Jazz live
Publié le 3 Avr 2014

Orthez : Jazz Naturel fête ses 20 ans

Les deux premières soirées de l’édition 2014 de Jazz Naturel ont été jubilatoires: un sextet hard-bop inédit avec Paul Lay (p) en grande forme et l’Anachronic Jazz Band pétant le feu comme à ses débuts il y a (presque) quarante ans!

Théâtre Planté, Orthez, 1er avril: Jacky Bérécochéa (tp, bugle), Paul Lay (p), Sylvain Darrifourcq (dr), Louise Joseph-Alexandre (b), Benjamin Dousteyssier (ts), Baptiste Techer (tb).

 

Pour le concert inaugural, une carte blanche était confiée au parrain du Festival, Jacky Bérécochéa (tp, bugle). J.Bérécochéa, dirige moult formations dans le grand Sud Ouest, il a été un élément remarqué dans plusieurs big-bands “nationaux” (avec Bolling notamment) et depuis quelques décennies, il enseigne (le jazz et la trompette) à l’Ecole Départementale de Musique des Landes (tout près d’Orthez). Dans ce cadre, ainsi que lors de stages plus pointus, il repéra et poussa quelques uns de ses élèves qui, aujourd’hui, à moins de trente ans, sont déjà considérés, en des styles variés, comme des jazzmen (mais pas que…) qui comptent sur la scène française. Le “parrain” avait invité 5 de ces jeunes gens (4 orthéziens et un marciacais… Marciac n’est pas très loin d’Orthez) à une résidence de deux jours autour du hard-bop. Cette musique qui à la fin des années 50 emplissait l’Olympia…

Blakey et ses Jazz Messengers… Les thèmes de Benny Golson (Blues March, Whisper Not)… Une époque mythique…

Aucun des musiciens choisis par Jacky Bérécochéa n’était à priori connu comme appartenant au cercle des “harboppeurs” patentés… Sylvain Darrifourcq (dr), par exemple, découvert dans le premier Quartet d’Emile Parisien, est plutôt attiré vers les formes très actuelles de la création musicale et a développé de nombreuses activités hors des cadres stricts du jazz. Il se produit actuellement (après avoir accompagné des pointures comme Portal ou Bojan Z) dans des ensembles aux formats atypiques qui se nourrissent du rock, du free-jazz, de l’improvisation libre et des expérimentations électroacoustiques. Ou encore, Benjamin Dousteyssier (ts), considéré, généralement comme adepte d’un free jazz assez radical. Ou enfin, Paul Lay (p), jamais entendu “live”, que je percevais, à priori, à partir de l’écoute de ses 2 superbes CDs (Unveilling et Mikado) essentiellement comme un pianiste délicat, élégant, romantique.

Dans un beau texte publié dans le programme J. Bérécochéa (3 décennies de plus que ses jeunes « invités ») avait bien indiqué quelle était la nature de son pari: fédérer des musiciens venus d’horizons fort différents autour d’un style emblématique. “Si l’on parle souvent de conflit de générations, l’on oublie qu’il peut aussi exister une sorte de connivence, de complicité, entre différentes générations.”

Et si le pari fut réussi c’est que tous ces jeunes gens, quels que soient leurs parcours et leurs positionnements stylistiques actuels, ont tous une belle et profonde connaissance de l’histoire du jazz en général et du hard-bop en particulier. Les observer complices et rieurs en train d’improviser sur des thèmes de Benny Golson ou de Dexter Gordon/Slide Hampton fut un régal. S. Darrifourcq tenant le tempo à la manière d’Art Blakey : after beat puissant et précis avec la high hat, chorus africanisant et magnifiquement construit. Paul Lay, luxuriant, bâtissant en block-chords des solos efficaces et brillants à la Bobby Timmons. Benjamin Dousteyssier au ténor nous gratifiant d’étonnants solos lesteriens. Le “parrain” nous montra avec imagination et talent que Clifford Brown était un de ses maîtres. Il avait écrit de très beaux arrangements pour ce sextet d’un soir, qui sonnait comme un mini big-band.

