Jazz live
Publié le 29 Mai 2014

Jazz en Comminges. Le Jazz et la Pavane / Virginie Teychené

Soirée tout en contrastes pour l’ouverture de cette 10ème édition de Jazz en Comminges. Laquelle réservera, à n’en pas douter, son lot d’heureuses surprises. A l’instar de ses devancières. Ici, en effet, pas d’esbroufe ni de démagogie. Pas de recherche du sensationnel à tout-prix. Une programmation largement ouverte mais obéissant à un seul critère, la qualité. La recette a du bon, à en juger par la copieuse assistance qui, en dépit de conditions atmosphériques peu propices, garnissait la salle du  Parc des Expositions.

 


Le Jazz et la Pavane

Les Sacqueboutiers

Jean-Pierre Canilhac (cent), Daniel Lassalle (sacqueboute), Florent Tisseyre (perc), Yasuko Uyama- Bouvard (org, clavecin)

Les Jazzzmen

Philippe Léogé (p), Claude Egéa (tp), Denis Leloup (tb), Jean-Pierre Barreda (b), Frédéric Petitrez (dm).

 

Virginie Teychené Quartet

Virginie Teychené (voc), Stéphane Bernard (p), Gérard Maurin (b), Jean-Pierre Arnaud (dm).

Saint-Gaudens, Parc des Expositions, 28 mai.

 

Contraste, donc, et d’abord la présence, sur une même scène, d’un tentette composé pour moitié de musiciens dédiés à la musique du XVIIème siècle, et pour l’autre de jazzmen. Le Jazz et la Pavane (titre clin d’œil à Claude Nougaro dont l’ombre tutélaire continue de planer sur Toulouse et sa région), réunit les Sacquebouters, ensemble de cuivres anciens créé en 1976, et une manière de All-Stars de jazz, que l’on pourrait, grosso modo, ranger dans le lignée du bop, et pas seulement parce que Claude Egéa, que je considère pour ma part comme le meilleur disciple de Dizzy Gillespie, avec Jon Faddis, a adopté la trompette coudée de son modèle.

 

Rencontre  insolite, par-delà les siècles. Originale en ceci qu’elle évite le poncif habituel du cross over consistant à « jazzifier » la musique classique, ou vice versa, pour proposer une démarche parfaitement originale : la confrontation, sous le signe de l’improvisation, entre deux approches dont chacune conserve sa spécificité. Un mariage dont les conjoints alimenteraient à part égale la corbeille, les arrangements de Philippe Léogé assurant le liant nécessaire à l’entreprise.

 

Ainsi se mesurent, se confrontent ou conversent de la façon la plus courtoise, sur un matériau emprunté à la musique de la Renaissance italienne et espagnole, des ensembles ou des couples improbables, sacqueboute et trombone, cornet à bouquin et trompette, piano et clavecin, ou encore orgue positif et contrebasse, percussion et batterie. Des joutes sans enjeu sinon celui de montrer que des univers aussi étrangers en apparence se rejoignent parfois dans la forme (outre l’éminente fonction de l’improvisation, l’usage de l’ostinato de basse, de la syncope, du contrepoint).

 

La différence réside à l’évidence dans le swing, indéfinissable mais bien tangible. En quoi cette première partie vaudrait d’être montrée dans toutes les écoles de musique  pour son intérêt pédagogique. En ce domaine, outre Egéa, tranchant dans chacune de ses interventions, qu’il joue ouvert ou bouché, Denis Leloup fait preuve d’une éblouissante maîtrise technique, troquant un moment son trombone pour la sacqueboute pour une improvisation et démontrant que le jazz peut faire flèche de tout cuivre. Quant à Léogé, il prend  sur El Fuego, fresque musicale issue d’une ensalada de la Renaissance espagnole dont le thème est l’affrontement du Bien et du Mal, un solo à l’architecture parfaite et d’une remarquable intensité.

 

Le premier moment de surprise passé, difficile ce ne pas se laisser prendre par les alliances ou les confrontations de timbres. Par l’émulation, aussi, qui pimente cette expérience et lui donne tout son sel..

