Jazz live
Publié le 8 Déc 2016

We free: Musiciens en liberté au café de la danse!

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We free est un projet dingue, généreux, et utopiste, imaginé par le pianiste Alexandre Saada: réunir 30 personnes sur scène pour une musique totalement improvisée. Ce moment unique s’est produit au Café de la danse, dimanche 4 décembre 2016
avec Alexandre Saada, Macha Gharibian, Tony Paeleman, Jeremy Hababou, Philippe Baden Powell (claviers), Illya Amar (vib), Marc Berthoumieux (accordéon), Martial Bort, Alex Freiman, David Potaux-Razel (guitare), Olivier Louvel (saz), Dominique Lemerle, Chris Jennings (ctb) Gilles Coquard, Julien Herné (basse), Ichiro Onoe, Bertrand Perrin, David Grebil, Olivier Hestin, Fabrice Moreau (batterie), Christophe dal Sasso (fl), Sebastien Llado (trombone et coquillages), Julien Alour, Florent Briqué (trompette), Clotilde Rullaud, Malia (voix), Meta (voix, percu) Sophie Alour, Olivier Temime (sax) Tosha Vukmirovic (clarinette)

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Sur scène, la configuration est simple: A gauche, le piano accoustique (avec notamment par Alexandre saada ou Macha Gharibian) , à droite, le fender (occupé brillamment par Philippe Baden Powell). Devant les spectateurs, au premier plan, une sorte d’atelier percussions, avec plein de joujoux délicieux, un karkabou (percussion utilisée dans la musique gnawa), un toy piano, un glockenspiel, une machine à écrire, sur laquelle les musiciens , tout au long de la soirée, écriront prières muettes et invisibles incantations.

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Les soufflants et la rythmique forment deux arcs de cercle. Mais les trente musiciens ne sont pas sur scène au même moment. Dans cette soirée dédiée à la liberté, la seule règle du jeu énoncée par Alexandre Saada, fut d’inciter les musiciens à circuler à leur guise, de la scène à la salle, ou de la scène au bar, en se fiant à leur seule spontanéité. Cette circulation rejaillit sur la musique. Elle la rend changeante, évolutive, autorisant tous les détours, toutes les dérives. Elle acquiert ainsi une sorte de fluidité atmosphérique. On voit se former des lambeaux de musique, comme des cirrus, quelques instants après voilà qu’ils grossissent et deviennent des cumulo-nimbus gras et pansus: et ça groove…

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La musique est une marmite où chaque musicien a apporté ce qu’il veut. Certains arrivent les bras chargés de viande, d’autres se sont occupés du sel, du poivre, et du safran, certains ont pensé aux fleurs pour décorer la table. Il est fascinant de constater combien cette liberté totale allouée à chaque musicien révèle leur personnalité musicale, et même leur personnalité tout court, comme une sorte de psychanalyse collective sauvage. Même les manières de s’inscrire dans la musique fluctuent en fonction des sensibilités de chacun. Il y a ceux qui agissent en solo, d’autres qui ne se sentent bien qu’en commandos. C’est le cas de Sophie Alour et Christophe dal Sasso, inlassables et généreux pourvoyeurs de riffs. Certains musiciens se révèlent d’extraordinaires accélérateurs d’intensité, comme Julien Alour (trompette) ou Sébastien Llado (trombone et coquillages) qui associent d’ailleurs souvent leurs deux énergies. D’autres mettent leur talent à assurer le liant entre les différents musiciens, comme l’accordéoniste Marc Berthoumieux. Certains font les deux, comme Philippe Baden-Powell.
Je consulte mon carnet où j’ai noté les moments les plus marquants de la soirée. Me reviennent alors quelques mémorables pics d’intensité. Lors du deuxième set par exemple, Olivier Louvel, au saz, fait basculer la musique dans un groove irrésistible nourri par les soufflants et les chanteuses (Malia, Clotilde Rullaud) et entretenu par les bassistes et les batteurs, déchaînés, lancés dans une tournerie africaine qui les mène aux confins de la transe…

