Jazz live
Publié le 5 Juil 2021

Oloron: L’ombre de Roberto Fonseca

Exigence de la Pandémie oblige c’était ça ou rien pour le staff de l’association organisatrice du festival de jazz d’Oloron. Soit programmer une soirée de concert, soit faire l’impasse sur Des Rives et des Notes une seconde année consécutive. Les bénévoles ont souscrit au pari: un concert plus une première partie mais en plein air dans un complexe sportif de la ville avec une jauge supérieure à celle de la salle habituelle. Avec l’incertitude de la météo en couperet Improbable. Le 4 juillet la nuit fut belle à Oloron Sainte Marie. Parî gagné. Et un millier de spectateurs au rendez vous…unique.

Programmer des concerts tôt dans la soirée en début d’été c’est faire le choix d’afficher les musiciens en pleine lumière naturelle une bonne partie du set. Et dans ce décor grand ouvert sur la cancha du Fronton Municipal de la cité béarnaise des bords du Gave d’Oloron, entre le mur de pierre et la découpe des Pyrénées en fond de décor, la musique s’est jouée presque jusqu’en point d’orgue sous l’oblique du soleil couchant. Au point que les photographes ont eu quelque mal à traquer la silhouette en découpe de Roberto Fonseca, image singulière projetée en ombre chinoise sur la paroi du dit fronton…

Charley Rose (as), Enzo Carniel (p, synthés), Ariel Tessier (dm)

Roberto Fonseca (p, synthés), Ruly Herrera (b, elb), Yandy Martínez (dm)

 

Charley Rose (as) Ariel Tessier (dm)

Ils sont lauréats du Tremplin Jazz Migrations 2021. Et en ce lieu le leader joue comme on dit localement en langage sportif « à domicile » Charley Rose a fait ses armes musicales à deux pas d’ici, à l’école de musique de la ville. Et de surcroît  s’il faut en croire le présentateur de la soirée « pratiqué la pelote basque sur ce même fronton » En plein air, en pleine lumière donc la musique du trio déroule un contenu à forte densité. Formule originale dès lors que le trio fait l’impasse sur  une basse, privilégiant l’appui harmonique via les gammes larges du piano.

 

Charley Rose

En mode d’avertissement le saxophoniste s’excuse presque auprès de « son public » de « la force, la violence » du propos musical à venir. Les climats aussitôt tissés offrent pourtant des contrastes, de la variété dans les couleurs produites. Un Blues vache livre un festival de temps en l’air, fomentant des ruptures, du désordre bien senti. Les lignes -le lignage ?- façon Ornette C s’inscrivent en surimpression. Hommage à la fonction OH livre un catalogue de notes tenues à l’alto sur fonds d’accords piano/synthé. Au passage des duos improvisés piano/batterie (on note beaucoup de volume fourni sur cet élément) ou sax/piano marquent des moments de pleins, de richesse dans la recherche en matière sonore.

 

Enzo Cormiel

Et sur un thème baptisé Porky, Charley Rose qui par ailleurs parle de Pop au tant que de Jazz à propos du travail commun, avoue faire le pari de concilier Monk et Prokofiev ! Exigence assumée de fait en matière de qualité, d‘originalité dans le profil des sons produits. La vingtaine de concerts promis au trio pour 2022 en guise de récompense pour le trophée Jazz Migrations mérite reconnaissance et découverte de la part des publics à venir. À suivre…de près.

 

 

Fonseca showman

D’entrée de jeu…ce dernier mot colle parfaitement chez lui d’ailleurs à la manière d’aborder la musique, le jeu, la prise de risque, le plaisir, le désir de gagner l’audience. D’entrée donc Fonseca pose les jalons indiquant qu’il connaît, domine les canons du jazz. Facilité des deux mains sur le clavier, clarté du propos énoncé, précision dans l’exposé rythmique assumée jusqu’au vertige. Pourtant comme le pianiste le dit, le chante également « Cubano yo soy » Alors il se laisse aller, showman affiché il va chercher le public, lui donne ce qu’il cherche, les rondeurs des temps avalés pur sucre, l’appel à la danse, le partage de gimmicks vocaux puisés à la source des stars de la salsa. Bref du plaisir immédiat généré sans retenue sur des motifs rythmiques implacables. Mais ce Roberto de La Habana pianiste et compositeur prolixe a de la ressource. Des idées, des envies. Ainsi sur ses claviers électroniques va-t-il par surprise chercher des textures sonores dignes  de pures essences soul-funk (Motown) Enchaine sans crier gare un moment de délice, finesse du toucher, lyrisme à fleur de peau en appui sur une ligne  de basse entonnée avec beaucoup de goût et de justesse à l’archet. Lance en cadeau dans la douceur d’une nuit de piémont pyrénéen enfin décidée à nous offrir son cocon de softitude une version de l’éternel Besame mucho juste de langueur et de feeling combinés, notes souples sur le clavier parfaitement distillées dans un art mélodique tout en mesure, en expressivité maitrisée au millimètre près. Ainsi va Roberto Fonseca plongé dans son art personnel du trio. Alors qu’il me confiât   préparer de nouveaux projets -disque et concerts – pour trio et quintet à l’horizon 2022 il ajoutait aussitôt « Avant cela il me faut travailler dans l’immédiat sur deux rendez-vous particuliers: avec un orchestre symphonique à l’occasion du Festival de Nice. Pour une rencontre avec un chœur bulgare dans le cadre d Marciac le 1er août prochain »

 

Roberto Fonseca, Ruly Herrera, Yandy Martínez

Le pianiste de La Havane visiblement frustré du manque de rendez-vous live dans son île, décidément est sujet et se plaît à la métamorphose. On peut pour autant  apprécier déjà son « arte » du trio. Comme plaisir simple, Basique. Cubain de verdad.

 

 

Robert Latxague