Jazz live
Publié le 17 Juin 2023

Laurent Naouri & Frédéric Loiseau au Bal Blomet

L’affiche et le programme du Bal Blomet annoncent ‘classique’. En fait il s’agit d’une musique de transfuges : le célèbre baryton basse, grand amateur de jazz (on le croisait régulièrement aux concerts de Martial Solal), nous avait déjà offert avec le pianiste Manuel Rocheman des concerts, et un disque, autour du répertoire de Bill Evans. Et le guitariste ‘de jazz’ Frédéric Loiseau est un amoureux de la musique de chambre.

Le disque «En sourdine», chant d’amour à la mélodie française, publié entre deux confinements à l’automne 2020, trouvait au Bal Blomet son véritable ‘concert de sortie’. Dans la salle, bondée, beaucoup d’ami.e.s, musiciennes et musiciens de toutes obédiences.

LAURENT NAOURI & FRÉDÉRIC LOISEAU «En sourdine»

Laurent Naouri (voix), Frédéric Loiseau (guitare)

Paris, Bal Blomet, 16 juin 2023, 20h

Le concert suit l’esprit du disque : nuances, expressivité, et aussi cette liberté par rapport au texte musical qui signe la parenté avec le jazz, espace de liberté s’il en est. Le répertoire est en partie celui du CD (Fauré, Poulenc, Debussy) mais aussi Reynaldo Hahn ; il convoque des poètes majeurs (Baudelaire, Apollinaire, Verlaine….) mais aussi Victor Hugo, Louis Aragon, Sully Prudhomme, Armand Silvestre ou Louise de Vilmorin. Sans oublier Brassens, ou Les Frères Jacques qui chantent un texte de Guy Béart. L’humour de Laurent Naouri émaille les présentations. Le choix sonore n’est pas celui de la musique de chambre : la guitare est électrique (à un niveau sonore finement maîtrisé), et la voix s’accorde la médiation du micro (là aussi la maîtrise des nuances est considérable). Le phrasé du chant est très libre, dicté par le cheminement de l’interprétation. La guitare prodigue des miracles d’événements infinitésimaux (l’amateur pense à Jim Hall). Très grande musicalité : autant dire très grande musique ! Au détour du concert une composition dédié à l’Ami Claude Carrière (leur ami, le nôtre aussi). Un régal de bout en bout.

Rappelés avec enthousiasme, les duettiste reviennent accompagnés de Natalie Dessay, et cette fois Laurent Naouri improvise une contre-chant en sifflant.

Après un nouveau rappel aussi enthousiaste que véhément, trio à nouveau avec l’arrivée, à la caisse claire et aux balais, du batteur André Charlier, pour une reprise de Fauré en forme de bossa nova. Bref cette soirée fut un grand moment de musique, qui permit au chroniqueur d’affronter sereinement un retour laborieux vers sa banlieue : RER supprimé, métro bondé, bus qui stationne 40 minutes avant de partir avec un chargement d’humains transformés en sardines : 1h50 pour rentre chez moi alors qu’en début de soirée j’étais venu en 45 minutes. Le bonheur de cette musique effacera, une fois encore, le mauvais souvenir des transports publics en déshérence.

Xavier Prévost