit bien d’avoir à parler de l’insaisissable musique pour ne pas me mêler en plus de ces arts plastiques qui échappent aux roueries de mes compétences journalistiques. La voici, dans sa frêle apparence, face à ce public de fête, qui n’est peut-être pas ce que l’on croit ou qu’elle magnétise de sa seule présence. Peut-être un peu des deux. Et peut-être surtout son art en guise de magnétisme. Car c’est bien cela qui impose l’impressionnante attention, dans cette aire de fête où soufflera tout à l’heure le funk de la fanfare Out Of Nola et où l’on perçoit encore de loin le babil d’un jeune public joueur qui au fur et à mesure qu’il s’approche semble saisi par le silence qui s’étend et semble rayonner comme un gaz anesthésiant autour de la scène, dès les premières sonorités de sa harpe, d’abord bruitistes avant de prendre forme.

Visitant par hasard le site de Laura Perrudin, voici quelques années, j’avais d’abord prêté attention à sa harpe et à sa technique hors du commun, en ce qu’elle déjouait les limites et handicaps de l’instrument qu’elle réinventait, tant par la qualité de son geste que par la facture qu’elle s’était choisie avec le luthier Philippe Volant, une simple rangée de cordes organisées chromatiquement et débarrassée de l’inertie des encombrantes pédales. Soit une réflexion sur l’instrument qui ne venait pas de lui-même, mais d’une culture harmonique et rythmique, celle du jazz qui fut son premier émoi musical, à travers la découverte, enfant, de Wayne Shorter. Sans trop prêter attention à sa voix, je me passionnais pour la harpiste d’un genre nouveau, non pas harpiste essayant d’assujettir le jazz à son outil, mais jazzwoman ployant l’instrument aux nécessités de son art. Les choses n’étaient peut-être pas si simples et, descendant de la scène du Babilo à Paris, où elle venait d’interpréter Hot House de Tadd Dameron, elle m’avouait tenter là un pari pour le goût du pari plus que du résultat.

À l’écouter chanter, à l’écouter perfectionner concert après concert son tour de chant, affermir la projection de sa voix, à l’entendre choisir des poètes et leur tendre des mélodies et orchestrer ces mélodies, pour son défunt quartette ou pour sa nouvelle harpe électrique, je me suis fait une raison. Laura Perrudin est autant chanteuse qu’instrumentiste et son univers et aux confins de ces deux mondes où la voix et l’instrument, où l’abstraction sonore et la ligne claire mélodique, où le son et le sens se répondent. Un sens qui prendrait toute sa raison d’être si mon anglais me permettait d’apprécier James Joyce ou William Blake dans le texte. Mais le charme opère, qu’elle transforme sa harpe en simple générateur de sons, la frappant, la frottant, la soumettant à divers effets et boucles, avec un sens du détail relevant tout à la fois de l’art de l’orchestration à celui de la mise en scène, ou qu’elle “joue la harpe” avec cette précision du geste et de la pensée musicale donnant à son instrument l’épaisseur rythmique, harmonique et timbrale qui fait si souvent défaut à ses consœurs (au féminin, car rares sont les
harpistes mâles). Au milieu de ce récital qui s’est enrichi depuis son disque “Impressions”, Lush Life de Billy Strayhorn. James Joyce et Billy Strayhorn en un même programme. On voudrait que ça ne s’arrête pas… Et à regarder la foule assise à même la pelouse autour d’elle, je ne suis pas seul à le penser. Franck Bergerot

NB: Réagissant à la facilité de ma remarque sur le sexe des harpistes ci-dessus, Laura Perrudin m’écrit « parce qu’elle se bat depuis des années pour la « dé-féminisation » des appellations génériques concernant les harpistes (et les chanteurs aussi d’ailleurs…) » en énumérant quelques uns de ses confrères harpistes: Nikolaz Cadoret, Park Stickney, François Pernel, Rüdiger Oppermann, Edmar Castaneda, Lincoln Almada, Robert Maxwell, Casper Reardon, Xavier De Maistre, Emmanuel Ceysson, Sylvain Blassel, Fabrice PIerre, PIerre Jamet, Tristan Le Govic, Quentin Vestur, Mael Lhopiteau, Rhodri Davies, Ralf Kleeman… Et elle ajoute: « Tous ces harpistes créatifs ont fait des choses intéressantes dans différents domaines, jazz musiques improvisées, musiques classiques, traditionnelles… ça en fait tout de même ! » J’avoue n’en connaître que trois et ne pas pouvoir citer spontanément autant de ses consœurs, les noms de celles qui contribuent à “déféminiser” l’instrument me venant en priorité (Rafaëlle Rinaudo, Andrea Parkins, Julie Campiche, Hélène Breschand…) On n’a jamais fini d’apprendre.

