FRÉDÉRIC LOISEAU Trio au Sunside
Une escapade d’un set, et un peu plus, pour le chroniqueur toujours en butte aux défaillances du RER, et qui doit partir avant la fin pour éviter la galère d’un retour banlieusard problématique. Voir les lamentations rituelles en fin de chronique…. Mais d’abord le plaisir du concert !
FRÉDÉRIC LOISEAU «D’instant en instant»
Frédéric Loiseau (guitare), Benoît Sourisse (orgue), André Charlier (batterie)
Paris, Sunside, 22 avril 2022, 20h30
Le concert devait se tenir au Sunset, le sous-sol historique du club, mais finalement c’était au rez-de-chaussée, au Sunside. Le trio fête la sortie du CD «D’instant en instant» (Gemini Records / Absilone-Socadisc) paru quelques jours plus tôt (lire la chronique de Pascal Anquetil dans le n° 747, avril 2022, de Jazz Magazine ).
Le concert commence par une saynète : le guitariste au micro, ses partenaires commentant l’action d’un rituel jeu du chat et de la souris. Puis on entre de plain-pied dans la musique avec Morning Bird : le concert suivra en partie l’ordre du tout récent disque. Nuances, circonvolutions mélodiques et harmoniques, le plaisir du jeu, dès l’abord. Le son est intime, pas de fracas, mais la musique est tendue, dans l’intensité de l’échange. Puis c’est Le Duc de Charonne, une composition de Bob Dorough, grand Ami de Claude Carrière, et qui lui avait dédié ce thème. Le Duc, c’était Claude, fou d’Ellington, et qui résidait rue de Charonne, Paris 11ème. Le thème aurait aussi pu s’intituler le moine de Charonne, non que Claude fût un moine, mais parce que la musique comporte quelques accents qui rappellent le Moine, Thelonious Monk. Vient ensuite une composition de Benoît Sourisse, Coco, suivi de Passer dans un trou de souris. Les finesses harmoniques, rythmiques et mélodiques ne sont pas le seul ressort du trio. S’impose aussi un essor ludique, avec accélérations de tempo, ruptures mutines et autres joies du jeu. Une intro mystère pour Fleurette Africaine d’Ellington, et un développement recueilli sur ce thème qui incite à une forme d’évasion. Puis c’est la La Pirouette pentatonale, imaginée par Benoît Sourisse pour cavaler au gré des degrés de la gamme, quelques échanges de 4/4 avec André Charlier avant un solo de batterie. Et le set se conclura par Smile, mélodie de Charlie Chaplin qui donnait son titre au précédent album du trio. Et là encore, la joie de jouer s’impose : petits détours et retours….
Après la pause, une belle mélodie qui ne figure pas sur le CD, puis D’instant en instant, le thème titre du disque, une sorte de concentré de l’univers du guitariste : lignes intimes et sinueuses, manifeste pour une prise de pouvoir de la nuance pianissimo…. Et Frédéric Loiseau annonce ensuite qu’il ne donne pas un concert sans jouer un thème d’Ellington (c’est fait) et un blues (que voici) : on rejoint la légende des trios guitare-orgue-batterie, mais pas de surenchère : nuances et subtilité, toujours. Bonheur de tous, sur scène et dans la salle. Et le chroniqueur comblé doit hélas quitter le club, sans pouvoir attendre la probable Waltz for C, dédiée à l’Ami Carrière.
Le RER de 23h02 à la Gare du Nord-Magenta sera mon dernier espoir pour regagner mes pénates en une grosse demi-heure, en évitant les détours par le métro, puis un bus hypothétique, et l’assurance d’une heure supplémentaire de trajet…. Ainsi va la vie du jazzophile banlieusard, qui depuis deux ans peste contre les suppressions de RER en soirée pour des travaux qui n’en finissent pas de durer !
Xavier Prévost