Mais, comme tout compte rendu de concert est éminemment subjectif, je dois dire que celui qui m’a vraiment “fait tomber de l’armoire”, c’est Paul Lay : physique de jeune premier et de gendre idéal, mais surtout pianiste insolent d’inventivité et de puissance. Bardé de diplômes (dont celui du CNSM de Paris) il n’a pas ce défaut récurrent chez nombre de lauréats de cette institution prestigieuse : celui de jouer de manière virtuose certes… mais sans feeling. P. Lay, lui, joue de manière organique, vitale, joyeuse. Martial Solal qui présidait le jury d’un concours prestigieux que P. Lay remporta, déclara à son propos : « Excellente imagination harmonique, jeu très diversifié, compositions des plus intéressantes, connaissance évidente de l’histoire du jazz, discours personnel. Paul Lay a tous les atouts pour « monter » et durer ! »  Rien à ajouter.

Un musicien à suivre qui fourmille, qui plus est, de projets souvent surprenants comme on peut le constater en consultant son site.

 

Théatre Planté, Orthez, 2 avril. Anachronic Jazz Band.

Philippe Baudoin : piano, arrangements, direction musicale, Marc Richard : clarinette, saxophone alto, arrangements, direction musicale, Patrick Artero : trompette, arrangements, Pierre Guicquéro : trombone, André Villéger : clarinette, saxophone soprano, saxophone ténor, arrangements, Jean-François Bonnel : clarinette, C-melody sax, Daniel Huck : chant, saxophone alto, master of ceremony, François Fournet: banjo, Gérard Gervois : tuba, Sylvain Glévarec : batterie


Jouer des thèmes be-bop, ou inspirés du be-bop, en « vieux style ». Le projet fit sensation en 1976. Après un long silence l’Anachronic Jazz band vient de remettre le couvert. Avec presque tous les musiciens du projet originel. Certains ont pris (un peu!) de poids Daniel Huck, infatigable master of ceremony pratique l’autodérision sur cette « question » (un peu plus de 106 kgs annonce t-il, un peu gêné, à l’auditoire… il y a presque cinquante ans il était venu à Orthez en vélosolex… mais avec 50 kgs de moins!).

Tous jouent toujours aussi bien voire encore mieux qu’il y a 38 ans. Le public est enthousiaste.

L’incroyable Huck célèbre à sa manière le dixième anniversaire de la disparition de Claude Nougaro en chantant une superbe version d’Armstrong, thème fétiche du poète toulousain.

Un seul regret : Daniel Huck n’a joué que deux chorus au sax alto. Patrick Artero (tp) et André Villeger (saxes, cl) sont toujours des solistes impressionnants et surprenants. La rythmique tourne comme une horloge suisse. Salle pleine et visages réjouis à la sortie du concert.

Pierre-Henri Ardonceau

|

Les deux premières soirées de l’édition 2014 de Jazz Naturel ont été jubilatoires: un sextet hard-bop inédit avec Paul Lay (p) en grande forme et l’Anachronic Jazz Band pétant le feu comme à ses débuts il y a (presque) quarante ans!

Théâtre Planté, Orthez, 1er avril: Jacky Bérécochéa (tp, bugle), Paul Lay (p), Sylvain Darrifourcq (dr), Louise Joseph-Alexandre (b), Benjamin Dousteyssier (ts), Baptiste Techer (tb).

