Jazz live
Publié le 10 Fév 2019

Fragments de la mémoire d’Yves Rousseau

Yves Rousseau, dont les projets se suivent sans se ressembler, sinon par leur contenu poétique, présentait samedi soir au Triton un nouveau septet pour une création originale, Fragments.
Yves Rousseau (basse et compositions), Thomas Savy (clarinette basse), Géraldine Laurent (sax alto), Jean-Louis Pommier (trombone), Csaba Palotai (guitare), Etienne manchon (claviers) , Vincent Tortiller (batterie) , 2 février 2019, Le Triton, 75020 Paris.

Ce nouveau projet d’Yves Rousseau, Fragments, tourne autour de sa mémoire musicale. Ce que furent les premiers sons, les premiers groupes. Et comment ils ont été intégrés, filtrés, recomposés. Ce projet, finalement, c’est l’utopie d’une rencontre entre les matériaux bruts de la mémoire, comme des cristaux sonores, et leur distillation ultérieure après intervention du goût, du savoir, de l’expérience. Remontant le cours de sa mémoire, il confronte le Yves Rousseau sortant de l’oeuf, avide de découvrir ses premiers sons, et celui d’aujourd’hui nourri des expériences sonores les plus diverses. Que reste t’il de nos amours? Cela marche aussi pour nos expériences musicales…

 

Sur scène, ces différentes couches de la mémoire semblent s’incarner. A droite, la mémoire brute, formée notamment par le rock et l’écoute du groupe Soft machine.

Les claviers avec de fortes effluves des années 70, sont tenus par le juvéniles et fougueux Etienne Manchon et la batterie par le fracassant Vincent Tortiller. A la guitare, un expert en dissonance poétique, Csaba Palotai.

Et à gauche: les cuivres (et le bois, la clarinette basse) , soit une magnifique section où l’on retrouve Thomas Savy, Jean-Louis Pommier, Géraldine Laurent. Au centre, avec un regard attendri sur ces petits jeunes qui défouraillent, Yves Rousseau, assume tranquillement sa position centrale, un peu schizophrénique, entre son passé et son présent.


Toute la finesse du travail d’Yves Rousseau réside dans la manière dont se jouent les rapports entre les différents niveaux sonores. Il y a des collisisions mais surtout des réconciliations. Les situations ne sont jamais statiques. Comme dans Winding Pathways, par exemple, où la section accoustique domine d’abord, avant d’être contrebalancée puis recouverte par la guitare saturée, les claviers, la batterie, dans une saisissante montée collective qui culmine lorsque Thomas Savy entre en incandescence avec des aigus déchirants.

Rien de statique, donc, mais des univers sonores qui s’infusent plus qu’ils ne s’affrontent. Cela fait penser à la manière dont se rencontrent des courants atmosphériques, les distorsions râpeuses et les unissons cuivrés inséparablement unis, s’enroulent comme front froids et fronts chauds. Dans la rencontre ces masses sonores, une place est toujours ménagée pour les solistes: j’ai mentionné Thomas Savy, je voudrais parler du tromboniste Jean-Louis Pommier, que je ne connaissais pas, et qui s’impose en douceur et en poésie.

 

Et Géraldine Laurent, bien sûr: comme toujours quand elle prend la parole, elle carbonise tout, y compris elle-même.

Et les petits jeunes de la partie rock sont à la hauteur de ces grandes figures, Etienne Manchon montre en plusieurs occasions qu’il a autant d’imagination que d’énergie. Ce projet a priori improbable de faire dialoguer les contraires, cette huile et cette eau sur la même palette, est une magnifique réussite.
Texte: JF Mondot
Dessins: Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins mais aussi gravures, et peintures à découvrir sur son site  www.annie-claire.com )
Ceux qui désirent acquérir un des dessins figurant dans cette chronique peuvent s’adresser à la dessinatrice à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com.
Une exposition prochaine du 12 au 17 février à la galerie Ménil’8, 8 rue Boyer Paris 20e. présentera quelques uns des tableaux récents d’Annie-Claire Alvoët.