Jazz live
Publié le 17 Avr 2012

Fly, un jazz d'école

Un orchestre de jazz et une école de journalisme: quel rapport me direz-vous ? Aucun à priori. Sauf qu’à assister à un concert du trio américain on se rend compte qu’il peut exister un point de convergence entre ces deux structures. On y apprend à déceler en temps réel la circulation de l’information à en décrypter les flux entrants ou sortants. Simplement les notes, les sons font office de parole ou d’écrit. Le reste est question de savoir faire, d’acquis, d’intelligence partagée. D’intentions et de créativité également.

 

La musique du trio ne parle pas à la première personne. Chez Fly, par ce phénomène d’informations partagées le je deviens un nous. Elle ne se révèle, ne se livre pas non plus immédiatement. Il revient à chacun des musiciens de recouper les sources, de vérifier par l’exercice le contenu. Question de personnalités complexes, de pratiques élargies. Prenez Mark Turner déjà. Il use de son ténor en économe, en mode keynésien, tout en retenue, en maîtrise affichée de la colonne d’air. Sans démonstration ni surtout de gaspillage de matière brute. On note une utilisation personnelle du temps, de l’espace voire des intervalles : les séquences sonores se suivent comme fixées au plus juste, cartes jetées dans un jeu placé pour s’avérer gagnantes. Dans ce cadre l’art de l’improvisation n’en devient que plus subtil, piqué de jaillissement vers l’aigue marqués comme une signature. Un tel sentiment d’opposition de phases, de cadrage en noir et blanc illustrant liberté et contrainte, les musiciens américains le conjuguent en simultané. Le premier thème du concert- –sans titre attribué- construit à partir d’un court schéma en porte témoignage direct. Mark Turner, on y revient, s’illustre ainsi à l’opposé d’autres ténors de sa génération type Chris Cheek ou Chris Potter par exemple, volontiers volubiles, expansifs sinon explosifs. Lui se veut mesuré dans ses habits de sculpteur de cuivre. Ce son droit, dénué de vibrato, tendu juste ce qu’il faut dans l’impact recherché caractérise notamment Salt peper, Kingston -« pas en Jamaïque mais au nord de New York » explique Ballard en se marrant- plus le titre éponyme de l’album récent paru (Year of the snake, ECM/Universal)

 

Jeff Ballard aussi donne dans l’économie plus que dans le débordement sonore. Résultat : un jeu de batterie reste inventif mais sans cesse en recherche de précision sur les formules rythmiques. Toujours équitablement partagé entre jeu de peaux et frappes de cymbales. Reste que celui dont on retient les lignes de notes, les arabesques tracées en solo, c’est bien Larry Grenadier. Le bassiste du trio, on l’avait souvent repéré un peu en retrait, un peu caché en position de soutien derrière le clavier luxuriant de Brad Meldhau. Autre trio autre mœurs, la formule Fly le propulse plus vers l’avant, habile faiseur de lignes hautes autant que de soubassement, interventionniste à juste titre. Doté de surcroit d’une qualité notoire : une belle maîtrise de l’archet.

 

Un jazz ainsi fabriqué dans un souci d’équilibre dans la libre expression ne ressort que davantage dans l’espace confiné d’un club. La musique du trio y évolue favorablement dans une certaine intimité. Finalement la liberté de l’information, fut-elle d’ordre jazzistique, reste le meilleur moyen de se garantir les meilleurs suffrages.

 

Robert Latxague

 

FLY : Mark Turner (ts), Larry Grenadier (b), Jeff Ballard (dm)

Sunside, Paris, 17 avril


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Un orchestre de jazz et une école de journalisme: quel rapport me direz-vous ? Aucun à priori. Sauf qu’à assister à un concert du trio américain on se rend compte qu’il peut exister un point de convergence entre ces deux structures. On y apprend à déceler en temps réel la circulation de l’information à en décrypter les flux entrants ou sortants. Simplement les notes, les sons font office de parole ou d’écrit. Le reste est question de savoir faire, d’acquis, d’intelligence partagée. D’intentions et de créativité également.

