Jazz live
Publié le 21 Fév 2013

Nicole Mitchell et Joëlle Léandre : les belles duelles

Jazz@home, c’est la très bonne idée de Bertrand Gastaut, qui convie quelques fidèles à écouter le plus contemporain du jazz en appartement privé. Le mot jazz ne désigne d’ailleurs plus que les racines d’une arborescence de plus en plus foisonnante, de plus en plus riche. Démonstration le 20 février à Paris, chez Michel Dorbon, le très productif producteur du label Rogue-Art, avec la flûtiste Nicole Mitchell et Joëlle Léandre, qu’on ne présente plus.

 

Oui, duelles, parce que l’une et l’autre ne se contentent pas de leur instrument respectif, déjà exploité sous toutes ses coutures : Nicole, à la virtuosité aussi naturelle qu’une brise caressante, pratique à sa convenance le souffle continu, embrasse sa flûte sur l’embouchure, démonte sa flûte (traversière ou en sol) pour obtenir des sons inhabituels (mais toujours maîtrisés), fait glisser ses doigts sur les clés ; Joëlle joue à l’archet sous le chevalet, en pizzicato en même temps de la main gauche (un vrai papillon, cette main !), envoie des harmoniques comme des oiseaux invisibles ou développe soudain une puissance à faire trembler les vitres et à soulever les cœurs. Mais ces dames ne font pas que jouer de leur instrument, elles s’accompagnent elles-mêmes en extirpant de leurs cordes vocales des chants ou plutôt des sons venus du plus profond de leurs pensées. C’est encore plus vrai pour Nicole Mitchelle, l’ex présidente de l’AACM, qui porte ses doigts à sa bouche comme pour pincer les sons à leur sortie, sons suraigus évocateurs d’animaux imaginaires, volant dans les airs ou se chahutant dans la forêt. Joëlle Léandre serait plutôt du genre râleuse et maugréante, état rebelle apparemment permanent de son être et lui donnant toute sa force. Mais pour l’une comme pour l’autre, il s’agissait de faire naître ensemble non un langage commun, mais d’inventer une beauté jamais entendue, d’associer le souffle et les cordes pour faire chanter un vent nouveau dans une forêt pleine de toutes sortes d’essences et d’effluves. C’est ainsi qu’on a pu se croire un moment au pays des chamans indiens, ou suivre les méandres d’une rivière voluptueuse avant de s’effrayer de cascades vombrissantes ou d’entendre – oh ! fugacement ! – une injection de groove, un écho de Roland Kirk, une envolée d’Eric Dolphy. La recette ? S’abandonner au plaisir du duo de ces femmes duelles, corps et instrument, pensée et spontanéité, lyrisme et attention. Pas de standard à identifier, pas de passé à s’encombrer. Mais un long et bon moment de présent et de présence dont on enrage que le cerveau ne puisse vous le restituer dans le doux déferlement de ses sons émerveillants.

 

François-René Simon

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Jazz@home, c’est la très bonne idée de Bertrand Gastaut, qui convie quelques fidèles à écouter le plus contemporain du jazz en appartement privé. Le mot jazz ne désigne d’ailleurs plus que les racines d’une arborescence de plus en plus foisonnante, de plus en plus riche. Démonstration le 20 février à Paris, chez Michel Dorbon, le très productif producteur du label Rogue-Art, avec la flûtiste Nicole Mitchell et Joëlle Léandre, qu’on ne présente plus.

 

Oui, duelles, parce que l’une et l’autre ne se contentent pas de leur instrument respectif, déjà exploité sous toutes ses coutures : Nicole, à la virtuosité aussi naturelle qu’une brise caressante, pratique à sa convenance le souffle continu, embrasse sa flûte sur l’embouchure, démonte sa flûte (traversière ou en sol) pour obtenir des sons inhabituels (mais toujours maîtrisés), fait glisser ses doigts sur les clés ; Joëlle joue à l’archet sous le chevalet, en pizzicato en même temps de la main gauche (un vrai papillon, cette main !), envoie des harmoniques comme des oiseaux invisibles ou développe soudain une puissance à faire trembler les vitres et à soulever les cœurs. Mais ces dames ne font pas que jouer de leur instrument, elles s’accompagnent elles-mêmes en extirpant de leurs cordes vocales des chants ou plutôt des sons venus du plus profond de leurs pensées. C’est encore plus vrai pour Nicole Mitchelle, l’ex présidente de l’AACM, qui porte ses doigts à sa bouche comme pour pincer les sons à leur sortie, sons suraigus évocateurs d’animaux imaginaires, volant dans les airs ou se chahutant dans la forêt. Joëlle Léandre serait plutôt du genre râleuse et maugréante, état rebelle apparemment permanent de son être et lui donnant toute sa force. Mais pour l’une comme pour l’autre, il s’agissait de faire naître ensemble non un langage commun, mais d’inventer une beauté jamais entendue, d’associer le souffle et les cordes pour faire chanter un vent nouveau dans une forêt pleine de toutes sortes d’essences et d’effluves. C’est ainsi qu’on a pu se croire un moment au pays des chamans indiens, ou suivre les méandres d’une rivière voluptueuse avant de s’effrayer de cascades vombrissantes ou d’entendre – oh ! fugacement ! – une injection de groove, un écho de Roland Kirk, une envolée d’Eric Dolphy. La recette ? S’abandonner au plaisir du duo de ces femmes duelles, corps et instrument, pensée et spontanéité, lyrisme et attention. Pas de standard à identifier, pas de passé à s’encombrer. Mais un long et bon moment de présent et de présence dont on enrage que le cerveau ne puisse vous le restituer dans le doux déferlement de ses sons émerveillants.