 

Pour le concert inaugural, une carte blanche était confiée au parrain du Festival, Jacky Bérécochéa (tp, bugle). J.Bérécochéa, dirige moult formations dans le grand Sud Ouest, il a été un élément remarqué dans plusieurs big-bands “nationaux” (avec Bolling notamment) et depuis quelques décennies, il enseigne (le jazz et la trompette) à l’Ecole Départementale de Musique des Landes (tout près d’Orthez). Dans ce cadre, ainsi que lors de stages plus pointus, il repéra et poussa quelques uns de ses élèves qui, aujourd’hui, à moins de trente ans, sont déjà considérés, en des styles variés, comme des jazzmen (mais pas que…) qui comptent sur la scène française. Le “parrain” avait invité 5 de ces jeunes gens (4 orthéziens et un marciacais… Marciac n’est pas très loin d’Orthez) à une résidence de deux jours autour du hard-bop. Cette musique qui à la fin des années 50 emplissait l’Olympia…

Blakey et ses Jazz Messengers… Les thèmes de Benny Golson (Blues March, Whisper Not)… Une époque mythique…

Aucun des musiciens choisis par Jacky Bérécochéa n’était à priori connu comme appartenant au cercle des “harboppeurs” patentés… Sylvain Darrifourcq (dr), par exemple, découvert dans le premier Quartet d’Emile Parisien, est plutôt attiré vers les formes très actuelles de la création musicale et a développé de nombreuses activités hors des cadres stricts du jazz. Il se produit actuellement (après avoir accompagné des pointures comme Portal ou Bojan Z) dans des ensembles aux formats atypiques qui se nourrissent du rock, du free-jazz, de l’improvisation libre et des expérimentations électroacoustiques. Ou encore, Benjamin Dousteyssier (ts), considéré, généralement comme adepte d’un free jazz assez radical. Ou enfin, Paul Lay (p), jamais entendu “live”, que je percevais, à priori, à partir de l’écoute de ses 2 superbes CDs (Unveilling et Mikado) essentiellement comme un pianiste délicat, élégant, romantique.

Dans un beau texte publié dans le programme J. Bérécochéa (3 décennies de plus que ses jeunes « invités ») avait bien indiqué quelle était la nature de son pari: fédérer des musiciens venus d’horizons fort différents autour d’un style emblématique. “Si l’on parle souvent de conflit de générations, l’on oublie qu’il peut aussi exister une sorte de connivence, de complicité, entre différentes générations.”

Et si le pari fut réussi c’est que tous ces jeunes gens, quels que soient leurs parcours et leurs positionnements stylistiques actuels, ont tous une belle et profonde connaissance de l’histoire du jazz en général et du hard-bop en particulier. Les observer complices et rieurs en train d’improviser sur des thèmes de Benny Golson ou de Dexter Gordon/Slide Hampton fut un régal. S. Darrifourcq tenant le tempo à la manière d’Art Blakey : after beat puissant et précis avec la high hat, chorus africanisant et magnifiquement construit. Paul Lay, luxuriant, bâtissant en block-chords des solos efficaces et brillants à la Bobby Timmons. Benjamin Dousteyssier au ténor nous gratifiant d’étonnants solos lesteriens. Le “parrain” nous montra avec imagination et talent que Clifford Brown était un de ses maîtres. Il avait écrit de très beaux arrangements pour ce sextet d’un soir, qui sonnait comme un mini big-band.

Mais, comme tout compte rendu de concert est éminemment subjectif, je dois dire que celui qui m’a vraiment “fait tomber de l’armoire”, c’est Paul Lay : physique de jeune premier et de gendre idéal, mais surtout pianiste insolent d’inventivité et de puissance. Bardé de diplômes (dont celui du CNSM de Paris) il n’a pas ce défaut récurrent chez nombre de lauréats de cette institution prestigieuse : celui de jouer de manière virtuose certes… mais sans feeling. P. Lay, lui, joue de manière organique, vitale, joyeuse. Martial Solal qui présidait le jury d’un concours prestigieux que P. Lay remporta, déclara à son propos : « Excellente imagination harmonique, jeu très diversifié, compositions des plus intéressantes, connaissance évidente de l’histoire du jazz, discours personnel. Paul Lay a tous les atouts pour « monter » et durer ! »  Rien à ajouter.

