Jazz live
Publié le 6 Août 2015

Marciac (1) Stéphane K et Marcus M en plein écran

 

 

« Meci Bondié » La mélodie créole s’envole en volutes douces sous l’immense chapiteau. Délicatement soulignée sur les cordes graves du violoncelle, la prière de remerciement, véritable standard des messes antillaises, sonne juste dans la voix feutrée de la chanteuse haïtienne inspirée par les cajuns de Louisiane mais installée à New York.  Plus tard backstage Mino Cinelu cherche Leyla McCalla pour savoir comment elle a appris ces couplets qu’il a chantés lui même sur scène en s’accompagnant d’une guitare « Ce chant colle vraiment bien avec son timbre de voix. De plus ça m’a fait penser que je pourrais éventuellement le reprendre dans mon prochain album… »

Leyla Mc Calla (voc, cel, bjo), Dan Tremblay (g, bjo), Bria Bonet (vln)

Staphane Kerecki (b), Guillaume de Chassy (p), Emile Parisien (ss), Fabrice Moreau (dms)

Marcus Miller (b, bcl, guimbri, voc), Lee Hogans (tp), Alex Han (ss, ts), Brett Williams (p, keyb), Adam Agati (g), Mino Cinelu (perc, voc), Louis Catto (dms, voc)

Chapiteau, Jazz in Marciac, 4 aout

 

Le concert du quartet intervient dans un contexte particulier pour deux raisons au moins. D’abord parce que les musiciens jouent « pour la première fois depuis la disparition de John Taylor » confie Stéphane Kerecki la gorge un peu nouée avant de monter sur scène. Une émotion forte que l’on retrouvera lorsqu’il annonce au public que leur set du soir est dédiée au pianiste anglais décédé sur scène à peine quinze jours plus tôt. Seconde raison: Emile Parisien retrouve à cette occasion, et sur la grande scène le village qui l’a vu débuter à 13 ans, en 5e , dans la classe de Jazz du collège de Marciac « Le festival m’a formé, d’abord comme bénévole, ensuite dans l’écoute de fabuleux musiciens avant de me donner l’occasion d’y fréquenter différentes scènes. Un peu mon parcours initiatique » Guillaume de Chassy a repris la place au piano. Le fait est qu’à sa manière 

il marque son territoire, façon très rythmique d’intégrer le piano, dans cette musique composée et arrangée par le bassiste pour illustrer les films qui ont changé le cinéma français des années 60/70 et qui ont valu à l’album sorti l’an passé  (Nouvelle Vague/ Outhere Music) Le Prix de l’Académie du Jazz. De Chassy par sa recherches d’intervalles, ses accords répétés imprimés souvent au centre du clavier booste le creuset rythmique des BO de Godard, Demy ou Truffaut. En parallèle avec Stéphane Kerecki, qui dans son orchestre propre sans doute plus qu’avec d’autres délivre des lignes de basse en sons pleins qui lient, propulsent ou bousculent la surface des choses musicales avec un maximum de contrôle, le pianiste va chercher, sollicite les figures foisonnantes du batteur pour un plus d’intensité, de diversité dans l’offre de pulsations fécondes. Interaction, multi échanges à deux, à trois dont se régale Emile Parisien. Lequel, ici, n’a jamais moins bien porté son nom. Le soprano, au coeur de cette scène gasconne sonne à très haute température, métal porté à blanc sur le registre des aigües en particulier. Quitte à percer jusqu’à tutoyer le étoiles la toile de ce drôle de chapiteau de cirque jazz dressé aux dimensions d’un terrain de rugby. Du coup les images que l’on peut avoir gardé des Quatre cents coups, de Pierrot le Fou, d’ A bout de souffle, du Mépris ne prennent que plus de relief dans ces couleurs surexposées à dessein.

