Jazz live
Publié le 2 Juil 2012

Respire Jazz Festival 3ème soirée

Fred Borey Quartet avec la pianiste Camélia Ben Naceur, le duo de la chanteuse Susanne Abbuehl et du pianiste Stephan Oliva, le spectacle La Escucha Interior de la danseuse Karine Gonzalez  et du pianiste Julien Lallier ont brillamment clôturé le Respire jazz Festival.

 

Respire Jazz, Aignes-et-Puypéroux (16), le 1er juillet.

Fred Borey (sax ténor, saxello), Camélia Ben Naceur (piano), Forent Nisse (contrebasse), Stefano Lucchini (batterie).

 

Susanne Abbuehl (chant, kalimba), Stéphan Oliva (p).

 

La Escoucha Interior : Karine Gonzalez (danse), Julien Lallier (piano), Joce Mienniel (flûtes, guimbarde), Joan Eche-Puig (b), Antony Gatta (percussions).


Fred Borey Quartet. Nous l’avions entendu l’an passé à même époque au festival de Calvi avec le fidèle Stefano Lucchini, mais un autre pianiste et une autre contrebassiste. Cette fois, si l’on retrouve avec un grand plaisir la musique de Fred Borey – un univers avec des compositions qui tiennent en haleine par leur détours formels, leurs contours mélodiques et les climats qui en résultent toujours renouvelés d’une pièce à l’autre –, c’est surtout aux deux “nouveaux venus” que nous avons prêté attention. Florent Nisse d’abord qui succédant à Nolwenn Leizour révèle une relative continuité dans les choix du leader, avec une virtuosité tout à la fois robuste et déliée allant de pair avec un son à l’ancienne, qui fait entendre la corde (le boyau fileté), la touche (réglage des cordes assez haut sur la touche) et l’âme de la contrebasse (une amplifiction exigeante). C’est véloce et puissant au profit d’un jeu très actif dans l’obligato comme dans les parties libres et d’un soutien solide. Camélia qui s’est vue confier un Fender Rhodes sur la scène hors enceinte pour ce concert gratuit de début de soirée, fait jouer tout l’héritage hancockien (et, pensant parfois à George Duke, on ne s’étonne pas que Billy Cobham l’ait choisie pour ses tournées européennes). Chez elle, le qualificatif de “funky” n’est décidemment pas un vain mot. Dans tous les tempos, tout  concourt à pimenter son jeu de la plus excitante manière : la gouaille des accents bluesy, le bonheur du jeu rythmique avec l’orchestre, jusque dans les solos où elle fait danser les formules dont son clavier ruisselle de tourbillon en tourbillon, la juste sobriété qu’il faut pour faire sonner un Rhodes de façon limpide tout en tirant de lui cet espèce de grommellement résultant de la dispute ponctuelle des deux mains et enfin des couleurs harmoniques qui nous rendent impatient de l’entendre sur un vrai piano. L’activité de Stefano Lucchini s’en trouve stimulé, la belle sonorité héritière de Joe Henderson et les angles de phrases de Fred Borey y puise le meilleur.