Un musicien à suivre qui fourmille, qui plus est, de projets souvent surprenants comme on peut le constater en consultant son site.

 

Théatre Planté, Orthez, 2 avril. Anachronic Jazz Band.

Philippe Baudoin : piano, arrangements, direction musicale, Marc Richard : clarinette, saxophone alto, arrangements, direction musicale, Patrick Artero : trompette, arrangements, Pierre Guicquéro : trombone, André Villéger : clarinette, saxophone soprano, saxophone ténor, arrangements, Jean-François Bonnel : clarinette, C-melody sax, Daniel Huck : chant, saxophone alto, master of ceremony, François Fournet: banjo, Gérard Gervois : tuba, Sylvain Glévarec : batterie


Jouer des thèmes be-bop, ou inspirés du be-bop, en « vieux style ». Le projet fit sensation en 1976. Après un long silence l’Anachronic Jazz band vient de remettre le couvert. Avec presque tous les musiciens du projet originel. Certains ont pris (un peu!) de poids Daniel Huck, infatigable master of ceremony pratique l’autodérision sur cette « question » (un peu plus de 106 kgs annonce t-il, un peu gêné, à l’auditoire… il y a presque cinquante ans il était venu à Orthez en vélosolex… mais avec 50 kgs de moins!).

Tous jouent toujours aussi bien voire encore mieux qu’il y a 38 ans. Le public est enthousiaste.

L’incroyable Huck célèbre à sa manière le dixième anniversaire de la disparition de Claude Nougaro en chantant une superbe version d’Armstrong, thème fétiche du poète toulousain.

Un seul regret : Daniel Huck n’a joué que deux chorus au sax alto. Patrick Artero (tp) et André Villeger (saxes, cl) sont toujours des solistes impressionnants et surprenants. La rythmique tourne comme une horloge suisse. Salle pleine et visages réjouis à la sortie du concert.

Pierre-Henri Ardonceau

|

Les deux premières soirées de l’édition 2014 de Jazz Naturel ont été jubilatoires: un sextet hard-bop inédit avec Paul Lay (p) en grande forme et l’Anachronic Jazz Band pétant le feu comme à ses débuts il y a (presque) quarante ans!

Théâtre Planté, Orthez, 1er avril: Jacky Bérécochéa (tp, bugle), Paul Lay (p), Sylvain Darrifourcq (dr), Louise Joseph-Alexandre (b), Benjamin Dousteyssier (ts), Baptiste Techer (tb).

 

Pour le concert inaugural, une carte blanche était confiée au parrain du Festival, Jacky Bérécochéa (tp, bugle). J.Bérécochéa, dirige moult formations dans le grand Sud Ouest, il a été un élément remarqué dans plusieurs big-bands “nationaux” (avec Bolling notamment) et depuis quelques décennies, il enseigne (le jazz et la trompette) à l’Ecole Départementale de Musique des Landes (tout près d’Orthez). Dans ce cadre, ainsi que lors de stages plus pointus, il repéra et poussa quelques uns de ses élèves qui, aujourd’hui, à moins de trente ans, sont déjà considérés, en des styles variés, comme des jazzmen (mais pas que…) qui comptent sur la scène française. Le “parrain” avait invité 5 de ces jeunes gens (4 orthéziens et un marciacais… Marciac n’est pas très loin d’Orthez) à une résidence de deux jours autour du hard-bop. Cette musique qui à la fin des années 50 emplissait l’Olympia…

Blakey et ses Jazz Messengers… Les thèmes de Benny Golson (Blues March, Whisper Not)… Une époque mythique…