Marcus Miller joue pour la septième fois à Marciac. Au bout du bout d’une tournée de vingt cinq dates européennes démarrée mi juin « C’est leur dernier concert de l’été mais certains musiciens paraissent au bout du rouleau » lâche un membre de l’organisation en veine de confidence. De quoi faire une vérification de l’assertion en trois dimensions. Depuis trois postes d’observation et d’écoute pour un concert entamé à vingt trois heures trente, fraicheur tombée en nappe sur le champ clos des joutes jazzistiques marciacaises. Sur le grand écran installé en coulisse au dos de la scène en premier lieu. Comme de coutume Marcus M démarre son slap de basse sur Hylife, thème qui ouvre l’album Afrodeezia (Blue Note/Universal) Tout l’orchestre entre dans l’action, c’est parti. Les gros plans comme les plans de coupe illustrent une machine toujours bien huilée, du groove au programme. L’on entend alors les réactions de la foule (chapiteau quasi full) comme filtrée par la couverture  du Barnum de toile. Les thèmes s’enchainent dans l’ordre de l’album, la sonorité globale enfle car désormais les musiciens sont (ont) chaud sous les sunlights. Les regards du petit peuple plus ou moins affairé du backstage (coulisses) se trouvent peu à peu aspirés par le souffle de la musique hachurée de grands coups de syncope. Passage ensuite par la régie vidéo qui assure la retransmission sur les grands écrans latéraux de part et d’autres de la scène. Univers clos  dans l’Algeco étrangement partagé entre le silence des quelques acteurs (contrôle des images, du son, des mixages) et le faiseur, celui qui ordonne -seuls ses ordres donnés aux cameramen lâchés en  voix de tête médium vient percuter le bloc musical diffusé par les hauts parleur- trie, mélange, harmonise, rythme les plans issus des caméras. Le multi-écrans permet de visionner en plus moins gros plan le travail de chaque musicien, le « final », l’image mise à l’écran, relie les regards ou intentions partagés des musiciens. Transmise au public d’un seul clic sur le clavier du réalisateur elle privilégie le geste décisif du moment. Les choix de Jean-Marc Birraux donnent alors à voir précisément l’organisation sociale des membres de l’orchestre disséminés sur les trente ou quarante  mètres de l’immense scène de Marciac. Aussi bien que l’ordonnancement des actions du groupe, solo, duo, relances, transitions, codas, effets (emphases) de fin décortiquées en autant de plans m
is en en parallèle. Occasion privilégiée -pour les rangs du fond du chapiteau en particulier placés à une centaine de mètre de la scène- d’observer à la loupe un chorus du leader, funk de main et de doigts frappant les cordes de la basse avec une fréquence de stroboscope (I can’t breathe) Manière d’appréhender également dans le détail un duo de vieux complices du temps de Miles lorsque Mino et Marcus, revenus seuls au monde, s’entendent comme larrons en faire pour faire monter la sauce du son et du groove jusqu’à l’explosion. Le band, maintenant tourne à plein régime.

Retour dans la grande salle enfin. Petite annonce habituelle du leader pour rappeler à ceux de sa génération les vertus du son Motown de Detroit. Jaillissent alors sous le chapiteau les notes de basse syncopées, au millimètre intro reconnaissable entre toutes de Papa was a rolling stone. Funk de base, mouvement d’allers et retours orchestraux aptes à soulever bas ventres et croupes. Occasion aussi de prendre à pleine mirettes, pleines oreilles un solo halluciné de cinq minutes du soprano du juvénil mais étonnant saxophoniste Alex Han. Le Magic Circus made in Marcus, dans la nuit de Marciac,  s’affiche plein pot. Aphrodisiaque.

Deux heures du mat. Elle est où la fatigue ?

 

Robert Latxague

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« Meci Bondié » La mélodie créole s’envole en volutes douces sous l’immense chapiteau. Délicatement soulignée sur les cordes graves du violoncelle, la prière de remerciement, véritable standard des messes antillaises, sonne juste dans la voix feutrée de la chanteuse haïtienne inspirée par les cajuns de Louisiane mais installée à New York.  Plus tard backstage Mino Cinelu cherche Leyla McCalla pour savoir comment elle a appris ces couplets qu’il a chantés lui même sur scène en s’accompagnant d’une guitare « Ce chant colle vraiment bien avec son timbre de voix. De plus ça m’a fait penser que je pourrais éventuellement le reprendre dans mon prochain album… »

Leyla Mc Calla (voc, cel, bjo), Dan Tremblay (g, bjo), Bria Bonet (vln)

Staphane Kerecki (b), Guillaume de Chassy (p), Emile Parisien (ss), Fabrice Moreau (dms)

