Jazz live
Publié le 1 Sep 2014

Une nouvelle grande scène de jazz en France : la scène Sully (RV de l'Erdre 2014, III)

Le grand ministre d’Henri IV, qui avait su faire rentrer de très nombreux arriérés d’impôts dans les caisse de l’Etat (l’évasion fiscale ne date pas d’aujourd’hui) serait bien avisé de revenir parmi nous pour une opération de même nature. De surcroît, il aurait la satisfaction de constater que l’une des scènes jazz des « Rendez-vous de l’Erdre » porte son nom, et qu’elle est, chaque année un peu plus, le lieu de concerts enthousiasmants. Et ce, d’autant plus que la programmation est en exigeante, et que l’accueil du public est de plus en plus passionné. Comme quoi plaisir de l’écoute et qualité musicale vont ensemble, comme il faut encore une fois le souligner. Voyons ça.

 

Et d’abord par quelques signes : Didier Levallet, sur un réseau social bien fessu, a lui-même commenté – non pas son concert bien sûr – mais l’effet qu’il a ressenti de ce qui lui venait du public, quelque chose de simple comme le bonheur, qu’il a rattaché à ses musiciens bien sûr, en particulier à ses trois vedettes féminines. Nous en avons déjà parlé. Mais c’est suffisamment rare pour être relevé. Didier est un homme discret, et pour qu’il sorte de sa réserve pour écrire plusieurs lignes sur ce sujet, il aura fallu que l’émotion soit forte. Cela se passait à la scène Sully, évidemment.

 

Mais hier encore : le trio BFG (Emmanuel Bex, orgue), Glenn Ferris, trombone, Simon Goubert, batterie) a fait se lever les spectateurs de la dite scène au point que les premiers rangs ont fini debout, tout comme les autres (plus de mille ?) qui se trouvaient sur les côtés, au fond, dieu sait où. Une ovation incroyable. Un accueil inconnu au bataillon. Comment expliquer ça ? La gratuité, oui. Et puis l’effet d’accumulation, année après année, le bouche-à-oreille. Les gens prennent des habitudes et se les refilent, ils arrivent une heure avant le concert, ils apportent parfois des sièges personnels, très souvent des ombrelles (car en début d’après-midi il fait une chaleur intense !), et ils n’ont souvent même pas regardé le programme. Ils savent. Ils savent que ce qu’on leur propose sur cette scène est souvent peu connu, surprenant parfois, et au bout du compte toujours excellent parce qu’on ne leur a pas offert (oui, offert) ce que dont les médias ont parlé (et qui est souvent très ennuyeux même si « Vu à la Télé ») mais des prestations de qualité par des musiciens qui se soucient de musique et pas de chiffres de vente. Ou d’audimat. Alors pour ça, les « Rendez-vous de l’Erdre » sont bien le festival grand public de l’été à la fois le plus important, mais aussi le plus formateur. C’est dit.

 

Avant BFG, et pour bien confirmer cette dimension spéciale de la scène Sully, nous avons écouté hier le nouveau quartet de Leïla Martial (voix, electronics), sous le nom de Baa Box, avec Eric Pérez (dm, electronics, voix), Alice Perret (clavier, alto, voix) et Pierre Teyregeol (g, voix). A 14.30 ce n’est pas évident. Et bien ce fut un très bon concert. Une formation qui a besoin encore de se confronter à la scène, et à elle-même, une chanteuse qui hésite encore entre voix déployée (elle sait le faire, et drôlement bien) et travail sur les sons, une hésitation qui produit des effets très réussis de progression par vagues, avec des moments de recueil et des moments d’éclats, une partenaire qui prend une très belle place dans les instants de voix harmonisées, mais aussi au violon-alto, un batteur qui connaît bien son affaire, un guitariste discret et très bien intégré. 

 

IMG 0850

      Baa Box, une boîte ronde…

 

A suivre, après un temps d’attente bien venu consacré à la lutte des intermittents du spectacle, une orchestre de grands stars françaises, dirigé par Alexandra Grimal. Bon, elle, le grand public la connaît peu, mais c’est fait pour ça un festival, découvrir. Sinon, imaginez ça : Marc Ducret (si ça ne vous dit rien, j’arrête tout) et Nelson Véras aux guitares, Benoît Delbecq au piano (même punition), et puis Stéphane Galland à la batterie, et Josef Dumoulin, le pianiste qui monte dans votre estime sans que vous le sachiez. Bon, allez, une Lynn Cassiers qui chante et trafique des choses électroniques. Et puis Alexandra Grimal aux saxophones, une petite femme simple, pleine de partitions et de droiture. La musique est complexe. Elle se tient en équilibre, longtemps, presque en arrêt, et puis elle avance, elle tonne même, elle retentit. Suit un calme étrange, qui se prolonge, encore, encore. Vous y êtes, vous vous laissez porter : les partitions sont devenus un corps, ce qui était séparé est uni dans un son, un orchestre qui sonne. C’est drôlement beau.