 

*Je me souviens de la gourmandise interdite que suscitaient les reflets mordorés de la graisse qu’un oncle agriculteur, d’un air tentateur où je percevais quelque moquerie, me tendait sur le bout d’un bâton trempé dans le grand pot de plastique qui la contenait, lorsque je venais assister aux derniers réglages de courroie avant le lancement de la batteuse dans la cour de la ferme en fin de moisson. Mais, en dépit de ses reflets, cette graisse était d’une couleur trop indéfinie pour que je ne soupçonne pas là l’un quelques uns de ces attrape-nigaud que la gent paysanne aimait tendre aux vacanciers de vie urbaine. C’est pourtant à regret, qu’à chaque fois je résistais à la tentation et ce n’est pas sans une certaine jalousie que je constatais sur les œuvres de Tremlett exposées à Kerghénnec les traces coupables d’index gourmands.

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Si, de l’ombre du grand tilleul surplombant le jardin de Limur, à la voute des Carmes, en passant par les terrasses des cafés de Vannes, le Musée des Beaux Arts, le parc de Kerizac et les quais du port, il y eut probablement du prestige et de l’intime, du festif et du solennel, de l’académique et du hors norme, les deux seuls concerts que j’ai entendus de Jazz à Vannes où je suis passé le nez en l’air en tenue de congé payé, m’incitent à placer cette édition sous le signe de la précision et du sens du détail qu’eurent en commun la mise en œuvre de la musique de Marc Ducret par Journal Intime dont je rendais compte le 30 juillet dernier et le concert de Laura Perrudin en clôture du festival au Domaine de Kerguéhennec.

Domaine de Kerghéhennec, Bignan (56), le 2 août 2015.
Laura Perrudin (harpe, chant, électronique).

C’est donc au Domaine Kerguéhennec que se termine cette édition de Jazz à Vannes inaugurée par Vincent Ségal au Château de Suscinio. Il faut rouler en direction de Locminé pour atteindre l’entrée du grand parc de Kerguéhennec où, ce dimanche 2 août, tous les parkings sont saturés. Un public goguenard, curieux, éclairé, dilettante, passionné, incrédule, interloqué, narquois, puis conquis ou trop préoccupé, pour se laisser convaincre, par les enfants qui courent parmi les essences rares et les installations d’artistes de ce vaste jardin forestier, puis escaladent le grand escalier du château, prêts à plonger le doigt dans les épaisseurs de graisse de machine* qui fournit le noir profond des peintures murales de David Tremlett (noir lumineux où je vois un écho aux œuvres de Soulage qui les précédèrent dans la même salle). Habilité, sous la responsabilité de son directeur Olivier Delavallade, à accueillir le jeune public dans ce lieu dévoué à la rencontre de la création contemporaine et de son public de tous âges, à travers expositions, visites guidées, conférences et ateliers, le domaine est dépassé par son succès et par un soleil qui invite au débonnaire en ce jour de convergence des arts musicaux et plastiques. À la décontraction de la foule correspond la tension du personnel d’accueil qui frémit de voir tout un chacun approcher d’autres doigts non moins coupables pour éprouver la solidité des constructions de Paul Wallach qui, occupant les écuries, reposent sur le seul miracle d’équilibres savamment obtenus. Les mains bien enfoncées dans les poches, sous l’œil sévère des gentils gardiens et gardiennes, nous serions tentés de souffler, très doucement, mais avec une insistance qui ferait tout voler en éclat. Car la fragilité gracieuse de ces insolites mikados entre ces murs grossièrement chaulés sont d’un charme qui ne demande qu’à être éprouvé. Seul, dans un coin de l’écurie, une haute silhouette s’isole en contemplation, celle de Vincent Mahey qui touche avec les yeux, intensément ou peut-être simplement hébété par la fatigue, et ce qu’il entrevoit peut-être à travers ces défis à la pesanteur, c’est la tâche accomplie de cette deuxième édition placée sous sa direction artistique de Jazz à Vannes, qui s’achève aujourd’hui.

