Jazz live
Publié le 28 Juin 2025

Oloron: Jazz hot sous le béret

Jazz à Oloron, Festival Des Rives et des Notes

Centre Social Le Haüt, Oloron Sainte Marie (64 400)

Jeudi 26 juin

Jean Marie Ecay (g), Laurent Chavois (b), Joris Seguin (dm)

Festival mode Jazz Club

Le Festival ouvre ses portes dans une ambiance club, musique et consos à table.  En un lieu aménagé à cet effet perché sur une place de la vile haute de la cité béarnaise, Centre Social La Haû,  là même où Jazz à Oloron offre un concert mensuel hors festival toute la saison dans une formule Jazz Club.

Jean-Marie Ecay

Entrée de jeu cool sur un terrain que le guitariste natif d’Hendaye au bord de la Bidassoa maîtrise à plein.  Tempo médium, passage d’accords dans la couleur dominante pastel d’un morceau créé rapporte-t-i du temps où il se produisait régulièrement « avec Alain Caron et Didier Lockwood » tous trois alors partie prenante du courant jazz fusion. Jean-Marie Ecay ne cache pas ses racines basques. Son « Zazpiak Bat »  -quatre provinces pour un pays en signifiant possible- déroule des effets de loop et d’échos pour déboucher sur un dialogue nourri avec la basse de Laurent Chavois autour de la mélodie pour finir en coups hachurés partagés par la batterie. Ecay a pas mal bourlingué au cours de sa carrière question rencontre de musiciens comme d’appréhension de musiques diverses. Du rock basque de sa jeunesse jusqu’à Galliano en passant notamment par les étages Lockwood, Eddy Louis, Billy Cobham, Carlos Benavent, Jorge Pardo, Thérèse Montcalm et Claude Nougaro. D’où des touches de couleurs toujours contrastées dans son jeu de guitare, des reliefs façonnés plus ou moins accentués. Et se niche toujours, marque de son expression propre, des gouttes de lyrisme dans ses pluies de notes en développement par chorus interposé. Pour « Bras dessus » « ce morceau que j’ai composé pour Nougaro sous l’intitulé initial Bras dessus bras dessous mais je lui laisse à Claude, ce titre en hommage, et moi je le joue désormais avec seulement la moitié des mots… » il n’y a pas la voix bien sûr, il manque les paroles oui, mais sa guitare spéciale, comme transparente ainsi dénuée de son bois de caisse ( artificiellement n’était le son) acoustique cultive la mélodie avec l’empreinte d’une forte sensibilité. 

Laurent Chavois

Reflet de son parcours de guitariste globe trotter sans frontière Jean-Marie Ecay épingle jazz, reggae, blues, balade, fusion etc.   D’où une suite de moments  cordés en nuances sur son instrument fétiche « Alone together », un dit de jazz standard  lui donne l’occasion de changer de registre, phrasé plus coulé, fluide. Avec l’appui d’une contrebasse en rondeurs et une batterie légère histoire de dresser un tableau homogène teinté jazz  « Belharra » patronyme d’une vague énorme déroulant sur la corniche entre Saint Jean de Luz et Hendaye -Ecay est aussi surfer- distille des sonorités très électriques, haute intensité et saturations sur le registre des aiguës en bonus. «Almadia » hommage à  « Burgui, village natal de ma maman » -au passage à noter que le guitariste  y organise  un concert le 19 juillet prochain partie prenante d’un nouveau festival transfrontalier partagé avec Bayonne et baptisé Guitaraldia– est célébré via douceur et profondeur d’arpèges sur cordes nylon, enchainé bientôt sur un air de bossa nova pour éclairer ce petit village de la « Navarra » du sud des Pyrénées niché au creux de la superbe vallée de « Roncal » Court échappatoire « classique » avec une introduction sur une fugue de Bach en introduction d’un thème soyeux « You’rejust a gost » signé de son pote Thomas Enhco. « J’aime de plus en plus ces merveilleux morceaux du répertoire pas commodes à jouer où tu n’as pas le droit de louper une seule note !… »

Joris Seguin

Un final lancé plein pot sur des plans blues et hilbilly suralimentés question puissance sonore. En toute circonstances dans ce voyage d’expositions musicales plurielles, le trio garde le contrôle du son. Et demeure, c’est notable,  dans une écoute mutuelle.

