Jazz live
Publié le 17 Juil 2014

Jazz a Vitoria-Gasteiz (1): contenus et contenants

« Toute cette vie, tout ce bonheur c’est lui seul qui peut nous le donner bien sur. Dieu vous bénisse ! » A mi concert Claude McKnight, leader du groupe vocal américain lève le voile. Et vient rappeler au public vitoriano, un peu surpris de se trouver ainsi directement sermonné que les racines De Take 6 ont pris dans le sol d’un collège évangélique de Hountsville, Alabama il ya vingt cinq ans…Trois minutes à peine plus tard pourtant, au bout d’une improvisation bâtie sur le seul et unique vocable d’Alléluia vocalisé a capella au millimètre et dans une profondeur remarquable, l’audience basque qui s’y connaît, tradition oblige, en chœur d’hommes s’en trouve définitivement conquise.

 Sylvain Luc (g), David Binney (as), Paul-François « Titi » Dufour (dm, cello),

Theatre Principal

Take Six : Claude Mc Knight, Mark Kibbele, Joel Kibble, Dave Thomas, Alvin Chea, Kristian Dentley,

Chano Dominguez (p), Niño Josele (g)

Darcy James Argue’s Secret Society

Polideportivo de Mendizorrotza, Vitoria-Gasteiz, (Euskadi/Espagne) 14, 15 juillet

 

Le festival de Vitoria qui en est à sa trente-huitième édition s’y entend à multiplier les contrastes sinon les oppositions de phases en matière de programmation quotidienne. A commencer par son entame musicale un quatorze juillet, date qui, cette nuit là au Pays basque dans son entier résonne davantage de la fin des San Fermines (Feria de Pampelune) que des échos d’un feu d’artifice de fête nationale. Ainsi passer de la rencontre (inédite) Sylvain Luc-David Binney à la célébration gospelisante et plus de Take Six peut représenter une drôle de gymnastique auditive.

Lorsque le guitariste bayonnais contacta le saxophoniste américain pour établir cette dite « konnexioa » -quelque chose comme la volonté du festival de joindre deux mondes musicaux entre terre basque et outre atlantique autour de l’idiome jazz- ce dernier un peu surpris s’adressa à des collègues pour information « J’ai demandé à Adam Rogers et Wayne Krantz mes copains s’ils connaissaient son travail. Tous les deux m’ont répondu illico : vas-y c’est un super celui là… » Petit problème à l’arrivée : pas de répétition possible sinon à l’hôtel autour de deux chaises…Mais, bon sur scène cela fonctionne. Surtout dès lors que le guitariste très attentif vient chercher le sax un peu en retrait au départ de l’action « J’ai senti la nécessité de me rapprocher y compris physiquement de lui sur la scène pour que ça marche »  Sylvain Luc attire ainsi Binney sur son terrain (la « querencia » dit-on dans les arènes de Pampelune voisines) musical, en l’occurrence deux thèmes tirés de standards de la musique traditionnelle basque. Par les jeux de l’improvisation et l’écoute conjuguées la connexion s’opère, la musique prend de la substance, des libertés autour de la mélodie et du rythme, se nourrit de l’échange. D’autant que « Titi  » Dufour, troisième compère resté lui aussi en léger retrait comme en observation, entre franchement dans la danse, en percussions fines sur la batterie comme dans l’intensité donnée aux contrechants voire en mode pizzicato basse au violoncelle. Au final Dave Binney, confiait son désir de renouveler l’expérience. A suivre ?

Un quart de siècle d’existence et Take 6 bluffe encore son public. A l’écoute de six voix black tradition made in USA mixées très nature en mode gospel on peut, c’est vrai par habitude, passer au travers. Mais dès lors que par jeu, par défi, par goût du décalage et bourrées d’humour elles jouent à reproduire avec un art consommé du décryptage/décodage les monuments de la great black music faite vocal (période Motown) comment ne pas ressentir un pur plaisir question écoute ? Un remake distancié juste ce qu’il faut de chansons cultes de Ray Charles, Stevie Wonder, Solomon Burke, Michael Jackson (très rigolo) Même longuement éprouvé le talent au service du savoir faire touche juste, peut toucher fort ! A six ils ont mis le feu (sacré ?) à Mendizorrotza.

