‘Trenet en passant’ au Triton - Jazz Magazine
Jazz live
Publié le 20 Déc 2025 • Par Xavier Prévost

‘Trenet en passant’ au Triton

Pour quatre soirées, du 17 au 20 décembre, l’agence ‘Inclinaisons’ de Marion Piras présentait quelques-uns de ses groupes au Triton. Après les frères Moutin invitant Laurent de Wilde, puis un solo de Federico Casagrande en première partie du groupe ‘Aérophone’ de Yoann Loustalot, et avant un quartette rassemblant Daniel Humair, Marc Ducret, Samuel Blaser et Bruno Chevillon, le club proche de la Mairie des Lilas accueillait le 19 décembre Guillaume de Chassy, Géraldine Laurent et André Minvielle pour leur libre déambulation dans le répertoire de Charles Trenet

‘TRENET EN PASSANT’

Guillaume de Chassy (piano), Géraldine Laurent (saxophone alto), André Minvielle (voix)

Les Lilas, Le Triton, 19 décembre 2025, 20h30

La salle est comble. Conséquence peut-être d’un élogieux écho dans le supplément franciliend’un hebdo culturel. Dans le public, beaucoup de seniors nostalgiques du monde enchanté de Charles Trenet. Votre serviteur, senior lui aussi, est arrivé là plutôt conduit par son goût du jazz, et son admiration pour ces trois artistes. Mais la nostalgie est, pour lui aussi,en embuscade. Et manifestement tout le public (y compris celles et ceux qui échappent à la catégorie de l’âge mûr) sera enchanté !

Car c’est bien d’enchantement qu’il s’agit : la liberté foncière du répertoire, ici traité très très librement, avec une inventivité et une verve extraordinaires. La palette s’est déployée depuis le disque éponyme, ‘Choc’ Jazz Magazine en septembre 2024.

Le concert commence par une intro solo du pianiste, qui se faufile dans des harmonies évoquant La Mer…. mais le chanteur nous embarque dans La folle complainte. Et nous allons ainsi naviguer en terre du fou chantant, avec l’expressivité qui porte le texte, les contrechants de saxophone qui attisent la mélodie, le piano qui caresse ou caracole, foudroie ou cajole. Le trio devient duo, sans Géraldine Laurent, pour le vertigineux Débit de l’eau, débit de lait, sur un texte funambulesque de Francis Blanche, avec scat incendiaire d’André Minvielle. La saxophoniste revient en trio pour Je chante et, après une intro en scat de Minvielle, décolle à son tour dans l’improvisation. Guillaume de Chassy n’est pas en reste, qui conjugue de titre en titre l’harmonie romantique, la pompe et les clusters. Et il annonce le second plan social de la soirée : après l’éviction de la saxophoniste, celle du chanteur : c’est donc en duo piano-sax que nous naviguerons en mélancolie avec Quand j’étais petit. Je vous épargnerai le détail du programme pour vous dire simplement que ce fut, en permanence, une alchimie de précision et d’incartades, de rigueur et de fantaisie, une ode à la liberté dans la célébration, inspirée, d’un monument national : épatant d’intensité, de musicalité, de tendresse et d’humour. Un pur bonheur qui entraîna plusieurs rappels : une évocation de Marc Perrone, puis le vertigineux déboulé du chanteur-auteur sur La Flambée montalbanaise de Gus Viseur. Et, parce que l’on en redemandait, un ultime retour sur L’Âme des poètes. En résumé, un pur moment de grâce, pour l’ouïe, le cœur et l’esprit !

Xavier Prévost (texte et photos)