Jazz live
Publié le 22 Juil 2015

Marseille Jazz Festival, mardi 21 Juillet : Anne Paceo (Circles)/Melody Gardot

Depuis Marseille 2013, profitant de l’effet « capitale européenne de la culture », on peut venir, dans la cité phocéenne, comme à Vienne ou à Juan, en vacancier festivalier, la seconde semaine de juillet pour écouter du jazz. Ce festival populaire de plein air a vu sa fréquentation augmenter ces dernières années, dans une atmosphère conviviale et bon enfant, sans incident ou débordement.

La manifestation avec quinze ans d’existence est ancrée dans la cité, comme en atteste le changement de nom, et l’ouverture à d’autres acteurs culturels, Le TNM de La Criée, l’incontournable MuCEM, le théâtre Sylvain sur la Corniche, en face du célèbre restaurant trois étoiles Passédat. Le festival dure dix jours et accueille expositions (La Note bleue, le Jazz de Loustal), rencontres, projection de films à la BMVR (Bibliothèque municipale à vocation régionale) de l’Alcazar.

 

Anne Paceo (batterie), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Christophe Panzani (saxophone)

 

Marseille redeviendrait-elle une destination jazz ? Ce serait renouer avec une certaine tradition, une histoire oubliée, car le jazz est une musique vivante « à consommer sur place » depuis son arrivée dans cette ville-monde, « à fond de cale » (comme  le roman du jazz marseillais de Michel Samson, Gilles Suzanne).

Le jazz s’est ainsi constitué un public à Marseille en dépit de la richesse des discours musicaux. Travaillée par tant de mémoires, la ville n’a jamais manqué d’inspiration, toujours prête à mixer les courants et les genres : la dynamique  jazz, un peu essouflée avec l’apparition du hip hop ou du rap que la ville se vante d’avoir inventé en France, revient en force.

 

Premier concert ce soir dans les jardins du Palais Longchamp, le nouveau groupe Circles de la jeune Anne Paceo, batteuse et leadeuse qui sait développer les projets à long terme. En tournée tout cet été, sur les plus grands festivals rock avec la chanteuse interprète que s’arrachait, il n’y a pas si longtemps le monde du jazz, Jeanne Added, Anne Paceo est venue dès les premiers jours du festival dans le groupe du saxophoniste Raphael Imbert pour Music is my home. Ce qui lui convient à merveille puisque le nouvel album, qui va enfin paraître, en janvier prochain, sur le label Laborie, sorti de difficultés financières, est au croisement du jazz, de la pop et des musiques du monde.

Découverte toute jeune par Stéphane Kochoyan au festival des Enfants du Jazz de Barcelonnette (04), elle en a fait du chemin depuis Triphase et son premier album Empreintes en 2008. On sent une réelle appétence, le corps engagé dans une frappe enjouée et rebondissante, un vif désir de musique qu’elle partage avec tous, le saxophoniste d’origine marseillaise Christophe Panzani, remplaçant Emile Parisien, l’imperturbable Tony Paeleman aux claviers et la chanteuse Leila Martial, toujours sur le fil d’une musique rigoureuse, plus écrite qu’il n’y paraît.

Ce qui ressort de cette création devant 3500 personnes -il n’y a plus de places depuis quinze jours et les gens sont assis n’importe où, à même le sol goudronné des allées – c’est la fraîcheur d’inspiration, la cohésion en dépit d’une certaine pression, sensible sur les écrans, heureusement disposés aux différents points du site. L’enjeu est d’importance mais le son est formidablement capté par Boris Darley qui a suivi les trois projets à venir du label de Jean Michel Leygonie.

Toutes les compositions sont d’Anne Pacéo, un très prenant « Sable », un « Birth Rebirth » incantatoire sur des paroles de Leila dont la voix agile peut être incandescente, mais frôle aussi la fêlure : en tous les cas c’est un instrument à part entière qui rivalise avec les envolées fines du saxophoniste. Il est question de mouvement, des éléments naturels, dans ce voyage très personnel autour du monde, de «Tempête» portugaises, de « Moons »  exotiques et d’une expérience émotionnelle forte en Birmanie, à l’écoute d’une mendiante chanteuse. Car Anne Paceo se risque à l’éclat et se laisse traverser de sensations, respirant toutes les musiques, au cours de ses tournées sur tous les continents, du Brésil au Maroc, sans oublier l’Asie très inspiratrice. Une parfaite adéquation avec l’origine même du festival.