Susanne Abbehl / Stéphan Oliva. Si l’affluence un peu décevante de la veille faisait craindre le pire pour cette soirée de finale Espagne-Italie, l’affluence m’y sembla légèrement supérieure, malgré un froid digne du mois d’avril. Beau public que celui du Respire Jazz Festival, venu rechercher quelque chose du charme irrésistible de Youn Sun Nah qui fit un triomphe l’an passé, mais suffisamment disponible pour adhérer à l’art plus austère de Susanne Abbuehl et Stéphan Oliva, les quelques déçus exprimant leur déception avec la finesse d’esprit d’un public éclairé. Ni virtuosité, ni exotisme, une tessiture pas très étendue et  plus grave (dans tous les sens du terme) que ne le laisserait supposer l’extrême finesse du visage, ni scat ni emprunt “world” ni acrobatie vocale, mais un art du song centré sur le rapport texte-mélodie qui fait de Susanne Abbuehl tant une diseusse qu’une chanteuse bien que le timbre, le phrasé et l’intonation soient d’une  grande musicalité sur des musiques qui ne font pas de cadeau. Énumérer son programme, c’est presque déjà rendre compte de sa prestation : Ida Lupino de Carla Bley, une adaptation d’un texte tiré de Finnegan’s Wake de James Joyce, une mise en parole d’une composition de Stéphan Oliva, The Cloud de sa plume qu’elle accompagne d’un “piano à pouces” (« comme Youn Sun Nah l’an dernier », murmura-t-on dans l’assistance), Lonely Woman d’Ornette Coleman, trois standards (Come Rain or Come Shine, You Won’t Forget Me, What a Wonderful World) et, en rappel, une reprise d’un thème du quartette américain de Jarrett sur lequel je ne parviens à remettre un titre.  Le partenariat anguleux de Stéphan Oliva en évoque évidemment un autre, celui qui unissait Jeanne Lee et Ran Blake, et porte en outre l’empreinte de Paul Bley qui va si bien à ce programme. Pour moi, et quelques autres qui partagèrent mes impressions à l’entracte, il aura servi de révélateur à ceux qui restèrent sur leur faim à l’écoute des disques ECM de la chanteuse.


La Escucha Interior. Si le public sortit quelque peu frigorifié au sortir d’un concert qui appelait le recueillement, la seconde partie allait le réchauffer à l’écoute de La Escucha Interior et même les plus réticents que j’ai pu rencontrés à l’entracte à l’idée de voir un spectacle de danse ou/et de flamenco, se laissèrent choper par le travail de composition du pianiste Julien Lallier sur le matériau rythmique du flamenco concrétisé dans les formules frappées des mains (palmas), battues sur ses percussions par Antony Gatta en tandem avec le contrebassiste Joan Eche-Puig et déclinées sous les pas claqués et la chorégraphie millimétrée de la danseuse Karine Gonzalez. Joce Mienniel, qui contribua aux palmas et donna de la guimbarde, n’était pas un inconnu en ces terres de Sud Charente puisqu’il avait donné la réplique l’an passé à la chanteuse Chloé Cailleton dans un programme brésilien qui laissa forte impression et semble avoir été le pendant festif de cette Escoucha Interior. Et réentendre les flûtes de Mienniel, c’est toujours ça de gagné sur les misères de l’existence.

 

Fin de soirée à la buvette. À peine les derniers applaudissements éteints, le bien nommé Noctambule Band invitait comme les soirs précédents le public et les musiciens à le rejoindre et le relayer pour la jam nocturne autour de la buvette. Et malgré le froid qui eut raison de moi aux alentours de 2h du matin après maints verres et propos échangés au bar, où la victoire de l’Espagne sur l’Italie fut le dernier de nos soucis, on bœufa jusqu’à l’aube.

Franck Bergerot

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Fred Borey Quartet avec la pianiste Camélia Ben Naceur, le duo de la chanteuse Susanne Abbuehl et du pianiste Stephan Oliva, le spectacle La Escucha Interior de la danseuse Karine Gonzalez  et du pianiste Julien Lallier ont brillamment clôturé le Respire jazz Festival.

 

Respire Jazz, Aignes-et-Puypéroux (16), le 1er juillet.

Fred Borey (sax ténor, saxello), Camélia Ben Naceur (piano), Forent Nisse (contrebasse), Stefano Lucchini (batterie).

 

Susanne Abbuehl (chant, kalimba), Stéphan Oliva (p).

 

La Escoucha Interior : Karine Gonzalez (danse), Julien Lallier (piano), Joce Mienniel (flûtes, guimbarde), Joan Eche-Puig (b), Antony Gatta (percussions).