 

IMG 0876

     Alexandra Grimal et ses saxophones

 

L’année prochaine, il paraît que la scène Sully va disparaître pour que des travaux soient effectués sur le site. Bon. Seul avantage : on verra, sur les panneaux qui vont délimiter le chantier, de très grandes photos de Bruce Milpied. La grande qualité de Bruce Milpied, photographe qui vient à Nantes tous les ans depuis bien des années, ne tient pas à sa technique (aujourd’hui, un peu d’exercice, un bon appareil et vous avez vite de quoi épater la galerie), mais à son art de faire en sorte que dans une photo de musiciens en train de jouer, ou de répéter, une histoire se raconte, se noue, ou se dénoue, ou s’imagine.

 

Sinon, monsieur Sully, revenez vite et faites-nous encore une scène !

 

Philippe Méziat

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Le grand ministre d’Henri IV, qui avait su faire rentrer de très nombreux arriérés d’impôts dans les caisse de l’Etat (l’évasion fiscale ne date pas d’aujourd’hui) serait bien avisé de revenir parmi nous pour une opération de même nature. De surcroît, il aurait la satisfaction de constater que l’une des scènes jazz des « Rendez-vous de l’Erdre » porte son nom, et qu’elle est, chaque année un peu plus, le lieu de concerts enthousiasmants. Et ce, d’autant plus que la programmation est en exigeante, et que l’accueil du public est de plus en plus passionné. Comme quoi plaisir de l’écoute et qualité musicale vont ensemble, comme il faut encore une fois le souligner. Voyons ça.

 

Et d’abord par quelques signes : Didier Levallet, sur un réseau social bien fessu, a lui-même commenté – non pas son concert bien sûr – mais l’effet qu’il a ressenti de ce qui lui venait du public, quelque chose de simple comme le bonheur, qu’il a rattaché à ses musiciens bien sûr, en particulier à ses trois vedettes féminines. Nous en avons déjà parlé. Mais c’est suffisamment rare pour être relevé. Didier est un homme discret, et pour qu’il sorte de sa réserve pour écrire plusieurs lignes sur ce sujet, il aura fallu que l’émotion soit forte. Cela se passait à la scène Sully, évidemment.

 

Mais hier encore : le trio BFG (Emmanuel Bex, orgue), Glenn Ferris, trombone, Simon Goubert, batterie) a fait se lever les spectateurs de la dite scène au point que les premiers rangs ont fini debout, tout comme les autres (plus de mille ?) qui se trouvaient sur les côtés, au fond, dieu sait où. Une ovation incroyable. Un accueil inconnu au bataillon. Comment expliquer ça ? La gratuité, oui. Et puis l’effet d’accumulation, année après année, le bouche-à-oreille. Les gens prennent des habitudes et se les refilent, ils arrivent une heure avant le concert, ils apportent parfois des sièges personnels, très souvent des ombrelles (car en début d’après-midi il fait une chaleur intense !), et ils n’ont souvent même pas regardé le programme. Ils savent. Ils savent que ce qu’on leur propose sur cette scène est souvent peu connu, surprenant parfois, et au bout du compte toujours excellent parce qu’on ne leur a pas offert (oui, offert) ce que dont les médias ont parlé (et qui est souvent très ennuyeux même si « Vu à la Télé ») mais des prestations de qualité par des musiciens qui se soucient de musique et pas de chiffres de vente. Ou d’audimat. Alors pour ça, les « Rendez-vous de l’Erdre » sont bien le festival grand public de l’été à la fois le plus important, mais aussi le plus formateur. C’est dit.

 

Avant BFG, et pour bien confirmer cette dimension spéciale de la scène Sully, nous avons écouté hier le nouveau quartet de Leïla Martial (voix, electronics), sous le nom de Baa Box, avec Eric Pérez (dm, electronics, voix), Alice Perret (clavier, alto, voix) et Pierre Teyregeol (g, voix). A 14.30 ce n’est pas évident. Et bien ce fut un très bon concert. Une formation qui a besoin encore de se confronter à la scène, et à elle-même, une chanteuse qui hésite encore entre voix déployée (elle sait le faire, et drôlement bien) et travail sur les sons, une hésitation qui produit des effets très réussis de progression par vagues, avec des moments de recueil et des moments d’éclats, une partenaire qui prend une très belle place dans les instants de voix harmonisées, mais aussi au violon-alto, un batteur qui connaît bien son affaire, un guitariste discret et très bien intégré. 

