Jazz live
Publié le 1 Avr 2023

STÉPHANE PAYEN QUARTET ‘Du vent dans les cordes’

C’est un début de soirée de printemps, et la toute récente heure d’été nous vaut d’arriver au club en pleine lumière du Jour

Le quartette ‘Du vent dans les cordes’ est la composante instrumentale de ‘Baldwin in Transit’, où le quartette était rejoint par 3 poètes : Jamika Ajalon, Mike Ladd et Tamara Singh, pour célébrer l’écrivain afro-américain James Baldwin. Lire ici le compte rendu de Franck Bergerot au festival ‘Les émouvantes’ 

STÉPHANE PAYEN ‘Du vent dans les cordes’

Stéphane Payen (saxophone alto droit, composition), Marc Ducret (guitare), Sylvaine Hélary (flûtes soprano, alto, basse, et piccolo), Dominique Pifarély (violon)

Les Lilas, Le Triton, 31 mars 2023, 20h30

Le violon ouvre le ban, d’une tenue que vont rejoindre les autres instruments, dans ce registre de confidence. C’est une entrée en matière, dans la matière du son. Certains prétendent qu’une musique écrite existe pleinement dans sa partition. Ce serait faire peu de cas de la matérialité du son. Et d’ailleurs nous sommes en présence de l’une de ces musiques qui existent en s’incarnant, qu’elles soient écrites ou improvisées ; et ici l’improvisation prolonge l’écrit. Des thèmes surgissent, mais leur déroulement tendu, et assez mystérieux, provient bien de cette matière sonore. Ce sera une suite de pièces de dimensions variables, avec chaque fois une logique propre, mais qui semblent s’inscrire dans une dramaturgie en mouvement. Le sax lance des segments, auxquels le violon en pizzicato, le piccolo en liberté et la guitare en verve font écho. Un discours se fait jour ; non pas un discours, un parcours : la quête d’un sens qui se dévoilerait n’est pas à l’ordre de cet instant. Furtivement je pense à Tristano (Lennie, pas l’autre, Francesco Tristano Schlimé….). Peut être à cause de ce mélange de pensée vive et de mystère, d’élaboration fine dans un geste qui paraît sourdre de l’improvisation. Viennent des ruptures, que concluent une coda en suspens. Au fil du concert, de mélodies lentes et harmoniquement tendues en escapades virulentes, j’ai l’impression de traverser tous les langages musicaux du 20ème siècle, les libertés tonales, et les rythmes insaisissables, qui s’offrent aussi des phases délibérément claudicantes. Les dialogues sont nombreux, et croisés : un duo offre une assise tandis qu’un autre se lance dans une conversation qui peut être virulente. Un instant mon esprit s’égare : je pense à Bach, sous le coup d’une combinatoire où canon et contrepoint se mêleraient, très au-delà de mes très relatives facultés d’abstraction musicale…. Une très courte pièce, malicieuse, vient encore égarer ma perception. Très souvent les modes de jeu sont libres et audacieux, voire hétérodoxes. Les solistes sont étonnant.e.s, mais l’important n’est pas qu’il soient brillant.e.s (ils/elle le sont !), mais qu’ils soient inspiré.e.s. Et manifestement l’inspiration est de la fête. L’auditeur que je suis est comblé par ce mélange d’apparente austérité et de sensualité musicale, de pensée à fleur de peau, à fleur de son. Émotion Forte !

Xavier Prévost

Baldwin in Transit’ sera repris, en version textes et musiques, avec les poètes, le 3 mai au Pannonica de Nantes, et le 5 juin à la Dynamo de Pantin

Et un CD est prévu pour la rentrée sous le label Jazzdor Series