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A ce moment là, la quasi totalité des musiciens est sur scène. Mais la musique ménage aussi des moments plus intimistes, comme ce très beau duo entre Sébastien Llado (trombone) et Macha Gharibian (piano), ou ces échanges complices entre Alexandre Saada (piano) et Philippe Baden Powell. A la fin de la soirée survient un des plus beaux moments du concert. Christophe Dal Sasso, à la flûte traversière, est délicatement soutenu par Marc Berthoumieux, qui crée une sorte de filigrane de douceur autour de ses notes. Alexandre Saada pose quelques accords au piano (jamais une une note de trop sous ses doigts), la musique devient murmure intime, Christophe dal Sasso a presque la tête contre l’accordéon. Tout se passe alors comme si les morceaux d’un puzzle s’emboîtaient avec une miraculeuse exactitude.Avec l’arrivée de Malia, puis celle d’ Olivier Temime, on a le sentiment d’une main invisible qui aurait réglé les arrangements.

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Bien sûr ces moments miraculeux coexistent aussi avec des riffs avortés, des faux départs, des grooves inachevés. Mais on ne peut avoir l’un sans l’autre et en réalité les ratages servent d’écrins pour les miracles. C’est ce que pense apparemment Alexandre Saada avec qui je discute quelques jours après le concert. Sur l’idée initiale qui a présidé à ce concert, il dit ceci: « Au départ, c’est une interrogation sur la forme: quand il y a zéro convention, qu’est ce qui se passe? ». Cette liberté, il n’a pas voulu l’encadrer de gardes-fous : « Je voulais qu’on soit libre à 100 pour cent, sans convention de type sound painting, sans rendez-vous harmoniques, quitte à se lancer dans un groove qui dure dix minutes, quitte à être chiants, quitte à tomber dans des poncifs, quitte à donner l’impression d’être dans mauvais boeuf! Pourquoi chercher à bien faire à tous prix? C’est intéressant, aussi, quand la musique n’est pas bien léchée! Les musiciens sont comme tout le monde. Ils ont leurs failles, des imperfections…ça me plaisait bien de montrer ce côté faillible… » Du coup, il assume toute la musique jouée ce soir-là, les moments miraculeux comme les moments imparfaits: « A mon goût il n’y a pas eu assez de moments intimistes, tout simplement par ce qu’on avait tous très envie de jouer…Lors des pauses, on se disait « Il faut qu’on joue moins, il faut qu’il y ait plus de ruptures » mais ensuite on se laissait emporter par la musique. On était trop suivistes dans nos grooves, je trouve. On avait du mal à se décoller les uns des autres. Mais bon, ce sont les risques de la liberté. C’est dur de s’arrêter quand ça fonctionne, et quand tout le monde a l’impression de manger un paquet de haribos! ».

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Un des aspects intéressants de ce concert du café de la danse, c’est que la liberté offerte aux musiciens a me semble-t-il rejailli sur l’attitude des spectateurs. C’est une écoute plus bienveillante, plus patiente, comme si les risques pris par les musiciens se traduisaient en complicité supplémentaire avec le public. Pour résumer, il flotte dans la salle une sorte de délicieux parfum des années 60-70. Alexandre Saada résume les choses en rigolant: « ceux qui n’étaient pas à Woodstock pourront dire qu’ils étaient à We Free ».
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
(autres dessins et peintures visibles sur son site www.annie-claire.com )
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We free est un projet dingue, généreux, et utopiste, imaginé par le pianiste Alexandre Saada: réunir 30 personnes sur scène pour une musique totalement improvisée. Ce moment unique s’est produit au Café de la danse, dimanche 4 décembre 2016
avec Alexandre Saada, Macha Gharibian, Tony Paeleman, Jeremy Hababou, Philippe Baden Powell (claviers), Illya Amar (vib), Marc Berthoumieux (accordéon), Martial Bort, Alex Freiman, David Potaux-Razel (guitare), Olivier Louvel (saz), Dominique Lemerle, Chris Jennings (ctb) Gilles Coquard, Julien Herné (basse), Ichiro Onoe, Bertrand Perrin, David Grebil, Olivier Hestin, Fabrice Moreau (batterie), Christophe dal Sasso (fl), Sebastien Llado (trombone et coquillages), Julien Alour, Florent Briqué (trompette), Clotilde Rullaud, Malia (voix), Meta (voix, percu) Sophie Alour, Olivier Temime (sax) Tosha Vukmirovic (clarinette)

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Sur scène, la configuration est simple: A gauche, le piano accoustique (avec notamment par Alexandre saada ou Macha Gharibian) , à droite, le fender (occupé brillamment par Philippe Baden Powell). Devant les spectateurs, au premier plan, une sorte d’atelier percussions, avec plein de joujoux délicieux, un karkabou (percussion utilisée dans la musique gnawa), un toy piano, un glockenspiel, une machine à écrire, sur laquelle les musiciens , tout au long de la soirée, écriront prières muettes et invisibles incantations.