 

François-René Simon

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Jazz@home, c’est la très bonne idée de Bertrand Gastaut, qui convie quelques fidèles à écouter le plus contemporain du jazz en appartement privé. Le mot jazz ne désigne d’ailleurs plus que les racines d’une arborescence de plus en plus foisonnante, de plus en plus riche. Démonstration le 20 février à Paris, chez Michel Dorbon, le très productif producteur du label Rogue-Art, avec la flûtiste Nicole Mitchell et Joëlle Léandre, qu’on ne présente plus.

 

Oui, duelles, parce que l’une et l’autre ne se contentent pas de leur instrument respectif, déjà exploité sous toutes ses coutures : Nicole, à la virtuosité aussi naturelle qu’une brise caressante, pratique à sa convenance le souffle continu, embrasse sa flûte sur l’embouchure, démonte sa flûte (traversière ou en sol) pour obtenir des sons inhabituels (mais toujours maîtrisés), fait glisser ses doigts sur les clés ; Joëlle joue à l’archet sous le chevalet, en pizzicato en même temps de la main gauche (un vrai papillon, cette main !), envoie des harmoniques comme des oiseaux invisibles ou développe soudain une puissance à faire trembler les vitres et à soulever les cœurs. Mais ces dames ne font pas que jouer de leur instrument, elles s’accompagnent elles-mêmes en extirpant de leurs cordes vocales des chants ou plutôt des sons venus du plus profond de leurs pensées. C’est encore plus vrai pour Nicole Mitchelle, l’ex présidente de l’AACM, qui porte ses doigts à sa bouche comme pour pincer les sons à leur sortie, sons suraigus évocateurs d’animaux imaginaires, volant dans les airs ou se chahutant dans la forêt. Joëlle Léandre serait plutôt du genre râleuse et maugréante, état rebelle apparemment permanent de son être et lui donnant toute sa force. Mais pour l’une comme pour l’autre, il s’agissait de faire naître ensemble non un langage commun, mais d’inventer une beauté jamais entendue, d’associer le souffle et les cordes pour faire chanter un vent nouveau dans une forêt pleine de toutes sortes d’essences et d’effluves. C’est ainsi qu’on a pu se croire un moment au pays des chamans indiens, ou suivre les méandres d’une rivière voluptueuse avant de s’effrayer de cascades vombrissantes ou d’entendre – oh ! fugacement ! – une injection de groove, un écho de Roland Kirk, une envolée d’Eric Dolphy. La recette ? S’abandonner au plaisir du duo de ces femmes duelles, corps et instrument, pensée et spontanéité, lyrisme et attention. Pas de standard à identifier, pas de passé à s’encombrer. Mais un long et bon moment de présent et de présence dont on enrage que le cerveau ne puisse vous le restituer dans le doux déferlement de ses sons émerveillants.

 

François-René Simon

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Jazz@home, c’est la très bonne idée de Bertrand Gastaut, qui convie quelques fidèles à écouter le plus contemporain du jazz en appartement privé. Le mot jazz ne désigne d’ailleurs plus que les racines d’une arborescence de plus en plus foisonnante, de plus en plus riche. Démonstration le 20 février à Paris, chez Michel Dorbon, le très productif producteur du label Rogue-Art, avec la flûtiste Nicole Mitchell et Joëlle Léandre, qu’on ne présente plus.

 

Oui, duelles, parce que l’une et l’autre ne se contentent pas de leur instrument respectif, déjà exploité sous toutes ses coutures : Nicole, à la virtuosité aussi naturelle qu’une brise caressante, pratique à sa convenance le souffle continu, embrasse sa flûte sur l’embouchure, démonte sa flûte (traversière ou en sol) pour obtenir des sons inhabituels (mais toujours maîtrisés), fait glisser ses doigts sur les clés ; Joëlle joue à l’archet sous le chevalet, en pizzicato en même temps de la main gauche (un vrai papillon, cette main !), envoie des harmoniques comme des oiseaux invisibles ou développe soudain une puissance à faire trembler les vitres et à soulever les cœurs. Mais ces dames ne font pas que jouer de leur instrument, elles s’accompagnent elles-mêmes en extirpant de leurs cordes vocales des chants ou plutôt des sons venus du plus profond de leurs pensées. C’est encore plus vrai pour Nicole Mitchelle, l’ex présidente de l’AACM, qui porte ses doigts à sa bouche comme pour pincer les sons à leur sortie, sons suraigus évocateurs d’animaux imaginaires, volant dans les airs ou se chahutant dans la forêt. Joëlle Léandre serait plutôt du genre râleuse et maugréante, état rebelle apparemment permanent de son être et lui donnant toute sa force. Mais pour l’une comme pour l’autre, il s’agissait de faire naître ensemble non un langage commun, mais d’inventer une beauté jamais entendue, d’associer le souffle et les cordes pour faire chanter un vent nouveau dans une forêt pleine de toutes sortes d’essences et d’effluves. C’est ainsi qu’on a pu se croire un moment au pays des chamans indiens, ou suivre les méandres d’une rivière voluptueuse avant de s’effrayer de cascades vombrissantes ou d’entendre – oh ! fugacement ! – une injection de groove, un écho de Roland Kirk, une envolée d’Eric Dolphy. La recette ? S’abandonner au plaisir du duo de ces femmes duelles, corps et instrument, pensée et spontanéité, lyrisme et attention. Pas de standard à identifier, pas de passé à s’encombrer. Mais un long et bon moment de présent et de présence dont on enrage que le cerveau ne puisse vous le restituer dans le doux déferlement de ses sons émerveillants.

 

François-René Simon