Fred Borey Quartet. Nous l’avions entendu l’an passé à même époque au festival de Calvi avec le fidèle Stefano Lucchini, mais un autre pianiste et une autre contrebassiste. Cette fois, si l’on retrouve avec un grand plaisir la musique de Fred Borey – un univers avec des compositions qui tiennent en haleine par leur détours formels, leurs contours mélodiques et les climats qui en résultent toujours renouvelés d’une pièce à l’autre –, c’est surtout aux deux “nouveaux venus” que nous avons prêté attention. Florent Nisse d’abord qui succédant à Nolwenn Leizour révèle une relative continuité dans les choix du leader, avec une virtuosité tout à la fois robuste et déliée allant de pair avec un son à l’ancienne, qui fait entendre la corde (le boyau fileté), la touche (réglage des cordes assez haut sur la touche) et l’âme de la contrebasse (une amplifiction exigeante). C’est véloce et puissant au profit d’un jeu très actif dans l’obligato comme dans les parties libres et d’un soutien solide. Camélia qui s’est vue confier un Fender Rhodes sur la scène hors enceinte pour ce concert gratuit de début de soirée, fait jouer tout l’héritage hancockien (et, pensant parfois à George Duke, on ne s’étonne pas que Billy Cobham l’ait choisie pour ses tournées européennes). Chez elle, le qualificatif de “funky” n’est décidemment pas un vain mot. Dans tous les tempos, tout  concourt à pimenter son jeu de la plus excitante manière : la gouaille des accents bluesy, le bonheur du jeu rythmique avec l’orchestre, jusque dans les solos où elle fait danser les formules dont son clavier ruisselle de tourbillon en tourbillon, la juste sobriété qu’il faut pour faire sonner un Rhodes de façon limpide tout en tirant de lui cet espèce de grommellement résultant de la dispute ponctuelle des deux mains et enfin des couleurs harmoniques qui nous rendent impatient de l’entendre sur un vrai piano. L’activité de Stefano Lucchini s’en trouve stimulé, la belle sonorité héritière de Joe Henderson et les angles de phrases de Fred Borey y puise le meilleur.


Susanne Abbehl / Stéphan Oliva. Si l’affluence un peu décevante de la veille faisait craindre le pire pour cette soirée de finale Espagne-Italie, l’affluence m’y sembla légèrement supérieure, malgré un froid digne du mois d’avril. Beau public que celui du Respire Jazz Festival, venu rechercher quelque chose du charme irrésistible de Youn Sun Nah qui fit un triomphe l’an passé, mais suffisamment disponible pour adhérer à l’art plus austère de Susanne Abbuehl et Stéphan Oliva, les quelques déçus exprimant leur déception avec la finesse d’esprit d’un public éclairé. Ni virtuosité, ni exotisme, une tessiture pas très étendue et  plus grave (dans tous les sens du terme) que ne le laisserait supposer l’extrême finesse du visage, ni scat ni emprunt “world” ni acrobatie vocale, mais un art du song centré sur le rapport texte-mélodie qui fait de Susanne Abbuehl tant une diseusse qu’une chanteuse bien que le timbre, le phrasé et l’intonation soient d’une  grande musicalité sur des musiques qui ne font pas de cadeau. Énumérer son programme, c’est presque déjà rendre compte de sa prestation : Ida Lupino de Carla Bley, une adaptation d’un texte tiré de Finnegan’s Wake de James Joyce, une mise en parole d’une composition de Stéphan Oliva, The Cloud de sa plume qu’elle accompagne d’un “piano à pouces” (« comme Youn Sun Nah l’an dernier », murmura-t-on dans l’assistance), Lonely Woman d’Ornette Coleman, trois standards (Come Rain or Come Shine, You Won’t Forget Me, What a Wonderful World) et, en rappel, une reprise d’un thème du quartette américain de Jarrett sur lequel je ne parviens à remettre un titre.  Le partenariat anguleux de Stéphan Oliva en évoque évidemment un autre, celui qui unissait Jeanne Lee et Ran Blake, et porte en outre l’empreinte de Paul Bley qui va si bien à ce programme. Pour moi, et quelques autres qui partagèrent mes impressions à l’entracte, il aura servi de révélateur à ceux qui restèrent sur leur faim à l’écoute des disques ECM de la chanteuse.