En face des écuries, il faut dépasser la queue à la buvette dévalisée depuis le début de l’après-midi, pour voir l’exposition permanente (et constamment enrichie) de Tal Coat, l’enfant du pays (du pays breton tout du moins) adoubé par Gertrude Stein  dont il trace un portrait hiératique , avant de saisir cet énigmatique à tire d’aile.

Et nous voici à notre tour à l’étage du château dont l’exposition Murs a invité les artistes à s’emparer des murs, et semble prolonger avec des couleurs plus vives ou des motifs plus savants ou plus fantasques, le revêtement de la montée d’escalier qui fait mon admiration à chaque visite. Tout au bout, Michel Duport faire chavirer les rectilignes trop convenues d’un boudoir gris où on l’a confiné.

Mais, redescendons vite à l’arrière du château où le public commence à s’assembler pour entendre le second récital de la soirée de la harpiste-chanteuse Laura Perrudin. Car il me suffit bien d’avoir à parler de l’insaisissable musique pour ne pas me mêler en plus de ces arts plastiques qui échappent aux roueries de mes compétences journalistiques. La voici, dans sa frêle apparence, face à ce public de fête, qui n’est peut-être pas ce que l’on croit ou qu’elle magnétise de sa seule présence. Peut-être un peu des deux. Et peut-être surtout son art en guise de magnétisme. Car c’est bien cela qui impose l’impressionnante attention, dans cette aire de fête où soufflera tout à l’heure le funk de la fanfare Out Of Nola et où l’on perçoit encore de loin le babil d’un jeune public joueur qui au fur et à mesure qu’il s’approche semble saisi par le silence qui s’étend et semble rayonner comme un gaz anesthésiant autour de la scène, dès les premières sonorités de sa harpe, d’abord bruitistes avant de prendre forme.

Visitant par hasard le site de Laura Perrudin, voici quelques années, j’avais d’abord prêté attention à sa harpe et à sa technique hors du commun, en ce qu’elle déjouait les limites et handicaps de l’instrument qu’elle réinventait, tant par la qualité de son geste que par la facture qu’elle s’était choisie avec le luthier Philippe Volant, une simple rangée de cordes organisées chromatiquement et débarrassée de l’inertie des encombrantes pédales. Soit une réflexion sur l’instrument qui ne venait pas de lui-même, mais d’une culture harmonique et rythmique, celle du jazz qui fut son premier émoi musical, à travers la découverte, enfant, de Wayne Shorter. Sans trop prêter attention à sa voix, je me passionnais pour la harpiste d’un genre nouveau, non pas harpiste essayant d’assujettir le jazz à son outil, mais jazzwoman ployant l’instrument aux nécessités de son art. Les choses n’étaient peut-être pas si simples et, descendant de la scène du Babilo à Paris, où elle venait d’interpréter Hot House de Tadd Dameron, elle m’avouait tenter là un pari pour le goût du pari plus que du résultat.

À l’écouter chanter, à l’écouter perfectionner concert après concert son tour de chant, affermir la projection de sa voix, à l’entendre choisir des poètes et leur tendre des mélodies et orchestrer ces mélodies, pour son défunt quartette ou pour sa nouvelle harpe électrique, je me suis fait une raison. Laura Perrudin est autant chanteuse qu’instrumentiste et son univers et aux confins de ces deux mondes où la voix et l’instrument, où l’abstraction sonore et la ligne claire mélodique, où le son et le sens se répondent. Un sens qui prendrait toute sa raison d’être si mon anglais me permettait d’apprécier James Joyce ou William Blake dans le texte. Mais le charme opère, qu’elle transforme sa harpe en simple générateur de sons, la frappant, la frottant, la soumettant à divers effets et boucles, avec un sens du détail relevant tout à la fois de l’art de l’orchestration à celui de la mise en scène, ou qu’elle “joue la harpe” avec cette précision du geste et de la pensée musicale donnant à son instrument l’épaisseur rythmique, harmonique et timbrale qui fait si souvent défaut à ses consœurs (au féminin, car rares sont les
harpistes mâles). Au milieu de ce récital qui s’est enrichi depuis son disque “Impressions”, Lush Life de Billy Strayhorn. James Joyce et Billy Strayhorn en un même programme. On voudrait que ça ne s’arrête pas… Et à regarder la foule assise à même la pelouse autour d’elle, je ne suis pas seul à le penser. Franck Bergerot

