Jazz live
Publié le 11 Sep 2013

Le Printemps de Sylvaine Hélary et les adieux de Jeanne-Martine Vacher à France Culture

Dans le cadre de ce que l’on pourrait considérer comme une sorte de festival off – ou peut-être de bonne conscience – de Jazz à La Villette, la flûtiste-compositrice Sylvaine Hélary présentait hier, à l’Atelier du plateau, son spectacle Printemps.


Printemps : Sylvaine Hélary (composition, voix, flûtes traversières), Antonin Rayon (piano, ring modulator), Sylvain Lemêtre (vibraphone, percussions), Aalam Wassef (pinceaux, textes, performance), Julien Boudart (opérateur radio).


On retrouve ici l’Atelier du Plateau et c’est toujours un peu comme à la maison. Et l’on retrouve aussi Sylvaine Hélary et ça n’est jamais loin d’être insolite. L’Atelier, c’est souvent ainsi, un lieu de proximité avec l’insolite. Qui l’est moins de ce fait ou au contraire que l’on approche dans toute son étrangeté. C’est selon, c’est un peu tout ça à la fois. Le Printemps, c’est d’ailleurs un peu tout à la fois, sans que l’on sache bien définir ce “tout”. Et moi qui ait renoncé à suivre à l’opéra Blueraie qui y a ses habitudes, parce que, face à “tant d’informations”, j’ai toujours l’impression de perdre le fil de ce pourquoi je suis finalement là en priorité, l’abstraction musicale, l’irrécupérable abstraction musicale, je me retrouve d’autant plus empêtré que ce Printemps là dont nous parle le plasticien-vidéaste-éditeur-blogger Aalam Wassef avec ses pinceaux à même le mur du Plateau (qui en a vu d’autres) et ses choix de textes, c’est le printemps arabe. Dans la prétention à l’irrécupérabilité de la chose musicale, on pourrait voir le refus de l’engagement… Or, qu’il s’agisse d’Aalam Wassef ou de Sylvaine Hélary, on est dans l’engagement. Mais qu’est-ce que l’engagement.


L’abstraction musicale est-elle nécessairement indifférente et étrangère au monde parce qu’irrécupérable. Sait-on seulement qu’il s’agit du printemps arabe ? Comment l’ai-je su ? Alors qu’Aalam Wassef n’en fait qu’entrouvrir les chatières par lesquelles souffle un courant d’air sémantique qui vous fait éternuer la cervelle.


Si l’on en retire une chose, c’est que le Printemps n’est pas récupérable.

Disons le tout net, je n’ai pas compris grand chose à ces textes et à cette activité discrète qu’il déploie autour des musiciens et dont je garde cet énigmatique petit tract qu’il distribua au public et qui tomba en pluie de la mezzanine pendant le spectacle, que je lis dans les rames qui me ramènent vers ma gentilhommière. Et où je lis par exemple : « La musique, les spectacles, ont, une fonction. Il n’y a rien à gagner à revendiquer l’inutilité des arts, sinon l’insignifiance. Ils ont une fonction, qui est de produire le monde. » Ou encore : « Il faut qu’en certains moments sonne telle musique, pour que le monde touche à sa source. Faute de musique adéquate, la figure du monde pâlit. » etc.


Je pourrais encore citer Sylvaine Hélary elle-même, lue je ne sais plus où : « Trois instrumentistes. Un polygraphe. Un écran de projection. Quelques bandes magnétiques imprimées de sons. Des dessins accrochés au mur. De petits pas. Un grand sursaut. »


Avec Sylvaine Hélary, la figure du monde ne pâlit pas. On retrouve ici son trio au centre du dispositif de ce Printemps. Enfin, pas tout à fait. La batterie d’Emmanuel Scarpa et sa pulsation plutôt rock laisse la place à Sylvain Lemêtre à la tête d’un set de percussions iconoclaste, variation autour du clavier de xylophone qui se décline sous forme de claviers de cymbales, de bols, de verres, de gongs plus tout un petit bazar. Antonin Rayon a renoncé à ses Hammond et Clavinet au profit du piano acoustique dont il passe cependant, de temps à autre, la sonorité à la moulinette d’une espèce de ring modulator. Et j’aperçois à ses pieds un gros magnétophone à bandes qui tourne. Est-ce lui qui diffuse les sonorités “concrètes” que l’on entend ici et là pendant le concert ou est-ce la fonction de Julien Boudart.


