Jazz live
Publié le 27 Mai 2025

LOOKING FOR MINGUS à Jazz sous les pommiers

Yvan Amar est l’envoyé spécial de Jazz Magazine à Coutances. Retrouvez chaque jour ses live report exclusifs.

Un saxophone alto, un saxophone baryton, une guitare, une batterie. Et surtout pas de contrebasse ! Il n’en faut pas plus se mettre à la recherche de Mingus – c’est le pari de Géraldine Laurent qui s’intéresse spécialement en ce moment au réarrangement de thèmes anciens. Elle l’a fait récemment avec Twenties qui reprend des compositions des années 20, puis s’est lancée dans une redécouverte de Mingus compositeur. Il y a de quoi faire, dans une forêt si dense et si belle: le contrebassiste est certainement l’un des plus géniaux et prolifiques compositeurs de toute l’ère post be-bop: un univers si particulier que ces morceaux sont longtemps demeurés l’apanage de ses propres formations avent de de devenir des standards. Encore ne le sont-ils pas tous ! Beaucoup sont encore peu connus, peu rejoués. C’est dans ce stock que Géraldine va par exemple chercher Farewell, farewell qui a ouvert le concert et qu’on redécouvre en s’émerveillant de ses tournures si mingusiennes !

Même s’il est fortement ancré dans le blues essentiel à ce répertoire, le quartet nous emporte dès les premières notes dans une légèreté convaincante, grâce au duo des deux saxophonistes, Jean-Charles Richard, qui virevolte assez haut avec son baryton pendant que Géraldine assure un rythmique souple à l’alto. Ensuite, Better get it in your soul ! L’âme est présente tout du long du concert, qui se rappelle Mingus rendant lui-même hommage à ses pairs: l’immanquable Goodbye Porkpie Hat, pour Lester Young, dont le thème est comme masqué au début: quelques citations de la mélodie par Manu Codjia à la guitare, mais dans l’ensemble, on reste dans une ombre portée, comme une projection fantomatique de ce lamento, avant de revenir avec bonheur à la succession harmonique, typique de ces inimitables blues à la Mingus. Ensuite, pour évoquer Parker, Réincarnation of a lovebird, tout en longues montagnes russes dont la première suite d’accords rappelle un peu notre Pork Pie Hat. Puis Duke Ellington’s sound of love dont la ligne étirée comme souvent chez ce compositeur, n’a pas peur du lyrisme… Tout ça avec une réorchestration légère comme une mousse, une guitare aérienne, et une batterie poétique (Christophe Marguet) qui n’imite en rien Danny Richmond (historique de chez Mingus). Un bel hommage avec coeur et sans pathos !