Seconde soirée et toujours ce pari d’un grand écart entre  l’intimité de deux musiciens à la croisée des chemins du jazz et du flamenco pour clôturer sur un big band livrant un paquet pas forcément cadeau plutôt pesant quand au contenu et contenant.

Chano Dominguez, pianiste de Cadix côté atlantique et Niño Josele, guitariste natif d’Almeria sur la côte méditerranéenne « devaient fatalement se rencontrer un jour » s’il faut en croire le réalisateur Fernando Trueba qui vient de produire leur disque Chano & Josele sur son label Calle 54 distribué par Sony Music. Vitoria avait obtenu la primeur de leur premier concert en duo. S’égrènent ainsi sur l ‘ immense scène du palais des sports une série de thèmes donnés avec beaucoup de finesse, une élégance certaine, plus bien entendu un savoir faire instrumental certain dans leur exposé et leurs développements. Le produit musical s’avère peu flamenco in fine, plutôt jazz dans l’abord question exploration de moments d’impro. Ceci posé, le contenu de ce premier rendez-vous live de la part du duo fait appel à nombre de ballades, de compositions et standards (Michel Legrand, Lennon Mc Cartney, AC Jobim, J. Lewis…) interprétés sur tempo lent. Un matériau de qualité mais qui requiert une attention, un confort d’écoute, une disponibilité qui sied davantage au mode enregistré qu’à une version en public livrée dans le cadre d’une enceinte d’une telle dimension. Sans doute de par la nature d’un tel concert manquait-il alors quelques épices de moments de fougue, d’échappée belle, d’énergie libérée. Surtout si l’on fait le parallèle avec le concert exceptionnel de l’année passée, face à face torride de Chick (Corea) et Paco (de Lucia) sur cette même scène. Ce qui n’empêcha nullement les afcionados de cette première musicale d’en redemander au duo andalou.

Darcy James Argue serait-il lui plus à son aise dans l’ombre de l’écriture que projeté sous les lumières
d »une  scène ? Enoncées dans la chaleur pesante d’une nuit de juillet alavaise très lourde les longues séquences de ses compositions s’enchainaient sans véritable respiration. Musique très dense, complexe, parfois cadenassée même dans son affichage. De quoi, côté public, laisser évoluer le big band pratiquement en apnée. A ce titre la part dévolue aux solistes reste ténue, formule apte à freiner le mouvement, raréfier les moments d’explosion libératoires sur lesquels se joue l’empathie avec le public Le big band américain parie sur beaucoup d’écriture donc peu d’espaces laissés à l’improvisation individuelle autant que collective. De quoi exclure lesnécessaires  respirations.

 

Robert Latxague

 

 

 

 

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« Toute cette vie, tout ce bonheur c’est lui seul qui peut nous le donner bien sur. Dieu vous bénisse ! » A mi concert Claude McKnight, leader du groupe vocal américain lève le voile. Et vient rappeler au public vitoriano, un peu surpris de se trouver ainsi directement sermonné que les racines De Take 6 ont pris dans le sol d’un collège évangélique de Hountsville, Alabama il ya vingt cinq ans…Trois minutes à peine plus tard pourtant, au bout d’une improvisation bâtie sur le seul et unique vocable d’Alléluia vocalisé a capella au millimètre et dans une profondeur remarquable, l’audience basque qui s’y connaît, tradition oblige, en chœur d’hommes s’en trouve définitivement conquise.