À l’issue du concert, j’ai omis de poser la question, absorbé par les commentaires d’Eve Risser sur son concert de la semaine dernière et mes propres commentaires blogués. Avec cette interrogation, sans animosité, sur ce qui m’avait fait qualifier de clichés les sons de gamelan qu’elle tire de son piano préparé (je précisais qu’elle en tirait également bien d’autres choses), bien consciente de l’écueil, mais défendant ces sons de gamelan qu’elle aspire à travailler comme un autre possible du piano. « Après tout, me dit-elle, lorsque je joue un ré avec une sonorité conventionnelle de piano, on ne m’accuse pas de cliché. » Et bien d’autres choses passionnantes et passionnées, mais il me faut revenir à la musique de Sylvaine Hélary qui, peut-être, au bar d’un prochain concert d’un tout autre artiste, viendra me faire ses remarques sur le présent compte rendu qui, il faut bien le dire, commence à tourner en rond. Au fait…


La musique donc. Irrécupérable. Très écrite. Avec ce mystère qui voit des kilomètres de jeu musical se dérouler à la lecture de partitions dont chacune ne fait pas deux pages. Très improvisée, donc, à l’intérieur de ces cadres  serrés et desquels les compagnons de Sylvaine Hélary se jouent de très longues variations dans un langage très contemporain aux tutti en forme de clusters, aux polyrythmies et aux contrepoints – jouant tantôt de l’espace ou de la saturation – qui se développent à partir de ces formats courts, qu’ils tissent, cousent, replient, décousent, soudain sous une pluie de balles de ping pong tombées de la mezzanine. Ce n’est pas sans fragilité. L’orchestre est en résidence au Plateau pour la semaine et ce soir était la première reprise d’un spectacle créé voici presque deux ans au même endroit, reprise qui donnera encore lieu à deux concerts, ces jeudi 12 et vendredi 13 à 20h. Ces fragilités concernant aussi la partie installation qui m’a paru trébucher ici et là, si tant est qu’installation et concert soient “dissociables” (ce que j’ai eu tendance à faire), devraient s’estomper dès jeudi. Et vendredi, ça devrait péter le feu.


On n’a pas parlé de ce spectacle à France Culture, radio que j’écoute parce que l’on y parle de choses dont on parle nulle part ailleurs sur les ondes, d’une façon que l’on ne retrouve nulle par ailleurs… sauf en ce qui concerne la musique qui fait, paraît-il, son retour sur cette chaîne. Moi, je n’y entends que de la chanson, rock, rap, world, dance, un art hyper formaté dont on ne parle que de façon formatée (place dans les charts, chiffres de vente, paroles des chansons, vie privée des artistes). Ce matin, aux Matins de France Culture: Mylène Farmer… Les 50 ans de France Culture, c’est ça. Pour annoncer Jazz à la Villette, que la soirée musique de La Dispute a comme chaque année ignoré, Les Matins de France Culture n’ont signalé que Brian Ferry et Chic. Ça s’appelle l’ouverture et mais ce rejet de l’irrécupérable abstraction musicale (sauf peut-être sous l’estampille “classique”… mais écoutez La Dispute, la musique classique que l’on y commente n’est la plupart du temps que lyrique, prétexte à ne parler que de livret, de scénographie), c’est la mort de la diversité.


C’est en gros ce qui a poussé Jeanne-Martine Vacher, la dernière à avoir défendu la diversité musicale sur cette chaîne, à quitter celle-ci. Je vous livre ses adieux que je viens de découvrir après avoir constaté samedi dernier qu’elle n’était pas au rendez-vous de son horaire habituel du samedi à 14h :


« Bonjour à tous, Quelques mots pour vous dire que j¹ai dû me résoudre à quitter France Culture, le nouveau cadre éditorial et contractuel qui m¹était imposé étant inacceptable et incompatible avec l’idée que je me fais d¹une émission musicale sur cette chaîne. La musique, parce qu’elle est un art populaire, qu’elle est un mode existentiel pour la jeunesse, qu’elle est également présente dans le quotidien de beaucoup d’entre nous, a toujours été

particulièrement exposée et fragile face à l’inculture musicale,

l’obsession étriquée de l¹actualité, la vision idéologisée de la culture et le

jeunisme,enfin, cette maladie qui ne touche que des vieux qui s’ignorent : toutes choses qui trop souvent animent des  dirigeants d’institutions

culturelles, impuissants à produire un projet véritable. J’ai donc été contrainte de partir, avec tristesse mais sans aucun regret, sachant que je défendrai ailleurs ce en quoi je crois, avec ceux qui partagent les mêmes exigences, les mêmes passions et qui, pour beaucoupdéjà, m¹accompagnent dans  www.melozzoo.org, un projet habité par l’esprit qui fut le nôtre sur France Culture et enrichi des possibilités novatrices du Net. J’ai tenté d¹exprimer mon « engagement musical » ainsi que la belle aventure collective que furent les programmes musicaux de France Culture dans le dernier micro de ma dernière émission. Le voici : https://soundcloud.com/melozzoo/last-coda

|

Dans le cadre de ce que l’on pourrait considérer comme une sorte de festival off – ou peut-être de bonne conscience – de Jazz à La Villette, la flûtiste-compositrice Sylvaine Hélary présentait hier, à l’Atelier du plateau, son spectacle Printemps.