La Escucha Interior. Si le public sortit quelque peu frigorifié au sortir d’un concert qui appelait le recueillement, la seconde partie allait le réchauffer à l’écoute de La Escucha Interior et même les plus réticents que j’ai pu rencontrés à l’entracte à l’idée de voir un spectacle de danse ou/et de flamenco, se laissèrent choper par le travail de composition du pianiste Julien Lallier sur le matériau rythmique du flamenco concrétisé dans les formules frappées des mains (palmas), battues sur ses percussions par Antony Gatta en tandem avec le contrebassiste Joan Eche-Puig et déclinées sous les pas claqués et la chorégraphie millimétrée de la danseuse Karine Gonzalez. Joce Mienniel, qui contribua aux palmas et donna de la guimbarde, n’était pas un inconnu en ces terres de Sud Charente puisqu’il avait donné la réplique l’an passé à la chanteuse Chloé Cailleton dans un programme brésilien qui laissa forte impression et semble avoir été le pendant festif de cette Escoucha Interior. Et réentendre les flûtes de Mienniel, c’est toujours ça de gagné sur les misères de l’existence.

 

Fin de soirée à la buvette. À peine les derniers applaudissements éteints, le bien nommé Noctambule Band invitait comme les soirs précédents le public et les musiciens à le rejoindre et le relayer pour la jam nocturne autour de la buvette. Et malgré le froid qui eut raison de moi aux alentours de 2h du matin après maints verres et propos échangés au bar, où la victoire de l’Espagne sur l’Italie fut le dernier de nos soucis, on bœufa jusqu’à l’aube.

Franck Bergerot

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Fred Borey Quartet avec la pianiste Camélia Ben Naceur, le duo de la chanteuse Susanne Abbuehl et du pianiste Stephan Oliva, le spectacle La Escucha Interior de la danseuse Karine Gonzalez  et du pianiste Julien Lallier ont brillamment clôturé le Respire jazz Festival.

 

Respire Jazz, Aignes-et-Puypéroux (16), le 1er juillet.

Fred Borey (sax ténor, saxello), Camélia Ben Naceur (piano), Forent Nisse (contrebasse), Stefano Lucchini (batterie).

 

Susanne Abbuehl (chant, kalimba), Stéphan Oliva (p).

 

La Escoucha Interior : Karine Gonzalez (danse), Julien Lallier (piano), Joce Mienniel (flûtes, guimbarde), Joan Eche-Puig (b), Antony Gatta (percussions).