 Sylvain Luc (g), David Binney (as), Paul-François « Titi » Dufour (dm, cello),

Theatre Principal

Take Six : Claude Mc Knight, Mark Kibbele, Joel Kibble, Dave Thomas, Alvin Chea, Kristian Dentley,

Chano Dominguez (p), Niño Josele (g)

Darcy James Argue’s Secret Society

Polideportivo de Mendizorrotza, Vitoria-Gasteiz, (Euskadi/Espagne) 14, 15 juillet

 

Le festival de Vitoria qui en est à sa trente-huitième édition s’y entend à multiplier les contrastes sinon les oppositions de phases en matière de programmation quotidienne. A commencer par son entame musicale un quatorze juillet, date qui, cette nuit là au Pays basque dans son entier résonne davantage de la fin des San Fermines (Feria de Pampelune) que des échos d’un feu d’artifice de fête nationale. Ainsi passer de la rencontre (inédite) Sylvain Luc-David Binney à la célébration gospelisante et plus de Take Six peut représenter une drôle de gymnastique auditive.

Lorsque le guitariste bayonnais contacta le saxophoniste américain pour établir cette dite « konnexioa » -quelque chose comme la volonté du festival de joindre deux mondes musicaux entre terre basque et outre atlantique autour de l’idiome jazz- ce dernier un peu surpris s’adressa à des collègues pour information « J’ai demandé à Adam Rogers et Wayne Krantz mes copains s’ils connaissaient son travail. Tous les deux m’ont répondu illico : vas-y c’est un super celui là… » Petit problème à l’arrivée : pas de répétition possible sinon à l’hôtel autour de deux chaises…Mais, bon sur scène cela fonctionne. Surtout dès lors que le guitariste très attentif vient chercher le sax un peu en retrait au départ de l’action « J’ai senti la nécessité de me rapprocher y compris physiquement de lui sur la scène pour que ça marche »  Sylvain Luc attire ainsi Binney sur son terrain (la « querencia » dit-on dans les arènes de Pampelune voisines) musical, en l’occurrence deux thèmes tirés de standards de la musique traditionnelle basque. Par les jeux de l’improvisation et l’écoute conjuguées la connexion s’opère, la musique prend de la substance, des libertés autour de la mélodie et du rythme, se nourrit de l’échange. D’autant que « Titi  » Dufour, troisième compère resté lui aussi en léger retrait comme en observation, entre franchement dans la danse, en percussions fines sur la batterie comme dans l’intensité donnée aux contrechants voire en mode pizzicato basse au violoncelle. Au final Dave Binney, confiait son désir de renouveler l’expérience. A suivre ?

Un quart de siècle d’existence et Take 6 bluffe encore son public. A l’écoute de six voix black tradition made in USA mixées très nature en mode gospel on peut, c’est vrai par habitude, passer au travers. Mais dès lors que par jeu, par défi, par goût du décalage et bourrées d’humour elles jouent à reproduire avec un art consommé du décryptage/décodage les monuments de la great black music faite vocal (période Motown) comment ne pas ressentir un pur plaisir question écoute ? Un remake distancié juste ce qu’il faut de chansons cultes de Ray Charles, Stevie Wonder, Solomon Burke, Michael Jackson (très rigolo) Même longuement éprouvé le talent au service du savoir faire touche juste, peut toucher fort ! A six ils ont mis le feu (sacré ?) à Mendizorrotza.

Seconde soirée et toujours ce pari d’un grand écart entre  l’intimité de deux musiciens à la croisée des chemins du jazz et du flamenco pour clôturer sur un big band livrant un paquet pas forcément cadeau plutôt pesant quand au contenu et contenant.