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Les soufflants et la rythmique forment deux arcs de cercle. Mais les trente musiciens ne sont pas sur scène au même moment. Dans cette soirée dédiée à la liberté, la seule règle du jeu énoncée par Alexandre Saada, fut d’inciter les musiciens à circuler à leur guise, de la scène à la salle, ou de la scène au bar, en se fiant à leur seule spontanéité. Cette circulation rejaillit sur la musique. Elle la rend changeante, évolutive, autorisant tous les détours, toutes les dérives. Elle acquiert ainsi une sorte de fluidité atmosphérique. On voit se former des lambeaux de musique, comme des cirrus, quelques instants après voilà qu’ils grossissent et deviennent des cumulo-nimbus gras et pansus: et ça groove…

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La musique est une marmite où chaque musicien a apporté ce qu’il veut. Certains arrivent les bras chargés de viande, d’autres se sont occupés du sel, du poivre, et du safran, certains ont pensé aux fleurs pour décorer la table. Il est fascinant de constater combien cette liberté totale allouée à chaque musicien révèle leur personnalité musicale, et même leur personnalité tout court, comme une sorte de psychanalyse collective sauvage. Même les manières de s’inscrire dans la musique fluctuent en fonction des sensibilités de chacun. Il y a ceux qui agissent en solo, d’autres qui ne se sentent bien qu’en commandos. C’est le cas de Sophie Alour et Christophe dal Sasso, inlassables et généreux pourvoyeurs de riffs. Certains musiciens se révèlent d’extraordinaires accélérateurs d’intensité, comme Julien Alour (trompette) ou Sébastien Llado (trombone et coquillages) qui associent d’ailleurs souvent leurs deux énergies. D’autres mettent leur talent à assurer le liant entre les différents musiciens, comme l’accordéoniste Marc Berthoumieux. Certains font les deux, comme Philippe Baden-Powell.
Je consulte mon carnet où j’ai noté les moments les plus marquants de la soirée. Me reviennent alors quelques mémorables pics d’intensité. Lors du deuxième set par exemple, Olivier Louvel, au saz, fait basculer la musique dans un groove irrésistible nourri par les soufflants et les chanteuses (Malia, Clotilde Rullaud) et entretenu par les bassistes et les batteurs, déchaînés, lancés dans une tournerie africaine qui les mène aux confins de la transe…

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A ce moment là, la quasi totalité des musiciens est sur scène. Mais la musique ménage aussi des moments plus intimistes, comme ce très beau duo entre Sébastien Llado (trombone) et Macha Gharibian (piano), ou ces échanges complices entre Alexandre Saada (piano) et Philippe Baden Powell. A la fin de la soirée survient un des plus beaux moments du concert. Christophe Dal Sasso, à la flûte traversière, est délicatement soutenu par Marc Berthoumieux, qui crée une sorte de filigrane de douceur autour de ses notes. Alexandre Saada pose quelques accords au piano (jamais une une note de trop sous ses doigts), la musique devient murmure intime, Christophe dal Sasso a presque la tête contre l’accordéon. Tout se passe alors comme si les morceaux d’un puzzle s’emboîtaient avec une miraculeuse exactitude.Avec l’arrivée de Malia, puis celle d’ Olivier Temime, on a le sentiment d’une main invisible qui aurait réglé les arrangements.