 

La musique du trio ne parle pas à la première personne. Chez Fly, par ce phénomène d’informations partagées le je deviens un nous. Elle ne se révèle, ne se livre pas non plus immédiatement. Il revient à chacun des musiciens de recouper les sources, de vérifier par l’exercice le contenu. Question de personnalités complexes, de pratiques élargies. Prenez Mark Turner déjà. Il use de son ténor en économe, en mode keynésien, tout en retenue, en maîtrise affichée de la colonne d’air. Sans démonstration ni surtout de gaspillage de matière brute. On note une utilisation personnelle du temps, de l’espace voire des intervalles : les séquences sonores se suivent comme fixées au plus juste, cartes jetées dans un jeu placé pour s’avérer gagnantes. Dans ce cadre l’art de l’improvisation n’en devient que plus subtil, piqué de jaillissement vers l’aigue marqués comme une signature. Un tel sentiment d’opposition de phases, de cadrage en noir et blanc illustrant liberté et contrainte, les musiciens américains le conjuguent en simultané. Le premier thème du concert- –sans titre attribué- construit à partir d’un court schéma en porte témoignage direct. Mark Turner, on y revient, s’illustre ainsi à l’opposé d’autres ténors de sa génération type Chris Cheek ou Chris Potter par exemple, volontiers volubiles, expansifs sinon explosifs. Lui se veut mesuré dans ses habits de sculpteur de cuivre. Ce son droit, dénué de vibrato, tendu juste ce qu’il faut dans l’impact recherché caractérise notamment Salt peper, Kingston -« pas en Jamaïque mais au nord de New York » explique Ballard en se marrant- plus le titre éponyme de l’album récent paru (Year of the snake, ECM/Universal)

 

Jeff Ballard aussi donne dans l’économie plus que dans le débordement sonore. Résultat : un jeu de batterie reste inventif mais sans cesse en recherche de précision sur les formules rythmiques. Toujours équitablement partagé entre jeu de peaux et frappes de cymbales. Reste que celui dont on retient les lignes de notes, les arabesques tracées en solo, c’est bien Larry Grenadier. Le bassiste du trio, on l’avait souvent repéré un peu en retrait, un peu caché en position de soutien derrière le clavier luxuriant de Brad Meldhau. Autre trio autre mœurs, la formule Fly le propulse plus vers l’avant, habile faiseur de lignes hautes autant que de soubassement, interventionniste à juste titre. Doté de surcroit d’une qualité notoire : une belle maîtrise de l’archet.

 

Un jazz ainsi fabriqué dans un souci d’équilibre dans la libre expression ne ressort que davantage dans l’espace confiné d’un club. La musique du trio y évolue favorablement dans une certaine intimité. Finalement la liberté de l’information, fut-elle d’ordre jazzistique, reste le meilleur moyen de se garantir les meilleurs suffrages.

 

Robert Latxague

 

FLY : Mark Turner (ts), Larry Grenadier (b), Jeff Ballard (dm)

Sunside, Paris, 17 avril


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Un orchestre de jazz et une école de journalisme: quel rapport me direz-vous ? Aucun à priori. Sauf qu’à assister à un concert du trio américain on se rend compte qu’il peut exister un point de convergence entre ces deux structures. On y apprend à déceler en temps réel la circulation de l’information à en décrypter les flux entrants ou sortants. Simplement les notes, les sons font office de parole ou d’écrit. Le reste est question de savoir faire, d’acquis, d’intelligence partagée. D’intentions et de créativité également.

 

La musique du trio ne parle pas à la première personne. Chez Fly, par ce phénomène d’informations partagées le je deviens un nous. Elle ne se révèle, ne se livre pas non plus immédiatement. Il revient à chacun des musiciens de recouper les sources, de vérifier par l’exercice le contenu. Question de personnalités complexes, de pratiques élargies. Prenez Mark Turner déjà. Il use de son ténor en économe, en mode keynésien, tout en retenue, en maîtrise affichée de la colonne d’air. Sans démonstration ni surtout de gaspillage de matière brute. On note une utilisation personnelle du temps, de l’espace voire des intervalles : les séquences sonores se suivent comme fixées au plus juste, cartes jetées dans un jeu placé pour s’avérer gagnantes. Dans ce cadre l’art de l’improvisation n’en devient que plus subtil, piqué de jaillissement vers l’aigue marqués comme une signature. Un tel sentiment d’opposition de phases, de cadrage en noir et blanc illustrant liberté et contrainte, les musiciens américains le conjuguent en simultané. Le premier thème du concert- –sans titre attribué- construit à partir d’un court schéma en porte témoignage direct. Mark Turner, on y revient, s’illustre ainsi à l’opposé d’autres ténors de sa génération type Chris Cheek ou Chris Potter par exemple, volontiers volubiles, expansifs sinon explosifs. Lui se veut mesuré dans ses habits de sculpteur de cuivre. Ce son droit, dénué de vibrato, tendu juste ce qu’il faut dans l’impact recherché caractérise notamment Salt peper, Kingston -« pas en Jamaïque mais au nord de New York » explique Ballard en se marrant- plus le titre éponyme de l’album récent paru (Year of the snake, ECM/Universal)

 

Jeff Ballard aussi donne dans l’économie plus que dans le débordement sonore. Résultat : un jeu de batterie reste inventif mais sans cesse en recherche de précision sur les formules rythmiques. Toujours équitablement partagé entre jeu de peaux et frappes de cymbales. Reste que celui dont on retient les lignes de notes, les arabesques tracées en solo, c’est bien Larry Grenadier. Le bassiste du trio, on l’avait souvent repéré un peu en retrait, un peu caché en position de soutien derrière le clavier luxuriant de Brad Meldhau. Autre trio autre mœurs, la formule Fly le propulse plus vers l’avant, habile faiseur de lignes hautes autant que de soubassement, interventionniste à juste titre. Doté de surcroit d’une qualité notoire : une belle maîtrise de l’archet.