Chano Dominguez, pianiste de Cadix côté atlantique et Niño Josele, guitariste natif d’Almeria sur la côte méditerranéenne « devaient fatalement se rencontrer un jour » s’il faut en croire le réalisateur Fernando Trueba qui vient de produire leur disque Chano & Josele sur son label Calle 54 distribué par Sony Music. Vitoria avait obtenu la primeur de leur premier concert en duo. S’égrènent ainsi sur l ‘ immense scène du palais des sports une série de thèmes donnés avec beaucoup de finesse, une élégance certaine, plus bien entendu un savoir faire instrumental certain dans leur exposé et leurs développements. Le produit musical s’avère peu flamenco in fine, plutôt jazz dans l’abord question exploration de moments d’impro. Ceci posé, le contenu de ce premier rendez-vous live de la part du duo fait appel à nombre de ballades, de compositions et standards (Michel Legrand, Lennon Mc Cartney, AC Jobim, J. Lewis…) interprétés sur tempo lent. Un matériau de qualité mais qui requiert une attention, un confort d’écoute, une disponibilité qui sied davantage au mode enregistré qu’à une version en public livrée dans le cadre d’une enceinte d’une telle dimension. Sans doute de par la nature d’un tel concert manquait-il alors quelques épices de moments de fougue, d’échappée belle, d’énergie libérée. Surtout si l’on fait le parallèle avec le concert exceptionnel de l’année passée, face à face torride de Chick (Corea) et Paco (de Lucia) sur cette même scène. Ce qui n’empêcha nullement les afcionados de cette première musicale d’en redemander au duo andalou.

Darcy James Argue serait-il lui plus à son aise dans l’ombre de l’écriture que projeté sous les lumières
d »une  scène ? Enoncées dans la chaleur pesante d’une nuit de juillet alavaise très lourde les longues séquences de ses compositions s’enchainaient sans véritable respiration. Musique très dense, complexe, parfois cadenassée même dans son affichage. De quoi, côté public, laisser évoluer le big band pratiquement en apnée. A ce titre la part dévolue aux solistes reste ténue, formule apte à freiner le mouvement, raréfier les moments d’explosion libératoires sur lesquels se joue l’empathie avec le public Le big band américain parie sur beaucoup d’écriture donc peu d’espaces laissés à l’improvisation individuelle autant que collective. De quoi exclure lesnécessaires  respirations.

 

Robert Latxague

 

 

 

 

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« Toute cette vie, tout ce bonheur c’est lui seul qui peut nous le donner bien sur. Dieu vous bénisse ! » A mi concert Claude McKnight, leader du groupe vocal américain lève le voile. Et vient rappeler au public vitoriano, un peu surpris de se trouver ainsi directement sermonné que les racines De Take 6 ont pris dans le sol d’un collège évangélique de Hountsville, Alabama il ya vingt cinq ans…Trois minutes à peine plus tard pourtant, au bout d’une improvisation bâtie sur le seul et unique vocable d’Alléluia vocalisé a capella au millimètre et dans une profondeur remarquable, l’audience basque qui s’y connaît, tradition oblige, en chœur d’hommes s’en trouve définitivement conquise.

 Sylvain Luc (g), David Binney (as), Paul-François « Titi » Dufour (dm, cello),

Theatre Principal

Take Six : Claude Mc Knight, Mark Kibbele, Joel Kibble, Dave Thomas, Alvin Chea, Kristian Dentley,

Chano Dominguez (p), Niño Josele (g)

Darcy James Argue’s Secret Society

Polideportivo de Mendizorrotza, Vitoria-Gasteiz, (Euskadi/Espagne) 14, 15 juillet

 

Le festival de Vitoria qui en est à sa trente-huitième édition s’y entend à multiplier les contrastes sinon les oppositions de phases en matière de programmation quotidienne. A commencer par son entame musicale un quatorze juillet, date qui, cette nuit là au Pays basque dans son entier résonne davantage de la fin des San Fermines (Feria de Pampelune) que des échos d’un feu d’artifice de fête nationale. Ainsi passer de la rencontre (inédite) Sylvain Luc-David Binney à la célébration gospelisante et plus de Take Six peut représenter une drôle de gymnastique auditive.