Printemps : Sylvaine Hélary (composition, voix, flûtes traversières), Antonin Rayon (piano, ring modulator), Sylvain Lemêtre (vibraphone, percussions), Aalam Wassef (pinceaux, textes, performance), Julien Boudart (opérateur radio).


On retrouve ici l’Atelier du Plateau et c’est toujours un peu comme à la maison. Et l’on retrouve aussi Sylvaine Hélary et ça n’est jamais loin d’être insolite. L’Atelier, c’est souvent ainsi, un lieu de proximité avec l’insolite. Qui l’est moins de ce fait ou au contraire que l’on approche dans toute son étrangeté. C’est selon, c’est un peu tout ça à la fois. Le Printemps, c’est d’ailleurs un peu tout à la fois, sans que l’on sache bien définir ce “tout”. Et moi qui ait renoncé à suivre à l’opéra Blueraie qui y a ses habitudes, parce que, face à “tant d’informations”, j’ai toujours l’impression de perdre le fil de ce pourquoi je suis finalement là en priorité, l’abstraction musicale, l’irrécupérable abstraction musicale, je me retrouve d’autant plus empêtré que ce Printemps là dont nous parle le plasticien-vidéaste-éditeur-blogger Aalam Wassef avec ses pinceaux à même le mur du Plateau (qui en a vu d’autres) et ses choix de textes, c’est le printemps arabe. Dans la prétention à l’irrécupérabilité de la chose musicale, on pourrait voir le refus de l’engagement… Or, qu’il s’agisse d’Aalam Wassef ou de Sylvaine Hélary, on est dans l’engagement. Mais qu’est-ce que l’engagement.


L’abstraction musicale est-elle nécessairement indifférente et étrangère au monde parce qu’irrécupérable. Sait-on seulement qu’il s’agit du printemps arabe ? Comment l’ai-je su ? Alors qu’Aalam Wassef n’en fait qu’entrouvrir les chatières par lesquelles souffle un courant d’air sémantique qui vous fait éternuer la cervelle.


Si l’on en retire une chose, c’est que le Printemps n’est pas récupérable.

Disons le tout net, je n’ai pas compris grand chose à ces textes et à cette activité discrète qu’il déploie autour des musiciens et dont je garde cet énigmatique petit tract qu’il distribua au public et qui tomba en pluie de la mezzanine pendant le spectacle, que je lis dans les rames qui me ramènent vers ma gentilhommière. Et où je lis par exemple : « La musique, les spectacles, ont, une fonction. Il n’y a rien à gagner à revendiquer l’inutilité des arts, sinon l’insignifiance. Ils ont une fonction, qui est de produire le monde. » Ou encore : « Il faut qu’en certains moments sonne telle musique, pour que le monde touche à sa source. Faute de musique adéquate, la figure du monde pâlit. » etc.


Je pourrais encore citer Sylvaine Hélary elle-même, lue je ne sais plus où : « Trois instrumentistes. Un polygraphe. Un écran de projection. Quelques bandes magnétiques imprimées de sons. Des dessins accrochés au mur. De petits pas. Un grand sursaut. »


Avec Sylvaine Hélary, la figure du monde ne pâlit pas. On retrouve ici son trio au centre du dispositif de ce Printemps. Enfin, pas tout à fait. La batterie d’Emmanuel Scarpa et sa pulsation plutôt rock laisse la place à Sylvain Lemêtre à la tête d’un set de percussions iconoclaste, variation autour du clavier de xylophone qui se décline sous forme de claviers de cymbales, de bols, de verres, de gongs plus tout un petit bazar. Antonin Rayon a renoncé à ses Hammond et Clavinet au profit du piano acoustique dont il passe cependant, de temps à autre, la sonorité à la moulinette d’une espèce de ring modulator. Et j’aperçois à ses pieds un gros magnétophone à bandes qui tourne. Est-ce lui qui diffuse les sonorités “concrètes” que l’on entend ici et là pendant le concert ou est-ce la fonction de Julien Boudart.


