Jazz live
Publié le 31 Jan 2022

Ouverture du festival Sons d’Hiver : DON MOYE ; ÉMILE PARISIEN

Aller de la banlieue Nord-Est à la banlieue Sud-Est par les transports en commun peut devenir une aventure, voire une odyssée…. Le chroniqueur a choisi, comme de coutume, les transports en commun : RER jusqu’à la Gare du Nord, métro ligne 5 jusqu’à la Place d’Italie ; tout va bien. Mais sur le quai de la ligne 7, la foule en attente : un incident en amont fait que le trafic reprendra progressivement à partir de 19h ; il est 18h15, une échappée s’impose vers une brasserie de la Place d’Italie pour se sustenter en attendant des circonstances plus propices.

19h15 : on peut tenter un retour sur le terrain des hostilités. C’est désert, tout va bien.

Le festival Sons d’Hiver s’affiche en force dans le couloir de la direction Ivry-Villejuif. Le but est à portée de métro ; trois stations et nous y sommes.

Avant le concert, juste le temps de parcourir l’exposition des photos du regretté Jacques Bisceglia. Beaucoup m’étaient familières (par des magazines, des livres….), mais j’en découvre qui m’étaient inconnues.

Un catalogue, simple et élégant, avec une photogravure de qualité, en révèle le contenu. Il est en vente sur place au stand des disques et livres Rogue Art (l’éditeur de l’objet). On peut aussi le commander en ligne : https://roguart.com/product/visions-of-feeling/169

C’est la soirée d’ouverture du festival Sons d’Hiver, le moment est venu de gagner la salle de concert. Don Moye fait partie des artistes photographiés par Jacques Bisceglia. Les hasards des annulations font qu’il est sur scène ce soir. Jusqu’à tout récemment, on attendait pour la première partie de ce soir les 9 musiciennes du groupe de Marilyn Mazur. Mais les circonstances sanitaires ont fait que le groupe n’a pas pu quitter le Danemark.

FAMOUDOU DON MOYE ‘Odyssey & Legacy’

Famoudou Don Moye (batterie, percussions), Kirk Lightsey (piano), Sylvain Romano (contrebasse), Christophe LeLoil (trompette)

Le Kremlin-Bicêtre, Espace Culturel André Malraux, 28 janvier 2022, 20h

L’an dernier, le groupe ‘Odyssey & Legacy’ de Don Moye s’était produit dans le cadre du festival au Musée du Quai Branly, lors d’un concert sans public (pandémie….), mais filmé, et accessible sur Youtube.

https://www.youtube.com/watch?v=AnczWSxBbXw 

C’était un quintette, d’instrumentation différente, avec d’autres musiciens. La musique du quartette de ce soir est fort différente, du point de vue de l’instrumentation, des interprètes comme du répertoire. Ambiance caribéenne, parfois un parfum de soul jazz de la fin des années 50, transitions inattendues de rythmes impairs à un climat de jazz traditionnel, puis citation de Monk. Beaucoup de groove aussi. Don Moye ne s’est vraiment révélé égal à lui-même qu’à partir du troisième titre. De beaux solos de tous, et un émouvant duo de Kirk Lightsey et Christophe LeLoil sur une ballade ; et aussi deux thèmes dédiés aux icônes du leader : Lester Bowie et Don Cherry. Bref un agréable moment de jazz mitonné dans l’urgence d’une reprogrammation de dernière minute.

ÉMILE PARISIEN SEXTET ‘Louise’

Émile Parisien (saxophone soprano), Theo Croker (trompette), Manu Codjia (guitare), Roberto Negro (piano), Joe Martin (contrebasse), Nasheet Waits (batterie)

Le Kremlin-Bicêtre, Espace Culturel André Malraux, 28 janvier 2022, 21h30

Le groupe d’Émile Parisien publie ce même jour un disque enregistré en juin dernier («Louise», ACT Music/PIAS, ‘CHOC’ Jazz Magazine du numéro de février qui vient de paraître).

Ce concert est le tout premier du groupe. L’ordre des compositions ne sera pas celui du CD, mais cela commence par le thème qui fait ouverture du disque, et lui donne son titre : Louise. Le saxophoniste entre en dialogue avec lui-même, via les effets. L’expressivité est palpable dès les premier instants. Puis le trompettiste s’introduit dans un l’échange ; variations libres de tout le groupe, puis vient le thème, lyrique et processionnel. Après le solo de trompette, la guitare s’évade avec virulence et inventivité, tandis que le batteur maintient une tension incroyable, sans fracas, mais avec une vigueur qui porte le groupe à une forme d’expressivité collective. On est ensuite dans un univers où les nuances s’affichent en miroir des effervescences extrêmes : on pense à Mingus. Vient alors la suite Memento, cœur du disque, et peut-être du concert, où tous s’expriment, et où toute la palette du groupe est sollicitée. Puis c’est une belle ballade, mystérieuse, signée par le pianiste. Après l’introduction par la contrebasse, quand la guitare entre en lice, je frissonne d’un émoi qui me rappelle Sing Me Softly Of The Blues, de Carla Bley. Le chroniqueur, dans sa réception de la musique, est parfois submergé par ses souvenirs anciens : j’espère qu’il ne lui en sera pas tenu rigueur. Sur Madagascar de Joe Zawinul, seul titre du CD qui ne soit pas issu du groupe, la trompette part en pleine liberté, attisée par la batterie, avant un tutti presque churchy qui nous entraîne ensuite vers d’autres intensités turbulentes. Et pour conclure en apaisement, après ces émotions fortes, une composition du trompettiste, Prayer 4 Peace. Très belle performance inaugurale de ce groupe dont on espère qu’il sera largement programmé et diffusé : une fois encore, Émile Parisien nous offre une rencontre au sommet.

Xavier Prévost