 

 

Melody Gardot  ( Currency of Man)

 

Après un assez long entracte, apparaît enfin Melody Gardot. Par chance, passée backstage, j’ai assisté à un curieux rituel : la chanteuse, perchée sur de hauts talons, en foulard et lunettes noires, pantalon de cuir, donne, à l’instar d’un entraîneur sportif, les dernières recommandations aux huit musiciens qui l’entourent, un équipage mixte avec une belle section de cuivres. Puis elle s’élance avec assurance sur la rampe de lancement, prête à donner de la voix. Elle nous présente son quatrième album, sorti en juin dernier, pour lequel elle revient au jazz, au R&B . Ecrit à LA avec de superbes orchestrations de Clément Ducol, il s’écoute d’un trait, renvoie à notre « humanité », ce que nous valons, quels que soient nos origines, notre statut social, la couleur de notre peau.  « Less personal, more observatory ».

 

Pour le concert, elle fait autrement, ne reprenant pas tous les titres et surtout pas dans l’ordre. Elle dirige un spectacle bien réglé, qu’elle anime, aidée de ses musiciens en complète interaction. Elle attaque, après une introduction qui fait monter la pression, le groovy « Don’t Misunderstand», puis le single très médiatisé, aux rythmes funky et aux mots faciles, scandés sans fin de  » Same to You « , se lance dans une véritable scénette pour présenter « She Dont Know», décrivant le quotidien de la prostituée, arpentant sur ses hauts talons l’ «asphalt jungle».

 J’attendais avec curiosité cette nouvelle diva, amoureuse de la France qui le lui rend bien, redoutant quelque peu la mythologie de la chanteuse de jazz, robe fendue et voix langoureuse. Reconnaissons que la Gardot est bluffante, elle fait peut être le show mais avec talent et efficacité. Elle sait parler au public, en français, s’il vous plaît, joue de la guitare électrique ou s’installe au piano selon les titres, sans affectation aucune. Le glamour, certes, elle connaît, elle en use avec une voix ensorceleuse, étrangement rauque qui s’est affirmée. Elle souffle le chaud comme le froid, passe du cri au murmure. Directe en dépit d’une image travaillée, volontairement sophistiquée, en une
période où la musique est si souvent commerciale, elle ne cherche pas à émouvoir, avec un « je ne sais quoi » qui attire l’attention indéniablement. Elle répond du tac au tac aux sollicitations du public, parvient à faire chanter l’auditoire ravi, place un peu de musicothérapie sans insister de trop. Après qu’un spectateur lui a demandé «I Wanna Be Your Dog», elle fait venir son petit chien sur scène, ne semblant pas saisir le rapport aux Stooges. Qu’importe… Elle attaque ensuite une «March for Charlie» pour Charlie Haden et Charles Mingus (bien qu’il n’aimât pas du tout qu’on l’appelle Charlie), sans évoquer , me semble t-il, notre Charlie  et joue évidemment la chanson engagée de l’album «Preacher Man» sans entrer dans trop d’explications ; elle préfère parler d’amour, quitte à reprendre d’anciens titres de son album My One and Only Thrill comme «Our Love is easy». C’est que la nuit est étoilée, la température toujours très élevée, ce qui n’est pas pour lui déplaire, elle imite gentiment Ella Fitzgerald, se tapotant le front avec une serviette… On attend le chant des « crickets », car les cigales stridulent à tue-tête. Non, elle parle d’éléphant, sait-elle que ces jardins abritaient le zoo de la ville autrefois ?

 

Evidemment, Melody Gardot ne prétend pas être la nouvelle Nina Simone, même si elle a participé à un album très réussi en hommage Autour de Nina, et « Preacher Man » n’est pas  « Strange fruit « , même si la référence est claire. Melody ne cherche pas à refaire. A chaque époque, son regard, ses filtres, ses oublis, ses reprises et ses désillusions. Melody garde indéniablement un certain mystère qui la rend très convaincante.