NB: Réagissant à la facilité de ma remarque sur le sexe des harpistes ci-dessus, Laura Perrudin m’écrit « parce qu’elle se bat depuis des années pour la « dé-féminisation » des appellations génériques concernant les harpistes (et les chanteurs aussi d’ailleurs…) » en énumérant quelques uns de ses confrères harpistes: Nikolaz Cadoret, Park Stickney, François Pernel, Rüdiger Oppermann, Edmar Castaneda, Lincoln Almada, Robert Maxwell, Casper Reardon, Xavier De Maistre, Emmanuel Ceysson, Sylvain Blassel, Fabrice PIerre, PIerre Jamet, Tristan Le Govic, Quentin Vestur, Mael Lhopiteau, Rhodri Davies, Ralf Kleeman… Et elle ajoute: « Tous ces harpistes créatifs ont fait des choses intéressantes dans différents domaines, jazz musiques improvisées, musiques classiques, traditionnelles… ça en fait tout de même ! » J’avoue n’en connaître que trois et ne pas pouvoir citer spontanément autant de ses consœurs, les noms de celles qui contribuent à “déféminiser” l’instrument me venant en priorité (Rafaëlle Rinaudo, Andrea Parkins, Julie Campiche, Hélène Breschand…) On n’a jamais fini d’apprendre.

 

*Je me souviens de la gourmandise interdite que suscitaient les reflets mordorés de la graisse qu’un oncle agriculteur, d’un air tentateur où je percevais quelque moquerie, me tendait sur le bout d’un bâton trempé dans le grand pot de plastique qui la contenait, lorsque je venais assister aux derniers réglages de courroie avant le lancement de la batteuse dans la cour de la ferme en fin de moisson. Mais, en dépit de ses reflets, cette graisse était d’une couleur trop indéfinie pour que je ne soupçonne pas là l’un quelques uns de ces attrape-nigaud que la gent paysanne aimait tendre aux vacanciers de vie urbaine. C’est pourtant à regret, qu’à chaque fois je résistais à la tentation et ce n’est pas sans une certaine jalousie que je constatais sur les œuvres de Tremlett exposées à Kerghénnec les traces coupables d’index gourmands.

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Si, de l’ombre du grand tilleul surplombant le jardin de Limur, à la voute des Carmes, en passant par les terrasses des cafés de Vannes, le Musée des Beaux Arts, le parc de Kerizac et les quais du port, il y eut probablement du prestige et de l’intime, du festif et du solennel, de l’académique et du hors norme, les deux seuls concerts que j’ai entendus de Jazz à Vannes où je suis passé le nez en l’air en tenue de congé payé, m’incitent à placer cette édition sous le signe de la précision et du sens du détail qu’eurent en commun la mise en œuvre de la musique de Marc Ducret par Journal Intime dont je rendais compte le 30 juillet dernier et le concert de Laura Perrudin en clôture du festival au Domaine de Kerguéhennec.

Domaine de Kerghéhennec, Bignan (56), le 2 août 2015.
Laura Perrudin (harpe, chant, électronique).

C’est donc au Domaine Kerguéhennec que se termine cette édition de Jazz à Vannes inaugurée par Vincent Ségal au Château de Suscinio. Il faut rouler en direction de Locminé pour atteindre l’entrée du grand parc de Kerguéhennec où, ce dimanche 2 août, tous les parkings sont saturés. Un public goguenard, curieux, éclairé, dilettante, passionné, incrédule, interloqué, narquois, puis conquis ou trop préoccupé, pour se laisser convaincre, par les enfants qui courent parmi les essences rares et les installations d’artistes de ce vaste jardin forestier, puis escaladent le grand escalier du château, prêts à plonger le doigt dans les épaisseurs de graisse de machine* qui fournit le noir profond des peintures murales de David Tremlett (noir lumineux où je vois un écho aux œuvres de Soulage qui les précédèrent dans la même salle). Habilité, sous la responsabilité de son directeur Olivier Delavallade, à accueillir le jeune public dans ce lieu dévoué à la rencontre de la création contemporaine et de son public de tous âges, à travers expositions, visites guidées, conférences et ateliers, le domaine est dépassé par son succès et par un soleil qui invite au débonnaire en ce jour de convergence des arts musicaux et plastiques. À la décontraction de la foule correspond la tension du personnel d’accueil qui frémit de voir tout un chacun approcher d’autres doigts non moins coupables pour éprouver la solidité des constructions de Paul Wallach qui, occupant les écuries, reposent sur le seul miracle d’équilibres savamment obtenus. Les mains bien enfoncées dans les poches, sous l’œil sévère des gentils gardiens et gardiennes, nous serions tentés de souffler, très doucement, mais avec une insistance qui ferait tout voler en éclat. Car la fragilité gracieuse de ces insolites mikados entre ces murs grossièrement chaulés sont d’un charme qui ne demande qu’à être éprouvé. Seul, dans un coin de l’écurie, une haute silhouette s’isole en contemplation, celle de Vincent Mahey qui touche avec les yeux, intensément ou peut-être simplement hébété par la fatigue, et ce qu’il entrevoit peut-être à travers ces défis à la pesanteur, c’est la tâche accomplie de cette deuxième édition placée sous sa direction artistique de Jazz à Vannes, qui s’achève aujourd’hui.

