Jazz live
Publié le 12 Mai 2025

Good Vibes at 38 Riv’

Avec le vibraphoniste letton Janis Fedotovs entouré de Clément Merienne au piano, Étienne Renard à la contrebasse et Elie Martin-Charrière à la batterie. Musique ouverte à guichets fermés.

Le 38 Riv’s’est taillé une réputation, d’abord parmi les musiciens pour ses jam sessions et ses ateliers, puis, gagnant en visibilité par son enseigne au 38 de la rue de Rivoli, auprès d’un public qui se presse désormais à ses deux concerts quotidiens, 19h30 et 21h30. Il est recommandé de réserver sur 38riv.com. J’arrive tout juste à l’heure pour tomber sur une salle pleine, en fait l’une des petites caves en enfilade sous deux volées d’escalier. Souvenir du Petit Op’. Je me faufile pour atteindre de dernier tabouret restant  sur le côté de la scène tandis que Vincent Charbonnier fait les présentations avec cet humour qui lui a permis de dominer douleurs et handicaps consécutifs à l’accident qui mit fin à sa carrière de contrebasse. Seul à la tête de ces caves qu’il a fait aménager, il a depuis été relayé par une équipe dynamique qui a donné un second souffle tout en préservant l’esprit de départ et la place laissée à la jam session animée chaque soir à 23h par un musicien ou un groupe attitré.

Bien sûr, tout ça est connu, mais ça faisait longtemps que je n’y avais pas mis les pieds, pour m’y être pris plusieurs fois à l’improviste et m’être heurté à un guichet fermé. C’est le vibraphoniste letton, Janis Fedotovs, qui m’invitait hier à venir l’écouter et, quoique ne le connaissant pas encore, je me suis dit que quelqu’un qui se choisit pour rythmique Étienne Renard et Elie Martin-Charrière ne devrait pas manquer de goût. Quant à Clément Mérienne, l’ayant apprécié auprès du saxophoniste Pierre Carbonneaux, j’étais curieux d’en savoir plus.

Hélas, assis comme j’étais, au pied de la batterie et séparé du piano par le vibraphone, je n’ai guère eu l’occasion de me faire une idée du jeu de ce dernier. Il faut dire que Janis Fedotovs est un vibraphoniste puissant, même s’il n’ignore rien de la nuance piano – qualités partagées avec Ellie Martin-Charrière – , avec un type d’énergie et des couleurs qui m’ont évoqué Gary Burton, mais en plus abstrait  et dont il aurait fallu mieux apprécier la combinaison avec le piano. Alternant avec des moments d’une puissance exaltante, il y eut néanmoins des moments de grâce où le piano vint se fondre dans le vibra, des moments de fragilité qui m’évoquèrent soudainement l’un de mes premiers disques (quoique d’une instrumentation et des personnalités toute différentes) “Live At Gill’s Club” de Siegfried Kessler avec Barre Phillips et Steve McCall. Impression bientôt contredite par quelque bourrasque, mais où il reste ce sentiment de “laisser faire”, non comme négligence, mais comme une sorte d’accueil à ce qui doit survenir, un suspens, un mélange de tension et d’accueil de l’imprévu  ayant à avoir avec l’art théâtral. Et, pour filer la métaphore et sans, en dépit des apparences, me contredire, j’y appréciait une exigence formelle et un sens du détail structurant ces apparents relâchements tant dans le fortissimo que le pianissimo, un écriture qui, bien que tenant sur peu de surface papier, maille le jouage moins par des liens rythmiques et mélodiques bien visibles, que par la tenue de ces épanchements ou de ces emportements.

Ils se sont encore peu produits, mais nous promettent un disque déjà enregistré. À suivre. Franck Bergerot