 

Un jazz ainsi fabriqué dans un souci d’équilibre dans la libre expression ne ressort que davantage dans l’espace confiné d’un club. La musique du trio y évolue favorablement dans une certaine intimité. Finalement la liberté de l’information, fut-elle d’ordre jazzistique, reste le meilleur moyen de se garantir les meilleurs suffrages.

 

Robert Latxague

 

FLY : Mark Turner (ts), Larry Grenadier (b), Jeff Ballard (dm)

Sunside, Paris, 17 avril


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Un orchestre de jazz et une école de journalisme: quel rapport me direz-vous ? Aucun à priori. Sauf qu’à assister à un concert du trio américain on se rend compte qu’il peut exister un point de convergence entre ces deux structures. On y apprend à déceler en temps réel la circulation de l’information à en décrypter les flux entrants ou sortants. Simplement les notes, les sons font office de parole ou d’écrit. Le reste est question de savoir faire, d’acquis, d’intelligence partagée. D’intentions et de créativité également.

 

La musique du trio ne parle pas à la première personne. Chez Fly, par ce phénomène d’informations partagées le je deviens un nous. Elle ne se révèle, ne se livre pas non plus immédiatement. Il revient à chacun des musiciens de recouper les sources, de vérifier par l’exercice le contenu. Question de personnalités complexes, de pratiques élargies. Prenez Mark Turner déjà. Il use de son ténor en économe, en mode keynésien, tout en retenue, en maîtrise affichée de la colonne d’air. Sans démonstration ni surtout de gaspillage de matière brute. On note une utilisation personnelle du temps, de l’espace voire des intervalles : les séquences sonores se suivent comme fixées au plus juste, cartes jetées dans un jeu placé pour s’avérer gagnantes. Dans ce cadre l’art de l’improvisation n’en devient que plus subtil, piqué de jaillissement vers l’aigue marqués comme une signature. Un tel sentiment d’opposition de phases, de cadrage en noir et blanc illustrant liberté et contrainte, les musiciens américains le conjuguent en simultané. Le premier thème du concert- –sans titre attribué- construit à partir d’un court schéma en porte témoignage direct. Mark Turner, on y revient, s’illustre ainsi à l’opposé d’autres ténors de sa génération type Chris Cheek ou Chris Potter par exemple, volontiers volubiles, expansifs sinon explosifs. Lui se veut mesuré dans ses habits de sculpteur de cuivre. Ce son droit, dénué de vibrato, tendu juste ce qu’il faut dans l’impact recherché caractérise notamment Salt peper, Kingston -« pas en Jamaïque mais au nord de New York » explique Ballard en se marrant- plus le titre éponyme de l’album récent paru (Year of the snake, ECM/Universal)

 

Jeff Ballard aussi donne dans l’économie plus que dans le débordement sonore. Résultat : un jeu de batterie reste inventif mais sans cesse en recherche de précision sur les formules rythmiques. Toujours équitablement partagé entre jeu de peaux et frappes de cymbales. Reste que celui dont on retient les lignes de notes, les arabesques tracées en solo, c’est bien Larry Grenadier. Le bassiste du trio, on l’avait souvent repéré un peu en retrait, un peu caché en position de soutien derrière le clavier luxuriant de Brad Meldhau. Autre trio autre mœurs, la formule Fly le propulse plus vers l’avant, habile faiseur de lignes hautes autant que de soubassement, interventionniste à juste titre. Doté de surcroit d’une qualité notoire : une belle maîtrise de l’archet.

 

Un jazz ainsi fabriqué dans un souci d’équilibre dans la libre expression ne ressort que davantage dans l’espace confiné d’un club. La musique du trio y évolue favorablement dans une certaine intimité. Finalement la liberté de l’information, fut-elle d’ordre jazzistique, reste le meilleur moyen de se garantir les meilleurs suffrages.

 

Robert Latxague

 

FLY : Mark Turner (ts), Larry Grenadier (b), Jeff Ballard (dm)

Sunside, Paris, 17 avril