Jazz live
Publié le 10 Nov 2015

Patrice Caratini ou le virtuose du jazz des Sud(s)

Le contrebassiste, en résidence d’automne au Studio de l’Ermitage depuis début octobre, a donné, ce dimanche 8 novembre, son troisième et avant-dernier concert. Après les thèmes « Le Bal », « Jazz et Accordéon », le musicien s’est tourné vers le jazz et les Caraïbes.

 

Un soir d’été indien. Quoi de mieux qu’une escale dans les Caraïbes ? Et mieux encore… Pourquoi ne pas aller voir du côté de Cuba ou de l’Argentine ? Des “Suds”, des jazz. Des standards aux épices douces comme la caresse d’un soleil indulgent. Des folklores sublimés. Pour la première partie, le Tropical Jazz Trio. Deux costumes noirs, ceux du pianiste Alain Jean-Marie et de Patrice Caratini. Ils sont accompagnés du percussionniste Roger Raspail ou la coolitude incarnée. Le natif de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe (et sacrément fier de l’être) porte un t-shirt vert foncé sur lequel trône un Obama triomphant, un pantalon ample et multicolore et arbore son fameux couvre-chef aux motifs ethniques qui ne le quitte décidément jamais. Tout sourire, le regard chaleureux, comme d’habitude… 20 heures et des poussières. Les premiers ricochets d’un échange avec le Señor Blues d’Horace Silver. Masterpiece pour maestros. Entre tambour ka et cymbale ride, Roger Raspail, spiritualise l’ensemble quand l’éclat du jeu d’Alain Jean-Marie sonne toujours comme une allégresse aux couleurs madras distillée par une brise marine.

 

Echappées belles hors de la fureur du temps

 

Quant à Patrice Caratini, il nous tient solidement face contre terre, mieux encore que le ka de Raspail. C’est franc et direct. Sans fioritures. Sans trop d’éloquence. Il semble perdu dans un halo de gravité. C’est là tout son talent. Cette justesse, cette franchise et cette prose sans barbarisme, que ce soit sur le Calypso de Kenny Barron, le Manteca de Dizzy Gillespie ou le Tou Sa Sé Pou Doudou signé Al Lirvat. Hard Bop ou Biguine Wabap. Congas, ka, djembé ou les trois en même temps. Et soudain, une échappée belle hors de la fureur du temps. Fleurette Africaine. Ça fredonne par-ci, ça ferme les yeux par-là. Pas maestros pour un sou nos trois instrumentistes… C’est évidemment grandiose. Et arrive Padjanbèl, composition d’Alain Jean-Marie qui désigne l’un des sept rythmes du gwo ka. Il n’y a pas à chercher l’authenticité. Nous écoutons l’idée d’un padjanbèl, l’imagination en trois temps autour d’un rythme qui symbolise la noblesse d’un ancien vié nèg, d’un rythme cher à feu Guy Konkèt, d’un rythme lewôzien. Les morceaux s’arrêtent net. Les morceaux passent l’un après l’autre. On en vient à oublier que la soirée va donner lieu à la découverte d’autres contrées musicales. Ce sera vertigineux, mais on l’ignore encore…

AJMPCRP

“Latinidad” un jour, “Latinidad” toujours

 

Entracte. Alain Jean-Marie a quitté la scène et réfléchit. Il réfléchit à l’idée d’un prochain album. “Je réfléchis”, souffle-t-il. Osera-t-il ? On l’espère. Roger Raspail rime avec accolades et embrassades en cascade, aux connus comme aux inconnus. Effusion typiquement capesterrienne peut-être ? Comme quand il joue des percussions ? Sacré Wojé Raspail ! Une seconde, un sourire. Il parle de ses prochains concerts aux Antilles avec Vincent Segal. De sympathiques ritournelles se font entendre tandis que Patrice Caratini s’apprête à faire son retour. Et quel retour ! Le voilà avec son Latinidad Quintet et ses compositions – ou « les compositions de moi », comme il s’amuse à le dire au micro. Le duo terrible de percussionnistes, Inor Sotolongo, le Cubain à la chevelure inoubliable et Sebastian Quezada, ce natif du Chili amoureux de musique cubaine, sont bien au rendez-vous. Tumba, congas ou encore quinto également donc. Leurs solos s’avèrent toujours aussi explosifs et saisissants. Le pianiste Manuel Rocheman a le feu aux doigts et le saxophoniste Rémi Sciuto campe un charmeur de serpents grâce à son souffle aussi passionné que passionnant. On a hâte. On se souvient que l’opus “Latinidad” avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble (2009/Le Chant du Monde) nous avait magnifiquement ébranlé.

