Ola Tunji trois jours à l'Athénée - Jazz Magazine
Jazz live
Publié le 2 Déc 2025

Ola Tunji trois jours à l’Athénée

Soit la musique du dernier Coltrane revisitée sur un répertoire totalement original par la saxophoniste Ornella Noulet et son quartette, trois soirs durant (du 3 au 5 décembre) à Paris dans la petite salle Christian Bérard du Théâtre de l’Athénée. Vainqueur des tremplins d’Avignon et de Gand, le quartette avait vivement interpelé Franck Bergerot lors de son passage au Sunside en septembre dernier. Voici ce qu’il en disait:

Encore tout jeunes, ils s’installent avec un mélange d’assurance et de fièvre sur la scène du Sunside et, d’emblée, c’est le choc devant cette musique qui, sur un répertoire original, revisite le Coltrane des derniers mois, non celui des derniers concerts, mais celui qui constitue une sorte d’aboutissement lors des dernières séances studio du quartette (“Expression” et surtout “Stellar Regions”). Certes, Loïc Lengagne est plus McCoy Tyner qu’Alice Coltrane, mais un Tyner moins massif, ce qui sous mes doigts n’est pas un reproche. Egon Wolfson navigue entre deux esthétiques, héritier d’Elvin Jones sur le tempo (voire de Tony Williams lorsque le up-tempo le pousse vers une découpe binaire), mais se rapprochant de l’option foisonnante de Rashied Ali sur le rubato. Le tout dans une complicité très mûre avec Anthony Jouravsky que je n’ose comparer à Jimmy Garrison même s’il s’en montre digne, mais avec un mélange de virtuosité et de brutalité qui semble lui appartenir en propre. Enfin, Ornella Noulet au saxophone ténor m’a laissé bouche-bée par sa façon d’incarner l’intouchable. Probablement n’en a-t-elle pas la puissance, si je me rapporte aux récits des témoins des concerts du Village Vanguard. Peut-être y apporte-t-elle une pointe de Pharoah Sanders (qui figure en effigie sur son t-shirt) et si je n’en suis pas convaincu, c’est peut-être que je méconnais le Sanders post-sixties.

Je laisserai les musicologues s’interroger plus précisément sur les emprunts de langage harmonique (ou mieux, faudrait-il l’interroger elle-même), sur la façon dont elle a assimilé cette influence qui dut être écrasante, et sur la nature de ce mimétisme, mais je me suis simplement laissé conquérir par ce mélange de puissance et de projection du son, de densité du discours, de plénitude dans le lyrisme comme dans l’abstraction, l’une et l’autre s’engendrant l’une l’autre. Tout du moins lorsqu’elle est au ténor. Au soprano c’est moins convaincant – mais il est vrai que je n’ai pas une grande passion pour Coltrane sopraniste – et je pense qu’elle aurait avantage à travailler la question du côté de Steve Lacy et/ou de David Liebman (voire à aller désormais se ressourcer du côté d’Evan Parker et Tony Malaby).

Évidemment, cela pose la question du revivalisme. Mais pourquoi se poserait-elle lorsque l’on s’attaque de cette manière à Coltrane alors que l’on n’exprime aucun doute lorsque d’autres arpentent en tous sens les œuvres de Clifford Brown, des Jazz Messengers ou de Bill Evans. Aussi, tout en souhaitant à ce groupe de sortir de ce qui pourrait être une ornière aussi convaincante soit-elle, je souhaite à un public qui n’a jamais vu Coltrane de jouir de cette réincarnation qui ne sent pas le Musée Grévin.

Franck Bergerot

Théâtre de l’Athénée (Square de l’Opéra-Louis Jouvet), salle Christian Bérard (4e étage sans ascenseur), du 3 au 5 décembre