Jazz live
Publié le 9 Avr 2023

Lons: Dominique Fils Aimé, love song

Pour Tonnerre de Jazz un concert peut en rattraper un autre…Celui de Dominique Fils Aimé prévu initialement fin 2020 aura du attendre -et le public avec- un rebond positif cette fois au bout de plus de deux années d’attente. En cause : le stand by castrateur de spectacles imposé par la pandémie de la CoVid « Même topo d’ailleurs en ce qui concerne la venue du trio de Henri Texier que nous avons du re-programmer à la fin de ce même mois d’avril, donc très prochainement à Jurançon » explique un brin fataliste JeanClaude Tessier, mentor de l’association béarnaise. Laquelle s’efforce depuis plusieurs années de faire circuler le kaléidoscope du jazz d’aujourd’hui dans des salles de l’agglomératiin paloise. Dont acte.

Dominique Fils Aimé (voc), Salin Étienne Mousse (g), David Osei-Afrifa (clav), Danny Trudeau (b, clav), Salin Cheewapansri (dm)

Espace James Chambaud, Lons (64140 )

Elle chante pieds nus pour mieux s’ancrer sur les planches. Plantée bien droite devant son micro elle accompagne ses mots de mouvements de mains, de singuliers roulements de doigts tous emplis de bagues scintillantes comme pour mieux valoriser la substance du propos, en renforcer le sens. Ses premières paroles au public témoignent d’une volonté affirmée: « Vous ne l’avez peut-être pas noté. Mais j’ai enchaîné ces deux premières chanson sans espace pour vos applaudissements. Je le fais volontairement pour créer un échange. D’ores et déjà, en notre compagnie je vous souhaite un bon voyage…»

«Cheers to New Beginnings» figure le single d’un nouvel album à paraître prochainement. Le vocal y résonne en réverbération suivie sur des nappes de notes électriques. Le phrasé propre à la chanteuse québécoise d’orgine haïtienne place le discours façon mi chant direct mi parlé-chanté. L’action de sa voix en combinaison avec une guitare en contrechant donne à la musique du groupe une dimension d’espace toujours ouvert. Dans le décor posé tout est couleur. La danse des lèvres et des mains de Dominique Fils Aimé offerte en figures continues épouse jusqu’à une structure de blues. Simplement maintenant la voix se fait plus ápre, accroche des phrases plus tendues pour décrire, symboliser un état d’esprit résumé en une formule leitmotiv «my mind…my mind made up.» Les «back grounds», d’orgue viennent en appui, litanie d’accords chauds.
La batterie agit en percussion dans un certain dépouillement, en soulignements plutôt légers.
Les chorus de piano électrique sortent ttès engagés, inventifs. Tout est chaleur, toujours.

Étienne Mousse

Difficile de caractériser précisément le genre musical au sein du répertoire proposé en concert. On sent dans les trajectoires suivies le feeling, la trace profonde d’un sillon blues déjà cité, de la « musique soul» également ainsi que Michel Jonas se plaît à la caractériser ( Grow, mama grow). Pourtant cette même ligne musicale se trouve plus spécifiquement scénarisée, comme mise en perspective, en relief au travers d’autant d’effets d’écho, de boucles électroniques, de syncopes dessinées, projetées sur les sinusoides souples de la voix. Le tout en échanges serrés au cours de beaucoup d’improvisation partagée. Soit au total une musique inscrite dans le mouvement et qui ne rechigne pas à emprunter aux canons des sonorités travaillées, «synthétisées» -confère le clavier Moog réactualisé du bassiste- sortis des machines de studios en vogue aujourd’hui.

Danny Trudeau

Dominique Fils Aimé, chanteuse, c’est tout un jeu de nuances riches dans la voix. Et d’altitudes fermes dans le geste. Il faut y ajouter -la scène en live l’atteste clairement- une posture résolument humaniste dans le propos. À la limite d’une certaine naïveté dans la manière de l’affirmer. Son «Freedom to live my life » en guise d’hymne á la liberté aboutit à un cri rehaussé d’un effet de pédale de distorsion sur les cordes de la guitare, doublé d’un martèlement inattendu sous les coups d’une batteuse soudain bien boostée.

Salin Cheewapansri

Et puis en conclusion survient cette déclaration : « Je vais terminer par une chanson intitulée “Love go back”. Certains pourront être surpris de cette affirmation mais moi j’y crois ferme. L’amour a le pouvoir d’un guérisseur dans notre univers tourmenté »

Robert Latxague