 

La dernière fois que j’avais entendu Virginie Teychené, c’était en août dernier. Elle avait porté jusqu’à l’incandescence le chapiteau archi comble de Marciac.  Sa prestation de ce soir le confirme, si besoin en était : Virginie est la meilleure des choses qui soient advenues au jazz vocal ces dernières années.

 

Comme J’aimerais pouvoir déceler dans son concert de
ce soir une faille, même minime ! Peine perdue. A l’inverse, force est de constater que sa force de conviction s’est encore accrue. Sa tessiture s’est élargie – à moins qu’elle n’en use de façon encore plus pertinente, ce qui se traduit singulièrement dans les graves. Son rayonnement sur scène repose sur une parfaite maîtrise de la gestuelle, signe qu’elle domine son sujet au point d’avoir acquis une incontestable assurance.

 

 Ainsi capte-t-elle d’entrée le public en douceur, sans recourir aux effets faciles, scat ravageur ou swing torride – encore qu’elle sache user de l’un et de l’autre, la suite le prouvera. Ses dialogues avec les musiciens adoptent volontiers le ton de la confidence. Tour à tour, lui donnent la réplique Gérard Maurin, plaque tournante et tour de contrôle du quartette, bassiste au tempo immuable, Stéphane Bernard, improvisateur au lyrisme de bon aloi, Jean-Pierre Arnaud, attentif, inventif. Le répertoire, emprunté pour l’essentiel au recueil « Bright And Sweet », mais pas seulement, (Bless My Soul, Shiny Stockings,Pra Qui Discutir Com Madame et autres Rat Race ou I Ain’t Got Nothing But The Blues), confirme une certitude : nulle chanteuse, à l’heure actuelle, chez nous ou ailleurs, ne se meut avec une telle aisance dans les vocalesi. Aucune ne swingue avec un tel  naturel, aussi bien en anglais qu’en français ou portugais.  Aucune ne possède ce charme qui  s’impose comme une évidence, sans le renfort d’un quelconque artifice. De quoi inciter le commentateur à casser sa plume et à goûter, tout simplement, un plaisir partagé par un public sous le charme.

 

Ce soir, Terri Lyne Carrigton en quartette et Chucho Valdès avec les Afro Cuban Messengers. Encore des contrastes

 

Jacques Aboucaya

|

Soirée tout en contrastes pour l’ouverture de cette 10ème édition de Jazz en Comminges. Laquelle réservera, à n’en pas douter, son lot d’heureuses surprises. A l’instar de ses devancières. Ici, en effet, pas d’esbroufe ni de démagogie. Pas de recherche du sensationnel à tout-prix. Une programmation largement ouverte mais obéissant à un seul critère, la qualité. La recette a du bon, à en juger par la copieuse assistance qui, en dépit de conditions atmosphériques peu propices, garnissait la salle du  Parc des Expositions.

 


Le Jazz et la Pavane

Les Sacqueboutiers

Jean-Pierre Canilhac (cent), Daniel Lassalle (sacqueboute), Florent Tisseyre (perc), Yasuko Uyama- Bouvard (org, clavecin)

Les Jazzzmen

Philippe Léogé (p), Claude Egéa (tp), Denis Leloup (tb), Jean-Pierre Barreda (b), Frédéric Petitrez (dm).

 

Virginie Teychené Quartet

Virginie Teychené (voc), Stéphane Bernard (p), Gérard Maurin (b), Jean-Pierre Arnaud (dm).

Saint-Gaudens, Parc des Expositions, 28 mai.

 

Contraste, donc, et d’abord la présence, sur une même scène, d’un tentette composé pour moitié de musiciens dédiés à la musique du XVIIème siècle, et pour l’autre de jazzmen. Le Jazz et la Pavane (titre clin d’œil à Claude Nougaro dont l’ombre tutélaire continue de planer sur Toulouse et sa région), réunit les Sacquebouters, ensemble de cuivres anciens créé en 1976, et une manière de All-Stars de jazz, que l’on pourrait, grosso modo, ranger dans le lignée du bop, et pas seulement parce que Claude Egéa, que je considère pour ma part comme le meilleur disciple de Dizzy Gillespie, avec Jon Faddis, a adopté la trompette coudée de son modèle.

