Jazz live
Publié le 26 Août 2013

Salut(s) à René Caumer

C’est une voix familière aux jazzophiles de l’Ile de Beauté, celle de Patrice Antona* qui le vendredi 16 août m’apprenait la disparition de René Caumer, l’inventeur d’un festival unique en son genre : Jazz à Calvi.

S’il suffisait de feuilleter l’annuaire de l’IRMA concocté par Pascal Anquetil pour faire  l’inventaire des centaines d’artistes invités par Caumer, il convenait chaque année d’y ajouter des nouveaux venus et autres “à découvrir” et “à suivre”. 

Les flots de tristesse et de deuil continueront de grossir dans les mémoires, s’ajoutant à l’éloge funèbre de Franck Bergerot sur ce blog et au simple et irrésistible portrait dressé le dimanche 18 décembre par Isabelle Volpajola pour les seuls lecteurs de Corse-matin. Je le reproduis ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur, sachant que nombre de lecteurs de Jazzmagjazzman ne lisent pas le quotidien corse. 

Salut René.

Philippe

*Arrivée d’Air chaud, sur France Bleu Frequenza Mora ; Radiotages, recueil de textes pertinents et impertinents ; Jimmy Giuffre Talks And Plays, avec André Jaume, double CD-livre Celp, réalisé par et pour l’amour de Giuffre.

 

René Caumer s’en est allé

« Alors, elle est prête ma nécro ? » Cette question, René me l’a souvent lancée au cours de ces quatre dernières années. Comme une boutade ou un défi à la maladie. Maintenant qu’il me faut l’écrire, je me dis qu’une fois encore j’aurais dû l’écouter. Et anticiper. Car l’exercice soudain paraît bien difficile. Parce que cette nécro-là ne peut pas être conventionnelle. Ni sa personnalité ni notre amitié ne le furent. Parce que je dois éviter le pathos qu’il détestait. Et parce que je dois veiller à bannir tout cliché qu’il traquait par jeu dans chacune de mes lignes, en fin connaisseur.

Fin et connaisseur, René l’était dans de nombreux domaines : littérature, sport, cinéma, politique. Dans certains même, il excellait : le jazz bien sûr qui était devenu sa carte de visite, le rugby – et tous les sports où des hommes se disputent un ballon –, la philo, les films américains des années 50, les répliques célèbres, la macagna. Mais René était aussi expert en gourmandise, en paresse – contrariée, disait-il –, en accès de mauvaise foi, en impatience. Et surtout en générosité. Sa sensibilité à fleur de peau, il la cachait derrière une bougonnerie de façade. Elle explosait pourtant au détour d’une phrase, d’un regard, d’un geste. Pour son premier cercle, il était un compagnon peu commun : rassurant et inquiet, indulgent et exigeant, tendre et pudique. Mais toujours bienveillant, chaleureux et fraternel. S’il était un personnage, son rôle, jamais il ne l’a surjoué. Les poseurs, les mondains, les flatteurs pouvaient passer au large. Il n’y avait de place pour eux ni à sa table, ni dans sa vie.

Atypique, René le fut, c’est certain. Il était par exemple le seul homme à se promener un panier à la main sans avoir l’air ridicule ; à produire dix idées géniales à la minute et les oublier aussitôt ; à trouver à chacun un diminutif ou un surnom impossibles. Et me reviennent en mémoire d’improbables discussions, sur la terrasse du Chalut – une école ! – et des conversations au téléphone – dont il usait et abusait – qu’il achevait soudain d’un bref et sans appel : « Je te laisse, on m’appelle de New York ! », ou encore : « J’ai un match ! ». Parfois déroutant, voire intimidant pour ceux qui ne perçaient pas sa carapace, ses proches pouvaient compter sur sa solidarité inaltérable, incorruptible et inconditionnelle. Et il savait mieux que quiconque accompagner leurs moments de douleur, de doute, de bonheur ou de grâce. Aujourd’hui, nous le perdons et nous sommes perdus. Autour de Sébastien, dont il était si fier, sa famille – celle du sang et celle du cœur – se retrouve orpheline. Et ça, René, ce n’est pas un cliché ! Voilà, elle est bientôt terminée la nécro. Mais avant d’arriver au terme de l’exercice, une dernière chose. Comme Sartre – auquel tu faisais si souvent référence – le disait des amours, il est des amitiés nécessaires et d’autres contingentes. La tienne fut pour moi, comme pour François, Dominique, Paul et les autres, de la première classe. Di prima trinca comme on dit dans cette langue que tu aimais tant entendre et que tu n’as jamais su prononcer. Comme d’habitude, on ne s’embrasse pas. Je ne te dis pas au revoir – tu n’y croirais pas – et pas adieu – ce n’était pas trop ton truc non plus –. Juste merci. Et salut René.

