Jazz live
Publié le 19 Déc 2014

Du Triton à l'Ermitage, d'Equal Crossing à Ping Machine

Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années.

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale et contemporaine.

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence au Triton ces derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux.

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchetre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

Une fois n’est pas coutume, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première partie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces e
xogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce du duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, est au programme de la partition de Trona. Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

 

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


 

Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années au cours desquelles je l’ai écouté discontinue.

 

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

 

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

 

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale, orchestrale et formelle contemporaine.

 

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, finir apr conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

 

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence sur place ces quatre derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux, ce programme m’a renvoyé au seul film de John Carpenter que j’ai jamais vu, Ghosts of Mars où, sans être très adepte de ce type de cinéma, j’avais été frappé, suffisamment durablement pour m’en souvenir encore, par cette dramaturgie à la limite de la narration et de la pure installation de climat, soit une narration si lente qu’elle en devient imperceptible, sauf en de soudaines précipitations, précipitations illusoires en ce qu’elles accélèrent moins la succession des évènements que les battements du cœur. Soit une musique qui doit tout à la fois au spectral et au minimalisme, le déroulement de cette grande fresque révélant un monochromisme évolutif dont la texture plus ou moins serrée, révèle une succession de microstructures polyphoniques d’une complexité “exquise” qui ne saurait advenir sans la compétence des trois musiciens réunis là autour des partitions de Régis Huby. On imagine ce que quelques concerts supplémentaires sauront offrir à ce potentiel hier encore manipulé avec des prudences de démineur. Heureusement, il existe encore quelques lieux pour accueillir ces exercices de déminage qui sont le carburant des Arts, si ce mot a encore quelque sens, et un public échappant encore au formatage des esprits et prêt à se passionner pour eux.

 

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

 

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba, trombone basse), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

 

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchestre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

 

Une fois n’est pas coutume avec cet orchestre dont le travail est à l’œuvre concert après concert depuis 10 ans, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première p
artie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces exogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce de l’enchanteur duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance qui s’était néanmoins montré fort discret comme soliste jusqu’à la création de cette pièce) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, n’est pas une pièce rapportée pour la soirée anniversaire, mais figure sur la partition de Trona.

 

Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas encore revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années.

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale et contemporaine.

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence au Triton ces derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux.

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchetre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

Une fois n’est pas coutume, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première partie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces e
xogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce du duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, est au programme de la partition de Trona. Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

 

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


 

Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années au cours desquelles je l’ai écouté discontinue.

 

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

 

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

 

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale, orchestrale et formelle contemporaine.

 

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, finir apr conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

 

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence sur place ces quatre derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux, ce programme m’a renvoyé au seul film de John Carpenter que j’ai jamais vu, Ghosts of Mars où, sans être très adepte de ce type de cinéma, j’avais été frappé, suffisamment durablement pour m’en souvenir encore, par cette dramaturgie à la limite de la narration et de la pure installation de climat, soit une narration si lente qu’elle en devient imperceptible, sauf en de soudaines précipitations, précipitations illusoires en ce qu’elles accélèrent moins la succession des évènements que les battements du cœur. Soit une musique qui doit tout à la fois au spectral et au minimalisme, le déroulement de cette grande fresque révélant un monochromisme évolutif dont la texture plus ou moins serrée, révèle une succession de microstructures polyphoniques d’une complexité “exquise” qui ne saurait advenir sans la compétence des trois musiciens réunis là autour des partitions de Régis Huby. On imagine ce que quelques concerts supplémentaires sauront offrir à ce potentiel hier encore manipulé avec des prudences de démineur. Heureusement, il existe encore quelques lieux pour accueillir ces exercices de déminage qui sont le carburant des Arts, si ce mot a encore quelque sens, et un public échappant encore au formatage des esprits et prêt à se passionner pour eux.