 

Rencontre  insolite, par-delà les siècles. Originale en ceci qu’elle évite le poncif habituel du cross over consistant à « jazzifier » la musique classique, ou vice versa, pour proposer une démarche parfaitement originale : la confrontation, sous le signe de l’improvisation, entre deux approches dont chacune conserve sa spécificité. Un mariage dont les conjoints alimenteraient à part égale la corbeille, les arrangements de Philippe Léogé assurant le liant nécessaire à l’entreprise.

 

Ainsi se mesurent, se confrontent ou conversent de la façon la plus courtoise, sur un matériau emprunté à la musique de la Renaissance italienne et espagnole, des ensembles ou des couples improbables, sacqueboute et trombone, cornet à bouquin et trompette, piano et clavecin, ou encore orgue positif et contrebasse, percussion et batterie. Des joutes sans enjeu sinon celui de montrer que des univers aussi étrangers en apparence se rejoignent parfois dans la forme (outre l’éminente fonction de l’improvisation, l’usage de l’ostinato de basse, de la syncope, du contrepoint).

 

La différence réside à l’évidence dans le swing, indéfinissable mais bien tangible. En quoi cette première partie vaudrait d’être montrée dans toutes les écoles de musique  pour son intérêt pédagogique. En ce domaine, outre Egéa, tranchant dans chacune de ses interventions, qu’il joue ouvert ou bouché, Denis Leloup fait preuve d’une éblouissante maîtrise technique, troquant un moment son trombone pour la sacqueboute pour une improvisation et démontrant que le jazz peut faire flèche de tout cuivre. Quant à Léogé, il prend  sur El Fuego, fresque musicale issue d’une ensalada de la Renaissance espagnole dont le thème est l’affrontement du Bien et du Mal, un solo à l’architecture parfaite et d’une remarquable intensité.

 

Le premier moment de surprise passé, difficile ce ne pas se laisser prendre par les alliances ou les confrontations de timbres. Par l’émulation, aussi, qui pimente cette expérience et lui donne tout son sel..

 

La dernière fois que j’avais entendu Virginie Teychené, c’était en août dernier. Elle avait porté jusqu’à l’incandescence le chapiteau archi comble de Marciac.  Sa prestation de ce soir le confirme, si besoin en était : Virginie est la meilleure des choses qui soient advenues au jazz vocal ces dernières années.

 

Comme J’aimerais pouvoir déceler dans son concert de
ce soir une faille, même minime ! Peine perdue. A l’inverse, force est de constater que sa force de conviction s’est encore accrue. Sa tessiture s’est élargie – à moins qu’elle n’en use de façon encore plus pertinente, ce qui se traduit singulièrement dans les graves. Son rayonnement sur scène repose sur une parfaite maîtrise de la gestuelle, signe qu’elle domine son sujet au point d’avoir acquis une incontestable assurance.

 

 Ainsi capte-t-elle d’entrée le public en douceur, sans recourir aux effets faciles, scat ravageur ou swing torride – encore qu’elle sache user de l’un et de l’autre, la suite le prouvera. Ses dialogues avec les musiciens adoptent volontiers le ton de la confidence. Tour à tour, lui donnent la réplique Gérard Maurin, plaque tournante et tour de contrôle du quartette, bassiste au tempo immuable, Stéphane Bernard, improvisateur au lyrisme de bon aloi, Jean-Pierre Arnaud, attentif, inventif. Le répertoire, emprunté pour l’essentiel au recueil « Bright And Sweet », mais pas seulement, (Bless My Soul, Shiny Stockings,Pra Qui Discutir Com Madame et autres Rat Race ou I Ain’t Got Nothing But The Blues), confirme une certitude : nulle chanteuse, à l’heure actuelle, chez nous ou ailleurs, ne se meut avec une telle aisance dans les vocalesi. Aucune ne swingue avec un tel  naturel, aussi bien en anglais qu’en français ou portugais.  Aucune ne possède ce charme qui  s’impose comme une évidence, sans le renfort d’un quelconque artifice. De quoi inciter le commentateur à casser sa plume et à goûter, tout simplement, un plaisir partagé par un public sous le charme.