Marcus Miller (b, bcl, guimbri, voc), Lee Hogans (tp), Alex Han (ss, ts), Brett Williams (p, keyb), Adam Agati (g), Mino Cinelu (perc, voc), Louis Catto (dms, voc)

Chapiteau, Jazz in Marciac, 4 aout

 

Le concert du quartet intervient dans un contexte particulier pour deux raisons au moins. D’abord parce que les musiciens jouent « pour la première fois depuis la disparition de John Taylor » confie Stéphane Kerecki la gorge un peu nouée avant de monter sur scène. Une émotion forte que l’on retrouvera lorsqu’il annonce au public que leur set du soir est dédiée au pianiste anglais décédé sur scène à peine quinze jours plus tôt. Seconde raison: Emile Parisien retrouve à cette occasion, et sur la grande scène le village qui l’a vu débuter à 13 ans, en 5e , dans la classe de Jazz du collège de Marciac « Le festival m’a formé, d’abord comme bénévole, ensuite dans l’écoute de fabuleux musiciens avant de me donner l’occasion d’y fréquenter différentes scènes. Un peu mon parcours initiatique » Guillaume de Chassy a repris la place au piano. Le fait est qu’à sa manière 

il marque son territoire, façon très rythmique d’intégrer le piano, dans cette musique composée et arrangée par le bassiste pour illustrer les films qui ont changé le cinéma français des années 60/70 et qui ont valu à l’album sorti l’an passé  (Nouvelle Vague/ Outhere Music) Le Prix de l’Académie du Jazz. De Chassy par sa recherches d’intervalles, ses accords répétés imprimés souvent au centre du clavier booste le creuset rythmique des BO de Godard, Demy ou Truffaut. En parallèle avec Stéphane Kerecki, qui dans son orchestre propre sans doute plus qu’avec d’autres délivre des lignes de basse en sons pleins qui lient, propulsent ou bousculent la surface des choses musicales avec un maximum de contrôle, le pianiste va chercher, sollicite les figures foisonnantes du batteur pour un plus d’intensité, de diversité dans l’offre de pulsations fécondes. Interaction, multi échanges à deux, à trois dont se régale Emile Parisien. Lequel, ici, n’a jamais moins bien porté son nom. Le soprano, au coeur de cette scène gasconne sonne à très haute température, métal porté à blanc sur le registre des aigües en particulier. Quitte à percer jusqu’à tutoyer le étoiles la toile de ce drôle de chapiteau de cirque jazz dressé aux dimensions d’un terrain de rugby. Du coup les images que l’on peut avoir gardé des Quatre cents coups, de Pierrot le Fou, d’ A bout de souffle, du Mépris ne prennent que plus de relief dans ces couleurs surexposées à dessein.

Marcus Miller joue pour la septième fois à Marciac. Au bout du bout d’une tournée de vingt cinq dates européennes démarrée mi juin « C’est leur dernier concert de l’été mais certains musiciens paraissent au bout du rouleau » lâche un membre de l’organisation en veine de confidence. De quoi faire une vérification de l’assertion en trois dimensions. Depuis trois postes d’observation et d’écoute pour un concert entamé à vingt trois heures trente, fraicheur tombée en nappe sur le champ clos des joutes jazzistiques marciacaises. Sur le grand écran installé en coulisse au dos de la scène en premier lieu. Comme de coutume Marcus M démarre son slap de basse sur Hylife, thème qui ouvre l’album Afrodeezia (Blue Note/Universal) Tout l’orchestre entre dans l’action, c’est parti. Les gros plans comme les plans de coupe illustrent une machine toujours bien huilée, du groove au programme. L’on entend alors les réactions de la foule (chapiteau quasi full) comme filtrée par la couverture  du Barnum de toile. Les thèmes s’enchainent dans l’ordre de l’album, la sonorité globale enfle car désormais les musiciens sont (ont) chaud sous les sunlights. Les regards du petit peuple plus ou moins affairé du backstage (coulisses) se trouvent peu à peu aspirés par le souffle de la musique hachurée de grands coups de syncope. Passage ensuite par la régie vidéo qui assure la retransmission sur les grands écrans latéraux de part et d’autres de la scène. Univers clos  dans l’Algeco étrangement partagé entre le silence des quelques acteurs (contrôle des images, du son, des mixages) et le faiseur, celui qui ordonne -seuls ses ordres donnés aux cameramen lâchés en  voix de tête médium vient percuter le bloc musical diffusé par les hauts parleur- trie, mélange, harmonise, rythme les plans issus des caméras. Le multi-écrans permet de visionner en plus moins gros plan le travail de chaque musicien, le « final », l’image mise à l’écran, relie les regards ou intentions partagés des musiciens. Transmise au public d’un seul clic sur le clavier du réalisateur elle privilégie le geste décisif du moment. Les choix de Jean-Marc Birraux donnent alors à voir précisément l’organisation sociale des membres de l’orchestre disséminés sur les trente ou quarante  mètres de l’immense scène de Marciac. Aussi bien que l’ordonnancement des actions du groupe, solo, duo, relances, transitions, codas, effets (emphases) de fin décortiquées en autant de plans m
is en en parallèle. Occasion privilégiée -pour les rangs du fond du chapiteau en particulier placés à une centaine de mètre de la scène- d’observer à la loupe un chorus du leader, funk de main et de doigts frappant les cordes de la basse avec une fréquence de stroboscope (I can’t breathe) Manière d’appréhender également dans le détail un duo de vieux complices du temps de Miles lorsque Mino et Marcus, revenus seuls au monde, s’entendent comme larrons en faire pour faire monter la sauce du son et du groove jusqu’à l’explosion. Le band, maintenant tourne à plein régime.

