Jazz live
Publié le 25 Oct 2017

Sylvain Rifflet dans les pas de Stan Getz

Rifflet┬®AcAlvoet2017 5

Au Flow, péniche amarrée Quai d’Orsay qui s’ouvrait au Jazz pour l’occasion, Sylvain Rifflet s’est replongé dans l’esprit du Focus de Stan Getz soutenu par l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog.

Sylvain Rifflet (saxophone ténor), Florent Nisse (Basse), Guillaume Lantonnet (vibraphone, marimba et batterie) et l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog, Au Flow, 19 octobre 2017

Rifflet┬®AcAlvoet2017

Un jour de 1961, Stan Getz a eu envie d’être plus nu que nu. Il a alors demandé à Eddie Sauter de réunir un orchestre symphonique. Au milieu de ces cordes, de ces violons, de ces altos, de ces violoncelles, Stan Getz s’est déshabillé. On a vu alors ce qui se cachait sous le moelleux de sa sonorité: la chair de poule, le mal de dents, la peur du noir, les fausses promesses, les glaces à la fraise, les dragées au poivre, des rubans violets, et aussi ce que Getz avait de plus intime: une colère froide et glacée comme un bloc de marbre. Et l’enregistrement de cette mise à nu a donné Focus, l’une de ses oeuvres majeures.
Un jour, vingt-cinq ans plus tard, Sylvain Rifflet tombe sur ce disque. Il en perd le boire et le manger, le fait écouter à son meilleur copain, Thomas de Pourquery, et tous les deux n’en reviennent pas. En Cours d’Anglais, ils se sourient bêtement. Le professeur les gratifie de deux heures de colle, mais il ne parvient pas à cesser de faire briller leurs yeux.
Un jour, bien plus tard, devenu musicien professionnel Sylvain Rifflet décide de réaliser un disque dans l’esprit de Focus, pour se souvenir de Stan Getz et de son adolescence. Ce disque, Re-Focus, est paru chez Verve, producteur du disque de 1961. La boucle est bouclée. Sylvain Rifflet compose les morceaux, Fred Pallem se charge des arrangements, et les 19 musiciens de l’ensemble Appassionato viennent lui prêter main forte. Le disque est sorti il y a deux mois. A Jazz magazine, il n’a pas fait l’unanimité. Drôle de projet, disaient certains, à quoi ça sert tout ça, disaient d’autres. Et donc ce soir là, Sylvain Rifflet joue son disque en direct, dans cette péniche , le Flow, qui dissimule une très jolie scène dans ses entrailles.
Bon, et alors, ça donne quoi ce projet un peu foufou toc-toc comme dirait ma nièce? Incontestablement, l’ambiance de Focus est là. Les compositions de Rifflet réussissent à retrouver l’expressivité de Focus, sa force narrative incroyable. Des images viennent à l’esprit. On a l’impression d’un fugitif qui, dans sa course éperdue, se heurte à des portes et à des vitres invisibles.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 4

Les cordes ici sont employées à rebrousse poil. Elles ne sont pas un tapis moelleux déroulé sous les pas du soliste. Elles sont utilisées dans leur dimension percussive, voire agressive. Certains traits de violons semblent effilés comme des lames de rasoir. Rifflet (comme Getz naguère) se jette dessus et en ressort couturé et sanglant, bardé d’estafilades. A d’autres moments, bien sûr, ces cordes expriment toute leur dimension majestueuse (tout comme dans le premier Focus) et l’on a alors l’impression d’être dans une musique composée par Bernard Herrmann.
Sylvain Rifflet et Fred Pallem ont eu l’idée formidable de confronter ces cordes en lames de rasoir à un vibraphone (celui de Guillaume lantennet) qui amène un peu de douceur et de légèreté, par exemple dans l’introduction suspendue d’Echoplex. Mais la grande réussite de ce concert est evidemment à chercher dans le jeu de Sylvain Rifflet, et dans sa manière de se mettre dans les chaussures de Stan Getz en évitant tout pastiche.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 3