 

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      Baa Box, une boîte ronde…

 

A suivre, après un temps d’attente bien venu consacré à la lutte des intermittents du spectacle, une orchestre de grands stars françaises, dirigé par Alexandra Grimal. Bon, elle, le grand public la connaît peu, mais c’est fait pour ça un festival, découvrir. Sinon, imaginez ça : Marc Ducret (si ça ne vous dit rien, j’arrête tout) et Nelson Véras aux guitares, Benoît Delbecq au piano (même punition), et puis Stéphane Galland à la batterie, et Josef Dumoulin, le pianiste qui monte dans votre estime sans que vous le sachiez. Bon, allez, une Lynn Cassiers qui chante et trafique des choses électroniques. Et puis Alexandra Grimal aux saxophones, une petite femme simple, pleine de partitions et de droiture. La musique est complexe. Elle se tient en équilibre, longtemps, presque en arrêt, et puis elle avance, elle tonne même, elle retentit. Suit un calme étrange, qui se prolonge, encore, encore. Vous y êtes, vous vous laissez porter : les partitions sont devenus un corps, ce qui était séparé est uni dans un son, un orchestre qui sonne. C’est drôlement beau.

 

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     Alexandra Grimal et ses saxophones

 

L’année prochaine, il paraît que la scène Sully va disparaître pour que des travaux soient effectués sur le site. Bon. Seul avantage : on verra, sur les panneaux qui vont délimiter le chantier, de très grandes photos de Bruce Milpied. La grande qualité de Bruce Milpied, photographe qui vient à Nantes tous les ans depuis bien des années, ne tient pas à sa technique (aujourd’hui, un peu d’exercice, un bon appareil et vous avez vite de quoi épater la galerie), mais à son art de faire en sorte que dans une photo de musiciens en train de jouer, ou de répéter, une histoire se raconte, se noue, ou se dénoue, ou s’imagine.

 

Sinon, monsieur Sully, revenez vite et faites-nous encore une scène !

 

Philippe Méziat

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Le grand ministre d’Henri IV, qui avait su faire rentrer de très nombreux arriérés d’impôts dans les caisse de l’Etat (l’évasion fiscale ne date pas d’aujourd’hui) serait bien avisé de revenir parmi nous pour une opération de même nature. De surcroît, il aurait la satisfaction de constater que l’une des scènes jazz des « Rendez-vous de l’Erdre » porte son nom, et qu’elle est, chaque année un peu plus, le lieu de concerts enthousiasmants. Et ce, d’autant plus que la programmation est en exigeante, et que l’accueil du public est de plus en plus passionné. Comme quoi plaisir de l’écoute et qualité musicale vont ensemble, comme il faut encore une fois le souligner. Voyons ça.

 

Et d’abord par quelques signes : Didier Levallet, sur un réseau social bien fessu, a lui-même commenté – non pas son concert bien sûr – mais l’effet qu’il a ressenti de ce qui lui venait du public, quelque chose de simple comme le bonheur, qu’il a rattaché à ses musiciens bien sûr, en particulier à ses trois vedettes féminines. Nous en avons déjà parlé. Mais c’est suffisamment rare pour être relevé. Didier est un homme discret, et pour qu’il sorte de sa réserve pour écrire plusieurs lignes sur ce sujet, il aura fallu que l’émotion soit forte. Cela se passait à la scène Sully, évidemment.

 

Mais hier encore : le trio BFG (Emmanuel Bex, orgue), Glenn Ferris, trombone, Simon Goubert, batterie) a fait se lever les spectateurs de la dite scène au point que les premiers rangs ont fini debout, tout comme les autres (plus de mille ?) qui se trouvaient sur les côtés, au fond, dieu sait où. Une ovation incroyable. Un accueil inconnu au bataillon. Comment expliquer ça ? La gratuité, oui. Et puis l’effet d’accumulation, année après année, le bouche-à-oreille. Les gens prennent des habitudes et se les refilent, ils arrivent une heure avant le concert, ils apportent parfois des sièges personnels, très souvent des ombrelles (car en début d’après-midi il fait une chaleur intense !), et ils n’ont souvent même pas regardé le programme. Ils savent. Ils savent que ce qu’on leur propose sur cette scène est souvent peu connu, surprenant parfois, et au bout du compte toujours excellent parce qu’on ne leur a pas offert (oui, offert) ce que dont les médias ont parlé (et qui est souvent très ennuyeux même si « Vu à la Télé ») mais des prestations de qualité par des musiciens qui se soucient de musique et pas de chiffres de vente. Ou d’audimat. Alors pour ça, les « Rendez-vous de l’Erdre » sont bien le festival grand public de l’été à la fois le plus important, mais aussi le plus formateur. C’est dit.