 

 

Stupeur et tremblements de terre

 

Sous l’œil complice du chef d’orchestre, les musiciens s’éclatent avec souplesse et justesse. Cette justesse dont nous parlions déjà. Celle des compositions de Caratini. Celle d’une contrebasse dont les vibrations font danser les plaques tectoniques de l’hémisphère sud avec discipline. Father’s Mood. L’interprétation est magistrale. Le combo est en parfaite symbiose. Avec Le Crabe, le contrebassiste nous invite à imaginer un crabe “qui avance de travers”, autant que le morceau lui-même. Mouais… Nous, on trouve que le crabe marche bien droit tout de même, que ce soit en live ou sur l’album “Hard Scores” (1996/Label Bleu). Il se dandine un brin peut-être, et cela, avec ou sans bandonéon (c’est que ce titre existe aussi sur le disque “Imagines” sur lequel Patrice Caratini joue aux côtés des musiciens argentins que sont le pianiste Gustavo Beytelmann et le fameux bandonéiste Juan José Mosalini – 1986/Label Bleu). Avec la version de Fever signée Ray Barretto, le quintet cherche décidément à nous achever. C’est indéniable. Répétition du thème chargée en virtuosité… Mais le Latinidad Quintet ne fait pas monter la fièvre à la truelle. Il le fait avec classe. Et quand Rémi Schiuto reprend son sax et que Manuel Rocheman fait jeu d’une sensibilité cristalline, cette sublime fièvre n’est plus seulement sensuelle, elle devient carrément charnelle. Mais ne nous égarons pas hein ?

 

De la Martinique à la Pampa argentine

 

Après cette session “cubanisante” à souhait, on embarque à bord de La Pinta, l’une des caravelles de Christophe Colomb “par qui tout est arrivé”, rappelle Patrice Caratini.  C’est que La Pinta est un extrait de la suite Antillas composée en 2001, à Fort-de-France (Martinique) aux côtés d’Alain Jean-Marie. Pour le final, on quitte les Antilles pour un aller simple sans escales vers l’Argentine. Zamba y Malambo. Deux danses qui nous plongent dans la Pampa argentine. Là où les gauchos jouent les séducteurs invétérés (Zamba), mais surtout, galopent à toute allure sur de vastes étendues de plaines (Malambo). Afin que l’on s’imagine le bruit des sabots des chevaux, Sabastian Quezada saisit un énorme tambour et le porte en bandoulière. Il s’agit d’un bombo. Bienvenue dans les Andes ! Deux rappels et le Latinidad Quintet se résout à nous donner rendez-vous le dimanche 6 décembre pour le dernier concert de la résidence au Studio de l’Ermitage. Place au Jazz Ensemble pour un ciné-concert (“Body ans Soul”, film muet sur la société afro-américaine, en date de 1924 et signé Oscar Micheaux, pionnier du cinéma américain, sera diffusé) puis pour un bal. Après ce concert plus que divin, on se verrait mal ne pas répondre présent. Tiens, il est 23 heures passées et il ne fait toujours pas froid. C’est que notre soir d’été indien s’est mué en un soir d’été tout court…

 

Katia Touré |Le contrebassiste, en résidence d’automne au Studio de l’Ermitage depuis début octobre, a donné, ce dimanche 8 novembre, son troisième et avant-dernier concert. Après les thèmes « Le Bal », « Jazz et Accordéon », le musicien s’est tourné vers le jazz et les Caraïbes.

 

Un soir d’été indien. Quoi de mieux qu’une escale dans les Caraïbes ? Et mieux encore… Pourquoi ne pas aller voir du côté de Cuba ou de l’Argentine ? Des “Suds”, des jazz. Des standards aux épices douces comme la caresse d’un soleil indulgent. Des folklores sublimés. Pour la première partie, le Tropical Jazz Trio. Deux costumes noirs, ceux du pianiste Alain Jean-Marie et de Patrice Caratini. Ils sont accompagnés du percussionniste Roger Raspail ou la coolitude incarnée. Le natif de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe (et sacrément fier de l’être) porte un t-shirt vert foncé sur lequel trône un Obama triomphant, un pantalon ample et multicolore et arbore son fameux couvre-chef aux motifs ethniques qui ne le quitte décidément jamais. Tout sourire, le regard chaleureux, comme d’habitude… 20 heures et des poussières. Les premiers ricochets d’un échange avec le Señor Blues d’Horace Silver. Masterpiece pour maestros. Entre tambour ka et cymbale ride, Roger Raspail, spiritualise l’ensemble quand l’éclat du jeu d’Alain Jean-Marie sonne toujours comme une allégresse aux couleurs madras distillée par une brise marine.