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Depuis Marseille 2013, profitant de l’effet « capitale européenne de la culture », on peut venir, dans la cité phocéenne, comme à Vienne ou à Juan, en vacancier festivalier, la seconde semaine de juillet pour écouter du jazz. Ce festival populaire de plein air a vu sa fréquentation augmenter ces dernières années, dans une atmosphère conviviale et bon enfant, sans incident ou débordement.

La manifestation avec quinze ans d’existence est ancrée dans la cité, comme en atteste le changement de nom, et l’ouverture à d’autres acteurs culturels, Le TNM de La Criée, l’incontournable MuCEM, le théâtre Sylvain sur la Corniche, en face du célèbre restaurant trois étoiles Passédat. Le festival dure dix jours et accueille expositions (La Note bleue, le Jazz de Loustal), rencontres, projection de films à la BMVR (Bibliothèque municipale à vocation régionale) de l’Alcazar.

 

Anne Paceo (batterie), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Christophe Panzani (saxophone)

 

Marseille redeviendrait-elle une destination jazz ? Ce serait renouer avec une certaine tradition, une histoire oubliée, car le jazz est une musique vivante « à consommer sur place » depuis son arrivée dans cette ville-monde, « à fond de cale » (comme  le roman du jazz marseillais de Michel Samson, Gilles Suzanne).

Le jazz s’est ainsi constitué un public à Marseille en dépit de la richesse des discours musicaux. Travaillée par tant de mémoires, la ville n’a jamais manqué d’inspiration, toujours prête à mixer les courants et les genres : la dynamique  jazz, un peu essouflée avec l’apparition du hip hop ou du rap que la ville se vante d’avoir inventé en France, revient en force.

 

Premier concert ce soir dans les jardins du Palais Longchamp, le nouveau groupe Circles de la jeune Anne Paceo, batteuse et leadeuse qui sait développer les projets à long terme. En tournée tout cet été, sur les plus grands festivals rock avec la chanteuse interprète que s’arrachait, il n’y a pas si longtemps le monde du jazz, Jeanne Added, Anne Paceo est venue dès les premiers jours du festival dans le groupe du saxophoniste Raphael Imbert pour Music is my home. Ce qui lui convient à merveille puisque le nouvel album, qui va enfin paraître, en janvier prochain, sur le label Laborie, sorti de difficultés financières, est au croisement du jazz, de la pop et des musiques du monde.

Découverte toute jeune par Stéphane Kochoyan au festival des Enfants du Jazz de Barcelonnette (04), elle en a fait du chemin depuis Triphase et son premier album Empreintes en 2008. On sent une réelle appétence, le corps engagé dans une frappe enjouée et rebondissante, un vif désir de musique qu’elle partage avec tous, le saxophoniste d’origine marseillaise Christophe Panzani, remplaçant Emile Parisien, l’imperturbable Tony Paeleman aux claviers et la chanteuse Leila Martial, toujours sur le fil d’une musique rigoureuse, plus écrite qu’il n’y paraît.

Ce qui ressort de cette création devant 3500 personnes -il n’y a plus de places depuis quinze jours et les gens sont assis n’importe où, à même le sol goudronné des allées – c’est la fraîcheur d’inspiration, la cohésion en dépit d’une certaine pression, sensible sur les écrans, heureusement disposés aux différents points du site. L’enjeu est d’importance mais le son est formidablement capté par Boris Darley qui a suivi les trois projets à venir du label de Jean Michel Leygonie.

Toutes les compositions sont d’Anne Pacéo, un très prenant « Sable », un « Birth Rebirth » incantatoire sur des paroles de Leila dont la voix agile peut être incandescente, mais frôle aussi la fêlure : en tous les cas c’est un instrument à part entière qui rivalise avec les envolées fines du saxophoniste. Il est question de mouvement, des éléments naturels, dans ce voyage très personnel autour du monde, de «Tempête» portugaises, de « Moons »  exotiques et d’une expérience émotionnelle forte en Birmanie, à l’écoute d’une mendiante chanteuse. Car Anne Paceo se risque à l’éclat et se laisse traverser de sensations, respirant toutes les musiques, au cours de ses tournées sur tous les continents, du Brésil au Maroc, sans oublier l’Asie très inspiratrice. Une parfaite adéquation avec l’origine même du festival.

