Retour sur Matthieu Donarier : au soleil de Lacy - Jazz Magazine
Jazz live
Publié le 12 Déc 2025 • Par Xavier Prévost

Retour sur Matthieu Donarier : au soleil de Lacy

Comme l’a écrit ici l’Ami Bergerot, je vais moi aussi délivrer mes impressions, tout aussi enthousiastes, sur le concert de ce superbe groupe. Sa chronique rendait pleinement compte de l’intensité du moment. Le concert reprenait pour l’essentiel le répertoire du disque ‘Coastline’ publié récemment (‘Choc’ Jazz Magazineen octobre), avec me semble-t-il un surcroît sous forme d’un inédit, mais je l’ai peut-être rêvé….

Répertoire conçu en hommage à Steve Lacy, à son univers, son langage, sa sonorité tranchante et sa liberté foncière. Si le disque porte le titre d’une composition de Lacy plusieurs fois enregistrée par lui, ce Coastline ne ne figure pas sur le disque, mais le groupe le joue à la fin de ses concerts. Franck Bergerot en témoigne, ce que je ne puis faire puisque j’ai dû quitter le club vers 23h40 pour espérer rentrer à mon bercail banlieusard ; mais pas par un train : le dernier RER avait quitté Magenta-Gare du Nord à 22h52, pendant l’entracte du concert. Et pour profiter un peu du second set je fus, comme souvent ces dernières années, réduit à prendre deux métros, puis un bus, pour arriver dans mes pénates vers 1 heure du mat’.

MATTHIEU DONARIER Quartet ‘Hommage à Steve Lacy’

Matthieu Donarier (saxophone soprano, Sophia Domancich (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Simon Goubert (batterie)

Paris, Sunside, 9 décembre 2025, 21h30

Comme l’a fait remarquer Franck Bergerot, le disque porte en couverture du CD les quatre noms, dans des caractères de même dimension. Et si la musique a été écrite par le saxophoniste pendant les confinements, c’est bien d’un groupe qu’il s’agit, engagé sans réserve dans cette musique, sur le fil du risque, de l’invention et du dialogue. C’est après le dernier confinement, en 2021, que le quartette s’est réuni pour enregistrer le phonogramme que nous avons découvert en septembre dernier. Une musique que ces artistes magnifient au concert, en lui donnant la forme et l’intensité d’un événement plus que vivant : incarné. Le concert a commencé avec le deuxième titre de l’album : après une intro par le sax seul, un ostinato circule entre la basse et le piano, cellule musicale vivante qui se meut et se transforme, jusqu’à ce que Sophia l’embarque dans des variations fécondes. J’ai déjà beaucoup bavardé, et je me garderai bien de tenter ce qui est hors de ma portée : décrire pas le menu les méandres, les jaillissements et le funambulisme de ce Grand Œuvre instantané. La sonorité tranchante du soprano, les intervalles distendus des phrases, les dialogues soudains qui se nouent entre deux instruments, les emballements du trio piano-basse-batterie (attisés par Simon et Stéphane), tout ça m’a transporté jusqu’au vertige. Et le labyrinthe construit-déconstruit par la pianiste, l’invention perpétuelle des timbres qui surgissent de la batterie, le cheminement mystérieux de la contrebasse, et bien sûr la constante inventivité du saxophoniste, tout a concouru à ce que, pour moi, ce concert reste, et restera,mémorable. Merci les Artistes !

Xavier Prévost (texte & photos)