Isabelle Volpajola

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C’est une voix familière aux jazzophiles de l’Ile de Beauté, celle de Patrice Antona* qui le vendredi 16 août m’apprenait la disparition de René Caumer, l’inventeur d’un festival unique en son genre : Jazz à Calvi.

S’il suffisait de feuilleter l’annuaire de l’IRMA concocté par Pascal Anquetil pour faire  l’inventaire des centaines d’artistes invités par Caumer, il convenait chaque année d’y ajouter des nouveaux venus et autres “à découvrir” et “à suivre”. 

Les flots de tristesse et de deuil continueront de grossir dans les mémoires, s’ajoutant à l’éloge funèbre de Franck Bergerot sur ce blog et au simple et irrésistible portrait dressé le dimanche 18 décembre par Isabelle Volpajola pour les seuls lecteurs de Corse-matin. Je le reproduis ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur, sachant que nombre de lecteurs de Jazzmagjazzman ne lisent pas le quotidien corse. 

Salut René.

Philippe

*Arrivée d’Air chaud, sur France Bleu Frequenza Mora ; Radiotages, recueil de textes pertinents et impertinents ; Jimmy Giuffre Talks And Plays, avec André Jaume, double CD-livre Celp, réalisé par et pour l’amour de Giuffre.

 

René Caumer s’en est allé

« Alors, elle est prête ma nécro ? » Cette question, René me l’a souvent lancée au cours de ces quatre dernières années. Comme une boutade ou un défi à la maladie. Maintenant qu’il me faut l’écrire, je me dis qu’une fois encore j’aurais dû l’écouter. Et anticiper. Car l’exercice soudain paraît bien difficile. Parce que cette nécro-là ne peut pas être conventionnelle. Ni sa personnalité ni notre amitié ne le furent. Parce que je dois éviter le pathos qu’il détestait. Et parce que je dois veiller à bannir tout cliché qu’il traquait par jeu dans chacune de mes lignes, en fin connaisseur.

Fin et connaisseur, René l’était dans de nombreux domaines : littérature, sport, cinéma, politique. Dans certains même, il excellait : le jazz bien sûr qui était devenu sa carte de visite, le rugby – et tous les sports où des hommes se disputent un ballon –, la philo, les films américains des années 50, les répliques célèbres, la macagna. Mais René était aussi expert en gourmandise, en paresse – contrariée, disait-il –, en accès de mauvaise foi, en impatience. Et surtout en générosité. Sa sensibilité à fleur de peau, il la cachait derrière une bougonnerie de façade. Elle explosait pourtant au détour d’une phrase, d’un regard, d’un geste. Pour son premier cercle, il était un compagnon peu commun : rassurant et inquiet, indulgent et exigeant, tendre et pudique. Mais toujours bienveillant, chaleureux et fraternel. S’il était un personnage, son rôle, jamais il ne l’a surjoué. Les poseurs, les mondains, les flatteurs pouvaient passer au large. Il n’y avait de place pour eux ni à sa table, ni dans sa vie.

Atypique, René le fut, c’est certain. Il était par exemple le seul homme à se promener un panier à la main sans avoir l’air ridicule ; à produire dix idées géniales à la minute et les oublier aussitôt ; à trouver à chacun un diminutif ou un surnom impossibles. Et me reviennent en mémoire d’improbables discussions, sur la terrasse du Chalut – une école ! – et des conversations au téléphone – dont il usait et abusait – qu’il achevait soudain d’un bref et sans appel : « Je te laisse, on m’appelle de New York ! », ou encore : « J’ai un match ! ». Parfois déroutant, voire intimidant pour ceux qui ne perçaient pas sa carapace, ses proches pouvaient compter sur sa solidarité inaltérable, incorruptible et inconditionnelle. Et il savait mieux que quiconque accompagner leurs moments de douleur, de doute, de bonheur ou de grâce. Aujourd’hui, nous le perdons et nous sommes perdus. Autour de Sébastien, dont il était si fier, sa famille – celle du sang et celle du cœur – se retrouve orpheline. Et ça, René, ce n’est pas un cliché ! Voilà, elle est bientôt terminée la nécro. Mais avant d’arriver au terme de l’exercice, une dernière chose. Comme Sartre – auquel tu faisais si souvent référence – le disait des amours, il est des amitiés nécessaires et d’autres contingentes. La tienne fut pour moi, comme pour François, Dominique, Paul et les autres, de la première classe. Di prima trinca comme on dit dans cette langue que tu aimais tant entendre et que tu n’as jamais su prononcer. Comme d’habitude, on ne s’embrasse pas. Je ne te dis pas au revoir – tu n’y croirais pas – et pas adieu – ce n’était pas trop ton truc non plus –. Juste merci. Et salut René.