Retour dans la grande salle enfin. Petite annonce habituelle du leader pour rappeler à ceux de sa génération les vertus du son Motown de Detroit. Jaillissent alors sous le chapiteau les notes de basse syncopées, au millimètre intro reconnaissable entre toutes de Papa was a rolling stone. Funk de base, mouvement d’allers et retours orchestraux aptes à soulever bas ventres et croupes. Occasion aussi de prendre à pleine mirettes, pleines oreilles un solo halluciné de cinq minutes du soprano du juvénil mais étonnant saxophoniste Alex Han. Le Magic Circus made in Marcus, dans la nuit de Marciac,  s’affiche plein pot. Aphrodisiaque.

Deux heures du mat. Elle est où la fatigue ?

 

Robert Latxague

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« Meci Bondié » La mélodie créole s’envole en volutes douces sous l’immense chapiteau. Délicatement soulignée sur les cordes graves du violoncelle, la prière de remerciement, véritable standard des messes antillaises, sonne juste dans la voix feutrée de la chanteuse haïtienne inspirée par les cajuns de Louisiane mais installée à New York.  Plus tard backstage Mino Cinelu cherche Leyla McCalla pour savoir comment elle a appris ces couplets qu’il a chantés lui même sur scène en s’accompagnant d’une guitare « Ce chant colle vraiment bien avec son timbre de voix. De plus ça m’a fait penser que je pourrais éventuellement le reprendre dans mon prochain album… »

Leyla Mc Calla (voc, cel, bjo), Dan Tremblay (g, bjo), Bria Bonet (vln)

Staphane Kerecki (b), Guillaume de Chassy (p), Emile Parisien (ss), Fabrice Moreau (dms)

Marcus Miller (b, bcl, guimbri, voc), Lee Hogans (tp), Alex Han (ss, ts), Brett Williams (p, keyb), Adam Agati (g), Mino Cinelu (perc, voc), Louis Catto (dms, voc)

Chapiteau, Jazz in Marciac, 4 aout

 

Le concert du quartet intervient dans un contexte particulier pour deux raisons au moins. D’abord parce que les musiciens jouent « pour la première fois depuis la disparition de John Taylor » confie Stéphane Kerecki la gorge un peu nouée avant de monter sur scène. Une émotion forte que l’on retrouvera lorsqu’il annonce au public que leur set du soir est dédiée au pianiste anglais décédé sur scène à peine quinze jours plus tôt. Seconde raison: Emile Parisien retrouve à cette occasion, et sur la grande scène le village qui l’a vu débuter à 13 ans, en 5e , dans la classe de Jazz du collège de Marciac « Le festival m’a formé, d’abord comme bénévole, ensuite dans l’écoute de fabuleux musiciens avant de me donner l’occasion d’y fréquenter différentes scènes. Un peu mon parcours initiatique » Guillaume de Chassy a repris la place au piano. Le fait est qu’à sa manière 