 

 

Melody Gardot  ( Currency of Man)

 

Après un assez long entracte, apparaît enfin Melody Gardot. Par chance, passée backstage, j’ai assisté à un curieux rituel : la chanteuse, perchée sur de hauts talons, en foulard et lunettes noires, pantalon de cuir, donne, à l’instar d’un entraîneur sportif, les dernières recommandations aux huit musiciens qui l’entourent, un équipage mixte avec une belle section de cuivres. Puis elle s’élance avec assurance sur la rampe de lancement, prête à donner de la voix. Elle nous présente son quatrième album, sorti en juin dernier, pour lequel elle revient au jazz, au R&B . Ecrit à LA avec de superbes orchestrations de Clément Ducol, il s’écoute d’un trait, renvoie à notre « humanité », ce que nous valons, quels que soient nos origines, notre statut social, la couleur de notre peau.  « Less personal, more observatory ».

 

Pour le concert, elle fait autrement, ne reprenant pas tous les titres et surtout pas dans l’ordre. Elle dirige un spectacle bien réglé, qu’elle anime, aidée de ses musiciens en complète interaction. Elle attaque, après une introduction qui fait monter la pression, le groovy « Don’t Misunderstand», puis le single très médiatisé, aux rythmes funky et aux mots faciles, scandés sans fin de  » Same to You « , se lance dans une véritable scénette pour présenter « She Dont Know», décrivant le quotidien de la prostituée, arpentant sur ses hauts talons l’ «asphalt jungle».

 J’attendais avec curiosité cette nouvelle diva, amoureuse de la France qui le lui rend bien, redoutant quelque peu la mythologie de la chanteuse de jazz, robe fendue et voix langoureuse. Reconnaissons que la Gardot est bluffante, elle fait peut être le show mais avec talent et efficacité. Elle sait parler au public, en français, s’il vous plaît, joue de la guitare électrique ou s’installe au piano selon les titres, sans affectation aucune. Le glamour, certes, elle connaît, elle en use avec une voix ensorceleuse, étrangement rauque qui s’est affirmée. Elle souffle le chaud comme le froid, passe du cri au murmure. Directe en dépit d’une image travaillée, volontairement sophistiquée, en une
période où la musique est si souvent commerciale, elle ne cherche pas à émouvoir, avec un « je ne sais quoi » qui attire l’attention indéniablement. Elle répond du tac au tac aux sollicitations du public, parvient à faire chanter l’auditoire ravi, place un peu de musicothérapie sans insister de trop. Après qu’un spectateur lui a demandé «I Wanna Be Your Dog», elle fait venir son petit chien sur scène, ne semblant pas saisir le rapport aux Stooges. Qu’importe… Elle attaque ensuite une «March for Charlie» pour Charlie Haden et Charles Mingus (bien qu’il n’aimât pas du tout qu’on l’appelle Charlie), sans évoquer , me semble t-il, notre Charlie  et joue évidemment la chanson engagée de l’album «Preacher Man» sans entrer dans trop d’explications ; elle préfère parler d’amour, quitte à reprendre d’anciens titres de son album My One and Only Thrill comme «Our Love is easy». C’est que la nuit est étoilée, la température toujours très élevée, ce qui n’est pas pour lui déplaire, elle imite gentiment Ella Fitzgerald, se tapotant le front avec une serviette… On attend le chant des « crickets », car les cigales stridulent à tue-tête. Non, elle parle d’éléphant, sait-elle que ces jardins abritaient le zoo de la ville autrefois ?

 

Evidemment, Melody Gardot ne prétend pas être la nouvelle Nina Simone, même si elle a participé à un album très réussi en hommage Autour de Nina, et « Preacher Man » n’est pas  « Strange fruit « , même si la référence est claire. Melody ne cherche pas à refaire. A chaque époque, son regard, ses filtres, ses oublis, ses reprises et ses désillusions. Melody garde indéniablement un certain mystère qui la rend très convaincante.