Espace Jéliote

Vendredi 27 juin

Gaël Horellou (as), Simon Girard (tb). David Sauzay (ts)) , Fred Nardîn (org), Antoine Paganotti (dm)

On bénéficie comme ça de rendez vous impromptus, jouissifs, avec le jazz dans son essence à l’occasion de certaines soirées de festivals, surprise ou non De quoi contredire, contrecarrer sa disparition totale dans les programmation de festivals pourtant labellisés jazz s’il faut en croire un papier récent paru récemment dans Libé. Et cet épisode de jazz ci, vécu ce soir là raconte en lui même de belles histoires improvisées.

Gael Horellou

Pour l’occasion le jazz  était bel et bien au rendez vous Des Rives et des Notes porté par l’orchestre cuivré à souhait de  Gaël Horellou. Avec à titre d’illustration une entame  basée sur une première composition personnelle du saxophoniste alto ( « Nathanael ») témoin porteuse d’une certaine ampleur sonore offerte par la  surface de trois cuivres. Tout de suite le saxophoniste leader aux joues pleinement gonflées à la Dizzy impose son jeu incisif dans la découpe de ses phrases. Une vraie marque de fabrique. Un leader oui, mais avec un orchestre en appui. Des unissons frappants en tête de gondole. Et l’orgue qui assure un soutien gonflé d’un groove permanent, le ténor ventilant le contenu d’un souffle chaud piqué au passage de quelques effets vibrato. « J’ai toujours adoré l’orgue car cet instrument culte a traversé toute l’histoire de la great american black music du blues jusqu’au funk. Le Hammond est un instrument liturgique et garant du swing » confie Horellou. Résultat pratique: très vite la température monte. Et le public réagit Vibrations en simultané, sur la scène comme dans la salle. On se croirait presque dans un club de blues/soul de Memphis.

Fred Nardin

Horellou aime le contact. Il revient au micro afin d’annoncer, expliciter, faire participer : « Maintenant on va vous faire la démarcation d’une mélodie sur un morceau connu dédié à un trompettiste…amateurs de jazz vous reconnaîtrez peut être ce morceau. Je vous laisse deviner. Simplement le type à la trompette porte le prénom de Freddie …» Minute de silence dans les travées. Horellou encore lui, toujours en mouvement, de lèvres mais de bras, de jambes également, gestuelle elle aussi en démarcation. Avec en top gun un chorus d’alto brûlant façon trait laser. Avant d’aller chercher du regard et du geste les deux autres cuivres, batteur invité aussi pour quelques rifffs à quatre mains en flashs hyper courts. Fulgurants. Ceci dit il reste pourtant singulier que sur de tels tempos ainsi fort enlevés les lignes de pèches combinées orgue/batterie dessinent des fils tendus certes, mais fins, sans débordement.

David Sauzet

Question effets de souffle en solo les deux autres partenaires cuivrés ne restent pas à l’écart. Ainsi sur le fil d’une balade le trombone y façonne en modulations souples les accents, les contours d’une chanson douce à qui il ne manquerait que la parole. Pour un « Nothing New », titre à paraître sur leur prochain album, le souffle du ténor vaut apaisement lorsque la colonne d’air le produit au naturel, sans forcer façon Ernie Watts dans le Quarttet West de Charlie Haden. Fred Nardin, on n’a pas l’habitude de l’écouter derrière ce monument ronflant rond qu’est l’orgue Hammond avec ses claviers superposés, son Leslie en ventilateur de notes. Lui aussi, tranquille, attentionné joue son rôle d’harmonisateur patenté, générateurs de couleurs de fond par touches précises. On goûte ici sans forcément y avoir été sciemment invité, bonne surprise, à une cuisine jazz d’hier autant que d’aujourd’hui, soignée, salée poivrée à façon. Y compris via sa batterie et son savoir faire.

Simon Girard
Antoine Paganotti

Gael Horellou qui pourrait sans doute être un des seuls à rivaliser dans un concours avec Emile Parisien question sax contorsionniste lance un « Elisa’s t’empo » dédié à sa fille. On s’attend à de l’émotion pure quand soudain il envoie des rafales de notes qui défilent à Mach 2 qu’on dirait sous cette poussée à plusieurs G enfournées dans un réacteur en soufflerie continue, ininterrompue. Serait-ce définitivement celle-là la griffe Horellou ? L’audience scotchée au plafond, redescend pour reprendre son souffle.

Gael H façon Dizzy

Et lui ayant enfin atterri, lance une formule opportune pour faire des heureux : « Je vous le dis, pour moi Jazz à Oloron est le plus cool des festivals que je connaisse »

A bon entendeur salut !

Robert Latxague