il marque son territoire, façon très rythmique d’intégrer le piano, dans cette musique composée et arrangée par le bassiste pour illustrer les films qui ont changé le cinéma français des années 60/70 et qui ont valu à l’album sorti l’an passé  (Nouvelle Vague/ Outhere Music) Le Prix de l’Académie du Jazz. De Chassy par sa recherches d’intervalles, ses accords répétés imprimés souvent au centre du clavier booste le creuset rythmique des BO de Godard, Demy ou Truffaut. En parallèle avec Stéphane Kerecki, qui dans son orchestre propre sans doute plus qu’avec d’autres délivre des lignes de basse en sons pleins qui lient, propulsent ou bousculent la surface des choses musicales avec un maximum de contrôle, le pianiste va chercher, sollicite les figures foisonnantes du batteur pour un plus d’intensité, de diversité dans l’offre de pulsations fécondes. Interaction, multi échanges à deux, à trois dont se régale Emile Parisien. Lequel, ici, n’a jamais moins bien porté son nom. Le soprano, au coeur de cette scène gasconne sonne à très haute température, métal porté à blanc sur le registre des aigües en particulier. Quitte à percer jusqu’à tutoyer le étoiles la toile de ce drôle de chapiteau de cirque jazz dressé aux dimensions d’un terrain de rugby. Du coup les images que l’on peut avoir gardé des Quatre cents coups, de Pierrot le Fou, d’ A bout de souffle, du Mépris ne prennent que plus de relief dans ces couleurs surexposées à dessein.

Marcus Miller joue pour la septième fois à Marciac. Au bout du bout d’une tournée de vingt cinq dates européennes démarrée mi juin « C’est leur dernier concert de l’été mais certains musiciens paraissent au bout du rouleau » lâche un membre de l’organisation en veine de confidence. De quoi faire une vérification de l’assertion en trois dimensions. Depuis trois postes d’observation et d’écoute pour un concert entamé à vingt trois heures trente, fraicheur tombée en nappe sur le champ clos des joutes jazzistiques marciacaises. Sur le grand écran installé en coulisse au dos de la scène en premier lieu. Comme de coutume Marcus M démarre son slap de basse sur Hylife, thème qui ouvre l’album Afrodeezia (Blue Note/Universal) Tout l’orchestre entre dans l’action, c’est parti. Les gros plans comme les plans de coupe illustrent une machine toujours bien huilée, du groove au programme. L’on entend alors les réactions de la foule (chapiteau quasi full) comme filtrée par la couverture  du Barnum de toile. Les thèmes s’enchainent dans l’ordre de l’album, la sonorité globale enfle car désormais les musiciens sont (ont) chaud sous les sunlights. Les regards du petit peuple plus ou moins affairé du backstage (coulisses) se trouvent peu à peu aspirés par le souffle de la musique hachurée de grands coups de syncope. Passage ensuite par la régie vidéo qui assure la retransmission sur les grands écrans latéraux de part et d’autres de la scène. Univers clos  dans l’Algeco étrangement partagé entre le silence des quelques acteurs (contrôle des images, du son, des mixages) et le faiseur, celui qui ordonne -seuls ses ordres donnés aux cameramen lâchés en  voix de tête médium vient percuter le bloc musical diffusé par les hauts parleur- trie, mélange, harmonise, rythme les plans issus des caméras. Le multi-écrans permet de visionner en plus moins gros plan le travail de chaque musicien, le « final », l’image mise à l’écran, relie les regards ou intentions partagés des musiciens. Transmise au public d’un seul clic sur le clavier du réalisateur elle privilégie le geste décisif du moment. Les choix de Jean-Marc Birraux donnent alors à voir précisément l’organisation sociale des membres de l’orchestre disséminés sur les trente ou quarante  mètres de l’immense scène de Marciac. Aussi bien que l’ordonnancement des actions du groupe, solo, duo, relances, transitions, codas, effets (emphases) de fin décortiquées en autant de plans m
is en en parallèle. Occasion privilégiée -pour les rangs du fond du chapiteau en particulier placés à une centaine de mètre de la scène- d’observer à la loupe un chorus du leader, funk de main et de doigts frappant les cordes de la basse avec une fréquence de stroboscope (I can’t breathe) Manière d’appréhender également dans le détail un duo de vieux complices du temps de Miles lorsque Mino et Marcus, revenus seuls au monde, s’entendent comme larrons en faire pour faire monter la sauce du son et du groove jusqu’à l’explosion. Le band, maintenant tourne à plein régime.

