Film #6-1 / Le 26 mars au Musée d’Art Moderne de Paris, Michael Zwerin et Glenn Ferris se produisaient en quintette avec André Condouant, Jacques Vidal et Éric Dervieu. - Jazz Magazine
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Publié le 28 Déc 2025

Film #6-1 / Le 26 mars au Musée d’Art Moderne de Paris, Michael Zwerin et Glenn Ferris se produisaient en quintette avec André Condouant, Jacques Vidal et Éric Dervieu.

Mike Zwerin (1930-2010) portait volontiers le chapeau mais était connu à Paris pour sa double casquette de journaliste-écrivain et tromboniste. New-Yorkais, étudiant à la High School of Music and Art, il avait participé à l’âge de 18 ans à une jam session au Minton’s. On était en 1948 et, Miles Davis qui passait par là l’avait invité à se joindre le lendemain à une répétition : il s’agissait du fameux nonette que Miles était en train de constituer pour les premiers concerts septembre 1948 au Royal Roost. Il figure ainsi sur l’enregistrement radio du 4 septembre 1948 mais sera rapidement remplacé par un certain Ted Kelly puis, pour les séances Capitol, par Kai Winding ou J.J. Johnson. Après quoi on suit sa trace dans les discographies de Claude Thornhill (années 1950), Maynard Ferguson, Bill Russo, les différente émanations orchestrales de l’Orchestra of USA créé par John Lewis et Gunther Schuller, doublant souvent dans le années 1970 à la trompette basse. En 1967, il figure sur “The Magic of Ju-Ju” d’Archie Shepp. Il réapparaît en 1977 en Europe dans une Trumpet Machine (Franco Ambrosetti, Palle Mikkelborg, Kenny Wheeler, Jon Faddis, Woody Shaw), puis dans le Concert Jazz Band de George Gruntz.

Résident à Paris, il trouve alors sa place dans le Celestial Communications Orchestra d’Alan Silva et monte un trio avec Christian Escoudé et Gus Nemeth (“Not Much Music”), puis apparaît en 1980 sur le premier disque de Michel Petrucciani, avec Louis Petrucciani et Aldo Romano. Faute d’avoir gardé quelque souvenir de ses qualités instrumentales (il jouait ce soir-là de la trompette basse), je garde en mémoire une silhouette d’Américain à Paris, qui faisait autorité comme journaliste, ancien de Village Voice, correspondant de Down Beat et de l’International Herald Tribune.

La réputation de Glenn Ferris était toute autre. Je découvrais alors son existence comme associé au Dolphin Orchestra du saxophoniste Jean-Pierre Debarbat qui venait de se métamorphoser en Collectif de la Planète Carré, fidèle à Olivier Hutman, Frédéric Sylvestre et Jacques Vidal. À l’été 1980 était paru sous le nom de Glenn Ferris “A Live (with Collectif Planete Carré)” et l’arrivée de ce tromboniste sur la scène parisienne avait suscité un certain émoi.

Les connaisseurs avaient déjà repéré son nom au sein du big band de Don Ellis dès 1968, alors âgé de 18 ans (“Autumn”), avec lequel il fit ses premiers pas sur le territoire français à l’occasion du concert d’Antibes-Juan-les-Pins de cette même année 1968. Par la suite, on l’avait remarqué parmi la section de vents de Billy Cobham au coude-à-coude avec les Brecker Brothers (“Total Eclipse”, 1974 ; “A Funky Thide of Sings”, 1975). On savait moins qu’il figurait parmi le pléthorique effectif du “Grand Wazoo” de Frank Zappa et qu’il avait tourné en 1972 au sein de la version subséquente des Mothers of Invention surnommée “Petit Wazoo”. En 1979, il inaugurait les débuts discographiques de Tim Berne (“The Five-Year Plan”). Et Paris découvrait désormais ce tromboniste à l’expressivité mingusienne.

Faute de souvenirs précis (ils sont encore moins précis que la définition de ces quelques clichés scannés directement d’après négatifs), la rythmique mérite aussi quelques commentaires. À la guitare, André Condouant est une figure du jazz antillais. Né en 1935 à Pointe-à-Pitre (mort en Guadeloupe en 2014), contrebassiste de Robert Mavounzy, il s’est fait connaître à Paris à partir de 1957 auprès d’Al Lirvat ; puis passé à la guitare, il rejoint l’orchestre “typique” de Benny Bennett et commence à fouler les scènes du jazz avec l’organiste Lou Bennett. Vivant à Stockholm puis Berlin Ouest on l’aura entendu auprès de Dexter Gordon et Art Farmer, puis de retour en France avec Griffin. Sur le label guadeloupéen Debs, il enregistre son premier disque en 1970 entouré d’Eddy Louiss, Percy Heath et Connie Kay (“Brother Meeting” où son Blues For Wes honore son ascendance) et réitère en 1979 avec Richard Raux, Michel Graillier, Sylvain Marc, Tony Rabeson et Jean-Pierre Coco (“Happy Funk”). En 1981, il est à quelques mois de son troisième disque qui inaugure un partenariat régulier avec Alain Jean-Marie (“André Condouant”, accompagné de Patrice Caratini et Oliver Johnson).


Quant à Jacques Vidal (ici hors champ de mes clichés) et Éric Dervieu, c’est la génération montante. Ils viennent de collaborer sur le disque “2 +” (soit Frédéric Sylvestre-Jacques Vidal + Éric Lelann-Éric Dervieu) et on ne cessera de les entendre, Jacques Vidal souvent sous son nom, Éric Dervieu auprès René Urtreger qui lui restera fidèle, mais aussi notamment au sein du trio Sellin/Del Fra/Dervieu (“Happy Meeting”).

C’était le seul concert annoncé ce jeudi 26 mars 1981 dans les pages programmes de Jazz Magazine hors la rubrique “club” où figuraient le Quatuor de Saxophones (Jean-Louis Chautemps, François Jeanneau, Philippe Maté, Jacques Di Donato) à la Chapelle des Lombards ; le duo  “Cara-Fosset” (Patrice Caratini et Marc Fosset) au Petit Opportun ; le Funky Jazz Quartet de mon ami le guitariste Giles Ventadour (René Gervat, Raymond Delage qui était probablement le leader et Bernard Planchenault) comme tous les mardis et jeudis au Ramada Hôtel de Vélizy 2 ; Est-ce bien raisonnable ? (trio dont le saxophoniste était Thierry Maucci et qui signait cette année-là son seul et unique disque) au Doyen de Montpellier.

Que n’ai-je prolongé mes émotions trombonistiques ce soir-là au Caveau de la Montagne avec René Urtreger, le contrebassiste Luigi Trussardi et un autre grand tromboniste : Luis Fuentes. Franck Bergerot