À l’issue du concert, j’ai omis de poser la question, absorbé par les commentaires d’Eve Risser sur son concert de la semaine dernière et mes propres commentaires blogués. Avec cette interrogation, sans animosité, sur ce qui m’avait fait qualifier de clichés les sons de gamelan qu’elle tire de son piano préparé (je précisais qu’elle en tirait également bien d’autres choses), bien consciente de l’écueil, mais défendant ces sons de gamelan qu’elle aspire à travailler comme un autre possible du piano. « Après tout, me dit-elle, lorsque je joue un ré avec une sonorité conventionnelle de piano, on ne m’accuse pas de cliché. » Et bien d’autres choses passionnantes et passionnées, mais il me faut revenir à la musique de Sylvaine Hélary qui, peut-être, au bar d’un prochain concert d’un tout autre artiste, viendra me faire ses remarques sur le présent compte rendu qui, il faut bien le dire, commence à tourner en rond. Au fait…


La musique donc. Irrécupérable. Très écrite. Avec ce mystère qui voit des kilomètres de jeu musical se dérouler à la lecture de partitions dont chacune ne fait pas deux pages. Très improvisée, donc, à l’intérieur de ces cadres  serrés et desquels les compagnons de Sylvaine Hélary se jouent de très longues variations dans un langage très contemporain aux tutti en forme de clusters, aux polyrythmies et aux contrepoints – jouant tantôt de l’espace ou de la saturation – qui se développent à partir de ces formats courts, qu’ils tissent, cousent, replient, décousent, soudain sous une pluie de balles de ping pong tombées de la mezzanine. Ce n’est pas sans fragilité. L’orchestre est en résidence au Plateau pour la semaine et ce soir était la première reprise d’un spectacle créé voici presque deux ans au même endroit, reprise qui donnera encore lieu à deux concerts, ces jeudi 12 et vendredi 13 à 20h. Ces fragilités concernant aussi la partie installation qui m’a paru trébucher ici et là, si tant est qu’installation et concert soient “dissociables” (ce que j’ai eu tendance à faire), devraient s’estomper dès jeudi. Et vendredi, ça devrait péter le feu.


On n’a pas parlé de ce spectacle à France Culture, radio que j’écoute parce que l’on y parle de choses dont on parle nulle part ailleurs sur les ondes, d’une façon que l’on ne retrouve nulle par ailleurs… sauf en ce qui concerne la musique qui fait, paraît-il, son retour sur cette chaîne. Moi, je n’y entends que de la chanson, rock, rap, world, dance, un art hyper formaté dont on ne parle que de façon formatée (place dans les charts, chiffres de vente, paroles des chansons, vie privée des artistes). Ce matin, aux Matins de France Culture: Mylène Farmer… Les 50 ans de France Culture, c’est ça. Pour annoncer Jazz à la Villette, que la soirée musique de La Dispute a comme chaque année ignoré, Les Matins de France Culture n’ont signalé que Brian Ferry et Chic. Ça s’appelle l’ouverture et mais ce rejet de l’irrécupérable abstraction musicale (sauf peut-être sous l’estampille “classique”… mais écoutez La Dispute, la musique classique que l’on y commente n’est la plupart du temps que lyrique, prétexte à ne parler que de livret, de scénographie), c’est la mort de la diversité.


C’est en gros ce qui a poussé Jeanne-Martine Vacher, la dernière à avoir défendu la diversité musicale sur cette chaîne, à quitter celle-ci. Je vous livre ses adieux que je viens de découvrir après avoir constaté samedi dernier qu’elle n’était pas au rendez-vous de son horaire habituel du samedi à 14h :


« Bonjour à tous, Quelques mots pour vous dire que j¹ai dû me résoudre à quitter France Culture, le nouveau cadre éditorial et contractuel qui m¹était imposé étant inacceptable et incompatible avec l’idée que je me fais d¹une émission musicale sur cette chaîne. La musique, parce qu’elle est un art populaire, qu’elle est un mode existentiel pour la jeunesse, qu’elle est également présente dans le quotidien de beaucoup d’entre nous, a toujours été

particulièrement exposée et fragile face à l’inculture musicale,

l’obsession étriquée de l¹actualité, la vision idéologisée de la culture et le

jeunisme,enfin, cette maladie qui ne touche que des vieux qui s’ignorent : toutes choses qui trop souvent animent des  dirigeants d’institutions

culturelles, impuissants à produire un projet véritable. J’ai donc été contrainte de partir, avec tristesse mais sans aucun regret, sachant que je défendrai ailleurs ce en quoi je crois, avec ceux qui partagent les mêmes exigences, les mêmes passions et qui, pour beaucoupdéjà, m¹accompagnent dans  www.melozzoo.org, un projet habité par l’esprit qui fut le nôtre sur France Culture et enrichi des possibilités novatrices du Net. J’ai tenté d¹exprimer mon « engagement musical » ainsi que la belle aventure collective que furent les programmes musicaux de France Culture dans le dernier micro de ma dernière émission. Le voici : https://soundcloud.com/melozzoo/last-coda

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Dans le cadre de ce que l’on pourrait considérer comme une sorte de festival off – ou peut-être de bonne conscience – de Jazz à La Villette, la flûtiste-compositrice Sylvaine Hélary présentait hier, à l’Atelier du plateau, son spectacle Printemps.