 

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

 

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba, trombone basse), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

 

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchestre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

 

Une fois n’est pas coutume avec cet orchestre dont le travail est à l’œuvre concert après concert depuis 10 ans, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première p
artie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces exogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce de l’enchanteur duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance qui s’était néanmoins montré fort discret comme soliste jusqu’à la création de cette pièce) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, n’est pas une pièce rapportée pour la soirée anniversaire, mais figure sur la partition de Trona.

 

Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas encore revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années.

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale et contemporaine.

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence au Triton ces derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux.

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchetre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

Une fois n’est pas coutume, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première partie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces e
xogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce du duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, est au programme de la partition de Trona. Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

 

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


 

Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années au cours desquelles je l’ai écouté discontinue.

 

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

 

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

 

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale, orchestrale et formelle contemporaine.

 

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, finir apr conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

 

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence sur place ces quatre derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux, ce programme m’a renvoyé au seul film de John Carpenter que j’ai jamais vu, Ghosts of Mars où, sans être très adepte de ce type de cinéma, j’avais été frappé, suffisamment durablement pour m’en souvenir encore, par cette dramaturgie à la limite de la narration et de la pure installation de climat, soit une narration si lente qu’elle en devient imperceptible, sauf en de soudaines précipitations, précipitations illusoires en ce qu’elles accélèrent moins la succession des évènements que les battements du cœur. Soit une musique qui doit tout à la fois au spectral et au minimalisme, le déroulement de cette grande fresque révélant un monochromisme évolutif dont la texture plus ou moins serrée, révèle une succession de microstructures polyphoniques d’une complexité “exquise” qui ne saurait advenir sans la compétence des trois musiciens réunis là autour des partitions de Régis Huby. On imagine ce que quelques concerts supplémentaires sauront offrir à ce potentiel hier encore manipulé avec des prudences de démineur. Heureusement, il existe encore quelques lieux pour accueillir ces exercices de déminage qui sont le carburant des Arts, si ce mot a encore quelque sens, et un public échappant encore au formatage des esprits et prêt à se passionner pour eux.

 

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

 

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba, trombone basse), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

 

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchestre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

 

Une fois n’est pas coutume avec cet orchestre dont le travail est à l’œuvre concert après concert depuis 10 ans, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première p
artie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces exogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce de l’enchanteur duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance qui s’était néanmoins montré fort discret comme soliste jusqu’à la création de cette pièce) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, n’est pas une pièce rapportée pour la soirée anniversaire, mais figure sur la partition de Trona.

 

Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas encore revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années.

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale et contemporaine.

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence au Triton ces derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux.

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchetre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

Une fois n’est pas coutume, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première partie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces e
xogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce du duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, est au programme de la partition de Trona. Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot

 


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Hier soir, il fallait choisir entre Régis Huby qui présentait son nouveau quintette Equal Crossing au Triton, et Fred Maurin et ses complices qui célébraient le dixième anniversaire de Ping Machine. J’ai pas choisi.

 

 

Le Triton, Les Lilas (93), le 19 décembre 2014, 20h.

 

 

 

Equal Crossing : Régis Huby (violon ténor électrique, électronique, compositions), Marc Ducret (guitare électrique), Bruno Angelini (piano, piano électrique, bass station, électronique), Michele Rabbia (percussions, électroniques).


 

Quelques raisons de m’être laissé séduire par Régis Huby au fil des années au cours desquelles je l’ai écouté discontinue.

 

• Un premier disque, en 1998, “Le Sentiment des brutes” qui prouvait deux choses : qu’il y avait encore beaucoup à faire avec un violon dans l’ère post-Ponty ; et que l’exploration d’un patrimoine régional pouvait être autre que festif, exotique et tropical.