Il réussit à évoquer le maître sans renoncer à sa personnalité. Il y a dans son jeu de saxophoniste bien des éléments étrangers à la grammaire getzienne (slaps, jeu sur les doigtés à vide, sons étranglés…). Mais on pense quand même à Getz pour cette douceur dans la véhémence, et cette véhémence dans la douceur, pour la densité aussi (ses interventions sont marquantes mais relativement brèves). Un pied devant l’autre, aux aguets, dans la posture d’un coureur de demi-fond au départ, il convainct définitivement dans la partie en solo absolu de « Une de perdue, une de perdue ».
Les arrangements de Fred Pallem et la direction de Matthieu Herzog exploitent à merveille toutes les nuances de ces cordes qui ont été mises à sa disposition. Dans Rue Bréguet, elles se déploient avec une infinie douceur.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 1

Dans Night Run, c’est leur dimension exacerbée qui est mise en avant. Et les musiciens d’Appassionato réussissent à rendre impeccablement toute cette palette émotionnelle. Si bien qu’en sortant de la péniche, on se dit qu’on vient d’assister à un des concerts les plus marquants de 2017.

texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)
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Au Flow, péniche amarrée Quai d’Orsay qui s’ouvrait au Jazz pour l’occasion, Sylvain Rifflet s’est replongé dans l’esprit du Focus de Stan Getz soutenu par l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog.

Sylvain Rifflet (saxophone ténor), Florent Nisse (Basse), Guillaume Lantonnet (vibraphone, marimba et batterie) et l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog, Au Flow, 19 octobre 2017

Rifflet┬®AcAlvoet2017

Un jour de 1961, Stan Getz a eu envie d’être plus nu que nu. Il a alors demandé à Eddie Sauter de réunir un orchestre symphonique. Au milieu de ces cordes, de ces violons, de ces altos, de ces violoncelles, Stan Getz s’est déshabillé. On a vu alors ce qui se cachait sous le moelleux de sa sonorité: la chair de poule, le mal de dents, la peur du noir, les fausses promesses, les glaces à la fraise, les dragées au poivre, des rubans violets, et aussi ce que Getz avait de plus intime: une colère froide et glacée comme un bloc de marbre. Et l’enregistrement de cette mise à nu a donné Focus, l’une de ses oeuvres majeures.
Un jour, vingt-cinq ans plus tard, Sylvain Rifflet tombe sur ce disque. Il en perd le boire et le manger, le fait écouter à son meilleur copain, Thomas de Pourquery, et tous les deux n’en reviennent pas. En Cours d’Anglais, ils se sourient bêtement. Le professeur les gratifie de deux heures de colle, mais il ne parvient pas à cesser de faire briller leurs yeux.
Un jour, bien plus tard, devenu musicien professionnel Sylvain Rifflet décide de réaliser un disque dans l’esprit de Focus, pour se souvenir de Stan Getz et de son adolescence. Ce disque, Re-Focus, est paru chez Verve, producteur du disque de 1961. La boucle est bouclée. Sylvain Rifflet compose les morceaux, Fred Pallem se charge des arrangements, et les 19 musiciens de l’ensemble Appassionato viennent lui prêter main forte. Le disque est sorti il y a deux mois. A Jazz magazine, il n’a pas fait l’unanimité. Drôle de projet, disaient certains, à quoi ça sert tout ça, disaient d’autres. Et donc ce soir là, Sylvain Rifflet joue son disque en direct, dans cette péniche , le Flow, qui dissimule une très jolie scène dans ses entrailles.
Bon, et alors, ça donne quoi ce projet un peu foufou toc-toc comme dirait ma nièce? Incontestablement, l’ambiance de Focus est là. Les compositions de Rifflet réussissent à retrouver l’expressivité de Focus, sa force narrative incroyable. Des images viennent à l’esprit. On a l’impression d’un fugitif qui, dans sa course éperdue, se heurte à des portes et à des vitres invisibles.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 4