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Bien sûr ces moments miraculeux coexistent aussi avec des riffs avortés, des faux départs, des grooves inachevés. Mais on ne peut avoir l’un sans l’autre et en réalité les ratages servent d’écrins pour les miracles. C’est ce que pense apparemment Alexandre Saada avec qui je discute quelques jours après le concert. Sur l’idée initiale qui a présidé à ce concert, il dit ceci: « Au départ, c’est une interrogation sur la forme: quand il y a zéro convention, qu’est ce qui se passe? ». Cette liberté, il n’a pas voulu l’encadrer de gardes-fous : « Je voulais qu’on soit libre à 100 pour cent, sans convention de type sound painting, sans rendez-vous harmoniques, quitte à se lancer dans un groove qui dure dix minutes, quitte à être chiants, quitte à tomber dans des poncifs, quitte à donner l’impression d’être dans mauvais boeuf! Pourquoi chercher à bien faire à tous prix? C’est intéressant, aussi, quand la musique n’est pas bien léchée! Les musiciens sont comme tout le monde. Ils ont leurs failles, des imperfections…ça me plaisait bien de montrer ce côté faillible… » Du coup, il assume toute la musique jouée ce soir-là, les moments miraculeux comme les moments imparfaits: « A mon goût il n’y a pas eu assez de moments intimistes, tout simplement par ce qu’on avait tous très envie de jouer…Lors des pauses, on se disait « Il faut qu’on joue moins, il faut qu’il y ait plus de ruptures » mais ensuite on se laissait emporter par la musique. On était trop suivistes dans nos grooves, je trouve. On avait du mal à se décoller les uns des autres. Mais bon, ce sont les risques de la liberté. C’est dur de s’arrêter quand ça fonctionne, et quand tout le monde a l’impression de manger un paquet de haribos! ».

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Un des aspects intéressants de ce concert du café de la danse, c’est que la liberté offerte aux musiciens a me semble-t-il rejailli sur l’attitude des spectateurs. C’est une écoute plus bienveillante, plus patiente, comme si les risques pris par les musiciens se traduisaient en complicité supplémentaire avec le public. Pour résumer, il flotte dans la salle une sorte de délicieux parfum des années 60-70. Alexandre Saada résume les choses en rigolant: « ceux qui n’étaient pas à Woodstock pourront dire qu’ils étaient à We Free ».
Texte JF Mondot
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(autres dessins et peintures visibles sur son site www.annie-claire.com )
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We free est un projet dingue, généreux, et utopiste, imaginé par le pianiste Alexandre Saada: réunir 30 personnes sur scène pour une musique totalement improvisée. Ce moment unique s’est produit au Café de la danse, dimanche 4 décembre 2016
avec Alexandre Saada, Macha Gharibian, Tony Paeleman, Jeremy Hababou, Philippe Baden Powell (claviers), Illya Amar (vib), Marc Berthoumieux (accordéon), Martial Bort, Alex Freiman, David Potaux-Razel (guitare), Olivier Louvel (saz), Dominique Lemerle, Chris Jennings (ctb) Gilles Coquard, Julien Herné (basse), Ichiro Onoe, Bertrand Perrin, David Grebil, Olivier Hestin, Fabrice Moreau (batterie), Christophe dal Sasso (fl), Sebastien Llado (trombone et coquillages), Julien Alour, Florent Briqué (trompette), Clotilde Rullaud, Malia (voix), Meta (voix, percu) Sophie Alour, Olivier Temime (sax) Tosha Vukmirovic (clarinette)

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Sur scène, la configuration est simple: A gauche, le piano accoustique (avec notamment par Alexandre saada ou Macha Gharibian) , à droite, le fender (occupé brillamment par Philippe Baden Powell). Devant les spectateurs, au premier plan, une sorte d’atelier percussions, avec plein de joujoux délicieux, un karkabou (percussion utilisée dans la musique gnawa), un toy piano, un glockenspiel, une machine à écrire, sur laquelle les musiciens , tout au long de la soirée, écriront prières muettes et invisibles incantations.