 

Ce soir, Terri Lyne Carrigton en quartette et Chucho Valdès avec les Afro Cuban Messengers. Encore des contrastes

 

Jacques Aboucaya

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Soirée tout en contrastes pour l’ouverture de cette 10ème édition de Jazz en Comminges. Laquelle réservera, à n’en pas douter, son lot d’heureuses surprises. A l’instar de ses devancières. Ici, en effet, pas d’esbroufe ni de démagogie. Pas de recherche du sensationnel à tout-prix. Une programmation largement ouverte mais obéissant à un seul critère, la qualité. La recette a du bon, à en juger par la copieuse assistance qui, en dépit de conditions atmosphériques peu propices, garnissait la salle du  Parc des Expositions.

 


Le Jazz et la Pavane

Les Sacqueboutiers

Jean-Pierre Canilhac (cent), Daniel Lassalle (sacqueboute), Florent Tisseyre (perc), Yasuko Uyama- Bouvard (org, clavecin)

Les Jazzzmen

Philippe Léogé (p), Claude Egéa (tp), Denis Leloup (tb), Jean-Pierre Barreda (b), Frédéric Petitrez (dm).

 

Virginie Teychené Quartet

Virginie Teychené (voc), Stéphane Bernard (p), Gérard Maurin (b), Jean-Pierre Arnaud (dm).

Saint-Gaudens, Parc des Expositions, 28 mai.

 

Contraste, donc, et d’abord la présence, sur une même scène, d’un tentette composé pour moitié de musiciens dédiés à la musique du XVIIème siècle, et pour l’autre de jazzmen. Le Jazz et la Pavane (titre clin d’œil à Claude Nougaro dont l’ombre tutélaire continue de planer sur Toulouse et sa région), réunit les Sacquebouters, ensemble de cuivres anciens créé en 1976, et une manière de All-Stars de jazz, que l’on pourrait, grosso modo, ranger dans le lignée du bop, et pas seulement parce que Claude Egéa, que je considère pour ma part comme le meilleur disciple de Dizzy Gillespie, avec Jon Faddis, a adopté la trompette coudée de son modèle.

 

Rencontre  insolite, par-delà les siècles. Originale en ceci qu’elle évite le poncif habituel du cross over consistant à « jazzifier » la musique classique, ou vice versa, pour proposer une démarche parfaitement originale : la confrontation, sous le signe de l’improvisation, entre deux approches dont chacune conserve sa spécificité. Un mariage dont les conjoints alimenteraient à part égale la corbeille, les arrangements de Philippe Léogé assurant le liant nécessaire à l’entreprise.

 

Ainsi se mesurent, se confrontent ou conversent de la façon la plus courtoise, sur un matériau emprunté à la musique de la Renaissance italienne et espagnole, des ensembles ou des couples improbables, sacqueboute et trombone, cornet à bouquin et trompette, piano et clavecin, ou encore orgue positif et contrebasse, percussion et batterie. Des joutes sans enjeu sinon celui de montrer que des univers aussi étrangers en apparence se rejoignent parfois dans la forme (outre l’éminente fonction de l’improvisation, l’usage de l’ostinato de basse, de la syncope, du contrepoint).

 

La différence réside à l’évidence dans le swing, indéfinissable mais bien tangible. En quoi cette première partie vaudrait d’être montrée dans toutes les écoles de musique  pour son intérêt pédagogique. En ce domaine, outre Egéa, tranchant dans chacune de ses interventions, qu’il joue ouvert ou bouché, Denis Leloup fait preuve d’une éblouissante maîtrise technique, troquant un moment son trombone pour la sacqueboute pour une improvisation et démontrant que le jazz peut faire flèche de tout cuivre. Quant à Léogé, il prend  sur El Fuego, fresque musicale issue d’une ensalada de la Renaissance espagnole dont le thème est l’affrontement du Bien et du Mal, un solo à l’architecture parfaite et d’une remarquable intensité.

 

Le premier moment de surprise passé, difficile ce ne pas se laisser prendre par les alliances ou les confrontations de timbres. Par l’émulation, aussi, qui pimente cette expérience et lui donne tout son sel..

 

La dernière fois que j’avais entendu Virginie Teychené, c’était en août dernier. Elle avait porté jusqu’à l’incandescence le chapiteau archi comble de Marciac.  Sa prestation de ce soir le confirme, si besoin en était : Virginie est la meilleure des choses qui soient advenues au jazz vocal ces dernières années.