Retour dans la grande salle enfin. Petite annonce habituelle du leader pour rappeler à ceux de sa génération les vertus du son Motown de Detroit. Jaillissent alors sous le chapiteau les notes de basse syncopées, au millimètre intro reconnaissable entre toutes de Papa was a rolling stone. Funk de base, mouvement d’allers et retours orchestraux aptes à soulever bas ventres et croupes. Occasion aussi de prendre à pleine mirettes, pleines oreilles un solo halluciné de cinq minutes du soprano du juvénil mais étonnant saxophoniste Alex Han. Le Magic Circus made in Marcus, dans la nuit de Marciac,  s’affiche plein pot. Aphrodisiaque.

Deux heures du mat. Elle est où la fatigue ?

 

Robert Latxague

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« Meci Bondié » La mélodie créole s’envole en volutes douces sous l’immense chapiteau. Délicatement soulignée sur les cordes graves du violoncelle, la prière de remerciement, véritable standard des messes antillaises, sonne juste dans la voix feutrée de la chanteuse haïtienne inspirée par les cajuns de Louisiane mais installée à New York.  Plus tard backstage Mino Cinelu cherche Leyla McCalla pour savoir comment elle a appris ces couplets qu’il a chantés lui même sur scène en s’accompagnant d’une guitare « Ce chant colle vraiment bien avec son timbre de voix. De plus ça m’a fait penser que je pourrais éventuellement le reprendre dans mon prochain album… »

Leyla Mc Calla (voc, cel, bjo), Dan Tremblay (g, bjo), Bria Bonet (vln)

Staphane Kerecki (b), Guillaume de Chassy (p), Emile Parisien (ss), Fabrice Moreau (dms)

Marcus Miller (b, bcl, guimbri, voc), Lee Hogans (tp), Alex Han (ss, ts), Brett Williams (p, keyb), Adam Agati (g), Mino Cinelu (perc, voc), Louis Catto (dms, voc)

Chapiteau, Jazz in Marciac, 4 aout

 

Le concert du quartet intervient dans un contexte particulier pour deux raisons au moins. D’abord parce que les musiciens jouent « pour la première fois depuis la disparition de John Taylor » confie Stéphane Kerecki la gorge un peu nouée avant de monter sur scène. Une émotion forte que l’on retrouvera lorsqu’il annonce au public que leur set du soir est dédiée au pianiste anglais décédé sur scène à peine quinze jours plus tôt. Seconde raison: Emile Parisien retrouve à cette occasion, et sur la grande scène le village qui l’a vu débuter à 13 ans, en 5e , dans la classe de Jazz du collège de Marciac « Le festival m’a formé, d’abord comme bénévole, ensuite dans l’écoute de fabuleux musiciens avant de me donner l’occasion d’y fréquenter différentes scènes. Un peu mon parcours initiatique » Guillaume de Chassy a repris la place au piano. Le fait est qu’à sa manière 

il marque son territoire, façon très rythmique d’intégrer le piano, dans cette musique composée et arrangée par le bassiste pour illustrer les films qui ont changé le cinéma français des années 60/70 et qui ont valu à l’album sorti l’an passé  (Nouvelle Vague/ Outhere Music) Le Prix de l’Académie du Jazz. De Chassy par sa recherches d’intervalles, ses accords répétés imprimés souvent au centre du clavier booste le creuset rythmique des BO de Godard, Demy ou Truffaut. En parallèle avec Stéphane Kerecki, qui dans son orchestre propre sans doute plus qu’avec d’autres délivre des lignes de basse en sons pleins qui lient, propulsent ou bousculent la surface des choses musicales avec un maximum de contrôle, le pianiste va chercher, sollicite les figures foisonnantes du batteur pour un plus d’intensité, de diversité dans l’offre de pulsations fécondes. Interaction, multi échanges à deux, à trois dont se régale Emile Parisien. Lequel, ici, n’a jamais moins bien porté son nom. Le soprano, au coeur de cette scène gasconne sonne à très haute température, métal porté à blanc sur le registre des aigües en particulier. Quitte à percer jusqu’à tutoyer le étoiles la toile de ce drôle de chapiteau de cirque jazz dressé aux dimensions d’un terrain de rugby. Du coup les images que l’on peut avoir gardé des Quatre cents coups, de Pierrot le Fou, d’ A bout de souffle, du Mépris ne prennent que plus de relief dans ces couleurs surexposées à dessein.

