Jazz live
Publié le 6 Mar 2020

WILD BEASTS : un set au Sunset

WILD BEASTS : un set au Sunset

Doublement contraint par une arthrose de la hanche et par des travaux nocturnes sur sa destination banlieusarde, le chroniqueur a dû se résoudre à n’écouter que le premier set ; mais quel set !

JEAN-MARC FOLTZ QUARTET

Jean-Marc Foltz (clarinette basse), Philippe Mouratoglou (guitare), Sébastien Boisseau (contrebasse), Christophe Marguet (batterie)

Paris, Sunset, 5 mars 2020, 20h30

On part bille en tête sur un solo de batterie où 4 et 3 temps se conjuguent, dans un mouvement irrépressible. Rejoint par la basse, le solo se fait duo, d’une intensité folle. Profitant d’un decrescendo, guitare et clarinette basse se faufilent. On entre dans une atmosphère un peu chambriste, mais la pulsation demeure, vitale et tellurique. Le quartette joue le répertoire du disque « Wild Beasts » (Vision Fugitive, l’autre distribution), paru tout récemment, et pour l’instant dans le même ordre.

La pulsation dans le disque était très prégnante, mais ici, avec l’effet acoustique de ce tunnel en forme de station de métro qu’est l’historique Sunset, basse et batterie gagnent en prépondérance, sans hégémonie toutefois. La dynamique est large, et quand le pianissimo se fait ténu, la rumeur de la terrasse du Sunset, dans cette ‘rue de la Soif’ qu’est devenue la rue des Lombards, se fait légèrement envahissante. Mais pas assez pour gâter notre plaisir. La musique est subtile, vibrante, et même bondissante : un vrai bon groupe homogène, même si ce concert de sortie du disque est un peu l’instant des retrouvailles, longtemps après l’enregistrement du CD. Lions Die Alone sera un moment de grave mélancolie, nuances et retenue nous portent à l’émoi recueilli d’une cérémonie funèbre. Le répertoire du disque, et du concert, est inspiré par des photographies d’animaux sauvages signées Nicolas Bruant (magnifique livret du CD !). On est cependant loin de toute musique illustrative. Les images sont dans la musique. Après un vibrant duo guitare-clarinette basse, Jean-Marc Foltz annonce, pour clore ce premier set, un thème inspiré par Betty Davis (et Miles Davis), Betty Devil. Par son déroulement segmenté, ses contrastes violents, on pense un peu à une sorte de miroir, version entièrement acoustique, de l’album «Tutu». Phantasme névrotique d’amateur, j’en conviens. Mais quel bonheur. Très beau groupe et très beau concert. Ce set m’a rassasié, et mon départ contraint fait par ce bonheur l’économie d’un regret.

Xavier Prévost