Aucun des musiciens choisis par Jacky Bérécochéa n’était à priori connu comme appartenant au cercle des “harboppeurs” patentés… Sylvain Darrifourcq (dr), par exemple, découvert dans le premier Quartet d’Emile Parisien, est plutôt attiré vers les formes très actuelles de la création musicale et a développé de nombreuses activités hors des cadres stricts du jazz. Il se produit actuellement (après avoir accompagné des pointures comme Portal ou Bojan Z) dans des ensembles aux formats atypiques qui se nourrissent du rock, du free-jazz, de l’improvisation libre et des expérimentations électroacoustiques. Ou encore, Benjamin Dousteyssier (ts), considéré, généralement comme adepte d’un free jazz assez radical. Ou enfin, Paul Lay (p), jamais entendu “live”, que je percevais, à priori, à partir de l’écoute de ses 2 superbes CDs (Unveilling et Mikado) essentiellement comme un pianiste délicat, élégant, romantique.

Dans un beau texte publié dans le programme J. Bérécochéa (3 décennies de plus que ses jeunes « invités ») avait bien indiqué quelle était la nature de son pari: fédérer des musiciens venus d’horizons fort différents autour d’un style emblématique. “Si l’on parle souvent de conflit de générations, l’on oublie qu’il peut aussi exister une sorte de connivence, de complicité, entre différentes générations.”

Et si le pari fut réussi c’est que tous ces jeunes gens, quels que soient leurs parcours et leurs positionnements stylistiques actuels, ont tous une belle et profonde connaissance de l’histoire du jazz en général et du hard-bop en particulier. Les observer complices et rieurs en train d’improviser sur des thèmes de Benny Golson ou de Dexter Gordon/Slide Hampton fut un régal. S. Darrifourcq tenant le tempo à la manière d’Art Blakey : after beat puissant et précis avec la high hat, chorus africanisant et magnifiquement construit. Paul Lay, luxuriant, bâtissant en block-chords des solos efficaces et brillants à la Bobby Timmons. Benjamin Dousteyssier au ténor nous gratifiant d’étonnants solos lesteriens. Le “parrain” nous montra avec imagination et talent que Clifford Brown était un de ses maîtres. Il avait écrit de très beaux arrangements pour ce sextet d’un soir, qui sonnait comme un mini big-band.

Mais, comme tout compte rendu de concert est éminemment subjectif, je dois dire que celui qui m’a vraiment “fait tomber de l’armoire”, c’est Paul Lay : physique de jeune premier et de gendre idéal, mais surtout pianiste insolent d’inventivité et de puissance. Bardé de diplômes (dont celui du CNSM de Paris) il n’a pas ce défaut récurrent chez nombre de lauréats de cette institution prestigieuse : celui de jouer de manière virtuose certes… mais sans feeling. P. Lay, lui, joue de manière organique, vitale, joyeuse. Martial Solal qui présidait le jury d’un concours prestigieux que P. Lay remporta, déclara à son propos : « Excellente imagination harmonique, jeu très diversifié, compositions des plus intéressantes, connaissance évidente de l’histoire du jazz, discours personnel. Paul Lay a tous les atouts pour « monter » et durer ! »  Rien à ajouter.

Un musicien à suivre qui fourmille, qui plus est, de projets souvent surprenants comme on peut le constater en consultant son site.

 

Théatre Planté, Orthez, 2 avril. Anachronic Jazz Band.

Philippe Baudoin : piano, arrangements, direction musicale, Marc Richard : clarinette, saxophone alto, arrangements, direction musicale, Patrick Artero : trompette, arrangements, Pierre Guicquéro : trombone, André Villéger : clarinette, saxophone soprano, saxophone ténor, arrangements, Jean-François Bonnel : clarinette, C-melody sax, Daniel Huck : chant, saxophone alto, master of ceremony, François Fournet: banjo, Gérard Gervois : tuba, Sylvain Glévarec : batterie


Jouer des thèmes be-bop, ou inspirés du be-bop, en « vieux style ». Le projet fit sensation en 1976. Après un long silence l’Anachronic Jazz band vient de remettre le couvert. Avec presque tous les musiciens du projet originel. Certains ont pris (un peu!) de poids Daniel Huck, infatigable master of ceremony pratique l’autodérision sur cette « question » (un peu plus de 106 kgs annonce t-il, un peu gêné, à l’auditoire… il y a presque cinquante ans il était venu à Orthez en vélosolex… mais avec 50 kgs de moins!).