 

• Le concert de fin d’exercice de l’ONJ de Paul Damiani vers 2002, au New Morning, où Régis Huby et Olivier Benoît, chacun avec une partition de sa plume, donnèrent du lustre à une soirée qui en manquait, mettant à jour le potentiel d’une formation quelque peu en friche qu’ils surent s’approprier

 

• La découverte très inattendue, un soir sur un écran de télévision (par quel hasard moi qui sait à peine comment allumer celle qui dort dans un coin de mon appartement), du spectacle La Nuit américaine de Lambert Wilson et les chanteuses Stephy Haïk et Laura Baccarini (avec qui Régis Huby continuera de collaborer) autour du répertoire de la comédie musicale arrangé par le violoniste. Ou comment monter un spectacle populaire sans tomber dans les poncifs orchestraux et formels du genre, aussi brillamment fussent-ils revisités, mais en recourant aux acquis d’une vraie culture instrumentale, orchestrale et formelle contemporaine.

 

• Le Quatuor IXI, dont Régis Huby est le co-fondateur avec l’altiste Guillaume Roy, qui a su en 20 ans d’une existence, au départ sympathique, finir apr conjuguer une puissante incarnation de la tradition du quatuor à cordes avec cette autre tradition de l’improvisation telle qu’elle a grandie avec le jazz.

 

• Et bien d’autres raisons, sous forme d’investissements au sein de diverses formations (tel l’Akasha Quartet d’Yves Rousseau que l’on retrouvera demain, samedi 20 septembre à ce même Triton, ou le quartette du guitariste Richard Bonnet , HB3 avec Denis Badault, etc.), à la tête du label phonographique Abalone Productions dont il ne se réserve pas l’usage (Franck Vaillant également attendu le 20 au Triton dans l’autre salle, Daniel Erdman, Jean-Charles Richard, Bruno Angelini, etc.) et de ses propres projets (dont ce nouveau quartette Equal Crossing) qui offrent encore à un monde surinformé sur un passé inhibant en ce qu’il semble avoir déjà tout dit, la perspective de l’invention et de l’inédit sans s’obliger à une quelconque table rase, exercice assez peu inédit depuis près d’un demi siècle.

 

 

Et s’il fallait d’autres raisons de se rendre au Triton ce soir, elles se nommaient Marc Ducret, Bruno Angelini et Michele Rabia, dont, en guise de passé, Régis Huby sut faire se croiser et fructifier les parcours et les patrimoines au cours d’une résidence sur place ces quatre derniers jours. D’où il résulta un voyage sonore, très précisément orchestré et balisé de parties écrites, comme sur une planète lointaine, au cours duquel se succédèrent scènes d’émerveillement, d’angoisse, d’effroi et de rituels envoûtants de quelque peuplade ignorée. Si l’on me permet cette métaphore très impressionniste, faute de mieux, ce programme m’a renvoyé au seul film de John Carpenter que j’ai jamais vu, Ghosts of Mars où, sans être très adepte de ce type de cinéma, j’avais été frappé, suffisamment durablement pour m’en souvenir encore, par cette dramaturgie à la limite de la narration et de la pure installation de climat, soit une narration si lente qu’elle en devient imperceptible, sauf en de soudaines précipitations, précipitations illusoires en ce qu’elles accélèrent moins la succession des évènements que les battements du cœur. Soit une musique qui doit tout à la fois au spectral et au minimalisme, le déroulement de cette grande fresque révélant un monochromisme évolutif dont la texture plus ou moins serrée, révèle une succession de microstructures polyphoniques d’une complexité “exquise” qui ne saurait advenir sans la compétence des trois musiciens réunis là autour des partitions de Régis Huby. On imagine ce que quelques concerts supplémentaires sauront offrir à ce potentiel hier encore manipulé avec des prudences de démineur. Heureusement, il existe encore quelques lieux pour accueillir ces exercices de déminage qui sont le carburant des Arts, si ce mot a encore quelque sens, et un public échappant encore au formatage des esprits et prêt à se passionner pour eux.