 

Echappées belles hors de la fureur du temps

 

Quant à Patrice Caratini, il nous tient solidement face contre terre, mieux encore que le ka de Raspail. C’est franc et direct. Sans fioritures. Sans trop d’éloquence. Il semble perdu dans un halo de gravité. C’est là tout son talent. Cette justesse, cette franchise et cette prose sans barbarisme, que ce soit sur le Calypso de Kenny Barron, le Manteca de Dizzy Gillespie ou le Tou Sa Sé Pou Doudou signé Al Lirvat. Hard Bop ou Biguine Wabap. Congas, ka, djembé ou les trois en même temps. Et soudain, une échappée belle hors de la fureur du temps. Fleurette Africaine. Ça fredonne par-ci, ça ferme les yeux par-là. Pas maestros pour un sou nos trois instrumentistes… C’est évidemment grandiose. Et arrive Padjanbèl, composition d’Alain Jean-Marie qui désigne l’un des sept rythmes du gwo ka. Il n’y a pas à chercher l’authenticité. Nous écoutons l’idée d’un padjanbèl, l’imagination en trois temps autour d’un rythme qui symbolise la noblesse d’un ancien vié nèg, d’un rythme cher à feu Guy Konkèt, d’un rythme lewôzien. Les morceaux s’arrêtent net. Les morceaux passent l’un après l’autre. On en vient à oublier que la soirée va donner lieu à la découverte d’autres contrées musicales. Ce sera vertigineux, mais on l’ignore encore…

AJMPCRP

“Latinidad” un jour, “Latinidad” toujours

 

Entracte. Alain Jean-Marie a quitté la scène et réfléchit. Il réfléchit à l’idée d’un prochain album. “Je réfléchis”, souffle-t-il. Osera-t-il ? On l’espère. Roger Raspail rime avec accolades et embrassades en cascade, aux connus comme aux inconnus. Effusion typiquement capesterrienne peut-être ? Comme quand il joue des percussions ? Sacré Wojé Raspail ! Une seconde, un sourire. Il parle de ses prochains concerts aux Antilles avec Vincent Segal. De sympathiques ritournelles se font entendre tandis que Patrice Caratini s’apprête à faire son retour. Et quel retour ! Le voilà avec son Latinidad Quintet et ses compositions – ou « les compositions de moi », comme il s’amuse à le dire au micro. Le duo terrible de percussionnistes, Inor Sotolongo, le Cubain à la chevelure inoubliable et Sebastian Quezada, ce natif du Chili amoureux de musique cubaine, sont bien au rendez-vous. Tumba, congas ou encore quinto également donc. Leurs solos s’avèrent toujours aussi explosifs et saisissants. Le pianiste Manuel Rocheman a le feu aux doigts et le saxophoniste Rémi Sciuto campe un charmeur de serpents grâce à son souffle aussi passionné que passionnant. On a hâte. On se souvient que l’opus “Latinidad” avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble (2009/Le Chant du Monde) nous avait magnifiquement ébranlé.

 

 

Stupeur et tremblements de terre

 

Sous l’œil complice du chef d’orchestre, les musiciens s’éclatent avec souplesse et justesse. Cette justesse dont nous parlions déjà. Celle des compositions de Caratini. Celle d’une contrebasse dont les vibrations font danser les plaques tectoniques de l’hémisphère sud avec discipline. Father’s Mood. L’interprétation est magistrale. Le combo est en parfaite symbiose. Avec Le Crabe, le contrebassiste nous invite à imaginer un crabe “qui avance de travers”, autant que le morceau lui-même. Mouais… Nous, on trouve que le crabe marche bien droit tout de même, que ce soit en live ou sur l’album “Hard Scores” (1996/Label Bleu). Il se dandine un brin peut-être, et cela, avec ou sans bandonéon (c’est que ce titre existe aussi sur le disque “Imagines” sur lequel Patrice Caratini joue aux côtés des musiciens argentins que sont le pianiste Gustavo Beytelmann et le fameux bandonéiste Juan José Mosalini – 1986/Label Bleu). Avec la version de Fever signée Ray Barretto, le quintet cherche décidément à nous achever. C’est indéniable. Répétition du thème chargée en virtuosité… Mais le Latinidad Quintet ne fait pas monter la fièvre à la truelle. Il le fait avec classe. Et quand Rémi Schiuto reprend son sax et que Manuel Rocheman fait jeu d’une sensibilité cristalline, cette sublime fièvre n’est plus seulement sensuelle, elle devient carrément charnelle. Mais ne nous égarons pas hein ?