 

Comme J’aimerais pouvoir déceler dans son concert de
ce soir une faille, même minime ! Peine perdue. A l’inverse, force est de constater que sa force de conviction s’est encore accrue. Sa tessiture s’est élargie – à moins qu’elle n’en use de façon encore plus pertinente, ce qui se traduit singulièrement dans les graves. Son rayonnement sur scène repose sur une parfaite maîtrise de la gestuelle, signe qu’elle domine son sujet au point d’avoir acquis une incontestable assurance.

 

 Ainsi capte-t-elle d’entrée le public en douceur, sans recourir aux effets faciles, scat ravageur ou swing torride – encore qu’elle sache user de l’un et de l’autre, la suite le prouvera. Ses dialogues avec les musiciens adoptent volontiers le ton de la confidence. Tour à tour, lui donnent la réplique Gérard Maurin, plaque tournante et tour de contrôle du quartette, bassiste au tempo immuable, Stéphane Bernard, improvisateur au lyrisme de bon aloi, Jean-Pierre Arnaud, attentif, inventif. Le répertoire, emprunté pour l’essentiel au recueil « Bright And Sweet », mais pas seulement, (Bless My Soul, Shiny Stockings,Pra Qui Discutir Com Madame et autres Rat Race ou I Ain’t Got Nothing But The Blues), confirme une certitude : nulle chanteuse, à l’heure actuelle, chez nous ou ailleurs, ne se meut avec une telle aisance dans les vocalesi. Aucune ne swingue avec un tel  naturel, aussi bien en anglais qu’en français ou portugais.  Aucune ne possède ce charme qui  s’impose comme une évidence, sans le renfort d’un quelconque artifice. De quoi inciter le commentateur à casser sa plume et à goûter, tout simplement, un plaisir partagé par un public sous le charme.

 

Ce soir, Terri Lyne Carrigton en quartette et Chucho Valdès avec les Afro Cuban Messengers. Encore des contrastes

 

Jacques Aboucaya

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Soirée tout en contrastes pour l’ouverture de cette 10ème édition de Jazz en Comminges. Laquelle réservera, à n’en pas douter, son lot d’heureuses surprises. A l’instar de ses devancières. Ici, en effet, pas d’esbroufe ni de démagogie. Pas de recherche du sensationnel à tout-prix. Une programmation largement ouverte mais obéissant à un seul critère, la qualité. La recette a du bon, à en juger par la copieuse assistance qui, en dépit de conditions atmosphériques peu propices, garnissait la salle du  Parc des Expositions.

 


Le Jazz et la Pavane

Les Sacqueboutiers

Jean-Pierre Canilhac (cent), Daniel Lassalle (sacqueboute), Florent Tisseyre (perc), Yasuko Uyama- Bouvard (org, clavecin)

Les Jazzzmen

Philippe Léogé (p), Claude Egéa (tp), Denis Leloup (tb), Jean-Pierre Barreda (b), Frédéric Petitrez (dm).

 

Virginie Teychené Quartet

Virginie Teychené (voc), Stéphane Bernard (p), Gérard Maurin (b), Jean-Pierre Arnaud (dm).

Saint-Gaudens, Parc des Expositions, 28 mai.

 

Contraste, donc, et d’abord la présence, sur une même scène, d’un tentette composé pour moitié de musiciens dédiés à la musique du XVIIème siècle, et pour l’autre de jazzmen. Le Jazz et la Pavane (titre clin d’œil à Claude Nougaro dont l’ombre tutélaire continue de planer sur Toulouse et sa région), réunit les Sacquebouters, ensemble de cuivres anciens créé en 1976, et une manière de All-Stars de jazz, que l’on pourrait, grosso modo, ranger dans le lignée du bop, et pas seulement parce que Claude Egéa, que je considère pour ma part comme le meilleur disciple de Dizzy Gillespie, avec Jon Faddis, a adopté la trompette coudée de son modèle.