Tous jouent toujours aussi bien voire encore mieux qu’il y a 38 ans. Le public est enthousiaste.

L’incroyable Huck célèbre à sa manière le dixième anniversaire de la disparition de Claude Nougaro en chantant une superbe version d’Armstrong, thème fétiche du poète toulousain.

Un seul regret : Daniel Huck n’a joué que deux chorus au sax alto. Patrick Artero (tp) et André Villeger (saxes, cl) sont toujours des solistes impressionnants et surprenants. La rythmique tourne comme une horloge suisse. Salle pleine et visages réjouis à la sortie du concert.

Pierre-Henri Ardonceau

|

Les deux premières soirées de l’édition 2014 de Jazz Naturel ont été jubilatoires: un sextet hard-bop inédit avec Paul Lay (p) en grande forme et l’Anachronic Jazz Band pétant le feu comme à ses débuts il y a (presque) quarante ans!

Théâtre Planté, Orthez, 1er avril: Jacky Bérécochéa (tp, bugle), Paul Lay (p), Sylvain Darrifourcq (dr), Louise Joseph-Alexandre (b), Benjamin Dousteyssier (ts), Baptiste Techer (tb).

 

Pour le concert inaugural, une carte blanche était confiée au parrain du Festival, Jacky Bérécochéa (tp, bugle). J.Bérécochéa, dirige moult formations dans le grand Sud Ouest, il a été un élément remarqué dans plusieurs big-bands “nationaux” (avec Bolling notamment) et depuis quelques décennies, il enseigne (le jazz et la trompette) à l’Ecole Départementale de Musique des Landes (tout près d’Orthez). Dans ce cadre, ainsi que lors de stages plus pointus, il repéra et poussa quelques uns de ses élèves qui, aujourd’hui, à moins de trente ans, sont déjà considérés, en des styles variés, comme des jazzmen (mais pas que…) qui comptent sur la scène française. Le “parrain” avait invité 5 de ces jeunes gens (4 orthéziens et un marciacais… Marciac n’est pas très loin d’Orthez) à une résidence de deux jours autour du hard-bop. Cette musique qui à la fin des années 50 emplissait l’Olympia…

Blakey et ses Jazz Messengers… Les thèmes de Benny Golson (Blues March, Whisper Not)… Une époque mythique…

Aucun des musiciens choisis par Jacky Bérécochéa n’était à priori connu comme appartenant au cercle des “harboppeurs” patentés… Sylvain Darrifourcq (dr), par exemple, découvert dans le premier Quartet d’Emile Parisien, est plutôt attiré vers les formes très actuelles de la création musicale et a développé de nombreuses activités hors des cadres stricts du jazz. Il se produit actuellement (après avoir accompagné des pointures comme Portal ou Bojan Z) dans des ensembles aux formats atypiques qui se nourrissent du rock, du free-jazz, de l’improvisation libre et des expérimentations électroacoustiques. Ou encore, Benjamin Dousteyssier (ts), considéré, généralement comme adepte d’un free jazz assez radical. Ou enfin, Paul Lay (p), jamais entendu “live”, que je percevais, à priori, à partir de l’écoute de ses 2 superbes CDs (Unveilling et Mikado) essentiellement comme un pianiste délicat, élégant, romantique.

Dans un beau texte publié dans le programme J. Bérécochéa (3 décennies de plus que ses jeunes « invités ») avait bien indiqué quelle était la nature de son pari: fédérer des musiciens venus d’horizons fort différents autour d’un style emblématique. “Si l’on parle souvent de conflit de générations, l’on oublie qu’il peut aussi exister une sorte de connivence, de complicité, entre différentes générations.”

