Louis Winsberg et Paloma Pradal, duo magique à l’ECUJE


La belle saison jazz de l’ECUJE (remarquable programmation éclectique signée Olivier Hutman) s’est clôturée par la prestation inoubliable de Paloma Pradal et Louis Winsberg.
Paloma Pradal (voix), Louis Winsberg (guitare), à l’ECUJE (Espace culturel et universitaire juif d’Europe), 19 juin 2025

C’était première fois que Louis Winsberg et Paloma Pradal se rencontraient. Ils se sont alors aperçus qu’ils se connaissaient depuis toujours. La communion entre les deux artistes fut immédiate. Il n’y eut pas, comme il arrive parfois dans le jazz, l’ombre d’un round d’observation. Paloma Pradal et Louis Winsberg avaient trop de musique à offrir pour se gaspiller dans ces enfantillages.

Les deux artistes se sont compris et trouvés parce qu’ils sont reliés par l’essentiel : une conception exigeante, brûlante, absolue de l’improvisation. Quand Louis Winsberg invente une introduction, il effleure les cordes, et l’instant d’après les tord et les tire avec une dureté à se couper les doigts. Dans ces moments là, chaque note semble une écorchure. De caresses en écorchures son discours mouvant, imprévisible, s’ajuste sans cesse à la vérité de l’instant.

Paloma Pradal possède la même intensité. Elle semble retenir certains mots pour les recracher avec violence, comme des noyaux brûlants. Elle se laisse elle-aussi conduire par la vérité de l’instant dans ses improvisations. D’où des zébrures, des changements de cap dans sa diction. Avec un scat unique où les vocalisations du jazz se mêlent à celles du flamenco, source originelle de son chant. Les deux artistes font partie de cette catégorie de musiciens qui préférerait se couper la main plutôt que de jouer deux fois la même chose.
Ils chantent quelques classiques de la chanson française (No me dejes, ne me quitte pas ; Avec le temps ; Toulouse) et des classiques espagnols (Gracias la Vida de Violetta Parra ; ou encore une chanson de Garcia Lorca mise en musique par le père de Paloma, Rafael Pradal). Paloma Pradal a tantôt des expressions de tragédienne, tantôt des explosions de joies quasi-enfantines. Parfois elle a 1000 ans, ployant sous le faix de la misère humaine, et parfois c’est une gamine mutine qui marche dans les flaques d’eau. Elle a des impulsions de gaieté sauvage qui la font danser, et où l’on entend ses castagnettes muettes. De temps en temps une note de Louis Winsberg la fait tressaillir : « Oh…Louis ».
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët (autres dessins, peintures, à découvrir sur son site www.annie-claire.com)