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Les soufflants et la rythmique forment deux arcs de cercle. Mais les trente musiciens ne sont pas sur scène au même moment. Dans cette soirée dédiée à la liberté, la seule règle du jeu énoncée par Alexandre Saada, fut d’inciter les musiciens à circuler à leur guise, de la scène à la salle, ou de la scène au bar, en se fiant à leur seule spontanéité. Cette circulation rejaillit sur la musique. Elle la rend changeante, évolutive, autorisant tous les détours, toutes les dérives. Elle acquiert ainsi une sorte de fluidité atmosphérique. On voit se former des lambeaux de musique, comme des cirrus, quelques instants après voilà qu’ils grossissent et deviennent des cumulo-nimbus gras et pansus: et ça groove…

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La musique est une marmite où chaque musicien a apporté ce qu’il veut. Certains arrivent les bras chargés de viande, d’autres se sont occupés du sel, du poivre, et du safran, certains ont pensé aux fleurs pour décorer la table. Il est fascinant de constater combien cette liberté totale allouée à chaque musicien révèle leur personnalité musicale, et même leur personnalité tout court, comme une sorte de psychanalyse collective sauvage. Même les manières de s’inscrire dans la musique fluctuent en fonction des sensibilités de chacun. Il y a ceux qui agissent en solo, d’autres qui ne se sentent bien qu’en commandos. C’est le cas de Sophie Alour et Christophe dal Sasso, inlassables et généreux pourvoyeurs de riffs. Certains musiciens se révèlent d’extraordinaires accélérateurs d’intensité, comme Julien Alour (trompette) ou Sébastien Llado (trombone et coquillages) qui associent d’ailleurs souvent leurs deux énergies. D’autres mettent leur talent à assurer le liant entre les différents musiciens, comme l’accordéoniste Marc Berthoumieux. Certains font les deux, comme Philippe Baden-Powell.
Je consulte mon carnet où j’ai noté les moments les plus marquants de la soirée. Me reviennent alors quelques mémorables pics d’intensité. Lors du deuxième set par exemple, Olivier Louvel, au saz, fait basculer la musique dans un groove irrésistible nourri par les soufflants et les chanteuses (Malia, Clotilde Rullaud) et entretenu par les bassistes et les batteurs, déchaînés, lancés dans une tournerie africaine qui les mène aux confins de la transe…

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A ce moment là, la quasi totalité des musiciens est sur scène. Mais la musique ménage aussi des moments plus intimistes, comme ce très beau duo entre Sébastien Llado (trombone) et Macha Gharibian (piano), ou ces échanges complices entre Alexandre Saada (piano) et Philippe Baden Powell. A la fin de la soirée survient un des plus beaux moments du concert. Christophe Dal Sasso, à la flûte traversière, est délicatement soutenu par Marc Berthoumieux, qui crée une sorte de filigrane de douceur autour de ses notes. Alexandre Saada pose quelques accords au piano (jamais une une note de trop sous ses doigts), la musique devient murmure intime, Christophe dal Sasso a presque la tête contre l’accordéon. Tout se passe alors comme si les morceaux d’un puzzle s’emboîtaient avec une miraculeuse exactitude.Avec l’arrivée de Malia, puis celle d’ Olivier Temime, on a le sentiment d’une main invisible qui aurait réglé les arrangements.

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Bien sûr ces moments miraculeux coexistent aussi avec des riffs avortés, des faux départs, des grooves inachevés. Mais on ne peut avoir l’un sans l’autre et en réalité les ratages servent d’écrins pour les miracles. C’est ce que pense apparemment Alexandre Saada avec qui je discute quelques jours après le concert. Sur l’idée initiale qui a présidé à ce concert, il dit ceci: « Au départ, c’est une interrogation sur la forme: quand il y a zéro convention, qu’est ce qui se passe? ». Cette liberté, il n’a pas voulu l’encadrer de gardes-fous : « Je voulais qu’on soit libre à 100 pour cent, sans convention de type sound painting, sans rendez-vous harmoniques, quitte à se lancer dans un groove qui dure dix minutes, quitte à être chiants, quitte à tomber dans des poncifs, quitte à donner l’impression d’être dans mauvais boeuf! Pourquoi chercher à bien faire à tous prix? C’est intéressant, aussi, quand la musique n’est pas bien léchée! Les musiciens sont comme tout le monde. Ils ont leurs failles, des imperfections…ça me plaisait bien de montrer ce côté faillible… » Du coup, il assume toute la musique jouée ce soir-là, les moments miraculeux comme les moments imparfaits: « A mon goût il n’y a pas eu assez de moments intimistes, tout simplement par ce qu’on avait tous très envie de jouer…Lors des pauses, on se disait « Il faut qu’on joue moins, il faut qu’il y ait plus de ruptures » mais ensuite on se laissait emporter par la musique. On était trop suivistes dans nos grooves, je trouve. On avait du mal à se décoller les uns des autres. Mais bon, ce sont les risques de la liberté. C’est dur de s’arrêter quand ça fonctionne, et quand tout le monde a l’impression de manger un paquet de haribos! ».