Lorsque le guitariste bayonnais contacta le saxophoniste américain pour établir cette dite « konnexioa » -quelque chose comme la volonté du festival de joindre deux mondes musicaux entre terre basque et outre atlantique autour de l’idiome jazz- ce dernier un peu surpris s’adressa à des collègues pour information « J’ai demandé à Adam Rogers et Wayne Krantz mes copains s’ils connaissaient son travail. Tous les deux m’ont répondu illico : vas-y c’est un super celui là… » Petit problème à l’arrivée : pas de répétition possible sinon à l’hôtel autour de deux chaises…Mais, bon sur scène cela fonctionne. Surtout dès lors que le guitariste très attentif vient chercher le sax un peu en retrait au départ de l’action « J’ai senti la nécessité de me rapprocher y compris physiquement de lui sur la scène pour que ça marche »  Sylvain Luc attire ainsi Binney sur son terrain (la « querencia » dit-on dans les arènes de Pampelune voisines) musical, en l’occurrence deux thèmes tirés de standards de la musique traditionnelle basque. Par les jeux de l’improvisation et l’écoute conjuguées la connexion s’opère, la musique prend de la substance, des libertés autour de la mélodie et du rythme, se nourrit de l’échange. D’autant que « Titi  » Dufour, troisième compère resté lui aussi en léger retrait comme en observation, entre franchement dans la danse, en percussions fines sur la batterie comme dans l’intensité donnée aux contrechants voire en mode pizzicato basse au violoncelle. Au final Dave Binney, confiait son désir de renouveler l’expérience. A suivre ?

Un quart de siècle d’existence et Take 6 bluffe encore son public. A l’écoute de six voix black tradition made in USA mixées très nature en mode gospel on peut, c’est vrai par habitude, passer au travers. Mais dès lors que par jeu, par défi, par goût du décalage et bourrées d’humour elles jouent à reproduire avec un art consommé du décryptage/décodage les monuments de la great black music faite vocal (période Motown) comment ne pas ressentir un pur plaisir question écoute ? Un remake distancié juste ce qu’il faut de chansons cultes de Ray Charles, Stevie Wonder, Solomon Burke, Michael Jackson (très rigolo) Même longuement éprouvé le talent au service du savoir faire touche juste, peut toucher fort ! A six ils ont mis le feu (sacré ?) à Mendizorrotza.

Seconde soirée et toujours ce pari d’un grand écart entre  l’intimité de deux musiciens à la croisée des chemins du jazz et du flamenco pour clôturer sur un big band livrant un paquet pas forcément cadeau plutôt pesant quand au contenu et contenant.

Chano Dominguez, pianiste de Cadix côté atlantique et Niño Josele, guitariste natif d’Almeria sur la côte méditerranéenne « devaient fatalement se rencontrer un jour » s’il faut en croire le réalisateur Fernando Trueba qui vient de produire leur disque Chano & Josele sur son label Calle 54 distribué par Sony Music. Vitoria avait obtenu la primeur de leur premier concert en duo. S’égrènent ainsi sur l ‘ immense scène du palais des sports une série de thèmes donnés avec beaucoup de finesse, une élégance certaine, plus bien entendu un savoir faire instrumental certain dans leur exposé et leurs développements. Le produit musical s’avère peu flamenco in fine, plutôt jazz dans l’abord question exploration de moments d’impro. Ceci posé, le contenu de ce premier rendez-vous live de la part du duo fait appel à nombre de ballades, de compositions et standards (Michel Legrand, Lennon Mc Cartney, AC Jobim, J. Lewis…) interprétés sur tempo lent. Un matériau de qualité mais qui requiert une attention, un confort d’écoute, une disponibilité qui sied davantage au mode enregistré qu’à une version en public livrée dans le cadre d’une enceinte d’une telle dimension. Sans doute de par la nature d’un tel concert manquait-il alors quelques épices de moments de fougue, d’échappée belle, d’énergie libérée. Surtout si l’on fait le parallèle avec le concert exceptionnel de l’année passée, face à face torride de Chick (Corea) et Paco (de Lucia) sur cette même scène. Ce qui n’empêcha nullement les afcionados de cette première musicale d’en redemander au duo andalou.