Printemps : Sylvaine Hélary (composition, voix, flûtes traversières), Antonin Rayon (piano, ring modulator), Sylvain Lemêtre (vibraphone, percussions), Aalam Wassef (pinceaux, textes, performance), Julien Boudart (opérateur radio).


On retrouve ici l’Atelier du Plateau et c’est toujours un peu comme à la maison. Et l’on retrouve aussi Sylvaine Hélary et ça n’est jamais loin d’être insolite. L’Atelier, c’est souvent ainsi, un lieu de proximité avec l’insolite. Qui l’est moins de ce fait ou au contraire que l’on approche dans toute son étrangeté. C’est selon, c’est un peu tout ça à la fois. Le Printemps, c’est d’ailleurs un peu tout à la fois, sans que l’on sache bien définir ce “tout”. Et moi qui ait renoncé à suivre à l’opéra Blueraie qui y a ses habitudes, parce que, face à “tant d’informations”, j’ai toujours l’impression de perdre le fil de ce pourquoi je suis finalement là en priorité, l’abstraction musicale, l’irrécupérable abstraction musicale, je me retrouve d’autant plus empêtré que ce Printemps là dont nous parle le plasticien-vidéaste-éditeur-blogger Aalam Wassef avec ses pinceaux à même le mur du Plateau (qui en a vu d’autres) et ses choix de textes, c’est le printemps arabe. Dans la prétention à l’irrécupérabilité de la chose musicale, on pourrait voir le refus de l’engagement… Or, qu’il s’agisse d’Aalam Wassef ou de Sylvaine Hélary, on est dans l’engagement. Mais qu’est-ce que l’engagement.


L’abstraction musicale est-elle nécessairement indifférente et étrangère au monde parce qu’irrécupérable. Sait-on seulement qu’il s’agit du printemps arabe ? Comment l’ai-je su ? Alors qu’Aalam Wassef n’en fait qu’entrouvrir les chatières par lesquelles souffle un courant d’air sémantique qui vous fait éternuer la cervelle.


Si l’on en retire une chose, c’est que le Printemps n’est pas récupérable.

Disons le tout net, je n’ai pas compris grand chose à ces textes et à cette activité discrète qu’il déploie autour des musiciens et dont je garde cet énigmatique petit tract qu’il distribua au public et qui tomba en pluie de la mezzanine pendant le spectacle, que je lis dans les rames qui me ramènent vers ma gentilhommière. Et où je lis par exemple : « La musique, les spectacles, ont, une fonction. Il n’y a rien à gagner à revendiquer l’inutilité des arts, sinon l’insignifiance. Ils ont une fonction, qui est de produire le monde. » Ou encore : « Il faut qu’en certains moments sonne telle musique, pour que le monde touche à sa source. Faute de musique adéquate, la figure du monde pâlit. » etc.


Je pourrais encore citer Sylvaine Hélary elle-même, lue je ne sais plus où : « Trois instrumentistes. Un polygraphe. Un écran de projection. Quelques bandes magnétiques imprimées de sons. Des dessins accrochés au mur. De petits pas. Un grand sursaut. »


Avec Sylvaine Hélary, la figure du monde ne pâlit pas. On retrouve ici son trio au centre du dispositif de ce Printemps. Enfin, pas tout à fait. La batterie d’Emmanuel Scarpa et sa pulsation plutôt rock laisse la place à Sylvain Lemêtre à la tête d’un set de percussions iconoclaste, variation autour du clavier de xylophone qui se décline sous forme de claviers de cymbales, de bols, de verres, de gongs plus tout un petit bazar. Antonin Rayon a renoncé à ses Hammond et Clavinet au profit du piano acoustique dont il passe cependant, de temps à autre, la sonorité à la moulinette d’une espèce de ring modulator. Et j’aperçois à ses pieds un gros magnétophone à bandes qui tourne. Est-ce lui qui diffuse les sonorités “concrètes” que l’on entend ici et là pendant le concert ou est-ce la fonction de Julien Boudart.