 

De la Martinique à la Pampa argentine

 

Après cette session “cubanisante” à souhait, on embarque à bord de La Pinta, l’une des caravelles de Christophe Colomb “par qui tout est arrivé”, rappelle Patrice Caratini.  C’est que La Pinta est un extrait de la suite Antillas composée en 2001, à Fort-de-France (Martinique) aux côtés d’Alain Jean-Marie. Pour le final, on quitte les Antilles pour un aller simple sans escales vers l’Argentine. Zamba y Malambo. Deux danses qui nous plongent dans la Pampa argentine. Là où les gauchos jouent les séducteurs invétérés (Zamba), mais surtout, galopent à toute allure sur de vastes étendues de plaines (Malambo). Afin que l’on s’imagine le bruit des sabots des chevaux, Sabastian Quezada saisit un énorme tambour et le porte en bandoulière. Il s’agit d’un bombo. Bienvenue dans les Andes ! Deux rappels et le Latinidad Quintet se résout à nous donner rendez-vous le dimanche 6 décembre pour le dernier concert de la résidence au Studio de l’Ermitage. Place au Jazz Ensemble pour un ciné-concert (“Body ans Soul”, film muet sur la société afro-américaine, en date de 1924 et signé Oscar Micheaux, pionnier du cinéma américain, sera diffusé) puis pour un bal. Après ce concert plus que divin, on se verrait mal ne pas répondre présent. Tiens, il est 23 heures passées et il ne fait toujours pas froid. C’est que notre soir d’été indien s’est mué en un soir d’été tout court…

 

Katia Touré |Le contrebassiste, en résidence d’automne au Studio de l’Ermitage depuis début octobre, a donné, ce dimanche 8 novembre, son troisième et avant-dernier concert. Après les thèmes « Le Bal », « Jazz et Accordéon », le musicien s’est tourné vers le jazz et les Caraïbes.

 

Un soir d’été indien. Quoi de mieux qu’une escale dans les Caraïbes ? Et mieux encore… Pourquoi ne pas aller voir du côté de Cuba ou de l’Argentine ? Des “Suds”, des jazz. Des standards aux épices douces comme la caresse d’un soleil indulgent. Des folklores sublimés. Pour la première partie, le Tropical Jazz Trio. Deux costumes noirs, ceux du pianiste Alain Jean-Marie et de Patrice Caratini. Ils sont accompagnés du percussionniste Roger Raspail ou la coolitude incarnée. Le natif de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe (et sacrément fier de l’être) porte un t-shirt vert foncé sur lequel trône un Obama triomphant, un pantalon ample et multicolore et arbore son fameux couvre-chef aux motifs ethniques qui ne le quitte décidément jamais. Tout sourire, le regard chaleureux, comme d’habitude… 20 heures et des poussières. Les premiers ricochets d’un échange avec le Señor Blues d’Horace Silver. Masterpiece pour maestros. Entre tambour ka et cymbale ride, Roger Raspail, spiritualise l’ensemble quand l’éclat du jeu d’Alain Jean-Marie sonne toujours comme une allégresse aux couleurs madras distillée par une brise marine.