Fred Borey Quartet. Nous l’avions entendu l’an passé à même époque au festival de Calvi avec le fidèle Stefano Lucchini, mais un autre pianiste et une autre contrebassiste. Cette fois, si l’on retrouve avec un grand plaisir la musique de Fred Borey – un univers avec des compositions qui tiennent en haleine par leur détours formels, leurs contours mélodiques et les climats qui en résultent toujours renouvelés d’une pièce à l’autre –, c’est surtout aux deux “nouveaux venus” que nous avons prêté attention. Florent Nisse d’abord qui succédant à Nolwenn Leizour révèle une relative continuité dans les choix du leader, avec une virtuosité tout à la fois robuste et déliée allant de pair avec un son à l’ancienne, qui fait entendre la corde (le boyau fileté), la touche (réglage des cordes assez haut sur la touche) et l’âme de la contrebasse (une amplifiction exigeante). C’est véloce et puissant au profit d’un jeu très actif dans l’obligato comme dans les parties libres et d’un soutien solide. Camélia qui s’est vue confier un Fender Rhodes sur la scène hors enceinte pour ce concert gratuit de début de soirée, fait jouer tout l’héritage hancockien (et, pensant parfois à George Duke, on ne s’étonne pas que Billy Cobham l’ait choisie pour ses tournées européennes). Chez elle, le qualificatif de “funky” n’est décidemment pas un vain mot. Dans tous les tempos, tout  concourt à pimenter son jeu de la plus excitante manière : la gouaille des accents bluesy, le bonheur du jeu rythmique avec l’orchestre, jusque dans les solos où elle fait danser les formules dont son clavier ruisselle de tourbillon en tourbillon, la juste sobriété qu’il faut pour faire sonner un Rhodes de façon limpide tout en tirant de lui cet espèce de grommellement résultant de la dispute ponctuelle des deux mains et enfin des couleurs harmoniques qui nous rendent impatient de l’entendre sur un vrai piano. L’activité de Stefano Lucchini s’en trouve stimulé, la belle sonorité héritière de Joe Henderson et les angles de phrases de Fred Borey y puise le meilleur.


Susanne Abbehl / Stéphan Oliva. Si l’affluence un peu décevante de la veille faisait craindre le pire pour cette soirée de finale Espagne-Italie, l’affluence m’y sembla légèrement supérieure, malgré un froid digne du mois d’avril. Beau public que celui du Respire Jazz Festival, venu rechercher quelque chose du charme irrésistible de Youn Sun Nah qui fit un triomphe l’an passé, mais suffisamment disponible pour adhérer à l’art plus austère de Susanne Abbuehl et Stéphan Oliva, les quelques déçus exprimant leur déception avec la finesse d’esprit d’un public éclairé. Ni virtuosité, ni exotisme, une tessiture pas très étendue et  plus grave (dans tous les sens du terme) que ne le laisserait supposer l’extrême finesse du visage, ni scat ni emprunt “world” ni acrobatie vocale, mais un art du song centré sur le rapport texte-mélodie qui fait de Susanne Abbuehl tant une diseusse qu’une chanteuse bien que le timbre, le phrasé et l’intonation soient d’une  grande musicalité sur des musiques qui ne font pas de cadeau. Énumérer son programme, c’est presque déjà rendre compte de sa prestation : Ida Lupino de Carla Bley, une adaptation d’un texte tiré de Finnegan’s Wake de James Joyce, une mise en parole d’une composition de Stéphan Oliva, The Cloud de sa plume qu’elle accompagne d’un “piano à pouces” (« comme Youn Sun Nah l’an dernier », murmura-t-on dans l’assistance), Lonely Woman d’Ornette Coleman, trois standards (Come Rain or Come Shine, You Won’t Forget Me, What a Wonderful World) et, en rappel, une reprise d’un thème du quartette américain de Jarrett sur lequel je ne parviens à remettre un titre.  Le partenariat anguleux de Stéphan Oliva en évoque évidemment un autre, celui qui unissait Jeanne Lee et Ran Blake, et porte en outre l’empreinte de Paul Bley qui va si bien à ce programme. Pour moi, et quelques autres qui partagèrent mes impressions à l’entracte, il aura servi de révélateur à ceux qui restèrent sur leur faim à l’écoute des disques ECM de la chanteuse.


La Escucha Interior. Si le public sortit quelque peu frigorifié au sortir d’un concert qui appelait le recueillement, la seconde partie allait le réchauffer à l’écoute de La Escucha Interior et même les plus réticents que j’ai pu rencontrés à l’entracte à l’idée de voir un spectacle de danse ou/et de flamenco, se laissèrent choper par le travail de composition du pianiste Julien Lallier sur le matériau rythmique du flamenco concrétisé dans les formules frappées des mains (palmas), battues sur ses percussions par Antony Gatta en tandem avec le contrebassiste Joan Eche-Puig et déclinées sous les pas claqués et la chorégraphie millimétrée de la danseuse Karine Gonzalez. Joce Mienniel, qui contribua aux palmas et donna de la guimbarde, n’était pas un inconnu en ces terres de Sud Charente puisqu’il avait donné la réplique l’an passé à la chanteuse Chloé Cailleton dans un programme brésilien qui laissa forte impression et semble avoir été le pendant festif de cette Escoucha Interior. Et réentendre les flûtes de Mienniel, c’est toujours ça de gagné sur les misères de l’existence.