À l’issue du concert, j’ai omis de poser la question, absorbé par les commentaires d’Eve Risser sur son concert de la semaine dernière et mes propres commentaires blogués. Avec cette interrogation, sans animosité, sur ce qui m’avait fait qualifier de clichés les sons de gamelan qu’elle tire de son piano préparé (je précisais qu’elle en tirait également bien d’autres choses), bien consciente de l’écueil, mais défendant ces sons de gamelan qu’elle aspire à travailler comme un autre possible du piano. « Après tout, me dit-elle, lorsque je joue un ré avec une sonorité conventionnelle de piano, on ne m’accuse pas de cliché. » Et bien d’autres choses passionnantes et passionnées, mais il me faut revenir à la musique de Sylvaine Hélary qui, peut-être, au bar d’un prochain concert d’un tout autre artiste, viendra me faire ses remarques sur le présent compte rendu qui, il faut bien le dire, commence à tourner en rond. Au fait…


La musique donc. Irrécupérable. Très écrite. Avec ce mystère qui voit des kilomètres de jeu musical se dérouler à la lecture de partitions dont chacune ne fait pas deux pages. Très improvisée, donc, à l’intérieur de ces cadres  serrés et desquels les compagnons de Sylvaine Hélary se jouent de très longues variations dans un langage très contemporain aux tutti en forme de clusters, aux polyrythmies et aux contrepoints – jouant tantôt de l’espace ou de la saturation – qui se développent à partir de ces formats courts, qu’ils tissent, cousent, replient, décousent, soudain sous une pluie de balles de ping pong tombées de la mezzanine. Ce n’est pas sans fragilité. L’orchestre est en résidence au Plateau pour la semaine et ce soir était la première reprise d’un spectacle créé voici presque deux ans au même endroit, reprise qui donnera encore lieu à deux concerts, ces jeudi 12 et vendredi 13 à 20h. Ces fragilités concernant aussi la partie installation qui m’a paru trébucher ici et là, si tant est qu’installation et concert soient “dissociables” (ce que j’ai eu tendance à faire), devraient s’estomper dès jeudi. Et vendredi, ça devrait péter le feu.


On n’a pas parlé de ce spectacle à France Culture, radio que j’écoute parce que l’on y parle de choses dont on parle nulle part ailleurs sur les ondes, d’une façon que l’on ne retrouve nulle par ailleurs… sauf en ce qui concerne la musique qui fait, paraît-il, son retour sur cette chaîne. Moi, je n’y entends que de la chanson, rock, rap, world, dance, un art hyper formaté dont on ne parle que de façon formatée (place dans les charts, chiffres de vente, paroles des chansons, vie privée des artistes). Ce matin, aux Matins de France Culture: Mylène Farmer… Les 50 ans de France Culture, c’est ça. Pour annoncer Jazz à la Villette, que la soirée musique de La Dispute a comme chaque année ignoré, Les Matins de France Culture n’ont signalé que Brian Ferry et Chic. Ça s’appelle l’ouverture et mais ce rejet de l’irrécupérable abstraction musicale (sauf peut-être sous l’estampille “classique”… mais écoutez La Dispute, la musique classique que l’on y commente n’est la plupart du temps que lyrique, prétexte à ne parler que de livret, de scénographie), c’est la mort de la diversité.


C’est en gros ce qui a poussé Jeanne-Martine Vacher, la dernière à avoir défendu la diversité musicale sur cette chaîne, à quitter celle-ci. Je vous livre ses adieux que je viens de découvrir après avoir constaté samedi dernier qu’elle n’était pas au rendez-vous de son horaire habituel du samedi à 14h :


« Bonjour à tous, Quelques mots pour vous dire que j¹ai dû me résoudre à quitter France Culture, le nouveau cadre éditorial et contractuel qui m¹était imposé étant inacceptable et incompatible avec l’idée que je me fais d¹une émission musicale sur cette chaîne. La musique, parce qu’elle est un art populaire, qu’elle est un mode existentiel pour la jeunesse, qu’elle est également présente dans le quotidien de beaucoup d’entre nous, a toujours été

particulièrement exposée et fragile face à l’inculture musicale,

l’obsession étriquée de l¹actualité, la vision idéologisée de la culture et le

jeunisme,enfin, cette maladie qui ne touche que des vieux qui s’ignorent : toutes choses qui trop souvent animent des  dirigeants d’institutions

culturelles, impuissants à produire un projet véritable. J’ai donc été contrainte de partir, avec tristesse mais sans aucun regret, sachant que je défendrai ailleurs ce en quoi je crois, avec ceux qui partagent les mêmes exigences, les mêmes passions et qui, pour beaucoupdéjà, m¹accompagnent dans  www.melozzoo.org, un projet habité par l’esprit qui fut le nôtre sur France Culture et enrichi des possibilités novatrices du Net. J’ai tenté d¹exprimer mon « engagement musical » ainsi que la belle aventure collective que furent les programmes musicaux de France Culture dans le dernier micro de ma dernière émission. Le voici : https://soundcloud.com/melozzoo/last-coda

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Dans le cadre de ce que l’on pourrait considérer comme une sorte de festival off – ou peut-être de bonne conscience – de Jazz à La Villette, la flûtiste-compositrice Sylvaine Hélary présentait hier, à l’Atelier du plateau, son spectacle Printemps.