Marcus Miller joue pour la septième fois à Marciac. Au bout du bout d’une tournée de vingt cinq dates européennes démarrée mi juin « C’est leur dernier concert de l’été mais certains musiciens paraissent au bout du rouleau » lâche un membre de l’organisation en veine de confidence. De quoi faire une vérification de l’assertion en trois dimensions. Depuis trois postes d’observation et d’écoute pour un concert entamé à vingt trois heures trente, fraicheur tombée en nappe sur le champ clos des joutes jazzistiques marciacaises. Sur le grand écran installé en coulisse au dos de la scène en premier lieu. Comme de coutume Marcus M démarre son slap de basse sur Hylife, thème qui ouvre l’album Afrodeezia (Blue Note/Universal) Tout l’orchestre entre dans l’action, c’est parti. Les gros plans comme les plans de coupe illustrent une machine toujours bien huilée, du groove au programme. L’on entend alors les réactions de la foule (chapiteau quasi full) comme filtrée par la couverture  du Barnum de toile. Les thèmes s’enchainent dans l’ordre de l’album, la sonorité globale enfle car désormais les musiciens sont (ont) chaud sous les sunlights. Les regards du petit peuple plus ou moins affairé du backstage (coulisses) se trouvent peu à peu aspirés par le souffle de la musique hachurée de grands coups de syncope. Passage ensuite par la régie vidéo qui assure la retransmission sur les grands écrans latéraux de part et d’autres de la scène. Univers clos  dans l’Algeco étrangement partagé entre le silence des quelques acteurs (contrôle des images, du son, des mixages) et le faiseur, celui qui ordonne -seuls ses ordres donnés aux cameramen lâchés en  voix de tête médium vient percuter le bloc musical diffusé par les hauts parleur- trie, mélange, harmonise, rythme les plans issus des caméras. Le multi-écrans permet de visionner en plus moins gros plan le travail de chaque musicien, le « final », l’image mise à l’écran, relie les regards ou intentions partagés des musiciens. Transmise au public d’un seul clic sur le clavier du réalisateur elle privilégie le geste décisif du moment. Les choix de Jean-Marc Birraux donnent alors à voir précisément l’organisation sociale des membres de l’orchestre disséminés sur les trente ou quarante  mètres de l’immense scène de Marciac. Aussi bien que l’ordonnancement des actions du groupe, solo, duo, relances, transitions, codas, effets (emphases) de fin décortiquées en autant de plans m
is en en parallèle. Occasion privilégiée -pour les rangs du fond du chapiteau en particulier placés à une centaine de mètre de la scène- d’observer à la loupe un chorus du leader, funk de main et de doigts frappant les cordes de la basse avec une fréquence de stroboscope (I can’t breathe) Manière d’appréhender également dans le détail un duo de vieux complices du temps de Miles lorsque Mino et Marcus, revenus seuls au monde, s’entendent comme larrons en faire pour faire monter la sauce du son et du groove jusqu’à l’explosion. Le band, maintenant tourne à plein régime.

Retour dans la grande salle enfin. Petite annonce habituelle du leader pour rappeler à ceux de sa génération les vertus du son Motown de Detroit. Jaillissent alors sous le chapiteau les notes de basse syncopées, au millimètre intro reconnaissable entre toutes de Papa was a rolling stone. Funk de base, mouvement d’allers et retours orchestraux aptes à soulever bas ventres et croupes. Occasion aussi de prendre à pleine mirettes, pleines oreilles un solo halluciné de cinq minutes du soprano du juvénil mais étonnant saxophoniste Alex Han. Le Magic Circus made in Marcus, dans la nuit de Marciac,  s’affiche plein pot. Aphrodisiaque.

Deux heures du mat. Elle est où la fatigue ?

 

Robert Latxague