 

Fin de soirée à la buvette. À peine les derniers applaudissements éteints, le bien nommé Noctambule Band invitait comme les soirs précédents le public et les musiciens à le rejoindre et le relayer pour la jam nocturne autour de la buvette. Et malgré le froid qui eut raison de moi aux alentours de 2h du matin après maints verres et propos échangés au bar, où la victoire de l’Espagne sur l’Italie fut le dernier de nos soucis, on bœufa jusqu’à l’aube.

Franck Bergerot

|

Fred Borey Quartet avec la pianiste Camélia Ben Naceur, le duo de la chanteuse Susanne Abbuehl et du pianiste Stephan Oliva, le spectacle La Escucha Interior de la danseuse Karine Gonzalez  et du pianiste Julien Lallier ont brillamment clôturé le Respire jazz Festival.

 

Respire Jazz, Aignes-et-Puypéroux (16), le 1er juillet.

Fred Borey (sax ténor, saxello), Camélia Ben Naceur (piano), Forent Nisse (contrebasse), Stefano Lucchini (batterie).

 

Susanne Abbuehl (chant, kalimba), Stéphan Oliva (p).

 

La Escoucha Interior : Karine Gonzalez (danse), Julien Lallier (piano), Joce Mienniel (flûtes, guimbarde), Joan Eche-Puig (b), Antony Gatta (percussions).


Fred Borey Quartet. Nous l’avions entendu l’an passé à même époque au festival de Calvi avec le fidèle Stefano Lucchini, mais un autre pianiste et une autre contrebassiste. Cette fois, si l’on retrouve avec un grand plaisir la musique de Fred Borey – un univers avec des compositions qui tiennent en haleine par leur détours formels, leurs contours mélodiques et les climats qui en résultent toujours renouvelés d’une pièce à l’autre –, c’est surtout aux deux “nouveaux venus” que nous avons prêté attention. Florent Nisse d’abord qui succédant à Nolwenn Leizour révèle une relative continuité dans les choix du leader, avec une virtuosité tout à la fois robuste et déliée allant de pair avec un son à l’ancienne, qui fait entendre la corde (le boyau fileté), la touche (réglage des cordes assez haut sur la touche) et l’âme de la contrebasse (une amplifiction exigeante). C’est véloce et puissant au profit d’un jeu très actif dans l’obligato comme dans les parties libres et d’un soutien solide. Camélia qui s’est vue confier un Fender Rhodes sur la scène hors enceinte pour ce concert gratuit de début de soirée, fait jouer tout l’héritage hancockien (et, pensant parfois à George Duke, on ne s’étonne pas que Billy Cobham l’ait choisie pour ses tournées européennes). Chez elle, le qualificatif de “funky” n’est décidemment pas un vain mot. Dans tous les tempos, tout  concourt à pimenter son jeu de la plus excitante manière : la gouaille des accents bluesy, le bonheur du jeu rythmique avec l’orchestre, jusque dans les solos où elle fait danser les formules dont son clavier ruisselle de tourbillon en tourbillon, la juste sobriété qu’il faut pour faire sonner un Rhodes de façon limpide tout en tirant de lui cet espèce de grommellement résultant de la dispute ponctuelle des deux mains et enfin des couleurs harmoniques qui nous rendent impatient de l’entendre sur un vrai piano. L’activité de Stefano Lucchini s’en trouve stimulé, la belle sonorité héritière de Joe Henderson et les angles de phrases de Fred Borey y puise le meilleur.