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Un des aspects intéressants de ce concert du café de la danse, c’est que la liberté offerte aux musiciens a me semble-t-il rejailli sur l’attitude des spectateurs. C’est une écoute plus bienveillante, plus patiente, comme si les risques pris par les musiciens se traduisaient en complicité supplémentaire avec le public. Pour résumer, il flotte dans la salle une sorte de délicieux parfum des années 60-70. Alexandre Saada résume les choses en rigolant: « ceux qui n’étaient pas à Woodstock pourront dire qu’ils étaient à We Free ».
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
(autres dessins et peintures visibles sur son site www.annie-claire.com )
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We free est un projet dingue, généreux, et utopiste, imaginé par le pianiste Alexandre Saada: réunir 30 personnes sur scène pour une musique totalement improvisée. Ce moment unique s’est produit au Café de la danse, dimanche 4 décembre 2016
avec Alexandre Saada, Macha Gharibian, Tony Paeleman, Jeremy Hababou, Philippe Baden Powell (claviers), Illya Amar (vib), Marc Berthoumieux (accordéon), Martial Bort, Alex Freiman, David Potaux-Razel (guitare), Olivier Louvel (saz), Dominique Lemerle, Chris Jennings (ctb) Gilles Coquard, Julien Herné (basse), Ichiro Onoe, Bertrand Perrin, David Grebil, Olivier Hestin, Fabrice Moreau (batterie), Christophe dal Sasso (fl), Sebastien Llado (trombone et coquillages), Julien Alour, Florent Briqué (trompette), Clotilde Rullaud, Malia (voix), Meta (voix, percu) Sophie Alour, Olivier Temime (sax) Tosha Vukmirovic (clarinette)

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Sur scène, la configuration est simple: A gauche, le piano accoustique (avec notamment par Alexandre saada ou Macha Gharibian) , à droite, le fender (occupé brillamment par Philippe Baden Powell). Devant les spectateurs, au premier plan, une sorte d’atelier percussions, avec plein de joujoux délicieux, un karkabou (percussion utilisée dans la musique gnawa), un toy piano, un glockenspiel, une machine à écrire, sur laquelle les musiciens , tout au long de la soirée, écriront prières muettes et invisibles incantations.

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Les soufflants et la rythmique forment deux arcs de cercle. Mais les trente musiciens ne sont pas sur scène au même moment. Dans cette soirée dédiée à la liberté, la seule règle du jeu énoncée par Alexandre Saada, fut d’inciter les musiciens à circuler à leur guise, de la scène à la salle, ou de la scène au bar, en se fiant à leur seule spontanéité. Cette circulation rejaillit sur la musique. Elle la rend changeante, évolutive, autorisant tous les détours, toutes les dérives. Elle acquiert ainsi une sorte de fluidité atmosphérique. On voit se former des lambeaux de musique, comme des cirrus, quelques instants après voilà qu’ils grossissent et deviennent des cumulo-nimbus gras et pansus: et ça groove…