En face des écuries, il faut dépasser la queue à la buvette dévalisée depuis le début de l’après-midi, pour voir l’exposition permanente (et constamment enrichie) de Tal Coat, l’enfant du pays (du pays breton tout du moins) adoubé par Gertrude Stein  dont il trace un portrait hiératique , avant de saisir cet énigmatique à tire d’aile.

Et nous voici à notre tour à l’étage du château dont l’exposition Murs a invité les artistes à s’emparer des murs, et semble prolonger avec des couleurs plus vives ou des motifs plus savants ou plus fantasques, le revêtement de la montée d’escalier qui fait mon admiration à chaque visite. Tout au bout, Michel Duport faire chavirer les rectilignes trop convenues d’un boudoir gris où on l’a confiné.

Mais, redescendons vite à l’arrière du château où le public commence à s’assembler pour entendre le second récital de la soirée de la harpiste-chanteuse Laura Perrudin. Car il me suffit bien d’avoir à parler de l’insaisissable musique pour ne pas me mêler en plus de ces arts plastiques qui échappent aux roueries de mes compétences journalistiques. La voici, dans sa frêle apparence, face à ce public de fête, qui n’est peut-être pas ce que l’on croit ou qu’elle magnétise de sa seule présence. Peut-être un peu des deux. Et peut-être surtout son art en guise de magnétisme. Car c’est bien cela qui impose l’impressionnante attention, dans cette aire de fête où soufflera tout à l’heure le funk de la fanfare Out Of Nola et où l’on perçoit encore de loin le babil d’un jeune public joueur qui au fur et à mesure qu’il s’approche semble saisi par le silence qui s’étend et semble rayonner comme un gaz anesthésiant autour de la scène, dès les premières sonorités de sa harpe, d’abord bruitistes avant de prendre forme.

Visitant par hasard le site de Laura Perrudin, voici quelques années, j’avais d’abord prêté attention à sa harpe et à sa technique hors du commun, en ce qu’elle déjouait les limites et handicaps de l’instrument qu’elle réinventait, tant par la qualité de son geste que par la facture qu’elle s’était choisie avec le luthier Philippe Volant, une simple rangée de cordes organisées chromatiquement et débarrassée de l’inertie des encombrantes pédales. Soit une réflexion sur l’instrument qui ne venait pas de lui-même, mais d’une culture harmonique et rythmique, celle du jazz qui fut son premier émoi musical, à travers la découverte, enfant, de Wayne Shorter. Sans trop prêter attention à sa voix, je me passionnais pour la harpiste d’un genre nouveau, non pas harpiste essayant d’assujettir le jazz à son outil, mais jazzwoman ployant l’instrument aux nécessités de son art. Les choses n’étaient peut-être pas si simples et, descendant de la scène du Babilo à Paris, où elle venait d’interpréter Hot House de Tadd Dameron, elle m’avouait tenter là un pari pour le goût du pari plus que du résultat.