 

Avant BFG, et pour bien confirmer cette dimension spéciale de la scène Sully, nous avons écouté hier le nouveau quartet de Leïla Martial (voix, electronics), sous le nom de Baa Box, avec Eric Pérez (dm, electronics, voix), Alice Perret (clavier, alto, voix) et Pierre Teyregeol (g, voix). A 14.30 ce n’est pas évident. Et bien ce fut un très bon concert. Une formation qui a besoin encore de se confronter à la scène, et à elle-même, une chanteuse qui hésite encore entre voix déployée (elle sait le faire, et drôlement bien) et travail sur les sons, une hésitation qui produit des effets très réussis de progression par vagues, avec des moments de recueil et des moments d’éclats, une partenaire qui prend une très belle place dans les instants de voix harmonisées, mais aussi au violon-alto, un batteur qui connaît bien son affaire, un guitariste discret et très bien intégré. 

 

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      Baa Box, une boîte ronde…

 

A suivre, après un temps d’attente bien venu consacré à la lutte des intermittents du spectacle, une orchestre de grands stars françaises, dirigé par Alexandra Grimal. Bon, elle, le grand public la connaît peu, mais c’est fait pour ça un festival, découvrir. Sinon, imaginez ça : Marc Ducret (si ça ne vous dit rien, j’arrête tout) et Nelson Véras aux guitares, Benoît Delbecq au piano (même punition), et puis Stéphane Galland à la batterie, et Josef Dumoulin, le pianiste qui monte dans votre estime sans que vous le sachiez. Bon, allez, une Lynn Cassiers qui chante et trafique des choses électroniques. Et puis Alexandra Grimal aux saxophones, une petite femme simple, pleine de partitions et de droiture. La musique est complexe. Elle se tient en équilibre, longtemps, presque en arrêt, et puis elle avance, elle tonne même, elle retentit. Suit un calme étrange, qui se prolonge, encore, encore. Vous y êtes, vous vous laissez porter : les partitions sont devenus un corps, ce qui était séparé est uni dans un son, un orchestre qui sonne. C’est drôlement beau.

 

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     Alexandra Grimal et ses saxophones

 

L’année prochaine, il paraît que la scène Sully va disparaître pour que des travaux soient effectués sur le site. Bon. Seul avantage : on verra, sur les panneaux qui vont délimiter le chantier, de très grandes photos de Bruce Milpied. La grande qualité de Bruce Milpied, photographe qui vient à Nantes tous les ans depuis bien des années, ne tient pas à sa technique (aujourd’hui, un peu d’exercice, un bon appareil et vous avez vite de quoi épater la galerie), mais à son art de faire en sorte que dans une photo de musiciens en train de jouer, ou de répéter, une histoire se raconte, se noue, ou se dénoue, ou s’imagine.

 

Sinon, monsieur Sully, revenez vite et faites-nous encore une scène !

 

Philippe Méziat

|

Le grand ministre d’Henri IV, qui avait su faire rentrer de très nombreux arriérés d’impôts dans les caisse de l’Etat (l’évasion fiscale ne date pas d’aujourd’hui) serait bien avisé de revenir parmi nous pour une opération de même nature. De surcroît, il aurait la satisfaction de constater que l’une des scènes jazz des « Rendez-vous de l’Erdre » porte son nom, et qu’elle est, chaque année un peu plus, le lieu de concerts enthousiasmants. Et ce, d’autant plus que la programmation est en exigeante, et que l’accueil du public est de plus en plus passionné. Comme quoi plaisir de l’écoute et qualité musicale vont ensemble, comme il faut encore une fois le souligner. Voyons ça.

 

Et d’abord par quelques signes : Didier Levallet, sur un réseau social bien fessu, a lui-même commenté – non pas son concert bien sûr – mais l’effet qu’il a ressenti de ce qui lui venait du public, quelque chose de simple comme le bonheur, qu’il a rattaché à ses musiciens bien sûr, en particulier à ses trois vedettes féminines. Nous en avons déjà parlé. Mais c’est suffisamment rare pour être relevé. Didier est un homme discret, et pour qu’il sorte de sa réserve pour écrire plusieurs lignes sur ce sujet, il aura fallu que l’émotion soit forte. Cela se passait à la scène Sully, évidemment.