Isabelle Volpajola

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C’est une voix familière aux jazzophiles de l’Ile de Beauté, celle de Patrice Antona* qui le vendredi 16 août m’apprenait la disparition de René Caumer, l’inventeur d’un festival unique en son genre : Jazz à Calvi.

S’il suffisait de feuilleter l’annuaire de l’IRMA concocté par Pascal Anquetil pour faire  l’inventaire des centaines d’artistes invités par Caumer, il convenait chaque année d’y ajouter des nouveaux venus et autres “à découvrir” et “à suivre”. 

Les flots de tristesse et de deuil continueront de grossir dans les mémoires, s’ajoutant à l’éloge funèbre de Franck Bergerot sur ce blog et au simple et irrésistible portrait dressé le dimanche 18 décembre par Isabelle Volpajola pour les seuls lecteurs de Corse-matin. Je le reproduis ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur, sachant que nombre de lecteurs de Jazzmagjazzman ne lisent pas le quotidien corse. 

Salut René.

Philippe

*Arrivée d’Air chaud, sur France Bleu Frequenza Mora ; Radiotages, recueil de textes pertinents et impertinents ; Jimmy Giuffre Talks And Plays, avec André Jaume, double CD-livre Celp, réalisé par et pour l’amour de Giuffre.

 

René Caumer s’en est allé

« Alors, elle est prête ma nécro ? » Cette question, René me l’a souvent lancée au cours de ces quatre dernières années. Comme une boutade ou un défi à la maladie. Maintenant qu’il me faut l’écrire, je me dis qu’une fois encore j’aurais dû l’écouter. Et anticiper. Car l’exercice soudain paraît bien difficile. Parce que cette nécro-là ne peut pas être conventionnelle. Ni sa personnalité ni notre amitié ne le furent. Parce que je dois éviter le pathos qu’il détestait. Et parce que je dois veiller à bannir tout cliché qu’il traquait par jeu dans chacune de mes lignes, en fin connaisseur.

Fin et connaisseur, René l’était dans de nombreux domaines : littérature, sport, cinéma, politique. Dans certains même, il excellait : le jazz bien sûr qui était devenu sa carte de visite, le rugby – et tous les sports où des hommes se disputent un ballon –, la philo, les films américains des années 50, les répliques célèbres, la macagna. Mais René était aussi expert en gourmandise, en paresse – contrariée, disait-il –, en accès de mauvaise foi, en impatience. Et surtout en générosité. Sa sensibilité à fleur de peau, il la cachait derrière une bougonnerie de façade. Elle explosait pourtant au détour d’une phrase, d’un regard, d’un geste. Pour son premier cercle, il était un compagnon peu commun : rassurant et inquiet, indulgent et exigeant, tendre et pudique. Mais toujours bienveillant, chaleureux et fraternel. S’il était un personnage, son rôle, jamais il ne l’a surjoué. Les poseurs, les mondains, les flatteurs pouvaient passer au large. Il n’y avait de place pour eux ni à sa table, ni dans sa vie.

Atypique, René le fut, c’est certain. Il était par exemple le seul homme à se promener un panier à la main sans avoir l’air ridicule ; à produire dix idées géniales à la minute et les oublier aussitôt ; à trouver à chacun un diminutif ou un surnom impossibles. Et me reviennent en mémoire d’improbables discussions, sur la terrasse du Chalut – une école ! – et des conversations au téléphone – dont il usait et abusait – qu’il achevait soudain d’un bref et sans appel : « Je te laisse, on m’appelle de New York ! », ou encore : « J’ai un match ! ». Parfois déroutant, voire intimidant pour ceux qui ne perçaient pas sa carapace, ses proches pouvaient compter sur sa solidarité inaltérable, incorruptible et inconditionnelle. Et il savait mieux que quiconque accompagner leurs moments de douleur, de doute, de bonheur ou de grâce. Aujourd’hui, nous le perdons et nous sommes perdus. Autour de Sébastien, dont il était si fier, sa famille – celle du sang et celle du cœur – se retrouve orpheline. Et ça, René, ce n’est pas un cliché ! Voilà, elle est bientôt terminée la nécro. Mais avant d’arriver au terme de l’exercice, une dernière chose. Comme Sartre – auquel tu faisais si souvent référence – le disait des amours, il est des amitiés nécessaires et d’autres contingentes. La tienne fut pour moi, comme pour François, Dominique, Paul et les autres, de la première classe. Di prima trinca comme on dit dans cette langue que tu aimais tant entendre et que tu n’as jamais su prononcer. Comme d’habitude, on ne s’embrasse pas. Je ne te dis pas au revoir – tu n’y croirais pas – et pas adieu – ce n’était pas trop ton truc non plus –. Juste merci. Et salut René.