À l’écouter chanter, à l’écouter perfectionner concert après concert son tour de chant, affermir la projection de sa voix, à l’entendre choisir des poètes et leur tendre des mélodies et orchestrer ces mélodies, pour son défunt quartette ou pour sa nouvelle harpe électrique, je me suis fait une raison. Laura Perrudin est autant chanteuse qu’instrumentiste et son univers et aux confins de ces deux mondes où la voix et l’instrument, où l’abstraction sonore et la ligne claire mélodique, où le son et le sens se répondent. Un sens qui prendrait toute sa raison d’être si mon anglais me permettait d’apprécier James Joyce ou William Blake dans le texte. Mais le charme opère, qu’elle transforme sa harpe en simple générateur de sons, la frappant, la frottant, la soumettant à divers effets et boucles, avec un sens du détail relevant tout à la fois de l’art de l’orchestration à celui de la mise en scène, ou qu’elle “joue la harpe” avec cette précision du geste et de la pensée musicale donnant à son instrument l’épaisseur rythmique, harmonique et timbrale qui fait si souvent défaut à ses consœurs (au féminin, car rares sont les
harpistes mâles). Au milieu de ce récital qui s’est enrichi depuis son disque “Impressions”, Lush Life de Billy Strayhorn. James Joyce et Billy Strayhorn en un même programme. On voudrait que ça ne s’arrête pas… Et à regarder la foule assise à même la pelouse autour d’elle, je ne suis pas seul à le penser. Franck Bergerot

NB: Réagissant à la facilité de ma remarque sur le sexe des harpistes ci-dessus, Laura Perrudin m’écrit « parce qu’elle se bat depuis des années pour la « dé-féminisation » des appellations génériques concernant les harpistes (et les chanteurs aussi d’ailleurs…) » en énumérant quelques uns de ses confrères harpistes: Nikolaz Cadoret, Park Stickney, François Pernel, Rüdiger Oppermann, Edmar Castaneda, Lincoln Almada, Robert Maxwell, Casper Reardon, Xavier De Maistre, Emmanuel Ceysson, Sylvain Blassel, Fabrice PIerre, PIerre Jamet, Tristan Le Govic, Quentin Vestur, Mael Lhopiteau, Rhodri Davies, Ralf Kleeman… Et elle ajoute: « Tous ces harpistes créatifs ont fait des choses intéressantes dans différents domaines, jazz musiques improvisées, musiques classiques, traditionnelles… ça en fait tout de même ! » J’avoue n’en connaître que trois et ne pas pouvoir citer spontanément autant de ses consœurs, les noms de celles qui contribuent à “déféminiser” l’instrument me venant en priorité (Rafaëlle Rinaudo, Andrea Parkins, Julie Campiche, Hélène Breschand…) On n’a jamais fini d’apprendre.

 

*Je me souviens de la gourmandise interdite que suscitaient les reflets mordorés de la graisse qu’un oncle agriculteur, d’un air tentateur où je percevais quelque moquerie, me tendait sur le bout d’un bâton trempé dans le grand pot de plastique qui la contenait, lorsque je venais assister aux derniers réglages de courroie avant le lancement de la batteuse dans la cour de la ferme en fin de moisson. Mais, en dépit de ses reflets, cette graisse était d’une couleur trop indéfinie pour que je ne soupçonne pas là l’un quelques uns de ces attrape-nigaud que la gent paysanne aimait tendre aux vacanciers de vie urbaine. C’est pourtant à regret, qu’à chaque fois je résistais à la tentation et ce n’est pas sans une certaine jalousie que je constatais sur les œuvres de Tremlett exposées à Kerghénnec les traces coupables d’index gourmands.

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Si, de l’ombre du grand tilleul surplombant le jardin de Limur, à la voute des Carmes, en passant par les terrasses des cafés de Vannes, le Musée des Beaux Arts, le parc de Kerizac et les quais du port, il y eut probablement du prestige et de l’intime, du festif et du solennel, de l’académique et du hors norme, les deux seuls concerts que j’ai entendus de Jazz à Vannes où je suis passé le nez en l’air en tenue de congé payé, m’incitent à placer cette édition sous le signe de la précision et du sens du détail qu’eurent en commun la mise en œuvre de la musique de Marc Ducret par Journal Intime dont je rendais compte le 30 juillet dernier et le concert de Laura Perrudin en clôture du festival au Domaine de Kerguéhennec.

Domaine de Kerghéhennec, Bignan (56), le 2 août 2015.
Laura Perrudin (harpe, chant, électronique).