 

Echappées belles hors de la fureur du temps

 

Quant à Patrice Caratini, il nous tient solidement face contre terre, mieux encore que le ka de Raspail. C’est franc et direct. Sans fioritures. Sans trop d’éloquence. Il semble perdu dans un halo de gravité. C’est là tout son talent. Cette justesse, cette franchise et cette prose sans barbarisme, que ce soit sur le Calypso de Kenny Barron, le Manteca de Dizzy Gillespie ou le Tou Sa Sé Pou Doudou signé Al Lirvat. Hard Bop ou Biguine Wabap. Congas, ka, djembé ou les trois en même temps. Et soudain, une échappée belle hors de la fureur du temps. Fleurette Africaine. Ça fredonne par-ci, ça ferme les yeux par-là. Pas maestros pour un sou nos trois instrumentistes… C’est évidemment grandiose. Et arrive Padjanbèl, composition d’Alain Jean-Marie qui désigne l’un des sept rythmes du gwo ka. Il n’y a pas à chercher l’authenticité. Nous écoutons l’idée d’un padjanbèl, l’imagination en trois temps autour d’un rythme qui symbolise la noblesse d’un ancien vié nèg, d’un rythme cher à feu Guy Konkèt, d’un rythme lewôzien. Les morceaux s’arrêtent net. Les morceaux passent l’un après l’autre. On en vient à oublier que la soirée va donner lieu à la découverte d’autres contrées musicales. Ce sera vertigineux, mais on l’ignore encore…

AJMPCRP

“Latinidad” un jour, “Latinidad” toujours

 

Entracte. Alain Jean-Marie a quitté la scène et réfléchit. Il réfléchit à l’idée d’un prochain album. “Je réfléchis”, souffle-t-il. Osera-t-il ? On l’espère. Roger Raspail rime avec accolades et embrassades en cascade, aux connus comme aux inconnus. Effusion typiquement capesterrienne peut-être ? Comme quand il joue des percussions ? Sacré Wojé Raspail ! Une seconde, un sourire. Il parle de ses prochains concerts aux Antilles avec Vincent Segal. De sympathiques ritournelles se font entendre tandis que Patrice Caratini s’apprête à faire son retour. Et quel retour ! Le voilà avec son Latinidad Quintet et ses compositions – ou « les compositions de moi », comme il s’amuse à le dire au micro. Le duo terrible de percussionnistes, Inor Sotolongo, le Cubain à la chevelure inoubliable et Sebastian Quezada, ce natif du Chili amoureux de musique cubaine, sont bien au rendez-vous. Tumba, congas ou encore quinto également donc. Leurs solos s’avèrent toujours aussi explosifs et saisissants. Le pianiste Manuel Rocheman a le feu aux doigts et le saxophoniste Rémi Sciuto campe un charmeur de serpents grâce à son souffle aussi passionné que passionnant. On a hâte. On se souvient que l’opus “Latinidad” avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble (2009/Le Chant du Monde) nous avait magnifiquement ébranlé.

 

 

Stupeur et tremblements de terre

 

Sous l’œil complice du chef d’orchestre, les musiciens s’éclatent avec souplesse et justesse. Cette justesse dont nous parlions déjà. Celle des compositions de Caratini. Celle d’une contrebasse dont les vibrations font danser les plaques tectoniques de l’hémisphère sud avec discipline. Father’s Mood. L’interprétation est magistrale. Le combo est en parfaite symbiose. Avec Le Crabe, le contrebassiste nous invite à imaginer un crabe “qui avance de travers”, autant que le morceau lui-même. Mouais… Nous, on trouve que le crabe marche bien droit tout de même, que ce soit en live ou sur l’album “Hard Scores” (1996/Label Bleu). Il se dandine un brin peut-être, et cela, avec ou sans bandonéon (c’est que ce titre existe aussi sur le disque “Imagines” sur lequel Patrice Caratini joue aux côtés des musiciens argentins que sont le pianiste Gustavo Beytelmann et le fameux bandonéiste Juan José Mosalini – 1986/Label Bleu). Avec la version de Fever signée Ray Barretto, le quintet cherche décidément à nous achever. C’est indéniable. Répétition du thème chargée en virtuosité… Mais le Latinidad Quintet ne fait pas monter la fièvre à la truelle. Il le fait avec classe. Et quand Rémi Schiuto reprend son sax et que Manuel Rocheman fait jeu d’une sensibilité cristalline, cette sublime fièvre n’est plus seulement sensuelle, elle devient carrément charnelle. Mais ne nous égarons pas hein ?

