Jazz live
Publié le 28 Mar 2022

Un château sous le(s) choc(s)

Samedi soir, le 26 mars, les murs du petit mais néanmoins accueillant château d’Eymet on tremblé d’une musique qui n’avait de médiéval que le choc des armures d’un trio fusionnel : personne n’aurait pu dire qui de Manuel Hermia, de Valentin Ceccaldi ou de Sylvain Darrifourcq les conduisait.

Pourquoi un trio aussi rigoureux que celui que forment Manuel Hermia (ts), Valentin Ceccaldi (cello) et Sylvain  Darrifourcq (dm) réussissent à électriser un public aussi divers que celui d’une bastide comme Eymet (Dordogne), à vocation touristique ? Certes, sous l’égide de Laurent Pasquon, l’association Maquizart y organise le festival hivernal “Jazz’Off” et nous a habitués à l’éclectisme : cette année, Yaron Herman, Omar Sosa, Eric Seva, Claude Tchamitchian, Henri Texier ont offert des jazz(s) qui ne se ressemblaient que sur un seul point, l’exigence. On y ajoutera, mais cela tombe sous le sens, la qualité. L’une et l’autre s’étaient donné rendez-vous en ce début de printemps pour faire fleurir une liberté aux antipodes du laisser-aller. On connaît le goût de Darrifourcq pour extirper de sa batterie, non sans cocasserie, des bruits surgis de nulle part. Enfin, si : de son cerveau et de son instrument qui est comme son double. Il en connaît tous les recoins, toutes les possibilités.

Le violiniste Valentin Ceccaldi

La pulsation, sèche comme une catapulte, nous rapprocherait d’un rock martelé mais mêlée de roulements et de ponctuations qui créent une sorte de mélodie parallèle. Avec Valentin Ceccaldi, le violoncelle se muscle : notes ponctuantes et soudain virulence de l’archet sur les cordes, frottements dynamites, en conjugaison avec coup sur une cymbale, ou bien cymbale durable sous les mailloches, en harmonie avec intervention toute en fragments du ténor. Justement, il a semblé que Manuel Hermia se tenait un peu en retrait, mais une fois rectifiée l’amplification, tout est redevenu tel que les musiciens le pensaient et le voulaient. De ce magma sonore, ou pouvait s’attendre à une éruption saxophonistique, mais elle fut tout intérieure, des déflagrations maîtrisées alternant avec des séquences plus méditatives. On a rarement eu à ce point l’impression d’une symbiose, d’une cohésion/cohérence, d’une fusion. A telle enseigne que l’image des Horizons perdus, angoissants pour les marins mais chers au poète Stanislas Rodanski, a flotté dans l’esprit de plusieurs spectateurs : tout pouvait surgir à chaque instant de cette brutalité musicale, reflet et déclecheuse d’imaginaire. François-René Simon

Photos © Joël Delayre