C’est donc au Domaine Kerguéhennec que se termine cette édition de Jazz à Vannes inaugurée par Vincent Ségal au Château de Suscinio. Il faut rouler en direction de Locminé pour atteindre l’entrée du grand parc de Kerguéhennec où, ce dimanche 2 août, tous les parkings sont saturés. Un public goguenard, curieux, éclairé, dilettante, passionné, incrédule, interloqué, narquois, puis conquis ou trop préoccupé, pour se laisser convaincre, par les enfants qui courent parmi les essences rares et les installations d’artistes de ce vaste jardin forestier, puis escaladent le grand escalier du château, prêts à plonger le doigt dans les épaisseurs de graisse de machine* qui fournit le noir profond des peintures murales de David Tremlett (noir lumineux où je vois un écho aux œuvres de Soulage qui les précédèrent dans la même salle). Habilité, sous la responsabilité de son directeur Olivier Delavallade, à accueillir le jeune public dans ce lieu dévoué à la rencontre de la création contemporaine et de son public de tous âges, à travers expositions, visites guidées, conférences et ateliers, le domaine est dépassé par son succès et par un soleil qui invite au débonnaire en ce jour de convergence des arts musicaux et plastiques. À la décontraction de la foule correspond la tension du personnel d’accueil qui frémit de voir tout un chacun approcher d’autres doigts non moins coupables pour éprouver la solidité des constructions de Paul Wallach qui, occupant les écuries, reposent sur le seul miracle d’équilibres savamment obtenus. Les mains bien enfoncées dans les poches, sous l’œil sévère des gentils gardiens et gardiennes, nous serions tentés de souffler, très doucement, mais avec une insistance qui ferait tout voler en éclat. Car la fragilité gracieuse de ces insolites mikados entre ces murs grossièrement chaulés sont d’un charme qui ne demande qu’à être éprouvé. Seul, dans un coin de l’écurie, une haute silhouette s’isole en contemplation, celle de Vincent Mahey qui touche avec les yeux, intensément ou peut-être simplement hébété par la fatigue, et ce qu’il entrevoit peut-être à travers ces défis à la pesanteur, c’est la tâche accomplie de cette deuxième édition placée sous sa direction artistique de Jazz à Vannes, qui s’achève aujourd’hui.

En face des écuries, il faut dépasser la queue à la buvette dévalisée depuis le début de l’après-midi, pour voir l’exposition permanente (et constamment enrichie) de Tal Coat, l’enfant du pays (du pays breton tout du moins) adoubé par Gertrude Stein  dont il trace un portrait hiératique , avant de saisir cet énigmatique à tire d’aile.

Et nous voici à notre tour à l’étage du château dont l’exposition Murs a invité les artistes à s’emparer des murs, et semble prolonger avec des couleurs plus vives ou des motifs plus savants ou plus fantasques, le revêtement de la montée d’escalier qui fait mon admiration à chaque visite. Tout au bout, Michel Duport faire chavirer les rectilignes trop convenues d’un boudoir gris où on l’a confiné.

Mais, redescendons vite à l’arrière du château où le public commence à s’assembler pour entendre le second récital de la soirée de la harpiste-chanteuse Laura Perrudin. Car il me suffit bien d’avoir à parler de l’insaisissable musique pour ne pas me mêler en plus de ces arts plastiques qui échappent aux roueries de mes compétences journalistiques. La voici, dans sa frêle apparence, face à ce public de fête, qui n’est peut-être pas ce que l’on croit ou qu’elle magnétise de sa seule présence. Peut-être un peu des deux. Et peut-être surtout son art en guise de magnétisme. Car c’est bien cela qui impose l’impressionnante attention, dans cette aire de fête où soufflera tout à l’heure le funk de la fanfare Out Of Nola et où l’on perçoit encore de loin le babil d’un jeune public joueur qui au fur et à mesure qu’il s’approche semble saisi par le silence qui s’étend et semble rayonner comme un gaz anesthésiant autour de la scène, dès les premières sonorités de sa harpe, d’abord bruitistes avant de prendre forme.