 

Rencontre  insolite, par-delà les siècles. Originale en ceci qu’elle évite le poncif habituel du cross over consistant à « jazzifier » la musique classique, ou vice versa, pour proposer une démarche parfaitement originale : la confrontation, sous le signe de l’improvisation, entre deux approches dont chacune conserve sa spécificité. Un mariage dont les conjoints alimenteraient à part égale la corbeille, les arrangements de Philippe Léogé assurant le liant nécessaire à l’entreprise.

 

Ainsi se mesurent, se confrontent ou conversent de la façon la plus courtoise, sur un matériau emprunté à la musique de la Renaissance italienne et espagnole, des ensembles ou des couples improbables, sacqueboute et trombone, cornet à bouquin et trompette, piano et clavecin, ou encore orgue positif et contrebasse, percussion et batterie. Des joutes sans enjeu sinon celui de montrer que des univers aussi étrangers en apparence se rejoignent parfois dans la forme (outre l’éminente fonction de l’improvisation, l’usage de l’ostinato de basse, de la syncope, du contrepoint).

 

La différence réside à l’évidence dans le swing, indéfinissable mais bien tangible. En quoi cette première partie vaudrait d’être montrée dans toutes les écoles de musique  pour son intérêt pédagogique. En ce domaine, outre Egéa, tranchant dans chacune de ses interventions, qu’il joue ouvert ou bouché, Denis Leloup fait preuve d’une éblouissante maîtrise technique, troquant un moment son trombone pour la sacqueboute pour une improvisation et démontrant que le jazz peut faire flèche de tout cuivre. Quant à Léogé, il prend  sur El Fuego, fresque musicale issue d’une ensalada de la Renaissance espagnole dont le thème est l’affrontement du Bien et du Mal, un solo à l’architecture parfaite et d’une remarquable intensité.

 

Le premier moment de surprise passé, difficile ce ne pas se laisser prendre par les alliances ou les confrontations de timbres. Par l’émulation, aussi, qui pimente cette expérience et lui donne tout son sel..

 

La dernière fois que j’avais entendu Virginie Teychené, c’était en août dernier. Elle avait porté jusqu’à l’incandescence le chapiteau archi comble de Marciac.  Sa prestation de ce soir le confirme, si besoin en était : Virginie est la meilleure des choses qui soient advenues au jazz vocal ces dernières années.

 

Comme J’aimerais pouvoir déceler dans son concert de
ce soir une faille, même minime ! Peine perdue. A l’inverse, force est de constater que sa force de conviction s’est encore accrue. Sa tessiture s’est élargie – à moins qu’elle n’en use de façon encore plus pertinente, ce qui se traduit singulièrement dans les graves. Son rayonnement sur scène repose sur une parfaite maîtrise de la gestuelle, signe qu’elle domine son sujet au point d’avoir acquis une incontestable assurance.

 

 Ainsi capte-t-elle d’entrée le public en douceur, sans recourir aux effets faciles, scat ravageur ou swing torride – encore qu’elle sache user de l’un et de l’autre, la suite le prouvera. Ses dialogues avec les musiciens adoptent volontiers le ton de la confidence. Tour à tour, lui donnent la réplique Gérard Maurin, plaque tournante et tour de contrôle du quartette, bassiste au tempo immuable, Stéphane Bernard, improvisateur au lyrisme de bon aloi, Jean-Pierre Arnaud, attentif, inventif. Le répertoire, emprunté pour l’essentiel au recueil « Bright And Sweet », mais pas seulement, (Bless My Soul, Shiny Stockings,Pra Qui Discutir Com Madame et autres Rat Race ou I Ain’t Got Nothing But The Blues), confirme une certitude : nulle chanteuse, à l’heure actuelle, chez nous ou ailleurs, ne se meut avec une telle aisance dans les vocalesi. Aucune ne swingue avec un tel  naturel, aussi bien en anglais qu’en français ou portugais.  Aucune ne possède ce charme qui  s’impose comme une évidence, sans le renfort d’un quelconque artifice. De quoi inciter le commentateur à casser sa plume et à goûter, tout simplement, un plaisir partagé par un public sous le charme.

 

Ce soir, Terri Lyne Carrigton en quartette et Chucho Valdès avec les Afro Cuban Messengers. Encore des contrastes

 

Jacques Aboucaya