Cully Jazz 2015, le jazz suisse et ses entours... (II)

Le lac. Et quel lac ! Quelle lumière – comme dit une amie qui s’y connaît – qui émane du lac lui-même. J’ai déjà dit le printemps, le soleil, aujourd’hui la chaleur même. Hier c’était un peu plus voilé, et il y avait plein de concerts à suivre.

Mais d’abord un seul regret : les bateaux sur le lac sont devenus rares, vous savez, ces bateaux blancs avec le drapeau rouge à croix blanche, qui reliaient les différentes villes. Il paraît que la liaison Lausanne – Evian est toujours active, et probablement rentable pour tous ceux qui travaillent d’un côté et vivent de l’autre. Sinon, l’activité reprend en été pour le tourisme.

Côté vins, on est ici bien servi : le blanc est à base de chasselas, il est fruité, léger en degré, avec une belle acidité. Les rouges ont ma préférence, ils sont eux aussi légers, très parfumés, fins, délicats, loin des lourdeurs de la concentration parkérienne. De ce point de vue, je suis Charlie, mais pas Robert. Et que dire de la manifestation elle-même que nous n’ayons déjà souligné, mais allons-y quand même. Les bords du lac voient surgir en fin de journée d’innombrables familles avec enfants, pour des promenades colorées. Les rues, très désertes jusque là, tendent à s’emplir de groupes d’amateurs – en tous cas amateurs de réunions collectives et autres formes de la civilité bien comprise. Au nom du jazz, on cherche bien sûr à vendre un peu ceci et cela, mais pas trop, et surtout du plaisir d’être ensemble.

Et puis on va au Temple… Non sans avoir croisé une chanteuse qu’on aime beaucoup depuis des années, et qu’on est étonné de retrouver là, d’autant qu’elle n’est pas au programme : Susanne Abbuehl. Mère de deux jeunes fils (8 et 4 ans), elle vit à Lucerne et travaille au conservatoire de Lausanne, pour la plus grande joie de ses élèves. Et les bonnes nouvelles se suivent : on l’entendra à « Nevers D’jazz » au mois de novembre, et son disque en duo avec Stephan Oliva, produit de tant d’années de travail ensemble, va sortir bientôt chez « Vision Fugitive ». Un sourire éclatant.

Jibcae : Claire Huguenin (voix), Malcom Braff (p), Julie Campiche (harpe), Jeremias Keller (g)

Claire Huguenin a déjà un public en Suisse, c’est sûr. La formation qui l’entoure est entièrement à son service, elle ne leur laisse guère de place, et fait entendre une voix déjà bien travaillée, dans le prolongement d’un corps vibrant d’émotions, exprimant de multiples façons une vie intérieure agitée. On aime cette façon d’exprimer les choses, mais on regrette que cela prenne parfois un tour un peu excessif. Plus de distance ne nuirait pas, même s’il faut avouer que le fait de « brider » une nature expressive est parfois encore plus risqué que l’inverse ! A suivre donc.

Gauthier Toux Trio : Gauthier Toux (p), Kenneth Knudsen (b), unknown (dm)

Au « Sweet Basile », Gauthier Toux joue trois sets dans la nuit. Le premier fait entendre un instrumentiste engagé, bon frappeur de clavier (pour moi une qualité essentielle dans le jazz d’aujourd’hui), et capable d’originalité dans une version du « Monk’s Dream » de Thelonious Monk pleine de chicanes, sans trahison du maître. Un excellent disque autoproduit documente ce bon trio, sous le titre « More Than Ever ». A suivre également.

Philippe Méziat