Visitant par hasard le site de Laura Perrudin, voici quelques années, j’avais d’abord prêté attention à sa harpe et à sa technique hors du commun, en ce qu’elle déjouait les limites et handicaps de l’instrument qu’elle réinventait, tant par la qualité de son geste que par la facture qu’elle s’était choisie avec le luthier Philippe Volant, une simple rangée de cordes organisées chromatiquement et débarrassée de l’inertie des encombrantes pédales. Soit une réflexion sur l’instrument qui ne venait pas de lui-même, mais d’une culture harmonique et rythmique, celle du jazz qui fut son premier émoi musical, à travers la découverte, enfant, de Wayne Shorter. Sans trop prêter attention à sa voix, je me passionnais pour la harpiste d’un genre nouveau, non pas harpiste essayant d’assujettir le jazz à son outil, mais jazzwoman ployant l’instrument aux nécessités de son art. Les choses n’étaient peut-être pas si simples et, descendant de la scène du Babilo à Paris, où elle venait d’interpréter Hot House de Tadd Dameron, elle m’avouait tenter là un pari pour le goût du pari plus que du résultat.

À l’écouter chanter, à l’écouter perfectionner concert après concert son tour de chant, affermir la projection de sa voix, à l’entendre choisir des poètes et leur tendre des mélodies et orchestrer ces mélodies, pour son défunt quartette ou pour sa nouvelle harpe électrique, je me suis fait une raison. Laura Perrudin est autant chanteuse qu’instrumentiste et son univers et aux confins de ces deux mondes où la voix et l’instrument, où l’abstraction sonore et la ligne claire mélodique, où le son et le sens se répondent. Un sens qui prendrait toute sa raison d’être si mon anglais me permettait d’apprécier James Joyce ou William Blake dans le texte. Mais le charme opère, qu’elle transforme sa harpe en simple générateur de sons, la frappant, la frottant, la soumettant à divers effets et boucles, avec un sens du détail relevant tout à la fois de l’art de l’orchestration à celui de la mise en scène, ou qu’elle “joue la harpe” avec cette précision du geste et de la pensée musicale donnant à son instrument l’épaisseur rythmique, harmonique et timbrale qui fait si souvent défaut à ses consœurs (au féminin, car rares sont les
harpistes mâles). Au milieu de ce récital qui s’est enrichi depuis son disque “Impressions”, Lush Life de Billy Strayhorn. James Joyce et Billy Strayhorn en un même programme. On voudrait que ça ne s’arrête pas… Et à regarder la foule assise à même la pelouse autour d’elle, je ne suis pas seul à le penser. Franck Bergerot

NB: Réagissant à la facilité de ma remarque sur le sexe des harpistes ci-dessus, Laura Perrudin m’écrit « parce qu’elle se bat depuis des années pour la « dé-féminisation » des appellations génériques concernant les harpistes (et les chanteurs aussi d’ailleurs…) » en énumérant quelques uns de ses confrères harpistes: Nikolaz Cadoret, Park Stickney, François Pernel, Rüdiger Oppermann, Edmar Castaneda, Lincoln Almada, Robert Maxwell, Casper Reardon, Xavier De Maistre, Emmanuel Ceysson, Sylvain Blassel, Fabrice PIerre, PIerre Jamet, Tristan Le Govic, Quentin Vestur, Mael Lhopiteau, Rhodri Davies, Ralf Kleeman… Et elle ajoute: « Tous ces harpistes créatifs ont fait des choses intéressantes dans différents domaines, jazz musiques improvisées, musiques classiques, traditionnelles… ça en fait tout de même ! » J’avoue n’en connaître que trois et ne pas pouvoir citer spontanément autant de ses consœurs, les noms de celles qui contribuent à “déféminiser” l’instrument me venant en priorité (Rafaëlle Rinaudo, Andrea Parkins, Julie Campiche, Hélène Breschand…) On n’a jamais fini d’apprendre.

 

*Je me souviens de la gourmandise interdite que suscitaient les reflets mordorés de la graisse qu’un oncle agriculteur, d’un air tentateur où je percevais quelque moquerie, me tendait sur le bout d’un bâton trempé dans le grand pot de plastique qui la contenait, lorsque je venais assister aux derniers réglages de courroie avant le lancement de la batteuse dans la cour de la ferme en fin de moisson. Mais, en dépit de ses reflets, cette graisse était d’une couleur trop indéfinie pour que je ne soupçonne pas là l’un quelques uns de ces attrape-nigaud que la gent paysanne aimait tendre aux vacanciers de vie urbaine. C’est pourtant à regret, qu’à chaque fois je résistais à la tentation et ce n’est pas sans une certaine jalousie que je constatais sur les œuvres de Tremlett exposées à Kerghénnec les traces coupables d’index gourmands.