 

Mais hier encore : le trio BFG (Emmanuel Bex, orgue), Glenn Ferris, trombone, Simon Goubert, batterie) a fait se lever les spectateurs de la dite scène au point que les premiers rangs ont fini debout, tout comme les autres (plus de mille ?) qui se trouvaient sur les côtés, au fond, dieu sait où. Une ovation incroyable. Un accueil inconnu au bataillon. Comment expliquer ça ? La gratuité, oui. Et puis l’effet d’accumulation, année après année, le bouche-à-oreille. Les gens prennent des habitudes et se les refilent, ils arrivent une heure avant le concert, ils apportent parfois des sièges personnels, très souvent des ombrelles (car en début d’après-midi il fait une chaleur intense !), et ils n’ont souvent même pas regardé le programme. Ils savent. Ils savent que ce qu’on leur propose sur cette scène est souvent peu connu, surprenant parfois, et au bout du compte toujours excellent parce qu’on ne leur a pas offert (oui, offert) ce que dont les médias ont parlé (et qui est souvent très ennuyeux même si « Vu à la Télé ») mais des prestations de qualité par des musiciens qui se soucient de musique et pas de chiffres de vente. Ou d’audimat. Alors pour ça, les « Rendez-vous de l’Erdre » sont bien le festival grand public de l’été à la fois le plus important, mais aussi le plus formateur. C’est dit.

 

Avant BFG, et pour bien confirmer cette dimension spéciale de la scène Sully, nous avons écouté hier le nouveau quartet de Leïla Martial (voix, electronics), sous le nom de Baa Box, avec Eric Pérez (dm, electronics, voix), Alice Perret (clavier, alto, voix) et Pierre Teyregeol (g, voix). A 14.30 ce n’est pas évident. Et bien ce fut un très bon concert. Une formation qui a besoin encore de se confronter à la scène, et à elle-même, une chanteuse qui hésite encore entre voix déployée (elle sait le faire, et drôlement bien) et travail sur les sons, une hésitation qui produit des effets très réussis de progression par vagues, avec des moments de recueil et des moments d’éclats, une partenaire qui prend une très belle place dans les instants de voix harmonisées, mais aussi au violon-alto, un batteur qui connaît bien son affaire, un guitariste discret et très bien intégré. 

 

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      Baa Box, une boîte ronde…

 

A suivre, après un temps d’attente bien venu consacré à la lutte des intermittents du spectacle, une orchestre de grands stars françaises, dirigé par Alexandra Grimal. Bon, elle, le grand public la connaît peu, mais c’est fait pour ça un festival, découvrir. Sinon, imaginez ça : Marc Ducret (si ça ne vous dit rien, j’arrête tout) et Nelson Véras aux guitares, Benoît Delbecq au piano (même punition), et puis Stéphane Galland à la batterie, et Josef Dumoulin, le pianiste qui monte dans votre estime sans que vous le sachiez. Bon, allez, une Lynn Cassiers qui chante et trafique des choses électroniques. Et puis Alexandra Grimal aux saxophones, une petite femme simple, pleine de partitions et de droiture. La musique est complexe. Elle se tient en équilibre, longtemps, presque en arrêt, et puis elle avance, elle tonne même, elle retentit. Suit un calme étrange, qui se prolonge, encore, encore. Vous y êtes, vous vous laissez porter : les partitions sont devenus un corps, ce qui était séparé est uni dans un son, un orchestre qui sonne. C’est drôlement beau.

 

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     Alexandra Grimal et ses saxophones

 

L’année prochaine, il paraît que la scène Sully va disparaître pour que des travaux soient effectués sur le site. Bon. Seul avantage : on verra, sur les panneaux qui vont délimiter le chantier, de très grandes photos de Bruce Milpied. La grande qualité de Bruce Milpied, photographe qui vient à Nantes tous les ans depuis bien des années, ne tient pas à sa technique (aujourd’hui, un peu d’exercice, un bon appareil et vous avez vite de quoi épater la galerie), mais à son art de faire en sorte que dans une photo de musiciens en train de jouer, ou de répéter, une histoire se raconte, se noue, ou se dénoue, ou s’imagine.

 

Sinon, monsieur Sully, revenez vite et faites-nous encore une scène !

 

Philippe Méziat