Printemps : Sylvaine Hélary (composition, voix, flûtes traversières), Antonin Rayon (piano, ring modulator), Sylvain Lemêtre (vibraphone, percussions), Aalam Wassef (pinceaux, textes, performance), Julien Boudart (opérateur radio).


On retrouve ici l’Atelier du Plateau et c’est toujours un peu comme à la maison. Et l’on retrouve aussi Sylvaine Hélary et ça n’est jamais loin d’être insolite. L’Atelier, c’est souvent ainsi, un lieu de proximité avec l’insolite. Qui l’est moins de ce fait ou au contraire que l’on approche dans toute son étrangeté. C’est selon, c’est un peu tout ça à la fois. Le Printemps, c’est d’ailleurs un peu tout à la fois, sans que l’on sache bien définir ce “tout”. Et moi qui ait renoncé à suivre à l’opéra Blueraie qui y a ses habitudes, parce que, face à “tant d’informations”, j’ai toujours l’impression de perdre le fil de ce pourquoi je suis finalement là en priorité, l’abstraction musicale, l’irrécupérable abstraction musicale, je me retrouve d’autant plus empêtré que ce Printemps là dont nous parle le plasticien-vidéaste-éditeur-blogger Aalam Wassef avec ses pinceaux à même le mur du Plateau (qui en a vu d’autres) et ses choix de textes, c’est le printemps arabe. Dans la prétention à l’irrécupérabilité de la chose musicale, on pourrait voir le refus de l’engagement… Or, qu’il s’agisse d’Aalam Wassef ou de Sylvaine Hélary, on est dans l’engagement. Mais qu’est-ce que l’engagement.


L’abstraction musicale est-elle nécessairement indifférente et étrangère au monde parce qu’irrécupérable. Sait-on seulement qu’il s’agit du printemps arabe ? Comment l’ai-je su ? Alors qu’Aalam Wassef n’en fait qu’entrouvrir les chatières par lesquelles souffle un courant d’air sémantique qui vous fait éternuer la cervelle.


Si l’on en retire une chose, c’est que le Printemps n’est pas récupérable.

Disons le tout net, je n’ai pas compris grand chose à ces textes et à cette activité discrète qu’il déploie autour des musiciens et dont je garde cet énigmatique petit tract qu’il distribua au public et qui tomba en pluie de la mezzanine pendant le spectacle, que je lis dans les rames qui me ramènent vers ma gentilhommière. Et où je lis par exemple : « La musique, les spectacles, ont, une fonction. Il n’y a rien à gagner à revendiquer l’inutilité des arts, sinon l’insignifiance. Ils ont une fonction, qui est de produire le monde. » Ou encore : « Il faut qu’en certains moments sonne telle musique, pour que le monde touche à sa source. Faute de musique adéquate, la figure du monde pâlit. » etc.


Je pourrais encore citer Sylvaine Hélary elle-même, lue je ne sais plus où : « Trois instrumentistes. Un polygraphe. Un écran de projection. Quelques bandes magnétiques imprimées de sons. Des dessins accrochés au mur. De petits pas. Un grand sursaut. »


Avec Sylvaine Hélary, la figure du monde ne pâlit pas. On retrouve ici son trio au centre du dispositif de ce Printemps. Enfin, pas tout à fait. La batterie d’Emmanuel Scarpa et sa pulsation plutôt rock laisse la place à Sylvain Lemêtre à la tête d’un set de percussions iconoclaste, variation autour du clavier de xylophone qui se décline sous forme de claviers de cymbales, de bols, de verres, de gongs plus tout un petit bazar. Antonin Rayon a renoncé à ses Hammond et Clavinet au profit du piano acoustique dont il passe cependant, de temps à autre, la sonorité à la moulinette d’une espèce de ring modulator. Et j’aperçois à ses pieds un gros magnétophone à bandes qui tourne. Est-ce lui qui diffuse les sonorités “concrètes” que l’on entend ici et là pendant le concert ou est-ce la fonction de Julien Boudart.


