Jazz live
Publié le 26 Sep 2020

Orthez: Vincent Peirani, Fanfaraï, Adíu Jazz Naturel !

Deux concerts rescapés du festival Jazz Naturel d’Orthez annulé en mars dernier pour cause de confinement se trouvent ainsi repoussés en période pré-automnale. Dans les conditions de sécurité imposées bien sûr. Gestes barrières donc masques et distanciation requise. Soit une jauge réduite de moitié dans la salle othézienne. Un ersatz de festival en somme. Mais, paradoxalement une manière de sonnerie aux morts pour ce festival qui aura connu plus de vingt cinq éditions. Son créateur, au bout de son parcours professionnel, choisit de quitter la scène culturelle. Les édiles de la cité des bords de Gave n’en ressentent pas plus d’émotion que cela. Et de toutes les façons le maire, réélu se pique de passion pour la magie. Exit donc le jazz et son festival. Vivent les magiciens prônés en évènementiel à Orthez désormais. Le CoVid n’y est pour rien !

Vincent Peirani vient d’annoncer le titre de la composition de Purcell qu’il dédie à Jacques Canet, créateur et directeur artistique du festival Jazz Naturel d’Orthez dont ce concert est un ersatz pour cause de CoVid « Ce titre évoque le froid, comme ce soir… » À la première note posée sur le clavier l’accordéoniste indique le plafond de son doigt levé. Une averse soudaine, sonore en diable, vient frapper le toit du théâtre Francis Planté. Hors partition, à contretemps.

Vincent Peirani (acc), Vincent Lé Quang (ss), Thierry Peelman (elp), Julien Ferté (elb), Yoann Serra (dm)

24 septembre, Théâtre Francis Planté

 

Vincent Peirani au melodica

Les pièces de ce CD puzzle baptisé Night Walker Vincent Peirani les parcourt généralement en compagnie de son inséparable compère Emile Parisien. Inscrites dans le répertoire en duo avec ce dernier, jouées dans l’ordre avec son orchestre attitré voire disséminées dans le groupe du saxophoniste avec ou sans Portal en invité. Vu la clarté, la prégnance de son écriture, les mélodies une fois imprimées dans le cortex on ne risque pas de les oublier. Bang Bang, base de chanson mutée standard se trouve  revisitée telle une comptine poussée à deux voix sax/accordéon mis en avant. Enzo, inspiré par son fils s’expose dans le décor d’une ballade lancinante où les soli, accordéon comme soprano tirent vers l’aigu pour plus de brillance, d’éclat dans la coloration harmonique. La version tendue du What power art thou extrait d’un opéra de Purcell conduit à des ascensions de volume/volutes sonores paroxystiques. Night Walker s’étire telle une longue complainte. Les contenus de la musique de Vincent Peirani procèdent de par une série de climats tout en contrastes. Sauf que, sauf que…cette fois, concert reporté des mois plus tard pour cause de confinement, Émile Parisien n’est pas au rendez-vous. Pour le leader comme pour Vincent Lé Quang, le « substitute » il s’agit bien à Orthez en Béarn ce soir d’une première. Un pari, un vrai challenge pour le saxophoniste que d’être à la place de, « remplacer » l’Emile. Lequel se trouve être en tournée en Scandinavie aux côtés de Roberto Negro jusqu’en octobre « Bon, j’ai quand même jeté quelques coups d’oeil à la partition » reconnaîtra-t-il après coup. « Je l’ai regardé deux ou trois fois, mais bon il s’en sortait sans trop de problème  » dira pour sa part Vincent Peirani. De fait, à écouter sa prestation comme la musique de l’orchestre dans son entier, force est de constater que le saxophoniste a bel et bien tenu sa place. A  creusé son sillon dans le collectif tout au long des interventions, solos y compris. Certes avec moins de  fulgurances ou d’acrobaties sonores et corporelles, typiques de la personnalité d’Emile P. Mais fort d’une brillance, d’une présence dans et par le son du soprano, seul sax utilisé comme de juste dans la formule choisie pour le quintet. In fine Vincent Lé Quang, avec ses armes musicales propres,  sans retenue, a trouvé sa voie dans un environnement sonore pourtant bien « bornée » par qui l’on sait.

 

Photo Jacques Canet

Vincent Peirani, Yoann Serra

Fanfaraï Big Band: Samir Inal (perc, oud, voc), Bouabdellah Khelifi (vln, voc), Abdelkader Taib (perc, voc), Patrice Trouvet (tp, bug), Guillaume Robillard (tp, bug), Olivier Cambrouze (ts, bars), Amina (fl), Mehdi Chaïb (ss), Antoine Giraud (tb), Didier Combrouze (elb), Vincent Therard (keyb), Hervé Le Bouche (dm)

25 septembre, Théâtre Francis Planté

Orthez (64300)

 

L’intitulé Big Band ne figure pas sans raison dans ce nom de groupe aux sonorités méditerranéo-orientales prononcées. Les notes jaillissent de partout dans un ordonnancement très étudié. Un son d’ensemble plutôt compact, une base de percussions fournies –Abdelkader Tab revendique une filiation avec la tradition Gnawa– une thématique de composition issues de la chanson populaire algérienne, des vocalistes qui tournent selon les morceaux abordés: la matière musicale offre ainsi plusieurs entrées possibles. Pourtant c’est bien la richesse, l’originalité de solides arrangements qui fait la différence. Avec un effet bonus dans la version live, un plaisir communicatif à s’exprimer sur les planches. Vocaux ou instrumentaux les contrechants apportent de la couleur. Avec un plus d’originalité dans une section cuivre divisée en deux groupes: trompettes et trombone œuvrent en actions rythmiques dynamiques tandis que sax et flûte soulignent les traits mélodiques. Comme en surimpression les solos prolongent le côté jubilatoire, festif (Mehdi Chaib, sax soprano imaginatif)  L’effet rythmique porte un appel naturel à la danse. À franchement parler on se trouve un peu cons à rester scotchés ainsi sur son siège devant ce déferlement de temps qui se poussent les uns les autres, distanciation (anti) sociale et gestes barrières obligent…Les musiciens eux, pris dans le mouvement de leurs pas, s’en amusent. Ainsi choisissent-ils de terminer sur un chaud thème d’essence « arabo-andalouse » La mélopée portée par la flûte monte en en sinusoïdes  colorées modales, Et s’accélère au fur et à mesure. Le public du Théâtre jusque ici vissé sur place se retrouve soudain pulsé debout. La communion du rythme passe alors via des battement de mains virevoltantes â tout crin. On a le vaccin qu’on peut n’est-ce pas ? De ceux que, CoVid soit qui mal y pense,  la musique vivante, elle,  mérite In fine …

 

Fanfaraï Big Band, les cuivres

Robert Latxague