Les cordes ici sont employées à rebrousse poil. Elles ne sont pas un tapis moelleux déroulé sous les pas du soliste. Elles sont utilisées dans leur dimension percussive, voire agressive. Certains traits de violons semblent effilés comme des lames de rasoir. Rifflet (comme Getz naguère) se jette dessus et en ressort couturé et sanglant, bardé d’estafilades. A d’autres moments, bien sûr, ces cordes expriment toute leur dimension majestueuse (tout comme dans le premier Focus) et l’on a alors l’impression d’être dans une musique composée par Bernard Herrmann.
Sylvain Rifflet et Fred Pallem ont eu l’idée formidable de confronter ces cordes en lames de rasoir à un vibraphone (celui de Guillaume lantennet) qui amène un peu de douceur et de légèreté, par exemple dans l’introduction suspendue d’Echoplex. Mais la grande réussite de ce concert est evidemment à chercher dans le jeu de Sylvain Rifflet, et dans sa manière de se mettre dans les chaussures de Stan Getz en évitant tout pastiche.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 3

Il réussit à évoquer le maître sans renoncer à sa personnalité. Il y a dans son jeu de saxophoniste bien des éléments étrangers à la grammaire getzienne (slaps, jeu sur les doigtés à vide, sons étranglés…). Mais on pense quand même à Getz pour cette douceur dans la véhémence, et cette véhémence dans la douceur, pour la densité aussi (ses interventions sont marquantes mais relativement brèves). Un pied devant l’autre, aux aguets, dans la posture d’un coureur de demi-fond au départ, il convainct définitivement dans la partie en solo absolu de « Une de perdue, une de perdue ».
Les arrangements de Fred Pallem et la direction de Matthieu Herzog exploitent à merveille toutes les nuances de ces cordes qui ont été mises à sa disposition. Dans Rue Bréguet, elles se déploient avec une infinie douceur.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 1

Dans Night Run, c’est leur dimension exacerbée qui est mise en avant. Et les musiciens d’Appassionato réussissent à rendre impeccablement toute cette palette émotionnelle. Si bien qu’en sortant de la péniche, on se dit qu’on vient d’assister à un des concerts les plus marquants de 2017.

texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)
|Rifflet┬®AcAlvoet2017 5

Au Flow, péniche amarrée Quai d’Orsay qui s’ouvrait au Jazz pour l’occasion, Sylvain Rifflet s’est replongé dans l’esprit du Focus de Stan Getz soutenu par l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog.

Sylvain Rifflet (saxophone ténor), Florent Nisse (Basse), Guillaume Lantonnet (vibraphone, marimba et batterie) et l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog, Au Flow, 19 octobre 2017

Rifflet┬®AcAlvoet2017

Un jour de 1961, Stan Getz a eu envie d’être plus nu que nu. Il a alors demandé à Eddie Sauter de réunir un orchestre symphonique. Au milieu de ces cordes, de ces violons, de ces altos, de ces violoncelles, Stan Getz s’est déshabillé. On a vu alors ce qui se cachait sous le moelleux de sa sonorité: la chair de poule, le mal de dents, la peur du noir, les fausses promesses, les glaces à la fraise, les dragées au poivre, des rubans violets, et aussi ce que Getz avait de plus intime: une colère froide et glacée comme un bloc de marbre. Et l’enregistrement de cette mise à nu a donné Focus, l’une de ses oeuvres majeures.
Un jour, vingt-cinq ans plus tard, Sylvain Rifflet tombe sur ce disque. Il en perd le boire et le manger, le fait écouter à son meilleur copain, Thomas de Pourquery, et tous les deux n’en reviennent pas. En Cours d’Anglais, ils se sourient bêtement. Le professeur les gratifie de deux heures de colle, mais il ne parvient pas à cesser de faire briller leurs yeux.
Un jour, bien plus tard, devenu musicien professionnel Sylvain Rifflet décide de réaliser un disque dans l’esprit de Focus, pour se souvenir de Stan Getz et de son adolescence. Ce disque, Re-Focus, est paru chez Verve, producteur du disque de 1961. La boucle est bouclée. Sylvain Rifflet compose les morceaux, Fred Pallem se charge des arrangements, et les 19 musiciens de l’ensemble Appassionato viennent lui prêter main forte. Le disque est sorti il y a deux mois. A Jazz magazine, il n’a pas fait l’unanimité. Drôle de projet, disaient certains, à quoi ça sert tout ça, disaient d’autres. Et donc ce soir là, Sylvain Rifflet joue son disque en direct, dans cette péniche , le Flow, qui dissimule une très jolie scène dans ses entrailles.
Bon, et alors, ça donne quoi ce projet un peu foufou toc-toc comme dirait ma nièce? Incontestablement, l’ambiance de Focus est là. Les compositions de Rifflet réussissent à retrouver l’expressivité de Focus, sa force narrative incroyable. Des images viennent à l’esprit. On a l’impression d’un fugitif qui, dans sa course éperdue, se heurte à des portes et à des vitres invisibles.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 4