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Depuis Marseille 2013, profitant de l’effet « capitale européenne de la culture », on peut venir, dans la cité phocéenne, comme à Vienne ou à Juan, en vacancier festivalier, la seconde semaine de juillet pour écouter du jazz. Ce festival populaire de plein air a vu sa fréquentation augmenter ces dernières années, dans une atmosphère conviviale et bon enfant, sans incident ou débordement.

La manifestation avec quinze ans d’existence est ancrée dans la cité, comme en atteste le changement de nom, et l’ouverture à d’autres acteurs culturels, Le TNM de La Criée, l’incontournable MuCEM, le théâtre Sylvain sur la Corniche, en face du célèbre restaurant trois étoiles Passédat. Le festival dure dix jours et accueille expositions (La Note bleue, le Jazz de Loustal), rencontres, projection de films à la BMVR (Bibliothèque municipale à vocation régionale) de l’Alcazar.

 

Anne Paceo (batterie), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Christophe Panzani (saxophone)

 

Marseille redeviendrait-elle une destination jazz ? Ce serait renouer avec une certaine tradition, une histoire oubliée, car le jazz est une musique vivante « à consommer sur place » depuis son arrivée dans cette ville-monde, « à fond de cale » (comme  le roman du jazz marseillais de Michel Samson, Gilles Suzanne).

Le jazz s’est ainsi constitué un public à Marseille en dépit de la richesse des discours musicaux. Travaillée par tant de mémoires, la ville n’a jamais manqué d’inspiration, toujours prête à mixer les courants et les genres : la dynamique  jazz, un peu essouflée avec l’apparition du hip hop ou du rap que la ville se vante d’avoir inventé en France, revient en force.

 

Premier concert ce soir dans les jardins du Palais Longchamp, le nouveau groupe Circles de la jeune Anne Paceo, batteuse et leadeuse qui sait développer les projets à long terme. En tournée tout cet été, sur les plus grands festivals rock avec la chanteuse interprète que s’arrachait, il n’y a pas si longtemps le monde du jazz, Jeanne Added, Anne Paceo est venue dès les premiers jours du festival dans le groupe du saxophoniste Raphael Imbert pour Music is my home. Ce qui lui convient à merveille puisque le nouvel album, qui va enfin paraître, en janvier prochain, sur le label Laborie, sorti de difficultés financières, est au croisement du jazz, de la pop et des musiques du monde.

Découverte toute jeune par Stéphane Kochoyan au festival des Enfants du Jazz de Barcelonnette (04), elle en a fait du chemin depuis Triphase et son premier album Empreintes en 2008. On sent une réelle appétence, le corps engagé dans une frappe enjouée et rebondissante, un vif désir de musique qu’elle partage avec tous, le saxophoniste d’origine marseillaise Christophe Panzani, remplaçant Emile Parisien, l’imperturbable Tony Paeleman aux claviers et la chanteuse Leila Martial, toujours sur le fil d’une musique rigoureuse, plus écrite qu’il n’y paraît.

Ce qui ressort de cette création devant 3500 personnes -il n’y a plus de places depuis quinze jours et les gens sont assis n’importe où, à même le sol goudronné des allées – c’est la fraîcheur d’inspiration, la cohésion en dépit d’une certaine pression, sensible sur les écrans, heureusement disposés aux différents points du site. L’enjeu est d’importance mais le son est formidablement capté par Boris Darley qui a suivi les trois projets à venir du label de Jean Michel Leygonie.

Toutes les compositions sont d’Anne Pacéo, un très prenant « Sable », un « Birth Rebirth » incantatoire sur des paroles de Leila dont la voix agile peut être incandescente, mais frôle aussi la fêlure : en tous les cas c’est un instrument à part entière qui rivalise avec les envolées fines du saxophoniste. Il est question de mouvement, des éléments naturels, dans ce voyage très personnel autour du monde, de «Tempête» portugaises, de « Moons »  exotiques et d’une expérience émotionnelle forte en Birmanie, à l’écoute d’une mendiante chanteuse. Car Anne Paceo se risque à l’éclat et se laisse traverser de sensations, respirant toutes les musiques, au cours de ses tournées sur tous les continents, du Brésil au Maroc, sans oublier l’Asie très inspiratrice. Une parfaite adéquation avec l’origine même du festival.