Susanne Abbehl / Stéphan Oliva. Si l’affluence un peu décevante de la veille faisait craindre le pire pour cette soirée de finale Espagne-Italie, l’affluence m’y sembla légèrement supérieure, malgré un froid digne du mois d’avril. Beau public que celui du Respire Jazz Festival, venu rechercher quelque chose du charme irrésistible de Youn Sun Nah qui fit un triomphe l’an passé, mais suffisamment disponible pour adhérer à l’art plus austère de Susanne Abbuehl et Stéphan Oliva, les quelques déçus exprimant leur déception avec la finesse d’esprit d’un public éclairé. Ni virtuosité, ni exotisme, une tessiture pas très étendue et  plus grave (dans tous les sens du terme) que ne le laisserait supposer l’extrême finesse du visage, ni scat ni emprunt “world” ni acrobatie vocale, mais un art du song centré sur le rapport texte-mélodie qui fait de Susanne Abbuehl tant une diseusse qu’une chanteuse bien que le timbre, le phrasé et l’intonation soient d’une  grande musicalité sur des musiques qui ne font pas de cadeau. Énumérer son programme, c’est presque déjà rendre compte de sa prestation : Ida Lupino de Carla Bley, une adaptation d’un texte tiré de Finnegan’s Wake de James Joyce, une mise en parole d’une composition de Stéphan Oliva, The Cloud de sa plume qu’elle accompagne d’un “piano à pouces” (« comme Youn Sun Nah l’an dernier », murmura-t-on dans l’assistance), Lonely Woman d’Ornette Coleman, trois standards (Come Rain or Come Shine, You Won’t Forget Me, What a Wonderful World) et, en rappel, une reprise d’un thème du quartette américain de Jarrett sur lequel je ne parviens à remettre un titre.  Le partenariat anguleux de Stéphan Oliva en évoque évidemment un autre, celui qui unissait Jeanne Lee et Ran Blake, et porte en outre l’empreinte de Paul Bley qui va si bien à ce programme. Pour moi, et quelques autres qui partagèrent mes impressions à l’entracte, il aura servi de révélateur à ceux qui restèrent sur leur faim à l’écoute des disques ECM de la chanteuse.


La Escucha Interior. Si le public sortit quelque peu frigorifié au sortir d’un concert qui appelait le recueillement, la seconde partie allait le réchauffer à l’écoute de La Escucha Interior et même les plus réticents que j’ai pu rencontrés à l’entracte à l’idée de voir un spectacle de danse ou/et de flamenco, se laissèrent choper par le travail de composition du pianiste Julien Lallier sur le matériau rythmique du flamenco concrétisé dans les formules frappées des mains (palmas), battues sur ses percussions par Antony Gatta en tandem avec le contrebassiste Joan Eche-Puig et déclinées sous les pas claqués et la chorégraphie millimétrée de la danseuse Karine Gonzalez. Joce Mienniel, qui contribua aux palmas et donna de la guimbarde, n’était pas un inconnu en ces terres de Sud Charente puisqu’il avait donné la réplique l’an passé à la chanteuse Chloé Cailleton dans un programme brésilien qui laissa forte impression et semble avoir été le pendant festif de cette Escoucha Interior. Et réentendre les flûtes de Mienniel, c’est toujours ça de gagné sur les misères de l’existence.

 

Fin de soirée à la buvette. À peine les derniers applaudissements éteints, le bien nommé Noctambule Band invitait comme les soirs précédents le public et les musiciens à le rejoindre et le relayer pour la jam nocturne autour de la buvette. Et malgré le froid qui eut raison de moi aux alentours de 2h du matin après maints verres et propos échangés au bar, où la victoire de l’Espagne sur l’Italie fut le dernier de nos soucis, on bœufa jusqu’à l’aube.

Franck Bergerot