Les cordes ici sont employées à rebrousse poil. Elles ne sont pas un tapis moelleux déroulé sous les pas du soliste. Elles sont utilisées dans leur dimension percussive, voire agressive. Certains traits de violons semblent effilés comme des lames de rasoir. Rifflet (comme Getz naguère) se jette dessus et en ressort couturé et sanglant, bardé d’estafilades. A d’autres moments, bien sûr, ces cordes expriment toute leur dimension majestueuse (tout comme dans le premier Focus) et l’on a alors l’impression d’être dans une musique composée par Bernard Herrmann.
Sylvain Rifflet et Fred Pallem ont eu l’idée formidable de confronter ces cordes en lames de rasoir à un vibraphone (celui de Guillaume lantennet) qui amène un peu de douceur et de légèreté, par exemple dans l’introduction suspendue d’Echoplex. Mais la grande réussite de ce concert est evidemment à chercher dans le jeu de Sylvain Rifflet, et dans sa manière de se mettre dans les chaussures de Stan Getz en évitant tout pastiche.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 3

Il réussit à évoquer le maître sans renoncer à sa personnalité. Il y a dans son jeu de saxophoniste bien des éléments étrangers à la grammaire getzienne (slaps, jeu sur les doigtés à vide, sons étranglés…). Mais on pense quand même à Getz pour cette douceur dans la véhémence, et cette véhémence dans la douceur, pour la densité aussi (ses interventions sont marquantes mais relativement brèves). Un pied devant l’autre, aux aguets, dans la posture d’un coureur de demi-fond au départ, il convainct définitivement dans la partie en solo absolu de « Une de perdue, une de perdue ».
Les arrangements de Fred Pallem et la direction de Matthieu Herzog exploitent à merveille toutes les nuances de ces cordes qui ont été mises à sa disposition. Dans Rue Bréguet, elles se déploient avec une infinie douceur.

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Dans Night Run, c’est leur dimension exacerbée qui est mise en avant. Et les musiciens d’Appassionato réussissent à rendre impeccablement toute cette palette émotionnelle. Si bien qu’en sortant de la péniche, on se dit qu’on vient d’assister à un des concerts les plus marquants de 2017.

texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)
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Au Flow, péniche amarrée Quai d’Orsay qui s’ouvrait au Jazz pour l’occasion, Sylvain Rifflet s’est replongé dans l’esprit du Focus de Stan Getz soutenu par l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog.

Sylvain Rifflet (saxophone ténor), Florent Nisse (Basse), Guillaume Lantonnet (vibraphone, marimba et batterie) et l’ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog, Au Flow, 19 octobre 2017