 

 

Melody Gardot  ( Currency of Man)

 

Après un assez long entracte, apparaît enfin Melody Gardot. Par chance, passée backstage, j’ai assisté à un curieux rituel : la chanteuse, perchée sur de hauts talons, en foulard et lunettes noires, pantalon de cuir, donne, à l’instar d’un entraîneur sportif, les dernières recommandations aux huit musiciens qui l’entourent, un équipage mixte avec une belle section de cuivres. Puis elle s’élance avec assurance sur la rampe de lancement, prête à donner de la voix. Elle nous présente son quatrième album, sorti en juin dernier, pour lequel elle revient au jazz, au R&B . Ecrit à LA avec de superbes orchestrations de Clément Ducol, il s’écoute d’un trait, renvoie à notre « humanité », ce que nous valons, quels que soient nos origines, notre statut social, la couleur de notre peau.  « Less personal, more observatory ».

 

Pour le concert, elle fait autrement, ne reprenant pas tous les titres et surtout pas dans l’ordre. Elle dirige un spectacle bien réglé, qu’elle anime, aidée de ses musiciens en complète interaction. Elle attaque, après une introduction qui fait monter la pression, le groovy « Don’t Misunderstand», puis le single très médiatisé, aux rythmes funky et aux mots faciles, scandés sans fin de  » Same to You « , se lance dans une véritable scénette pour présenter « She Dont Know», décrivant le quotidien de la prostituée, arpentant sur ses hauts talons l’ «asphalt jungle».

 J’attendais avec curiosité cette nouvelle diva, amoureuse de la France qui le lui rend bien, redoutant quelque peu la mythologie de la chanteuse de jazz, robe fendue et voix langoureuse. Reconnaissons que la Gardot est bluffante, elle fait peut être le show mais avec talent et efficacité. Elle sait parler au public, en français, s’il vous plaît, joue de la guitare électrique ou s’installe au piano selon les titres, sans affectation aucune. Le glamour, certes, elle connaît, elle en use avec une voix ensorceleuse, étrangement rauque qui s’est affirmée. Elle souffle le chaud comme le froid, passe du cri au murmure. Directe en dépit d’une image travaillée, volontairement sophistiquée, en une
période où la musique est si souvent commerciale, elle ne cherche pas à émouvoir, avec un « je ne sais quoi » qui attire l’attention indéniablement. Elle répond du tac au tac aux sollicitations du public, parvient à faire chanter l’auditoire ravi, place un peu de musicothérapie sans insister de trop. Après qu’un spectateur lui a demandé «I Wanna Be Your Dog», elle fait venir son petit chien sur scène, ne semblant pas saisir le rapport aux Stooges. Qu’importe… Elle attaque ensuite une «March for Charlie» pour Charlie Haden et Charles Mingus (bien qu’il n’aimât pas du tout qu’on l’appelle Charlie), sans évoquer , me semble t-il, notre Charlie  et joue évidemment la chanson engagée de l’album «Preacher Man» sans entrer dans trop d’explications ; elle préfère parler d’amour, quitte à reprendre d’anciens titres de son album My One and Only Thrill comme «Our Love is easy». C’est que la nuit est étoilée, la température toujours très élevée, ce qui n’est pas pour lui déplaire, elle imite gentiment Ella Fitzgerald, se tapotant le front avec une serviette… On attend le chant des « crickets », car les cigales stridulent à tue-tête. Non, elle parle d’éléphant, sait-elle que ces jardins abritaient le zoo de la ville autrefois ?

 

Evidemment, Melody Gardot ne prétend pas être la nouvelle Nina Simone, même si elle a participé à un album très réussi en hommage Autour de Nina, et « Preacher Man » n’est pas  « Strange fruit « , même si la référence est claire. Melody ne cherche pas à refaire. A chaque époque, son regard, ses filtres, ses oublis, ses reprises et ses désillusions. Melody garde indéniablement un certain mystère qui la rend très convaincante.

