Jazz live
Publié le 6 Avr 2017

Archie Shepp dans les vignes de Palmer, de "Steam" à "Mama Rose" en passant par "Come Sunday"

Interpréter un millésime, depuis 2010 c’est l’amical défi que lance Thomas Duroux, régisseur du Château Palmer (Grand Cru Classé, appellation Margaux) aux musiciens de jazz qu’il invite à l’orée de la campagne des primeurs. Nous avons eu les versions de Jacky Terrasson, celles de Lionel Belmondo, l’an dernier c’était la rencontre entre Thomas Enhco et Dan Tepfer, tous nous ont donné leur version du second vin (« Alter Ego ») ainsi que celle du premier, « Château Palmer » et son étiquette bleue. Oui, bleue sombre comme certains blues.

Archie Shepp Quartet : Archie Shepp (ts, ss, voc), Carl-Henri Morisset (p), Darryl Hall (b), Steve McCraven (dm).

Archie Shepp traverse l’histoire avec une classe éblouissante, il dresse (sans le délibérer) par sa manière d’échapper au « jazz » (mot dont il conteste l’usage) tout en restant « jazz » (« Je suis jazz, c’est ma vie ») une sorte de statue que la photo d’Olivier Metzger illustre parfaitement. J’ai entendu Shepp au début des années 70, je l’ai invité dans mon festival à Bordeaux, je l’ai croisé à nouveau depuis, et à chaque fois il m’a embarqué dans son histoire, avec ses moyens, sa façon assez unique de chanter (de la caresse au cri), de prolonger le son qui fut et reste le sien, entre souffle et protestation de « honker ». Il ne manque pas une occasion de rappeler la fin tragique de son cousin, assassiné à quinze ans par les forces de police (« Steam ») et magnifié par le saxophoniste par une mélodie pleine de vie insouciante. « Mama Rose » est toujours là aussi, et si depuis il a ajouté une version très émouvante de « Come Sunday » c’est que l’univers de Duke Ellington reste toujours le sien, avec le gospel comme horizon, et le désir comme force de vie (« Prelude To A Kiss »). Avec sa droiture coutumière, il a fait l’impasse sur le jeu des vins pour mieux célébrer le fleuve qui, non loin du château, voyait au XVIII° siècle passer les vaisseaux en route pour la traite. En invitant ce musicien, qui est aussi poète, témoin de l’histoire d’un peuple déporté, Palmer s’est hissé encore plus haut. Steve McCraven, Darryl Hall et le jeune Carl-Henri Morisset ont soutenu et accompagné cette soirée avec coeur et une belle détermination. Bleu sombre, bleu de l’âme, mais bleu du ciel également.

Photo : Olivier Metzger

Photo : Olivier Metzger

Photo : Olivier Metzger

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Méziat|Interpréter un millésime, depuis 2010 c’est l’amical défi que lance Thomas Duroux, régisseur du Château Palmer (Grand Cru Classé, appellation Margaux) aux musiciens de jazz qu’il invite à l’orée de la campagne des primeurs. Nous avons eu les versions de Jacky Terrasson, celles de Lionel Belmondo, l’an dernier c’était la rencontre entre Thomas Enhco et Dan Tepfer, tous nous ont donné leur version du second vin (« Alter Ego ») ainsi que celle du premier, « Château Palmer » et son étiquette bleue. Oui, bleue sombre comme certains blues.

Archie Shepp Quartet : Archie Shepp (ts, ss, voc), Carl-Henri Morisset (p), Darryl Hall (b), Steve McCraven (dm).

Archie Shepp traverse l’histoire avec une classe éblouissante, il dresse (sans le délibérer) par sa manière d’échapper au « jazz » (mot dont il conteste l’usage) tout en restant « jazz » (« Je suis jazz, c’est ma vie ») une sorte de statue que la photo d’Olivier Metzger illustre parfaitement. J’ai entendu Shepp au début des années 70, je l’ai invité dans mon festival à Bordeaux, je l’ai croisé à nouveau depuis, et à chaque fois il m’a embarqué dans son histoire, avec ses moyens, sa façon assez unique de chanter (de la caresse au cri), de prolonger le son qui fut et reste le sien, entre souffle et protestation de « honker ». Il ne manque pas une occasion de rappeler la fin tragique de son cousin, assassiné à quinze ans par les forces de police (« Steam ») et magnifié par le saxophoniste par une mélodie pleine de vie insouciante. « Mama Rose » est toujours là aussi, et si depuis il a ajouté une version très émouvante de « Come Sunday » c’est que l’univers de Duke Ellington reste toujours le sien, avec le gospel comme horizon, et le désir comme force de vie (« Prelude To A Kiss »). Avec sa droiture coutumière, il a fait l’impasse sur le jeu des vins pour mieux célébrer le fleuve qui, non loin du château, voyait au XVIII° siècle passer les vaisseaux en route pour la traite. En invitant ce musicien, qui est aussi poète, témoin de l’histoire d’un peuple déporté, Palmer s’est hissé encore plus haut. Steve McCraven, Darryl Hall et le jeune Carl-Henri Morisset ont soutenu et accompagné cette soirée avec coeur et une belle détermination. Bleu sombre, bleu de l’âme, mais bleu du ciel également.

Photo : Olivier Metzger

Photo : Olivier Metzger

Photo : Olivier Metzger

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Méziat