 

De la Martinique à la Pampa argentine

 

Après cette session “cubanisante” à souhait, on embarque à bord de La Pinta, l’une des caravelles de Christophe Colomb “par qui tout est arrivé”, rappelle Patrice Caratini.  C’est que La Pinta est un extrait de la suite Antillas composée en 2001, à Fort-de-France (Martinique) aux côtés d’Alain Jean-Marie. Pour le final, on quitte les Antilles pour un aller simple sans escales vers l’Argentine. Zamba y Malambo. Deux danses qui nous plongent dans la Pampa argentine. Là où les gauchos jouent les séducteurs invétérés (Zamba), mais surtout, galopent à toute allure sur de vastes étendues de plaines (Malambo). Afin que l’on s’imagine le bruit des sabots des chevaux, Sabastian Quezada saisit un énorme tambour et le porte en bandoulière. Il s’agit d’un bombo. Bienvenue dans les Andes ! Deux rappels et le Latinidad Quintet se résout à nous donner rendez-vous le dimanche 6 décembre pour le dernier concert de la résidence au Studio de l’Ermitage. Place au Jazz Ensemble pour un ciné-concert (“Body ans Soul”, film muet sur la société afro-américaine, en date de 1924 et signé Oscar Micheaux, pionnier du cinéma américain, sera diffusé) puis pour un bal. Après ce concert plus que divin, on se verrait mal ne pas répondre présent. Tiens, il est 23 heures passées et il ne fait toujours pas froid. C’est que notre soir d’été indien s’est mué en un soir d’été tout court…

 

Katia Touré |Le contrebassiste, en résidence d’automne au Studio de l’Ermitage depuis début octobre, a donné, ce dimanche 8 novembre, son troisième et avant-dernier concert. Après les thèmes « Le Bal », « Jazz et Accordéon », le musicien s’est tourné vers le jazz et les Caraïbes.

 

Un soir d’été indien. Quoi de mieux qu’une escale dans les Caraïbes ? Et mieux encore… Pourquoi ne pas aller voir du côté de Cuba ou de l’Argentine ? Des “Suds”, des jazz. Des standards aux épices douces comme la caresse d’un soleil indulgent. Des folklores sublimés. Pour la première partie, le Tropical Jazz Trio. Deux costumes noirs, ceux du pianiste Alain Jean-Marie et de Patrice Caratini. Ils sont accompagnés du percussionniste Roger Raspail ou la coolitude incarnée. Le natif de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe (et sacrément fier de l’être) porte un t-shirt vert foncé sur lequel trône un Obama triomphant, un pantalon ample et multicolore et arbore son fameux couvre-chef aux motifs ethniques qui ne le quitte décidément jamais. Tout sourire, le regard chaleureux, comme d’habitude… 20 heures et des poussières. Les premiers ricochets d’un échange avec le Señor Blues d’Horace Silver. Masterpiece pour maestros. Entre tambour ka et cymbale ride, Roger Raspail, spiritualise l’ensemble quand l’éclat du jeu d’Alain Jean-Marie sonne toujours comme une allégresse aux couleurs madras distillée par une brise marine.

 

Echappées belles hors de la fureur du temps

 

Quant à Patrice Caratini, il nous tient solidement face contre terre, mieux encore que le ka de Raspail. C’est franc et direct. Sans fioritures. Sans trop d’éloquence. Il semble perdu dans un halo de gravité. C’est là tout son talent. Cette justesse, cette franchise et cette prose sans barbarisme, que ce soit sur le Calypso de Kenny Barron, le Manteca de Dizzy Gillespie ou le Tou Sa Sé Pou Doudou signé Al Lirvat. Hard Bop ou Biguine Wabap. Congas, ka, djembé ou les trois en même temps. Et soudain, une échappée belle hors de la fureur du temps. Fleurette Africaine. Ça fredonne par-ci, ça ferme les yeux par-là. Pas maestros pour un sou nos trois instrumentistes… C’est évidemment grandiose. Et arrive Padjanbèl, composition d’Alain Jean-Marie qui désigne l’un des sept rythmes du gwo ka. Il n’y a pas à chercher l’authenticité. Nous écoutons l’idée d’un padjanbèl, l’imagination en trois temps autour d’un rythme qui symbolise la noblesse d’un ancien vié nèg, d’un rythme cher à feu Guy Konkèt, d’un rythme lewôzien. Les morceaux s’arrêtent net. Les morceaux passent l’un après l’autre. On en vient à oublier que la soirée va donner lieu à la découverte d’autres contrées musicales. Ce sera vertigineux, mais on l’ignore encore…

AJMPCRP

“Latinidad” un jour, “Latinidad” toujours

 