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Depuis Marseille 2013, profitant de l’effet « capitale européenne de la culture », on peut venir, dans la cité phocéenne, comme à Vienne ou à Juan, en vacancier festivalier, la seconde semaine de juillet pour écouter du jazz. Ce festival populaire de plein air a vu sa fréquentation augmenter ces dernières années, dans une atmosphère conviviale et bon enfant, sans incident ou débordement.

La manifestation avec quinze ans d’existence est ancrée dans la cité, comme en atteste le changement de nom, et l’ouverture à d’autres acteurs culturels, Le TNM de La Criée, l’incontournable MuCEM, le théâtre Sylvain sur la Corniche, en face du célèbre restaurant trois étoiles Passédat. Le festival dure dix jours et accueille expositions (La Note bleue, le Jazz de Loustal), rencontres, projection de films à la BMVR (Bibliothèque municipale à vocation régionale) de l’Alcazar.

 

Anne Paceo (batterie), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Christophe Panzani (saxophone)

 

Marseille redeviendrait-elle une destination jazz ? Ce serait renouer avec une certaine tradition, une histoire oubliée, car le jazz est une musique vivante « à consommer sur place » depuis son arrivée dans cette ville-monde, « à fond de cale » (comme  le roman du jazz marseillais de Michel Samson, Gilles Suzanne).

Le jazz s’est ainsi constitué un public à Marseille en dépit de la richesse des discours musicaux. Travaillée par tant de mémoires, la ville n’a jamais manqué d’inspiration, toujours prête à mixer les courants et les genres : la dynamique  jazz, un peu essouflée avec l’apparition du hip hop ou du rap que la ville se vante d’avoir inventé en France, revient en force.

 

Premier concert ce soir dans les jardins du Palais Longchamp, le nouveau groupe Circles de la jeune Anne Paceo, batteuse et leadeuse qui sait développer les projets à long terme. En tournée tout cet été, sur les plus grands festivals rock avec la chanteuse interprète que s’arrachait, il n’y a pas si longtemps le monde du jazz, Jeanne Added, Anne Paceo est venue dès les premiers jours du festival dans le groupe du saxophoniste Raphael Imbert pour Music is my home. Ce qui lui convient à merveille puisque le nouvel album, qui va enfin paraître, en janvier prochain, sur le label Laborie, sorti de difficultés financières, est au croisement du jazz, de la pop et des musiques du monde.

Découverte toute jeune par Stéphane Kochoyan au festival des Enfants du Jazz de Barcelonnette (04), elle en a fait du chemin depuis Triphase et son premier album Empreintes en 2008. On sent une réelle appétence, le corps engagé dans une frappe enjouée et rebondissante, un vif désir de musique qu’elle partage avec tous, le saxophoniste d’origine marseillaise Christophe Panzani, remplaçant Emile Parisien, l’imperturbable Tony Paeleman aux claviers et la chanteuse Leila Martial, toujours sur le fil d’une musique rigoureuse, plus écrite qu’il n’y paraît.

Ce qui ressort de cette création devant 3500 personnes -il n’y a plus de places depuis quinze jours et les gens sont assis n’importe où, à même le sol goudronné des allées – c’est la fraîcheur d’inspiration, la cohésion en dépit d’une certaine pression, sensible sur les écrans, heureusement disposés aux différents points du site. L’enjeu est d’importance mais le son est formidablement capté par Boris Darley qui a suivi les trois projets à venir du label de Jean Michel Leygonie.

Toutes les compositions sont d’Anne Pacéo, un très prenant « Sable », un « Birth Rebirth » incantatoire sur des paroles de Leila dont la voix agile peut être incandescente, mais frôle aussi la fêlure : en tous les cas c’est un instrument à part entière qui rivalise avec les envolées fines du saxophoniste. Il est question de mouvement, des éléments naturels, dans ce voyage très personnel autour du monde, de «Tempête» portugaises, de « Moons »  exotiques et d’une expérience émotionnelle forte en Birmanie, à l’écoute d’une mendiante chanteuse. Car Anne Paceo se risque à l’éclat et se laisse traverser de sensations, respirant toutes les musiques, au cours de ses tournées sur tous les continents, du Brésil au Maroc, sans oublier l’Asie très inspiratrice. Une parfaite adéquation avec l’origine même du festival.