 

 

Studio de l’Ermitage, Paris (75), le 19 décembre 2014, 21h30

 

 

 

Ping Machine : Fabien Norbert, Andrew Crocker, Quentin Ghomari (trompette), Daniel Zimmermann (trombone), Didier Havet (tuba, trombone basse), Jean-Michel Couchet (sax alto), Fabien Debellefontaine (sax alto, clarinettes, flûte), Julien Soro (saxes alto, ténor, clarinette), Florent Dupuit (sax ténor, flûtes), Guillaume Christophel (sax baryton, clarinette basse), Paul Lay (piano, Moog), Stéphan Caracci (vibraphone), Fred Maurin (compositions, direction, guitare électrique), Raphaël Schwab (contrebasse), Rafaël Kœrner (batterie).

 

 

 

La principale des raisons, fréquemment exposées sur ce blog, d’aimer ce grand orchestre que j’ai presque vu, sinon naître voici dix ans, du moins grandir depuis ses premières dents, c’est que Fred Maurin a su faire sonner son orchestre, quels que soient les lieux où il le faisait jouer (même si, depuis, il a trouvé pour cela un lieu idéal au Studio de l’Ermitage), et ce dès ses débuts avec un orchestre de jeunes musiciens encore inexpérimentés et un vocabulaire orchestral qui n’avait pas encore l’étoffe qu’il a acquis aujourd’hui. Une constance qu’il doit peut-être à son batteur de toujours, Rafaël Kœrner, tout de suite remarqué à l’égal de la plume de Maurin. Et voir un musicien mener son projet avec une telle détermination, en s’appuyant sur la seule compétence de sa plume (et de ses complices), loin des concepts, des effets de production et de marketing, c’est à saluer en un temps où l’art semble de plus en plus menacé par la mainmise des marchands de sacs marrons et des maîtres des réseaux de communication.

 

 

Une fois n’est pas coutume avec cet orchestre dont le travail est à l’œuvre concert après concert depuis 10 ans, je n’aurai pas appris grand-chose ce soir sur cet orchestre que je ne connaisse déjà – encore que je me fasse le reproche ne pas avoir suffisamment visité tous les recoins des derniers répertoires –, car l’heure est à la célébration. J’apprends en arrivant pendant la pause que, en première p
artie, au milieu du classique du groupe Des trucs pareils, le quartette Big Four (Julien Soro, Fabien Debellefontaine, Stéphan Caracci, Rafaël Kœrner plus, pour l’occasion, Quentin Ghomari) a fait irruption pour jouer sa pièce Boule de neige. De même les pièces de la seconde partie se verront entrelardées de pièces exogènes, soit un poème du beatnik de l’orchestre, Andrew Crocker, occasion d’emmener la rythmique dans une furieuse chase avec son vieux complice Jean-Miche Couchet et une pièce de l’enchanteur duo Schwab-Soro. Le concert, qui sera encore interrompu par le cadeau, fait par l’orchestre à Fred Maurin, d’une baguette de chef d’orchestre, se clôt sur un formidable duo flûte (Florent Dupuit, l’autre pilier de l’orchestre depuis sa naissance qui s’était néanmoins montré fort discret comme soliste jusqu’à la création de cette pièce) et piano (Paul Lay), duo qui, lui, n’est pas une pièce rapportée pour la soirée anniversaire, mais figure sur la partition de Trona.

 

Après quoi, pendant que Fred Maurin décline les remerciements d’usage et fait gagner des CD à l’assistance, l’orchestre disparaît en coulisses pour revenir sur scène revêtu des tenues de cosmonautes évoquées sur la pochette de l’album “Encore” et qu’il avait déjà revêtu aux Victoires du jazz pour contourner l’épreuve du costard de rigueur. On n’est pas encore revenu de sa surprise que l’orchestre s’est déjà lancé dans un furieux funk de Tower of Power – What Is Hip ? – chanté par un Andrew Crocker hors de lui qui invite l’assistance à se lever. J’échapperai discrètement au champagne de rigueur pour ces 10 ans, étant attendu demain 20 décembre au Carré Baudoin pour une conférence sur Billie Holiday qui me demande encore quelques relectures. Franck Bergerot