À l’issue du concert, j’ai omis de poser la question, absorbé par les commentaires d’Eve Risser sur son concert de la semaine dernière et mes propres commentaires blogués. Avec cette interrogation, sans animosité, sur ce qui m’avait fait qualifier de clichés les sons de gamelan qu’elle tire de son piano préparé (je précisais qu’elle en tirait également bien d’autres choses), bien consciente de l’écueil, mais défendant ces sons de gamelan qu’elle aspire à travailler comme un autre possible du piano. « Après tout, me dit-elle, lorsque je joue un ré avec une sonorité conventionnelle de piano, on ne m’accuse pas de cliché. » Et bien d’autres choses passionnantes et passionnées, mais il me faut revenir à la musique de Sylvaine Hélary qui, peut-être, au bar d’un prochain concert d’un tout autre artiste, viendra me faire ses remarques sur le présent compte rendu qui, il faut bien le dire, commence à tourner en rond. Au fait…


La musique donc. Irrécupérable. Très écrite. Avec ce mystère qui voit des kilomètres de jeu musical se dérouler à la lecture de partitions dont chacune ne fait pas deux pages. Très improvisée, donc, à l’intérieur de ces cadres  serrés et desquels les compagnons de Sylvaine Hélary se jouent de très longues variations dans un langage très contemporain aux tutti en forme de clusters, aux polyrythmies et aux contrepoints – jouant tantôt de l’espace ou de la saturation – qui se développent à partir de ces formats courts, qu’ils tissent, cousent, replient, décousent, soudain sous une pluie de balles de ping pong tombées de la mezzanine. Ce n’est pas sans fragilité. L’orchestre est en résidence au Plateau pour la semaine et ce soir était la première reprise d’un spectacle créé voici presque deux ans au même endroit, reprise qui donnera encore lieu à deux concerts, ces jeudi 12 et vendredi 13 à 20h. Ces fragilités concernant aussi la partie installation qui m’a paru trébucher ici et là, si tant est qu’installation et concert soient “dissociables” (ce que j’ai eu tendance à faire), devraient s’estomper dès jeudi. Et vendredi, ça devrait péter le feu.


On n’a pas parlé de ce spectacle à France Culture, radio que j’écoute parce que l’on y parle de choses dont on parle nulle part ailleurs sur les ondes, d’une façon que l’on ne retrouve nulle par ailleurs… sauf en ce qui concerne la musique qui fait, paraît-il, son retour sur cette chaîne. Moi, je n’y entends que de la chanson, rock, rap, world, dance, un art hyper formaté dont on ne parle que de façon formatée (place dans les charts, chiffres de vente, paroles des chansons, vie privée des artistes). Ce matin, aux Matins de France Culture: Mylène Farmer… Les 50 ans de France Culture, c’est ça. Pour annoncer Jazz à la Villette, que la soirée musique de La Dispute a comme chaque année ignoré, Les Matins de France Culture n’ont signalé que Brian Ferry et Chic. Ça s’appelle l’ouverture et mais ce rejet de l’irrécupérable abstraction musicale (sauf peut-être sous l’estampille “classique”… mais écoutez La Dispute, la musique classique que l’on y commente n’est la plupart du temps que lyrique, prétexte à ne parler que de livret, de scénographie), c’est la mort de la diversité.


C’est en gros ce qui a poussé Jeanne-Martine Vacher, la dernière à avoir défendu la diversité musicale sur cette chaîne, à quitter celle-ci. Je vous livre ses adieux que je viens de découvrir après avoir constaté samedi dernier qu’elle n’était pas au rendez-vous de son horaire habituel du samedi à 14h :


« Bonjour à tous, Quelques mots pour vous dire que j¹ai dû me résoudre à quitter France Culture, le nouveau cadre éditorial et contractuel qui m¹était imposé étant inacceptable et incompatible avec l’idée que je me fais d¹une émission musicale sur cette chaîne. La musique, parce qu’elle est un art populaire, qu’elle est un mode existentiel pour la jeunesse, qu’elle est également présente dans le quotidien de beaucoup d’entre nous, a toujours été

particulièrement exposée et fragile face à l’inculture musicale,

l’obsession étriquée de l¹actualité, la vision idéologisée de la culture et le

jeunisme,enfin, cette maladie qui ne touche que des vieux qui s’ignorent : toutes choses qui trop souvent animent des  dirigeants d’institutions

culturelles, impuissants à produire un projet véritable. J’ai donc été contrainte de partir, avec tristesse mais sans aucun regret, sachant que je défendrai ailleurs ce en quoi je crois, avec ceux qui partagent les mêmes exigences, les mêmes passions et qui, pour beaucoupdéjà, m¹accompagnent dans  www.melozzoo.org, un projet habité par l’esprit qui fut le nôtre sur France Culture et enrichi des possibilités novatrices du Net. J’ai tenté d¹exprimer mon « engagement musical » ainsi que la belle aventure collective que furent les programmes musicaux de France Culture dans le dernier micro de ma dernière émission. Le voici : https://soundcloud.com/melozzoo/last-coda