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La musique est une marmite où chaque musicien a apporté ce qu’il veut. Certains arrivent les bras chargés de viande, d’autres se sont occupés du sel, du poivre, et du safran, certains ont pensé aux fleurs pour décorer la table. Il est fascinant de constater combien cette liberté totale allouée à chaque musicien révèle leur personnalité musicale, et même leur personnalité tout court, comme une sorte de psychanalyse collective sauvage. Même les manières de s’inscrire dans la musique fluctuent en fonction des sensibilités de chacun. Il y a ceux qui agissent en solo, d’autres qui ne se sentent bien qu’en commandos. C’est le cas de Sophie Alour et Christophe dal Sasso, inlassables et généreux pourvoyeurs de riffs. Certains musiciens se révèlent d’extraordinaires accélérateurs d’intensité, comme Julien Alour (trompette) ou Sébastien Llado (trombone et coquillages) qui associent d’ailleurs souvent leurs deux énergies. D’autres mettent leur talent à assurer le liant entre les différents musiciens, comme l’accordéoniste Marc Berthoumieux. Certains font les deux, comme Philippe Baden-Powell.
Je consulte mon carnet où j’ai noté les moments les plus marquants de la soirée. Me reviennent alors quelques mémorables pics d’intensité. Lors du deuxième set par exemple, Olivier Louvel, au saz, fait basculer la musique dans un groove irrésistible nourri par les soufflants et les chanteuses (Malia, Clotilde Rullaud) et entretenu par les bassistes et les batteurs, déchaînés, lancés dans une tournerie africaine qui les mène aux confins de la transe…

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A ce moment là, la quasi totalité des musiciens est sur scène. Mais la musique ménage aussi des moments plus intimistes, comme ce très beau duo entre Sébastien Llado (trombone) et Macha Gharibian (piano), ou ces échanges complices entre Alexandre Saada (piano) et Philippe Baden Powell. A la fin de la soirée survient un des plus beaux moments du concert. Christophe Dal Sasso, à la flûte traversière, est délicatement soutenu par Marc Berthoumieux, qui crée une sorte de filigrane de douceur autour de ses notes. Alexandre Saada pose quelques accords au piano (jamais une une note de trop sous ses doigts), la musique devient murmure intime, Christophe dal Sasso a presque la tête contre l’accordéon. Tout se passe alors comme si les morceaux d’un puzzle s’emboîtaient avec une miraculeuse exactitude.Avec l’arrivée de Malia, puis celle d’ Olivier Temime, on a le sentiment d’une main invisible qui aurait réglé les arrangements.

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Bien sûr ces moments miraculeux coexistent aussi avec des riffs avortés, des faux départs, des grooves inachevés. Mais on ne peut avoir l’un sans l’autre et en réalité les ratages servent d’écrins pour les miracles. C’est ce que pense apparemment Alexandre Saada avec qui je discute quelques jours après le concert. Sur l’idée initiale qui a présidé à ce concert, il dit ceci: « Au départ, c’est une interrogation sur la forme: quand il y a zéro convention, qu’est ce qui se passe? ». Cette liberté, il n’a pas voulu l’encadrer de gardes-fous : « Je voulais qu’on soit libre à 100 pour cent, sans convention de type sound painting, sans rendez-vous harmoniques, quitte à se lancer dans un groove qui dure dix minutes, quitte à être chiants, quitte à tomber dans des poncifs, quitte à donner l’impression d’être dans mauvais boeuf! Pourquoi chercher à bien faire à tous prix? C’est intéressant, aussi, quand la musique n’est pas bien léchée! Les musiciens sont comme tout le monde. Ils ont leurs failles, des imperfections…ça me plaisait bien de montrer ce côté faillible… » Du coup, il assume toute la musique jouée ce soir-là, les moments miraculeux comme les moments imparfaits: « A mon goût il n’y a pas eu assez de moments intimistes, tout simplement par ce qu’on avait tous très envie de jouer…Lors des pauses, on se disait « Il faut qu’on joue moins, il faut qu’il y ait plus de ruptures » mais ensuite on se laissait emporter par la musique. On était trop suivistes dans nos grooves, je trouve. On avait du mal à se décoller les uns des autres. Mais bon, ce sont les risques de la liberté. C’est dur de s’arrêter quand ça fonctionne, et quand tout le monde a l’impression de manger un paquet de haribos! ».

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Un des aspects intéressants de ce concert du café de la danse, c’est que la liberté offerte aux musiciens a me semble-t-il rejailli sur l’attitude des spectateurs. C’est une écoute plus bienveillante, plus patiente, comme si les risques pris par les musiciens se traduisaient en complicité supplémentaire avec le public. Pour résumer, il flotte dans la salle une sorte de délicieux parfum des années 60-70. Alexandre Saada résume les choses en rigolant: « ceux qui n’étaient pas à Woodstock pourront dire qu’ils étaient à We Free ».
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
(autres dessins et peintures visibles sur son site www.annie-claire.com )