Entracte. Alain Jean-Marie a quitté la scène et réfléchit. Il réfléchit à l’idée d’un prochain album. “Je réfléchis”, souffle-t-il. Osera-t-il ? On l’espère. Roger Raspail rime avec accolades et embrassades en cascade, aux connus comme aux inconnus. Effusion typiquement capesterrienne peut-être ? Comme quand il joue des percussions ? Sacré Wojé Raspail ! Une seconde, un sourire. Il parle de ses prochains concerts aux Antilles avec Vincent Segal. De sympathiques ritournelles se font entendre tandis que Patrice Caratini s’apprête à faire son retour. Et quel retour ! Le voilà avec son Latinidad Quintet et ses compositions – ou « les compositions de moi », comme il s’amuse à le dire au micro. Le duo terrible de percussionnistes, Inor Sotolongo, le Cubain à la chevelure inoubliable et Sebastian Quezada, ce natif du Chili amoureux de musique cubaine, sont bien au rendez-vous. Tumba, congas ou encore quinto également donc. Leurs solos s’avèrent toujours aussi explosifs et saisissants. Le pianiste Manuel Rocheman a le feu aux doigts et le saxophoniste Rémi Sciuto campe un charmeur de serpents grâce à son souffle aussi passionné que passionnant. On a hâte. On se souvient que l’opus “Latinidad” avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble (2009/Le Chant du Monde) nous avait magnifiquement ébranlé.

 

 

Stupeur et tremblements de terre

 

Sous l’œil complice du chef d’orchestre, les musiciens s’éclatent avec souplesse et justesse. Cette justesse dont nous parlions déjà. Celle des compositions de Caratini. Celle d’une contrebasse dont les vibrations font danser les plaques tectoniques de l’hémisphère sud avec discipline. Father’s Mood. L’interprétation est magistrale. Le combo est en parfaite symbiose. Avec Le Crabe, le contrebassiste nous invite à imaginer un crabe “qui avance de travers”, autant que le morceau lui-même. Mouais… Nous, on trouve que le crabe marche bien droit tout de même, que ce soit en live ou sur l’album “Hard Scores” (1996/Label Bleu). Il se dandine un brin peut-être, et cela, avec ou sans bandonéon (c’est que ce titre existe aussi sur le disque “Imagines” sur lequel Patrice Caratini joue aux côtés des musiciens argentins que sont le pianiste Gustavo Beytelmann et le fameux bandonéiste Juan José Mosalini – 1986/Label Bleu). Avec la version de Fever signée Ray Barretto, le quintet cherche décidément à nous achever. C’est indéniable. Répétition du thème chargée en virtuosité… Mais le Latinidad Quintet ne fait pas monter la fièvre à la truelle. Il le fait avec classe. Et quand Rémi Schiuto reprend son sax et que Manuel Rocheman fait jeu d’une sensibilité cristalline, cette sublime fièvre n’est plus seulement sensuelle, elle devient carrément charnelle. Mais ne nous égarons pas hein ?

 

De la Martinique à la Pampa argentine

 

Après cette session “cubanisante” à souhait, on embarque à bord de La Pinta, l’une des caravelles de Christophe Colomb “par qui tout est arrivé”, rappelle Patrice Caratini.  C’est que La Pinta est un extrait de la suite Antillas composée en 2001, à Fort-de-France (Martinique) aux côtés d’Alain Jean-Marie. Pour le final, on quitte les Antilles pour un aller simple sans escales vers l’Argentine. Zamba y Malambo. Deux danses qui nous plongent dans la Pampa argentine. Là où les gauchos jouent les séducteurs invétérés (Zamba), mais surtout, galopent à toute allure sur de vastes étendues de plaines (Malambo). Afin que l’on s’imagine le bruit des sabots des chevaux, Sabastian Quezada saisit un énorme tambour et le porte en bandoulière. Il s’agit d’un bombo. Bienvenue dans les Andes ! Deux rappels et le Latinidad Quintet se résout à nous donner rendez-vous le dimanche 6 décembre pour le dernier concert de la résidence au Studio de l’Ermitage. Place au Jazz Ensemble pour un ciné-concert (“Body ans Soul”, film muet sur la société afro-américaine, en date de 1924 et signé Oscar Micheaux, pionnier du cinéma américain, sera diffusé) puis pour un bal. Après ce concert plus que divin, on se verrait mal ne pas répondre présent. Tiens, il est 23 heures passées et il ne fait toujours pas froid. C’est que notre soir d’été indien s’est mué en un soir d’été tout court…

 

Katia Touré