Jazz live
Publié le 25 Mar 2024

Abdullah Ibrahim et le Modern Standards Supergroup à Bergame

Un pianiste de légende et un all-stars aux idées larges, tel était le programme de l’ultime soirée de l’édition 2024 du festival de Bergame. par Yazid Kouloughli

Le pianiste Sud Africain de 89 ans est toujours prolifique : il vient de publier un double album chez Gearbox Records et continue de tourner notamment, comme ce soir, en solo. D’une seule traite, évoluant lentement et gracieusement d’un thème à l’autre comme autant de souvenirs et développant chaque idée jusqu’au son aboutissement, Abdullah Ibrahim explore son vaste imaginaire, passe d’atmosphères sereines et joyeuses aux plus crépusculaires et montre toute l’étendue de son vocabulaire, des origines du piano afro-américain au classique et jusqu’aux accords les plus modernes. Mais avant de sortir de scène, obtenant l’attention du public d’un simple geste, il entame un chant venu du fond des âges ou résonne les échos de l’histoire de l’esclavage. Magistral.

Place au groove
On change du tout au tout : final en apothéose avec un all-star américain où sévissent Harvey Mason à la batterie, Felix Pastorius à la basse, Niels Lan Doky aux claviers et Ernie Watts, réunis pour proposer des relecture de Wonderall d’Oasis (d’une efficacité surprenante dans sa version jazz) ou Dancing Barefoot de Patti Smith.
Ernie Watts a beau être le doyen du groupe, il tire de son ténor des sons d’une limpidité absolue dans toute la tessiture de l’instrument jusqu’au suraigu, et fait preuve d’une virtuosité époustouflante, presque Michael-Breckerienne par moment, au point que le reste du groupe, très inspiré, semble presque sobre par comparaison. Mais quand ils entament Chameleon et que l’impérial Harvey Mason rejoue le groove caractéristique du morceau qu’il a co-écrit avec Herbie Hancock, c’est irrésistible. Et puisque chacun a mis la main à la patte, Felix Pastorius se charge du rappel et annonce ce qui était peut-être l’autre morceau très attendu de la soirée, l’incontournable Teen Town composé par son père Jaco, sur lequel il se livre à un solo d’anthologie, sans jamais verser dans l’imitation paternelle. Digne fin a une édition 2024 passionnante !