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Un jour de 1961, Stan Getz a eu envie d’être plus nu que nu. Il a alors demandé à Eddie Sauter de réunir un orchestre symphonique. Au milieu de ces cordes, de ces violons, de ces altos, de ces violoncelles, Stan Getz s’est déshabillé. On a vu alors ce qui se cachait sous le moelleux de sa sonorité: la chair de poule, le mal de dents, la peur du noir, les fausses promesses, les glaces à la fraise, les dragées au poivre, des rubans violets, et aussi ce que Getz avait de plus intime: une colère froide et glacée comme un bloc de marbre. Et l’enregistrement de cette mise à nu a donné Focus, l’une de ses oeuvres majeures.
Un jour, vingt-cinq ans plus tard, Sylvain Rifflet tombe sur ce disque. Il en perd le boire et le manger, le fait écouter à son meilleur copain, Thomas de Pourquery, et tous les deux n’en reviennent pas. En Cours d’Anglais, ils se sourient bêtement. Le professeur les gratifie de deux heures de colle, mais il ne parvient pas à cesser de faire briller leurs yeux.
Un jour, bien plus tard, devenu musicien professionnel Sylvain Rifflet décide de réaliser un disque dans l’esprit de Focus, pour se souvenir de Stan Getz et de son adolescence. Ce disque, Re-Focus, est paru chez Verve, producteur du disque de 1961. La boucle est bouclée. Sylvain Rifflet compose les morceaux, Fred Pallem se charge des arrangements, et les 19 musiciens de l’ensemble Appassionato viennent lui prêter main forte. Le disque est sorti il y a deux mois. A Jazz magazine, il n’a pas fait l’unanimité. Drôle de projet, disaient certains, à quoi ça sert tout ça, disaient d’autres. Et donc ce soir là, Sylvain Rifflet joue son disque en direct, dans cette péniche , le Flow, qui dissimule une très jolie scène dans ses entrailles.
Bon, et alors, ça donne quoi ce projet un peu foufou toc-toc comme dirait ma nièce? Incontestablement, l’ambiance de Focus est là. Les compositions de Rifflet réussissent à retrouver l’expressivité de Focus, sa force narrative incroyable. Des images viennent à l’esprit. On a l’impression d’un fugitif qui, dans sa course éperdue, se heurte à des portes et à des vitres invisibles.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 4

Les cordes ici sont employées à rebrousse poil. Elles ne sont pas un tapis moelleux déroulé sous les pas du soliste. Elles sont utilisées dans leur dimension percussive, voire agressive. Certains traits de violons semblent effilés comme des lames de rasoir. Rifflet (comme Getz naguère) se jette dessus et en ressort couturé et sanglant, bardé d’estafilades. A d’autres moments, bien sûr, ces cordes expriment toute leur dimension majestueuse (tout comme dans le premier Focus) et l’on a alors l’impression d’être dans une musique composée par Bernard Herrmann.
Sylvain Rifflet et Fred Pallem ont eu l’idée formidable de confronter ces cordes en lames de rasoir à un vibraphone (celui de Guillaume lantennet) qui amène un peu de douceur et de légèreté, par exemple dans l’introduction suspendue d’Echoplex. Mais la grande réussite de ce concert est evidemment à chercher dans le jeu de Sylvain Rifflet, et dans sa manière de se mettre dans les chaussures de Stan Getz en évitant tout pastiche.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 3

Il réussit à évoquer le maître sans renoncer à sa personnalité. Il y a dans son jeu de saxophoniste bien des éléments étrangers à la grammaire getzienne (slaps, jeu sur les doigtés à vide, sons étranglés…). Mais on pense quand même à Getz pour cette douceur dans la véhémence, et cette véhémence dans la douceur, pour la densité aussi (ses interventions sont marquantes mais relativement brèves). Un pied devant l’autre, aux aguets, dans la posture d’un coureur de demi-fond au départ, il convainct définitivement dans la partie en solo absolu de « Une de perdue, une de perdue ».
Les arrangements de Fred Pallem et la direction de Matthieu Herzog exploitent à merveille toutes les nuances de ces cordes qui ont été mises à sa disposition. Dans Rue Bréguet, elles se déploient avec une infinie douceur.

Rifflet┬®AcAlvoet2017 1

Dans Night Run, c’est leur dimension exacerbée qui est mise en avant. Et les musiciens d’Appassionato réussissent à rendre impeccablement toute cette palette émotionnelle. Si bien qu’en sortant de la péniche, on se dit qu’on vient d’assister à un des concerts les plus marquants de 2017.

texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)