Et si le pari fut réussi c’est que tous ces jeunes gens, quels que soient leurs parcours et leurs positionnements stylistiques actuels, ont tous une belle et profonde connaissance de l’histoire du jazz en général et du hard-bop en particulier. Les observer complices et rieurs en train d’improviser sur des thèmes de Benny Golson ou de Dexter Gordon/Slide Hampton fut un régal. S. Darrifourcq tenant le tempo à la manière d’Art Blakey : after beat puissant et précis avec la high hat, chorus africanisant et magnifiquement construit. Paul Lay, luxuriant, bâtissant en block-chords des solos efficaces et brillants à la Bobby Timmons. Benjamin Dousteyssier au ténor nous gratifiant d’étonnants solos lesteriens. Le “parrain” nous montra avec imagination et talent que Clifford Brown était un de ses maîtres. Il avait écrit de très beaux arrangements pour ce sextet d’un soir, qui sonnait comme un mini big-band.

Mais, comme tout compte rendu de concert est éminemment subjectif, je dois dire que celui qui m’a vraiment “fait tomber de l’armoire”, c’est Paul Lay : physique de jeune premier et de gendre idéal, mais surtout pianiste insolent d’inventivité et de puissance. Bardé de diplômes (dont celui du CNSM de Paris) il n’a pas ce défaut récurrent chez nombre de lauréats de cette institution prestigieuse : celui de jouer de manière virtuose certes… mais sans feeling. P. Lay, lui, joue de manière organique, vitale, joyeuse. Martial Solal qui présidait le jury d’un concours prestigieux que P. Lay remporta, déclara à son propos : « Excellente imagination harmonique, jeu très diversifié, compositions des plus intéressantes, connaissance évidente de l’histoire du jazz, discours personnel. Paul Lay a tous les atouts pour « monter » et durer ! »  Rien à ajouter.

Un musicien à suivre qui fourmille, qui plus est, de projets souvent surprenants comme on peut le constater en consultant son site.

 

Théatre Planté, Orthez, 2 avril. Anachronic Jazz Band.

Philippe Baudoin : piano, arrangements, direction musicale, Marc Richard : clarinette, saxophone alto, arrangements, direction musicale, Patrick Artero : trompette, arrangements, Pierre Guicquéro : trombone, André Villéger : clarinette, saxophone soprano, saxophone ténor, arrangements, Jean-François Bonnel : clarinette, C-melody sax, Daniel Huck : chant, saxophone alto, master of ceremony, François Fournet: banjo, Gérard Gervois : tuba, Sylvain Glévarec : batterie


Jouer des thèmes be-bop, ou inspirés du be-bop, en « vieux style ». Le projet fit sensation en 1976. Après un long silence l’Anachronic Jazz band vient de remettre le couvert. Avec presque tous les musiciens du projet originel. Certains ont pris (un peu!) de poids Daniel Huck, infatigable master of ceremony pratique l’autodérision sur cette « question » (un peu plus de 106 kgs annonce t-il, un peu gêné, à l’auditoire… il y a presque cinquante ans il était venu à Orthez en vélosolex… mais avec 50 kgs de moins!).

Tous jouent toujours aussi bien voire encore mieux qu’il y a 38 ans. Le public est enthousiaste.

L’incroyable Huck célèbre à sa manière le dixième anniversaire de la disparition de Claude Nougaro en chantant une superbe version d’Armstrong, thème fétiche du poète toulousain.

Un seul regret : Daniel Huck n’a joué que deux chorus au sax alto. Patrick Artero (tp) et André Villeger (saxes, cl) sont toujours des solistes impressionnants et surprenants. La rythmique tourne comme une horloge suisse. Salle pleine et visages réjouis à la sortie du concert.

Pierre-Henri Ardonceau