Darcy James Argue serait-il lui plus à son aise dans l’ombre de l’écriture que projeté sous les lumières
d »une  scène ? Enoncées dans la chaleur pesante d’une nuit de juillet alavaise très lourde les longues séquences de ses compositions s’enchainaient sans véritable respiration. Musique très dense, complexe, parfois cadenassée même dans son affichage. De quoi, côté public, laisser évoluer le big band pratiquement en apnée. A ce titre la part dévolue aux solistes reste ténue, formule apte à freiner le mouvement, raréfier les moments d’explosion libératoires sur lesquels se joue l’empathie avec le public Le big band américain parie sur beaucoup d’écriture donc peu d’espaces laissés à l’improvisation individuelle autant que collective. De quoi exclure lesnécessaires  respirations.

 

Robert Latxague

 

 

 

 

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« Toute cette vie, tout ce bonheur c’est lui seul qui peut nous le donner bien sur. Dieu vous bénisse ! » A mi concert Claude McKnight, leader du groupe vocal américain lève le voile. Et vient rappeler au public vitoriano, un peu surpris de se trouver ainsi directement sermonné que les racines De Take 6 ont pris dans le sol d’un collège évangélique de Hountsville, Alabama il ya vingt cinq ans…Trois minutes à peine plus tard pourtant, au bout d’une improvisation bâtie sur le seul et unique vocable d’Alléluia vocalisé a capella au millimètre et dans une profondeur remarquable, l’audience basque qui s’y connaît, tradition oblige, en chœur d’hommes s’en trouve définitivement conquise.

 Sylvain Luc (g), David Binney (as), Paul-François « Titi » Dufour (dm, cello),

Theatre Principal

Take Six : Claude Mc Knight, Mark Kibbele, Joel Kibble, Dave Thomas, Alvin Chea, Kristian Dentley,

Chano Dominguez (p), Niño Josele (g)

Darcy James Argue’s Secret Society

Polideportivo de Mendizorrotza, Vitoria-Gasteiz, (Euskadi/Espagne) 14, 15 juillet

 

Le festival de Vitoria qui en est à sa trente-huitième édition s’y entend à multiplier les contrastes sinon les oppositions de phases en matière de programmation quotidienne. A commencer par son entame musicale un quatorze juillet, date qui, cette nuit là au Pays basque dans son entier résonne davantage de la fin des San Fermines (Feria de Pampelune) que des échos d’un feu d’artifice de fête nationale. Ainsi passer de la rencontre (inédite) Sylvain Luc-David Binney à la célébration gospelisante et plus de Take Six peut représenter une drôle de gymnastique auditive.

Lorsque le guitariste bayonnais contacta le saxophoniste américain pour établir cette dite « konnexioa » -quelque chose comme la volonté du festival de joindre deux mondes musicaux entre terre basque et outre atlantique autour de l’idiome jazz- ce dernier un peu surpris s’adressa à des collègues pour information « J’ai demandé à Adam Rogers et Wayne Krantz mes copains s’ils connaissaient son travail. Tous les deux m’ont répondu illico : vas-y c’est un super celui là… » Petit problème à l’arrivée : pas de répétition possible sinon à l’hôtel autour de deux chaises…Mais, bon sur scène cela fonctionne. Surtout dès lors que le guitariste très attentif vient chercher le sax un peu en retrait au départ de l’action « J’ai senti la nécessité de me rapprocher y compris physiquement de lui sur la scène pour que ça marche »  Sylvain Luc attire ainsi Binney sur son terrain (la « querencia » dit-on dans les arènes de Pampelune voisines) musical, en l’occurrence deux thèmes tirés de standards de la musique traditionnelle basque. Par les jeux de l’improvisation et l’écoute conjuguées la connexion s’opère, la musique prend de la substance, des libertés autour de la mélodie et du rythme, se nourrit de l’échange. D’autant que « Titi  » Dufour, troisième compère resté lui aussi en léger retrait comme en observation, entre franchement dans la danse, en percussions fines sur la batterie comme dans l’intensité donnée aux contrechants voire en mode pizzicato basse au violoncelle. Au final Dave Binney, confiait son désir de renouveler l’expérience. A suivre ?