Isabelle Volpajola

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C’est une voix familière aux jazzophiles de l’Ile de Beauté, celle de Patrice Antona* qui le vendredi 16 août m’apprenait la disparition de René Caumer, l’inventeur d’un festival unique en son genre : Jazz à Calvi.

S’il suffisait de feuilleter l’annuaire de l’IRMA concocté par Pascal Anquetil pour faire  l’inventaire des centaines d’artistes invités par Caumer, il convenait chaque année d’y ajouter des nouveaux venus et autres “à découvrir” et “à suivre”. 

Les flots de tristesse et de deuil continueront de grossir dans les mémoires, s’ajoutant à l’éloge funèbre de Franck Bergerot sur ce blog et au simple et irrésistible portrait dressé le dimanche 18 décembre par Isabelle Volpajola pour les seuls lecteurs de Corse-matin. Je le reproduis ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur, sachant que nombre de lecteurs de Jazzmagjazzman ne lisent pas le quotidien corse. 

Salut René.

Philippe

*Arrivée d’Air chaud, sur France Bleu Frequenza Mora ; Radiotages, recueil de textes pertinents et impertinents ; Jimmy Giuffre Talks And Plays, avec André Jaume, double CD-livre Celp, réalisé par et pour l’amour de Giuffre.

 

René Caumer s’en est allé

« Alors, elle est prête ma nécro ? » Cette question, René me l’a souvent lancée au cours de ces quatre dernières années. Comme une boutade ou un défi à la maladie. Maintenant qu’il me faut l’écrire, je me dis qu’une fois encore j’aurais dû l’écouter. Et anticiper. Car l’exercice soudain paraît bien difficile. Parce que cette nécro-là ne peut pas être conventionnelle. Ni sa personnalité ni notre amitié ne le furent. Parce que je dois éviter le pathos qu’il détestait. Et parce que je dois veiller à bannir tout cliché qu’il traquait par jeu dans chacune de mes lignes, en fin connaisseur.

Fin et connaisseur, René l’était dans de nombreux domaines : littérature, sport, cinéma, politique. Dans certains même, il excellait : le jazz bien sûr qui était devenu sa carte de visite, le rugby – et tous les sports où des hommes se disputent un ballon –, la philo, les films américains des années 50, les répliques célèbres, la macagna. Mais René était aussi expert en gourmandise, en paresse – contrariée, disait-il –, en accès de mauvaise foi, en impatience. Et surtout en générosité. Sa sensibilité à fleur de peau, il la cachait derrière une bougonnerie de façade. Elle explosait pourtant au détour d’une phrase, d’un regard, d’un geste. Pour son premier cercle, il était un compagnon peu commun : rassurant et inquiet, indulgent et exigeant, tendre et pudique. Mais toujours bienveillant, chaleureux et fraternel. S’il était un personnage, son rôle, jamais il ne l’a surjoué. Les poseurs, les mondains, les flatteurs pouvaient passer au large. Il n’y avait de place pour eux ni à sa table, ni dans sa vie.

Atypique, René le fut, c’est certain. Il était par exemple le seul homme à se promener un panier à la main sans avoir l’air ridicule ; à produire dix idées géniales à la minute et les oublier aussitôt ; à trouver à chacun un diminutif ou un surnom impossibles. Et me reviennent en mémoire d’improbables discussions, sur la terrasse du Chalut – une école ! – et des conversations au téléphone – dont il usait et abusait – qu’il achevait soudain d’un bref et sans appel : « Je te laisse, on m’appelle de New York ! », ou encore : « J’ai un match ! ». Parfois déroutant, voire intimidant pour ceux qui ne perçaient pas sa carapace, ses proches pouvaient compter sur sa solidarité inaltérable, incorruptible et inconditionnelle. Et il savait mieux que quiconque accompagner leurs moments de douleur, de doute, de bonheur ou de grâce. Aujourd’hui, nous le perdons et nous sommes perdus. Autour de Sébastien, dont il était si fier, sa famille – celle du sang et celle du cœur – se retrouve orpheline. Et ça, René, ce n’est pas un cliché ! Voilà, elle est bientôt terminée la nécro. Mais avant d’arriver au terme de l’exercice, une dernière chose. Comme Sartre – auquel tu faisais si souvent référence – le disait des amours, il est des amitiés nécessaires et d’autres contingentes. La tienne fut pour moi, comme pour François, Dominique, Paul et les autres, de la première classe. Di prima trinca comme on dit dans cette langue que tu aimais tant entendre et que tu n’as jamais su prononcer. Comme d’habitude, on ne s’embrasse pas. Je ne te dis pas au revoir – tu n’y croirais pas – et pas adieu – ce n’était pas trop ton truc non plus –. Juste merci. Et salut René.

Isabelle Volpajola