Jazz live
Publié le 31 Mai 2019

Les métamorphoses de Django

Pour la première de son nouveau répértoire consacré à l'évocation de l'univers du grand guitariste manouche, le trio de Théo Ceccaldi a enflammé le public de Coutances.

Théo Ceccaldi trio Django

 

Théo Ceccaldi : violon ; Guillaume Aknine : guitare électrique & acoustique ; Valentin Ceccaldi : violoncelle

 

Dès son arrivée sur scène Théo Ceccaldi brouille les cartes avec humour : “Au préalable je voudrais juste dire quelques mots pour dissiper un malentendu. Django c’est le labrador de Guillaume Aknine et il aime principalement Bartok et Elvis Presley !” Une façon habile de désamorcer le potentiel désarroi d’un public nombreux, a priori peu préparé au choc de cette relecture tout sauf conventionnelle de l’univers du génial guitariste manouche… Pourtant, et c’est peut-être la plus belle réussite de ce programme étincelant, mêlant un goût certain pour l’abstraction formaliste au pur plaisir sensuel de la virtuosité instrumentale, jamais le trio durant l’heure de ce concert aussi dense que virevoltant, ne donnera l’impression de perdre de vue son sujet — amoureusement chahuté, embarqué dans les plus folles métamorphoses et au final magistralement réinventé… Passant de reprises joyeusement détournées de quelques grands classiques (Rythme Futur, Le manoir de mes rêves, Minor Swing) à de subtiles compositions personnelles élaborées à la manière de rêveries rétro-futuristes sur quelques paraphrases de bribes de thèmes, de modes de jeu ou de figures stylistiques typiques, le trio, tout en s’appliquant à éviter/détourner les idiomatismes trop attendus du jazz manouche, réussit brillamment son pari en rendant constamment hommage à la modernité intacte des propositions de Django. Sur la base d’un ostinato rythmique incessant, resongeant de mille et une manières la fameuse “pompe” si caractéristique de la musique de Django, les trois compères développent dans ce nouveau répertoire une esthétique de la rupture, multipliant les coq-à-l’âne stylistiques et autres collages virtuoses, passant de climats primesautiers évoquant le jazz des années 30 à d’intenses séquences lyriques et méditatives, soudain traversées d’orages électriques et bruitistes embarquant l’ensemble du côté du rock ou de la musique improvisée la plus radicale. Tout à la fois spontanée et d’une précision diabolique, savante et ludique, moderne et référencée, la musique du trio n’a jamais semblé aussi maîtrisée et séduisante. La salle, debout, lui a offert un accueil à la mesure de sa générosité.

Stéphane Ollivier