Un quart de siècle d’existence et Take 6 bluffe encore son public. A l’écoute de six voix black tradition made in USA mixées très nature en mode gospel on peut, c’est vrai par habitude, passer au travers. Mais dès lors que par jeu, par défi, par goût du décalage et bourrées d’humour elles jouent à reproduire avec un art consommé du décryptage/décodage les monuments de la great black music faite vocal (période Motown) comment ne pas ressentir un pur plaisir question écoute ? Un remake distancié juste ce qu’il faut de chansons cultes de Ray Charles, Stevie Wonder, Solomon Burke, Michael Jackson (très rigolo) Même longuement éprouvé le talent au service du savoir faire touche juste, peut toucher fort ! A six ils ont mis le feu (sacré ?) à Mendizorrotza.

Seconde soirée et toujours ce pari d’un grand écart entre  l’intimité de deux musiciens à la croisée des chemins du jazz et du flamenco pour clôturer sur un big band livrant un paquet pas forcément cadeau plutôt pesant quand au contenu et contenant.

Chano Dominguez, pianiste de Cadix côté atlantique et Niño Josele, guitariste natif d’Almeria sur la côte méditerranéenne « devaient fatalement se rencontrer un jour » s’il faut en croire le réalisateur Fernando Trueba qui vient de produire leur disque Chano & Josele sur son label Calle 54 distribué par Sony Music. Vitoria avait obtenu la primeur de leur premier concert en duo. S’égrènent ainsi sur l ‘ immense scène du palais des sports une série de thèmes donnés avec beaucoup de finesse, une élégance certaine, plus bien entendu un savoir faire instrumental certain dans leur exposé et leurs développements. Le produit musical s’avère peu flamenco in fine, plutôt jazz dans l’abord question exploration de moments d’impro. Ceci posé, le contenu de ce premier rendez-vous live de la part du duo fait appel à nombre de ballades, de compositions et standards (Michel Legrand, Lennon Mc Cartney, AC Jobim, J. Lewis…) interprétés sur tempo lent. Un matériau de qualité mais qui requiert une attention, un confort d’écoute, une disponibilité qui sied davantage au mode enregistré qu’à une version en public livrée dans le cadre d’une enceinte d’une telle dimension. Sans doute de par la nature d’un tel concert manquait-il alors quelques épices de moments de fougue, d’échappée belle, d’énergie libérée. Surtout si l’on fait le parallèle avec le concert exceptionnel de l’année passée, face à face torride de Chick (Corea) et Paco (de Lucia) sur cette même scène. Ce qui n’empêcha nullement les afcionados de cette première musicale d’en redemander au duo andalou.

Darcy James Argue serait-il lui plus à son aise dans l’ombre de l’écriture que projeté sous les lumières
d »une  scène ? Enoncées dans la chaleur pesante d’une nuit de juillet alavaise très lourde les longues séquences de ses compositions s’enchainaient sans véritable respiration. Musique très dense, complexe, parfois cadenassée même dans son affichage. De quoi, côté public, laisser évoluer le big band pratiquement en apnée. A ce titre la part dévolue aux solistes reste ténue, formule apte à freiner le mouvement, raréfier les moments d’explosion libératoires sur lesquels se joue l’empathie avec le public Le big band américain parie sur beaucoup d’écriture donc peu d’espaces laissés à l’improvisation individuelle autant que collective. De quoi exclure lesnécessaires  respirations.

 

Robert Latxague