 

 

Melody Gardot  ( Currency of Man)

 

Après un assez long entracte, apparaît enfin Melody Gardot. Par chance, passée backstage, j’ai assisté à un curieux rituel : la chanteuse, perchée sur de hauts talons, en foulard et lunettes noires, pantalon de cuir, donne, à l’instar d’un entraîneur sportif, les dernières recommandations aux huit musiciens qui l’entourent, un équipage mixte avec une belle section de cuivres. Puis elle s’élance avec assurance sur la rampe de lancement, prête à donner de la voix. Elle nous présente son quatrième album, sorti en juin dernier, pour lequel elle revient au jazz, au R&B . Ecrit à LA avec de superbes orchestrations de Clément Ducol, il s’écoute d’un trait, renvoie à notre « humanité », ce que nous valons, quels que soient nos origines, notre statut social, la couleur de notre peau.  « Less personal, more observatory ».

 

Pour le concert, elle fait autrement, ne reprenant pas tous les titres et surtout pas dans l’ordre. Elle dirige un spectacle bien réglé, qu’elle anime, aidée de ses musiciens en complète interaction. Elle attaque, après une introduction qui fait monter la pression, le groovy « Don’t Misunderstand», puis le single très médiatisé, aux rythmes funky et aux mots faciles, scandés sans fin de  » Same to You « , se lance dans une véritable scénette pour présenter « She Dont Know», décrivant le quotidien de la prostituée, arpentant sur ses hauts talons l’ «asphalt jungle».

 J’attendais avec curiosité cette nouvelle diva, amoureuse de la France qui le lui rend bien, redoutant quelque peu la mythologie de la chanteuse de jazz, robe fendue et voix langoureuse. Reconnaissons que la Gardot est bluffante, elle fait peut être le show mais avec talent et efficacité. Elle sait parler au public, en français, s’il vous plaît, joue de la guitare électrique ou s’installe au piano selon les titres, sans affectation aucune. Le glamour, certes, elle connaît, elle en use avec une voix ensorceleuse, étrangement rauque qui s’est affirmée. Elle souffle le chaud comme le froid, passe du cri au murmure. Directe en dépit d’une image travaillée, volontairement sophistiquée, en une
période où la musique est si souvent commerciale, elle ne cherche pas à émouvoir, avec un « je ne sais quoi » qui attire l’attention indéniablement. Elle répond du tac au tac aux sollicitations du public, parvient à faire chanter l’auditoire ravi, place un peu de musicothérapie sans insister de trop. Après qu’un spectateur lui a demandé «I Wanna Be Your Dog», elle fait venir son petit chien sur scène, ne semblant pas saisir le rapport aux Stooges. Qu’importe… Elle attaque ensuite une «March for Charlie» pour Charlie Haden et Charles Mingus (bien qu’il n’aimât pas du tout qu’on l’appelle Charlie), sans évoquer , me semble t-il, notre Charlie  et joue évidemment la chanson engagée de l’album «Preacher Man» sans entrer dans trop d’explications ; elle préfère parler d’amour, quitte à reprendre d’anciens titres de son album My One and Only Thrill comme «Our Love is easy». C’est que la nuit est étoilée, la température toujours très élevée, ce qui n’est pas pour lui déplaire, elle imite gentiment Ella Fitzgerald, se tapotant le front avec une serviette… On attend le chant des « crickets », car les cigales stridulent à tue-tête. Non, elle parle d’éléphant, sait-elle que ces jardins abritaient le zoo de la ville autrefois ?

 

Evidemment, Melody Gardot ne prétend pas être la nouvelle Nina Simone, même si elle a participé à un album très réussi en hommage Autour de Nina, et « Preacher Man » n’est pas  « Strange fruit « , même si la référence est claire. Melody ne cherche pas à refaire. A chaque époque, son regard, ses filtres, ses oublis, ses reprises et ses désillusions. Melody garde indéniablement un certain mystère qui la rend très convaincante.